Mon prénom était soudainement hurlé dans la pièce. Ça me figeait aussitôt. La voix. Le ton. L'ordre. Je n'avais pas le choix. Gamin conditionné à une obéissance. Gosse habitué à se plier à cet homme. Rob venait de crier mon prénom dans cette chambre où il m'avait envoyé. Ce n'était qu'une énième mission pour la Mafia. Cela n'avait rien d'inhabituel. Retrouver un homme dans un bar. Le conduire dans une chambre précise à l'hôtel. Lui laisser croire qu'il pourrait coucher avec moi. Mais, tout renverser rapidement et lancer les menaces. Les événements s'étaient déroulés de cette manière puis tout avait volé en éclat. L'homme s'était montré violent en retour aux mots lancés. J'avais encaissé. Un coup. La joue venait de prendre. Deux coups. Le nez avait fait un drôle de bruit. Trois coups. Je me pliais en deux à cause du coup dans le ventre. Quatre coups. Le visage prenait une nouvelle fois. Cinq coups. Celui-ci avait été évité. Le Diable avait fini par s'éveiller. Le gamin avait cessé de s'écraser. J'avais commencé par rendre les coups un par un. J'avais continué à les donner malgré le boucan que j'entendais derrière moi. Et, sans trop me souvenir comment, mes doigts avaient fini autour du couteau. Ce couteau que j'avais planté dans le corps de la proie. Une fois. Deux fois. Trois fois. Et la voix de Rob m'avait soudainement arrêté avant le quatrième coup. Le couteau tombait au sol. Je restais là au-dessus du corps de l'inconnu. Mort ? Blessé ? Je n'en savais rien. Je m'en fichais. Mon cœur cognait fort dans ma poitrine. Ma respiration haletante m'empêchait d'entendre ce qui se passait autour de moi. Ce fut la prise sur mon bras qui me reconnectait à la réalité. Mon réflexe premier était de me dégager du contact. Pourtant, je ne le faisais pas. Rob me touchait. Il me relevait. Il bougeait mon visage. Il me faisait tourner. Je n'étais qu'une marionnette entre ses doigts. Je me laissais faire. Bien trop confiant. Bien trop soulagé. Rob venait de voir de nouveau ce monstre si bien enfoui dans mon être. Ce monstre qui sortait de plus en plus depuis que j'avais repris une place dans la Mafia. Ce monstre que je peinais à contrôler. Ce monstre que Rob savait si bien gérer. Une capuche était mise sur ma tête et je suivais comme un automate lorsqu'on me tirait vers la sortie de la chambre. L'hôtel était quitté en toute discrétion. Je me retrouvais dans la voiture. Le silence régnait. Mes iris sombres fixaient mes mains couvertes de sang. Le mien. Celui de l'inconnu. Le chef mafieux ne disait rien à mes côtés, mais je savais qu'il était déjà en train de réfléchir. Réfléchi à moi. À ma position. À mon rôle. À mes capacités. À la façon dont il pouvait m'utiliser. La voiture s'arrêtait soudainement et les ordres tombaient. Rentrer chez moi. Me doucher. Me reposer. Reprendre ma vie jusqu'au prochain contact. J'hochais la tête totalement docile. Les lèvres de Rob se déposaient sur mon front. La portière s'ouvrait et je quittais l'habitacle les mains enfoncées dans les poches et la tête baissée. Je ne tardais pas à me retrouver à l'intérieur de la maison. Tout était calme. Tout était silencieux. Mon mari n'était sans doute pas là. Ça m'arrangeait. J'étais couvert de blessures, mais j'étais surtout couvert de sang. Un sang qui n'était en majorité pas le mien. Je montais à l'étage me dirigeant aussitôt dans la salle de bain. Je croisais mon reflet dans le miroir et ça me tirait un sourire amusé sans que je ne sache le contrôler. C'était moi ça. C'était ma nature profonde. Un vrai Diable. Un vrai monstre. Retirant lentement mes vêtements, je m'arrêtais soudainement lorsqu'un bruit résonnait en bas. Je me figeais aussitôt. Le juron m'échappait sans que je ne le contrôle. Mio Amore semblait être là finalement et ça ce n'était pas bon. Pas alors que j'étais dans un tel état. Je me dirigeais vers la porte de la salle de bain sur la pointe des pieds avec l'espoir de pouvoir m'enfermer avant que mon mari ne se retrouve face à celui que j'étais vraiment.

Contre la porte de la salle de bain, je respirais de nouveau en entendant mon mari s’agiter en bas. Il ne montait pas me rejoindre sur le champs. Il ne venait pas en vitesse. C’était presque devenu une habitude au final. Lorsque je rentrais de mission, Mio Amore ne montait plus me voir. Pas tout de suite. Il ne cherchait plus à venir constater aussitôt les dégâts. Il gardait son inquiétude enfermée le temps de quelques minutes. Il laissait le temps s’écouler comme s’il savait que j’en avais besoin. Ce temps était nécessaire pour que le mari qu’il connaissait remonte à la surface. Ce temps était indispensable pour que le mafieux soit mis au placard. Ce temps était nécessaire pour dompter le monstre qui faisait rage à l’intérieur de moi. Ce monstre que j’avais tant de mal à contrôler depuis quelques mois. Ce monstre qui poussait aux conneries et aux excès de rage. Ce monstre qui cognait si fort ce soir. Aussi, comme si j’avais trop peur que mon mari change soudainement d’avis devant la grosse quantité de sang que j’avais dû mettre dans mon sillage, je fermais la porte de la salle de bain prenant même soin de tourner le verrou pour m’enfermer dans mon palais de solitude. Toujours pas de bruit de l’autre côté de la porte. Toujours pas de Mio Amore. Je reculais lentement terminant alors de me déshabiller. Je mettais sagement mes vêtements dans l’évier pour ne pas rajouter plus de sang au sol. Peut-être bien que j’allais devoir brûler ces bouts de tissus d’ailleurs. M’en éloignant, j’allumais l’eau de la douche attendant quelques secondes qu’elle chauffe avant de pouvoir me glisser dessous. Le soupir de soulagement passait la barrière de mes lèvres lorsque ma peau se réchauffait. Le gémissement de douleur m’échappait au contact de l’eau. Mes prunelles sombres se fermaient et je restais juste là. Sous l’eau. Je restais simplement là laisser filer les minutes. Je restais là à calmer mon cœur bien trop fou et ma respiration si haletante. Je restais là à apaiser la tête de ses pensées meurtrières et le corps de ses pulsions violentes. Le sang de l’autre se retirait totalement de mon corps sous mes doigts. Mon sang s’écoulait aussi un peu. Lentement, au fil des minutes, je me calmais. Je sentais la rage redescendre dans ce seuil que je savais contrôler. Je sentais ma colère être balayée. Je sentais mon envie de frapper s’effacer. Mes nerfs étaient toujours à vifs. Je le savais. Ça n’allait pas passer. Ça ne passait pas comme ça. Ça irait mieux demain. Après tout, il n’y avait qu’un seul moyen de réellement calmer mes nerfs et d’effacer ma rage. Il n’y avait qu’une baise bestiale qui pouvait les rayer de mon être et m’entraîner sur le chemin de l’épuisement. Une baise où je me soumettrais face à… Oh f*ck. Le juron m’échappait lorsque le visage de Rob se dessinait dans ma tête. J’ouvrais les yeux m’empressant de couper l’eau et de sortir de la douche. Après m’être brièvement essuyé, j’enroulais une serviette autour de ma taille avant de sortir la trousse de secours et de me diriger vers le miroir pour observer mon reflet. Ce reflet si semblable à d’habitude. Ce reflet si différent de d’habitude. Ma joue était rouge et je risquais d’y avoir un bleu. Mon nez semblait un peu de travers. Ma lèvre était fendue tout comme mon arcade. Et, mes iris continuaient l’exploration pour voir le gros bleu sur mon ventre. Les dégâts étaient violents, mais pas autant que les dégâts de la proie. Proie peut-être morte. Je n’en savais rien. Rob devait me tenir au courant. Mes prunelles se perdaient sur mes poings amochés d’avoir cogné trop fort sur l’autre et je sursautais soudainement aux coups contre la porte. Je n’avais pas fait attention à l’environnement. Je n’avais guère entendu mon amoureux rejoindre l’étage. Sa voix s’élevait derrière la porte. Mon regard accrochait une nouvelle fois mon reflet avant que je ne me décide. Je m’approchais de la porte déverrouillant sagement l’accès. J’ouvrais la porte avant de m’en éloigner sans attendre. L’autorisation pour entrer était là. Silencieuse, mais réelle. Je soufflais un simple « Hey… » en lui lançant un regard avant de me concentrer de nouveau sur mon reflet dans le miroir. J’ouvrais la trousse de secours prêt à m’occuper de mes soins. Je me focalisais sur cette tâche pour ne pas sombrer de nouveau. Gamin qui avait besoin de l’ancrage pour ne pas faire revenir la rage.

Le monstre se calmait après cette douche brûlante qui avait su apaiser les tensions restantes en arrivant à la maison. Le démon retournait se terrer dans les profondeurs. Il restait pourtant bien trop proche de la surface. Il était foutrement capable de sortir n’importe quand. Je le savais. Je le sentais depuis des semaines. Gamin qui avait replongé dans son passé. Gosse qui avait simplement retrouvé son identité. Prunelles sombres rivées sur le miroir, je détaillais la totalité de mes blessures. J’en faisais sagement l’inventaire comme pour me concentrer sur une réalité tangible pour ne pas repartir trop loin. J’attrapais la trousse de secours prêt à apporter les soins nécessaires à mon égard lorsqu’un coup sur la porte me stoppait. Mio Amore était là. Soudainement. Réellement. J’hésitais un instant sur le comportement que je devais adopter. Je ne savais pas si je pouvais réellement lui ouvrir cette porte. Pourtant, mes pas m’y conduisaient sans trop attendre. La porte se déverrouillait. Je m’en éloignais pour le laisser entrer le saluant trop brièvement avec un regard qui le fuyait. J’ouvrais la trousse de secours pour agir, mais je sentais son regard me détailler dans le miroir. Je n’osais pas relever les yeux pour croiser les siens. J’avais peur de voir des sentiments que je ne voulais pas voir. De la déception. De la colère. Peut-être même de la haine. J’avais parfaitement conscience que mon mari détestait me voir dans ce monde. Je savais qu’il haïssait me savoir plongé dans cette existence. Mais, pouvait-il réellement comprendre que ça faisait juste parti de moi ? C’était ce que j’étais. C’était qui j’étais au fond. Et personne ne pouvait me l’enlever. Personne ne pouvait effacer cette partie de mon être. C’était juste là. Ancré en moi. Marqué sur ma chair. C’était simplement une partie de Neal Teodoro. Une partie qu’on pouvait détester, mais qu’on devait pourtant accepter si on me voulait parce que je ne pourrais pas m’en défaire. Plus maintenant. C’était impensable pour moi de continuer sans avoir cette vie de mafieux. Je m’y sentais un peu trop bien. Je m’y plaisais follement. Mon corps se tendait légèrement lorsque mon amoureux se plaçait dans mon dos. Je ne me dégageait pourtant pas. J’acceptais ce contact et cette tendresse. J’acceptais cette proximité même si ELLE résonnait dans ma tête. ELLE demandait s’il serait aussi proche de moi s’il apprenait que j’avais sans doute tué quelqu’un ce soir juste parce que je m’étais laissé entraîné par le démon. Déglutissant difficilement à cette idée, je me concentrais sur mes soins en silence appréciant de sentir les lèvres de mon amoureux posées contre mon épaule. Ça m’accrochait dans la réalité. Ça m’accrochait dans le rôle du mari. Ça repoussait le monstre. Ça éloignait le mafieux. Lorsque mon mari reculait, je lui lançais un regard interrogateur avant d’hocher la tête à son explication. Je le laissais disparaître. Quelques secondes. Quelques minutes. Je le laissais m’échapper. Quelques instants. Et moi… Moi je me focalisais sur les soins pour ne pas replonger loin. Mon amoureux ne tardait pas à revenir déposant la glace dans un torchon. J’y jetais un œil sans rien dire. Lorsque la voix de l’homme que j’aimais résonnait de nouveau, je secouais négativement la tête pour répondre à sa question. Je mentais. Je le savais. Et peut-être qu’il le savait aussi. Mes nerfs étaient encore trop à vif et je rêvais d’une baise bestiale pour réellement me calmer. Néanmoins, je savais que mon mari n’aimait pas ça. Il n’était pas capable de ça. Mes prunelles sombres le suivaient lorsqu’il prenait les vêtements en sang pour les rincer dans la baignoire et, malgré moi, ma bouche s’ouvrait « Laisse ça Amore… Va falloir les brûler… » J’en était persuadé. Au fond de moi, je savais que j’avais tué cet homme et qu’il faudrait ne prendre aucun risque. Je n’offrais pas plus de détails à mon mari. Il ne devait pas en avoir. Moins il en avait, mieux c’était. Me détournant du miroir pour faire face à mon amoureux, je m’appuyais contre le lavabo en attrapant le torchon de glace. Je le déposais sur mon ventre gémissant sous le contact. Ma main libre venait défaire la serviette autour de ma taille. Cette serviette qui terminait au sol. Et, lorsque mon regard croisait celui de mon mari, je soufflais un « Baise-moi… » comme une supplication que je ne savais pas retenir. C’était la seule chose dont j’avais besoin. Lui. Moi. Nous.

Je l’observais commencer à rincer les vêtements dans la baignoire. Mes prunelles voyaient ce rouge bien trop présent partout. Mes iris suivaient le sang qui se mélangeait à l’eau. Et une part de moi s’en voulait d’imposer ça à l’amoureux. Mon amoureux supportait quelque chose que peu aurait pu supporter sans doute. Il encaissait des événements que d’autres n’auraient pas pu. Et, même s’il n’était pas au courant des détails, j’étais persuadé qu’il était parfaitement capable de faire les déductions tout seul. Encore plus ce soir au vu de mon état, de mes vêtements et de cette consigne lorsque je lui soufflais de laisser les vêtements parce qu’il faudrait les brûler. Je sentais au plus profond de mon être que le dénouement serait celui-ci. Je le savais dans mon âme. J’avais tué cet homme ce soir. Et, étrangement, cela ne me faisait rien. Je me foutais bien d’avoir ôté une vie. Ça ne me touchait pas. J’étais juste emmerdé à l’idée d’avoir ramené tous ces fantômes dans la maison que je partageais avec l’homme de ma vie. Peut-être qu’il faudrait que je parle à Rob pour avoir un lieu à moi. Un lieu où me changer et où laisser le costume de mafieux. Ou peut-être qu’il fallait que je me débrouille pour le trouver moi-même. J’étais persuadé que si j’en parlais à Rob, il me proposerait de faire ça chez lui et ce n’était clairement pas une bonne idée. Surtout pas en voyant l’état dans lequel je terminais après une mission. Les nerfs étaient à vif. L’envie de baise était haute. L’envie de me soumettre me faisait vibrer. Il suffisait de voir à quel point je m’étais stoppé net lorsque la voix de Rob avait résonnait. Il suffisait de voir à quel point j’avais juste suivi sagement ce qu’il me disait. Être soumis. Gamin à sa place. Gosse ravi de s’y trouver. Je déglutissais difficilement à ces pensées qui tournaient dans ma tête. Et, je finissais par secouer la tête pour les chasser. Je me concentrais sur le présent me détournant du miroir pour faire face à mon amoureux. Appuyé contre le lavabo, je venais déposer le torchon de glace sur le bleu de mon ventre gémissant sous la douleur. Et, me laissant porter par ces envies qui cognaient à l’intérieur de mon être, ma main libre défaisait ma serviette qui terminait sa course au sol. Totalement nu, mon regard trouvait celui de mon mari et la supplication était balancée entre nous. Je ne savais pas la retenir. Je ne voulais pas la retenir. Pas ce soir. Pas alors que j’en avais tant besoin. Besoin de baise. Besoin de lui. Besoin de ce point de rencontre entre le mafieux que j’étais et le mari que j’étais aussi. Besoin de redescendre de cette manière pour pouvoir replonger totalement dans le rôle du mari qui faisait l’amour et ne baisait pas. Je sentais le regard de Mio Amore sur moi. Je percevais son hésitation et peut-être aussi son incapacité à agir comme je le voulais, comme j’en avais besoin. Parce que c’était Mio Amore. Il n’était pas de ce monde. Faire abstraction de tout cela était trop lui. Baiser était impossible pour l’homme que j’aimais. Pourtant, il s’approchait de moi. Yeux dans les yeux. Je ne coupais pas le contact. Je gardais mes prunelles rivées dans les siennes. Sa main se déposait sur le torchon. L’invitation résonnait. Ma main quittait ce bout de tissu bien trop froid. Je lui laissais. Mes mains se déposaient alors sur le lavabo contre lequel j’étais appuyé. Ma langue glissait sur ma lèvre fendue et je gémissais au contact. Le soupir m’échappait et le « Désolé… » passait mes lèvres. Je m’excusais de rentrer dans cet état qui l’inquiétait sans doute. Je m’excusais de plonger dans cette existence qui me plaisait. Je m’excusais de lui imposer cette partie de moi. Et, surtout, je m’excusais pour cette demande qui avait passé mes lèvres. Cette demande pour qu’il me baise alors que je savais parfaitement que ce n’était pas ainsi entre nous et que mon mari n’aimait guère plonger de ce côté.