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Jeudi après-midi. Il avait ressorti son plus beau tuxedo pour l’occasion. Chemise blanche, cravate noire. Il détourna son regard de la scène pour consulter brièvement sa montre, tentant d’évaluer où se trouvait actuellement celle qu’il avait envoyé au 45 Beach Street. En se demandant si Wing lui avait bel et bien remis le paquet soigneusement emballé d’indigo et rehaussé d’un ruban doré. Paquet dans lequel elle trouverait une élégante robe de soirée longue à découpe de couleur noire, signée Missoni, accompagné d’un collier en argent de Tiffany & Co et de talons qu’il espérait de taille appropriée. À sa défense, il avait l’œil, pour ce genre de chose. Et un peu de pratique.

Par-dessus tout ça, une note manuscrite, lui enjoignant de venir la rejoindre à… la salle de conférence du Holiday Inn Express, au centre-ville.

Il avait beaucoup – trop- repensé à sa première rencontre avec la jeune Faulkner. Se repassant en mémoire leur bref échange. Persuadé qu’elle constituait la clé de quelque chose d’important. Incertain de quelle porte elle ouvrirait, précisément. Toujours hanté par le doute qu’elle le conduise en fait directement entre les mains de ceux qui voulaient en finir avec lui.

Durant deux jours, il avait esquissé de multiples scénarios concernant leur rencontre d’aujourd’hui. Dans l’espoir de trouver le meilleur angle pour l’utiliser, et pour tenter de découvrir de quelle façon les Faulkners se retrouvaient liés à son destin. Au fil du temps, cependant, il prit conscience que son esprit se retrouvait constamment happé par la perspective de ce jeudi après-midi. Même lorsque son idée fut faite.

Relativement isolé debout au fond de la salle, appuyé contre le mur, le pied droit pointé croisé devant sa jambe gauche, il regardait la prochaine compétitrice du concours de beauté ‘Little Miss Boston : South End’ s’avancer sur scène. La gamine de dix ans débuta sa routine de gymnastique sur une chanson rythmée d’Arianna Grande. Elle s’exécuta devant les yeux des cinq juges attablés devant la scène, d’une trentaine d’autres compétitrices âgées entre 9 et 12 ans, et d’une bonne centaine de parents habillés de t-shirts et de sweat pants, fiers comme des paons de leur progéniture.

Farfelu, comme lieu de rendez-vous ?

Assurément.

Il se spécialisait dans les balles courbes, après tout.

Il applaudit de bonne grâce la fin du numéro, le regard constamment attiré vers la porte principale. Bien impatient de voir celle qu’il attendait faire son apparition. Si jamais elle décidait de se présenter.

À ce stade, il ne lui restait plus qu’à prier à sa bonne étoile.

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Si notre première rencontre avait plus que marquante pour moi, je n’étais pas bien certaine que toutes les choses promises allaient être tenues. Mais je vivais constamment dans le doute, alors que j’en ajoute ou non, ça ne changerait rien à mon quotidien. J’arrivais à destination et je réclamais Bill, comme tu me l’avais expliqué. À défaut de te voir arriver, la personne me confiait un très joli paquet. Je le remerciais et lui offrait mon plus beau sourire, avant de rejoindre ma voiture. Une fois enfermée à l’intérieur de cette dernière, je nourrissais ma curiosité. J’attrapais la petite carte, la lisais, avant de soigneusement la poser sur mon tableau de bord. J’entrouvrais la boite, repoussais délicatement le papier de soie, pour y découvrir un ensemble complet beaucoup trop précieux pour une personne comme moi. J’osais à peine y toucher tant, je me sentais illégitime d’avoir entre mes doigts une robe aussi somptueuse. Je soupirais doucement, refermant la boite. Est-ce que Bill avait réellement compris mes conditions ? Et comment pouvait-il croire que je pouvais un tant soit peu mettre en valeur une si jolie robe ? Je croisais les bras sur mon volant, avant d’avoir soigneusement refermé et posé le paquet à mes côtés et je reposais ma tête contre eux. Allait-il faire de moi une sorte d’Escort personnelle ? Je restais ainsi quelques minutes, avant de prendre mon courage à deux mains pour rentrer chez moi et me préparer.
J’en venais à trembler dès lors que je refermais l’attache du collier autour de mon cou. Je regardais mon reflet avec insistance, me trouvant plutôt jolie ainsi habillée. J’avais ondulé mes cheveux, et j’avais unifié mon teint, avant d’appliquer avec parcimonie des touches de maquillage pour rehausser mes traits avec douceur. J’osais une petite extravagance, en marquant mes lèvres d’un beau rouge bordeaux.
J’arrivais à l’adresse indiquée et j’avais enfilé mon manteau le plus classe pour palier au froid, d’un noir intense. À l’entrée, je déposais mon manteau en consigne et je suivais les indications de la salle de conférence. Poussant les portes battantes, je restais un instant à fixer la scène, bien surprise de me retrouver ici, devant une gamine qui enchaînait des pirouettes sur scène. Qu’est-ce que je foutais là ? Pourtant, tes traits, ta carrure et ton charisme m’avaient marqué, alors quand la surprise était passée, je te cherchais. Il ne me fallait que quelques secondes pour être attiré par ton regard, visiblement déjà occupé à m’observer. Je m’approchais dans une démarche assurée, sans détourner une seule fois le regard de tes billes azurées. — Billy. Je me contentais d’un bref mouvement de tête comme salutation, ornée de mon plus beau sourire. Puis je me penchais en avant proche de son oreille ajoutant en chuchotant : — Je ne fais pas non plus dans le kidnapping d’enfant.

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Et la lumière fut.

Il sentit son cœur s’accélérer. Non seulement elle se présentait au rendez-vous, mais elle acceptait de jouer le jeu et de revêtir ce qu’il avait sélectionné pour elle. Ce n’était pas quelque chose de nouveau pour lui, puisqu’il avait longuement tourmenté Angèle de façon similaire, poussant même l’audace jusqu’à inclure des sous-vêtements dans ses propositions implicites. Mais il avait oublié à quel point tout cela lui procurait un profond sentiment de puissance…

Il l’observa avec attention alors qu’elle venait le rejoindre, volontairement actrice d’un scénario dont elle ne connaissait pas le script. Il se permit un bref sourire, alors qu’il se demandait, le plus naïvement du monde, ce qui se serait passé s’il lui avait plutôt donné rendez-vous dans une suite du Fairmont ?  

«Mazie,» lui retourna-t-il la salutation.

Personne ne l’avait jamais appelé Billy. Lui qui croyait y être allez fort, il allait devoir redoubler d’efforts pour réussir à le décontenancer, semblerait-il.

«Jolie robe.»

Ce n’était qu’un bout de tissu, aussi raffiné soit-il. Le véritable miracle se trouvait bien entendu sous ladite robe. Il semblait avoir vu juste, cela dit : le vêtement et le bijou lui seyait à merveille.

La confidence de Maze ne manqua pas de l’amuser. Audacieuse, vive d’esprit… qu’elles autres surprises lui réservait-elle encore ?

«Oh… Voilà qui complique les choses… Heureusement que l’on peut s’en procurer sur Wayfair…»

Il faisait référence à la populaire théorie du complot de QAnon de l’été 2020, selon laquelle certaines armoires se vendait à des prix exorbitants sur le site d’ameublement et de décoration parce qu’elles contenaient des enfants enlevés. Par et pour les démocrates et les acteurs d’Hollywood.

«Pas de proxénétisme, de récolte d’organe, d’enlèvement d’enfants… Je note. Il y d’autre chose du genre que je devrais savoir, avant que nous allions plus loin dans nos relations d’affaire ?», demanda-t-il en croisant les bras sans se départir de son air amusé.

«Je suis content que tu sois là. Comment vas-tu ? Rien de fâcheux ne t’es arrivé dernièrement, j’espère ?» mentionna-t-il avant d’applaudir respectueuse, tandis qu’on annonçait la prochaine candidate à monter sur scène dans une jolie robe de bal qui lui évoquait vaguement l’une ou l’autre des princesses de Disney.

«Est-ce que j’interprète correctement en pensant que ta présence ici signifie que tu as longuement réfléchis à ma proposition ces derniers jours, que tu as choisi de l’accepter, et que tu as trouvé un moyen de me rémunérer adéquatement pour mes services ?»

Il retrouvait son sérieux, maintenant qu’était venu le temps de négocier.

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Perdue. Mes yeux parcouraient la salle. J’étais dans l’incompréhension au vu du spectacle qui se déroulait sous mes yeux. Quelle mouche t’avait piqué pour me faire venir à une compétition de microscopiques gymnastes en herbe ? Perdue, mais pas vaincue, je te cherchais du regard. T’étais là, habillé élégamment, dans une posture presque insolente, à me regarder sans t’en cacher. Si une part de moi redoutait d’avoir répondu présente ce soir, l’autre était tout excitée à l’idée de se faire happer par l’inconnu. Mon palpitant s’accélérait à mesure que je m’approchais de toi, captivée par ton regard. Emportée par les vagues du bleu océan de tes yeux, je pourrais facilement dériver. — Je dois avouer que vous avez très bon goût. Bien que je n’aie aucune connaissance de l’utilité que je pourrais avoir pour un homme de ta trempe, j’étais présente. Et ce, malgré les multitudes de questions qui m’avaient traversé l’esprit. Je riais de bon cœur, appréciant la touche d’humour noir et sans m’en offusquer, je souriais. — Rien d’autre qui me traverse l’esprit pour le moment, mais vous pouvez compter sur ma franchise pour vous en faire part lors de notre prochain rendez-vous. Avec du recul, j’avais le sentiment que nous serions amené à nous revoir, au vu des moyens déployés pour me faire parvenir des messages. Je pensais au biscuit de fortune, mais également à la tenue proposée pour ce jour. À me tenir droite comme un piquet, dos à la scène, je profitais de ta question pour venir me placer à tes côtés et imiter ta position. Est-ce qu’habillée ainsi et me tenant fièrement, je pouvais moi aussi subjuguer par ma prestance ? — Tout va bien dans le meilleur des mondes, et vous ? Je tapais à peine dans mes mains, déjà lassée d’entendre les parents et leurs mioches venir casser notre tranquille mais intéressante conversation. — Si vous êtes si bien renseigné, vous savez que je n’ai pas d’argent à vous donner. Et pour cause, j’avais perdu huit kilos en deux mois, à cause d’une malnutrition, faute de moyen. Je penchais doucement la tête sur le côté, pour me rapprocher de toi, tout en fixant la scène face à moi. — Alors si ce n’est pas de l’argent que vous désirez, je suis votre femme.

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«Content de te l’entendre dire. Je te l’avais dit que je pouvais faire en sorte que rien de fâcheux ne t’arrive. »

Il évita de ce fait de répondre à la question qu’elle lui retournait en échange, tout en se lançant des fleurs qu’il savait ne pas avoir mérité. Avec tout le temps consacré à la mise en scène de cette deuxième rencontre – et de ce qui en découlerait – il avait manqué de temps pour investiguer pourquoi la bande de son associé du monde du crime s’intéressait aux Faulkners. Et alors qu’il espérait parvenir à tirer quelques vers du nez cléopatresque de Maze, son instinct lui soufflait que la partie n’était absolument pas gagnée d’avance.

Il reporta son attention vers la jeune femme lorsqu’elle lui annonça ne pas avoir les billets verts pour s’assurer de ses services, mais qu’elle était ouverte à d’autres… arrangements ? Son chromosome Y s’emballa à cette perspective, bien naturellement, mais William refroidit rapidement sa biologie primale.

«Une proposition plutôt audacieuse, à notre époque. Heureusement pour toi que je sois un pur gentleman, sinon… »

Pour être honnête, sa déconvenue récente avec Joyce encore fraîchement en mémoire lui permit de garder les deux pieds bien ancrés sur terre. Et depuis l’incident qui lui avait douloureusement rappelé que toutes les femmes ne sacrifiaient pas secrètement des brebis dans l’espoir magique de pouvoir vivre heureuse et comblée jusqu’à la fin des temps en sa compagnie, il se méfiait davantage des réelles intentions se cachant derrière ce qu’il croyait être des tentatives de flirt.

La princesse sur la scène souffla des paillettes sur le premier rang à l’aide d’un mystérieux artifice, provoquant le bonheur des plus jeunes spectateurs.

Il se tourna vers sa somptueuse invitée.

«C’est fâcheux, par contre… Tu es une très intrigante jeune femme, Mazie, je ne te mentirai pas. Mais le camp d’en face, lui, il est prêt à payer ‘cash’ pour tes informations te concernant, toi ou ta famille. Et malheureusement, je suis un homme d’affaire avant d’être un gentleman… »

Il reporta son attention vers la scène, question de lui laisser un moment pour assimiler la menace discrète qu’il venait d’évoquer. Il exagérait un peu, mais il ne doutait pas de pouvoir monnayer le peu qu’il avait appris sur eux. Il lui faudrait certes identifier le meilleur acheteur, mais entre les employés de son associé ou le mystérieux client à qui ce dernier souhaitait revendre le tout, William était persuadé qu’il y avait une coquette somme à se faire. Maze n’était pas spécialement difficile à trouver pour un agent fédéral, mais pour les membres d’un gang… Boston était une grande ville. De bouche à oreille, ils finiraient probablement par réussir à mettre la main dessus. Ça, où le gain espéré deviendrait suffisamment grand pour qu’ils tentent de graisser la patte d’un fonctionnaire des immatriculations, ou encore un policier, pour réussir à avoir accès à son adresse légale.

Ce qu’il espérait de cette affaire cependant, contrairement à ce qu’il affirmait, ce n’était pas de s’enrichir, mais d’assurer sa propre sécurité.

Il poursuivit.

«L’argent a réussi là où l’esperanto a échoué. Il unit tout, et tout le monde. C’est l’unité de mesure universelle qui permet de tout comparer.  »

À nouveau, il replongea son regard vers elle, espérant le fixer dans le sien, tandis que le numéro se terminait dans un crescendo de balais approximatif, mais rempli de bonnes intentions et dont l’effort suffit à soutirer les applaudissements de l’audience.

«Alors, dis-moi, combien crois-tu que vaillent les désirs que tu peux combler, Maze Faulkner ? Combien vaux-tu ? »

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Je plissais doucement le regard, sans jamais rompre l’échange de regard. — Vous êtes très discret comme garde du corps ou ange gardien. Mais si t’étais réellement un ange, tu ne chercherais pas à obtenir quelque chose de ma part en contrepartie d’une sécurité que je ne cherchais même pas. Mais forcée de constater que tu y savais y faire pour obtenir mon attention, c’était plus la situation en elle-même qui m’animait et m’attirait à poursuivre cette collaboration, que ce besoin de me sentir en sécurité. La vie m’avait prouvé qu’en étant même droit dans ses bottes, une fraction de seconde suffisait à détruire une vie, en ayant des ennemis ou non. Je sentais mon regard s’assombrir dès lors que je repensais à Riley et Leroy, mais très vite, je ravalais mes émotions pour t’offrir mon plus beau sourire, amusée par ta réponse. — Sinon rien, une coucherie sur un arrangement reste une sorte de proxénétisme et je pensais avoir été plutôt clair. Je parlais davantage d’utiliser mes talents à bon escient, pas de vous offrir mon corps en échange de votre sécurité. Je replaçais doucement une mèche derrière mon oreille, avant d’ajouter : — Vous êtes amusant comme personnage. Et j’osais espérer qu’en-dehors des raisons qui t’avaient poussé à te rapprocher de moi, tu appréciais également nos échanges. Cette dynamique et ce répondant, je l’offrais à peu de monde, offrant principalement la délicatesse de mon âme, que la robustesse de cette dernière. Oui, je pleurais parfois, ou je me laissais prendre par les émotions, mais j’étais là, fièrement debout, sans laisser la peur me gagner. Pourtant, c’était ce que tu essayais d’insuffler à mon oreille et tu y arrivais. En t’entendant évoquer mes frères, je sentais mon palpitant s’affoler et je profitais d’un instant d’inattention pour fermer les yeux et tenter de camoufler la colère qui gagnait mes traits. Il n’avait jamais été question que mes frères soient de près ou de loin mêlés à notre deal. Je resserrais doucement mes doigts contre ma robe, plissant le tissu sous l’emprise de mes phalanges blanchis. Je ne faisais même plus semblant de m’intéresser au spectacle qui prenait fin. Les opales glaciales scrutaient les tiennes. — C’est vous l’homme d’affaires, à vous de me le dire. Relâchant le pan de ma robe, je réduisais la distance, et plaquais ma main sur ton épaule pour venir chuchoter à ton oreille. — Je reste votre unique interlocutrice, je vous donne absolument tout ce que vous voulez, si vous me garantissez que rien ne viendrait entacher la vie professionnelle et privée de mes frères et ma mère. Je pointais de ma main libre la scène. — Je préfère encore crevée sous vos coups ou sous l’une de vos balles devant cette ribambelle de mômes, qu’on touche à ma famille, c’est clair ?

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«Je m’identifies comme un grand bout en train, je ne te le cacherai pas »

Ça lui rappelait un passage, un thème, même, évoqué dans une BD culte d’Alan Moore des années 80. Once you realize what a joke everything is, being the Comedian is the only thing that makes sense.

Elle ne le trouva cependant comique qu’un très bref laps de temps, parce que dès qu’il évoqua ses frères, toute l’attitude de Maze se métamorphosa. Venait-il de mettre le doigt sur quelque chose ?

«Dans l’état actuel des choses… »

Il s’interrompit quelques secondes pour l’examiner de bas en haut.

«… je dirais entre huit et neuf mille. Peut-être plus, en fonction de ton ami de cœur du moment. Mais je vois beaucoup de potentiel, et je suis un grand fixer upper. »

Rapidement, elle se rapprocha davantage pour venir lui chuchoter à l’oreille ses conditions. Comme si elle voulait s’assurer qu’il n’y ait aucun malentendu sur celles-ci. Tout en notant que la mère Faulkner venait de faire son apparition dans la conversation.

«Entendu. »

Il se recula ensuite d’un pas, ouvrant les pans de son veston bien grand en pivotant de quelques degrés sur la gauche, puis, sur la droite, afin qu’elle puisse bien voir qu’il ne dissimulait aucune arme sous celui-ci.

« Tu peux respirer, Mazie – aucun enfant ici présent ne subira quelque traumatisme que ce soit. Et bien que je comprenne le sentiment, je n’ai nulle intention de te trouer. Ce serait un immense gâchis. Une si belle robe.  »

Son attitude changea lorsqu’il entendit l’annonce de la prochaine participante à monter sur scène. Il se tourna vers la scène.

« Tu m’excuseras une seconde, c’est pour ce numéro que je suis ici.  »

Une jeune fille noire de 9 ans fit son entrée, habillée en joueuse de baseball, bâton à la main. Elle exécuta une routine originale sous un remix moderner de ‘Take me out to the ball game’ qui se termina alors qu’elle frappa une balle en direction de l’audience. Balle qui se désintégra en une centaine de rubans multicolores. William, qui ne rate pas une seconde de la performance, siffla bruyamment avant d’applaudir tout aussi vivement et de s’exclamer

« GO TASHA! »

Le petit intermède lui ayant permis de remettre de l’ordre dans ses idées, il tourna la tête vers Maze, sans cesser d’applaudir.

« Je vais te demander deux choses, dans ce cas. Premièrement, la vérité. Pourquoi est-ce que quelqu’un s’intéresse à ta famille ? »

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C’était certainement grâce à ta répartie que j’avais su déceler chez toi un potentiel distrayant. J’étais plus amusée par la situation qu’impressionné par les remarques de notre première rencontre. C’était grâce à cela que tu n’avais eu aucun mal à gagner mon attention et ma présence ce jour. Pourtant, à présent, tu commençais seulement à révéler tes cartes, sans me dévoiler ton jeu. De l’argent contre des informations… Proposition alléchante, si tant est que j’avais de quoi nourrir tes attentes. — Oh… Ok, c’est déjà ça. Mais la lueur disparaissait à l’évocation de mes frères, à qui je devais absolument tout. Le brasier s’amenuisait, laissant la fumée assombrir mes iris azurés. En temps normal, je me serais délectée de ce regard que tu laissais glisser sur ma silhouette, m’en serais amusée en jouant de mes atouts, pour rendre l’échange plus léger et parce que j’avais toujours été fasciné par la manière dont les yeux des hommes sur moi, m’élevaient. Poupée marquée par le manque d’attention, par le manque de confiance. C’était à mon tour de t’observer en comprenant ton manège. Mes yeux partaient à la recherche d’un objet, soit contondant, perçant ou une petite arme automatique. Rien. Tu n’avais strictement rien d’autre que ta force et ta persuasion pour me contraindre. — J’sais pas, vous avez l’air d’avoir des délires étranges. Haussant les épaules avec nonchalance, je remarquais ne plus être le centre de ton attention. Boudeuse, je n’applaudissais pas et restais en retrait pour mieux t’observer t’époumoner pour une gamine sur scène. — Oh wow, vous éprouver des choses par ici ? Te disais-je en jetant mon regard vers ton cœur. — Je pensais que c’était le genre d’information que vous déteniez ? Si toutes les pièces du puzzle étaient assemblées, je n’aurais pas besoin de vous. Je fermais les yeux, soupirant un instant. — Mon frère est flic, l’autre a été avocat, comme vous vous en doutez ça peut faire une belle brochette d’ennemie, peut-être même des ennemies communes. Et moi… J’suis moi, voleuse sur les bords, j’ai été dealeuse, j’ai déjà volé de la dope à des concurrents, mais j’suis assez douée pour ne pas me faire repérer, alors rien qui ne vaille d’avoir le sentiment d’avoir en permanence le laser d’un sniper sur le front. Elle était là, la vérité. Nous n’étions pas des personnes de valeurs, juste une famille lambda qui tentait de s’en sortir. Ni plus. Ni moins.

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Une fois le numéro terminé, Bennett ne broncha pas lorsqu’il entendit le commentaire que la jeune femme passait sur son manque de cœur, se contentant de brièvement étirer ses lèvres en un petit sourire en coin. C’était, cela dit, une excellente observation. Il n’avait jamais vraiment été transparent quand venait le temps de laisser savoir aux autres toute l’affection qu’il leur portait. Un homme d’action, plutôt que de paroles. Cependant, avec le constant amenuisement de son cercle social dans les dernières années, force était de constater qu’il parvenait de moins en moins à s’attacher.

À quoi bon, de toute façon, lorsqu’il savait pertinemment que là où il se dirigeait, il finirait forcément par devoir prendre des décisions qui blesseraient ses proches ?

« C’est réciproque. Tu vois, il semblerait que nous détenons chacun la moitié des morceaux… »

Il écouta attentivement lorsque Maze déballa ce qu’il estimait être une révélation superficielle – mais étrangement honnête pour ce qui la concernait directement – des potentiels sources de complications auxquelles sa famille faisait face.

« Tsk tsk tsk…», répondit-il d’abord en hochant la tête de gauche à droite.

« Dealeuse, vraiment ? High risk, low reward… Vos soupers de famille doivent être chaleureux.»

Il reprit ensuite son sérieux.

« Rien qui ne justifie, en effet… mais pourtant… J’ai entendu votre nom de la bouche de gens que la majorité des mortels préfère éviter.»

Il fut interrompu par l’arrivée en grande trombe d’une Tasha tout excitée et encore vêtue de son costume qui se lança contre sa hanche pour lui faire un câlin.

« T’as vu Will comment j’ai cogné la belle loin ? T’as vu ? Je pense que les juges ont aimé ça ?»

« Je ne sais pas si eux ont aimé ça, mais moi, j’ai trouvé ça super, Tash! Tu as été spectaculaire.»

La jeune fille réalisa que William n’était pas seul, et elle se figea quelques secondes.

« Tash, je te présente Maze. Maze, voici Tasha, ma joueuse étoile.»

Avec sa candeur enfantine, le gamine répondit.

« Comme elle est belle… C’est ta nouvelle petite amie ? »

Le commentaire arracha un sourire sincère à William

« Ah ça oui, elle est splendide. Mais non, ce n’est pas ma petite amie.»

Si seulement les choses pouvaient être aussi simple que le monde tel que les enfants le concevait. Trouver quelqu’un de joli, sous toutes les définitions du mot, avec qui partager des milkshakes et des matchs de baseball jusqu’à l’apocalypse, ça ne sonnait pas si mal que ça, comme objectif de vie.

L’idée lui arracha un pincement au cœur – parce qu’il y avait presque goûté, à ce scénario…

Deux fois plutôt qu’une, même…

« Allez, file te préparer, Tash. Ils vont surement bientôt vous rappeler pour la finale.»

Et aussi soudainement qu’elle était apparue, elle s’enfuit à travers la foule vers les ‘coulisses’ improvisées.

William poussa un profond soupir avant de reporter son attention vers Maze.

« Rien d’autre à ajouter ? Parce que tant que je n’aurai pas figuré exactement qui en a après vous, ça va être difficile de t’aider à te débarrasser de cette désagréable impression…»