Les explications sur le sombre passé tombaient entre nous ce soir lors de ces retrouvailles aussi imprévues qu’agréables et douloureuses. Face à Khol, ma langue se déliait enfin pour lui offrir des réponses. Ça restait vague. Ça restait à la surface de ce livre. Je ne dépassais pas la quatrième de couverture. Cependant, je lui offrais quand même plus d’explications qu’il n’avait eu. Je lui offrais des détails qu’il attendait sans doute depuis que j’avais disparu comme un fichu voleur de notre Italie. Je parlais de ce plan que j’avais mis en place pour échapper à mon existence. Je parlais de ce que j’avais mis en place pour échapper à cette Mafia qui me foutait en l’air à l’époque. J’osais avouer que j’avais dû me tirer une balle dans la poitrine. J’avais monté ce plan tout seul. J’avais su tenir ma langue pendant des mois alors que, putain, je savais qu’il y avait un risque que je ne m’en sorte pas. Je savais que je pouvais crever ce jour-là. Je savais que je pouvais mourir en essayant de fuir. Et, moi, j’avais été prêt à prendre le risque parce que j’étais le seul au courant et le seul à avoir des attentes pour l’après. Si d’autres personnes avaient été au courant de tous ces détails, je n’étais pas certain que j’aurai eu le courage de passer à l’acte. Je n’étais même pas certain qu’on ne cherche pas à m’en empêcher. Khol venait pourtant souffler qu’il ne m’aurait pas empêché cet acte. Il aurait eu peur de me perdre, mais il ne m’aurait pas empêché de faire ça. Déglutissant difficilement, j’hochais doucement la tête comme pour dire que je l’entendais parfaitement. Mais, de toute manière, il était trop tard pour changer les choses à présent. Je n’avais rien dit et c’était fait. Je n’avais rien dit parce que cette voix dans ma tête m’avait dit qu’il était inutile de se confier. Je n’étais rien à cette époque. J’aurai juste pris le risque de voir tout être foutu en l’air. Le fantôme de mon passé répliquait bien vite à cette voix pour me dire qu’elle avait eu tort à l’époque et que c’était encore le cas. Malheureusement pour lui, et pour tout le monde, personne ne savait la contrer. Personne ne parvenait à me persuader qu’ELLE était trompeuse ou mensongère. Je ne pouvais pas croire les autres comme je LA croyais ELLE. ELLE qui m’avait toujours accompagné. Le rouge colorait soudainement mes joues lorsque le jeune homme avouait que, là-bas, j’étais tout pour lui. Ça faisait monter les larmes à mes yeux. Ça faisait imaginer une autre vie. Ça faisait imaginer une vie où j’aurai peut-être été moins seul. Si je lui avais tout dit et que tout s’était bien passé, nous aurions pu voyager autour du monde ensemble. J’aurai pu ne pas être seul avec mes démons à replonger dans la prostitution. Aucun mot ne parvenait à passer la barrière de mes lèvres. Je préférais choisir le silence et je plongeais dans le bien-être de cette bulle qui prenait vie pour un court temps. Je profitais de cette sécurité et de ces retrouvailles inespérées. Je profitais de ce contact que je ne pensais jamais retrouver. Mais, les mots s’en mêlaient. Ces mots déplaisants. Ces mots effrayants. Ces mots qui me faisaient réagir vivement. Ces mots qui me poussaient à parler sans réfléchir et à commettre une faute. Lorsque je laissais échapper que cette vie mafieuse était toujours la mienne, la panique s’infiltrait aussitôt dans l’être. Je n’étais pas censé répandre la nouvelle. Je n’étais pas censé faire savoir que j’appartenais de nouveau à cette Mafia qui m’avait tant détruit. Je n’étais pas censé souffler cette réalité. Ça venait juste de m’échapper.

Et, sous l’angoisse qui s’infiltrait dans mon être, j’agissais soudainement. J’agissais comme je l’avais toujours fait pour tenter d’effacer des mots et faire perdre la tête aux autres. Me défaisant de la prise de Khol, je venais m’installer à califourchon sur lui déposant mes mains sur ses épaules. Et, presque aussitôt, je savais que je venais de commettre une énorme bêtise. Je n’étais pas disponible moi. Malgré un manque de certains moments sexuels qui pulsait à l’intérieur de mon être, je n’étais pas disponible pour m’abandonner dans un corps à corps. Plus maintenant. Pas alors que j’avais promis fidélité. Je savais que j’aurai dû me redresser aussitôt. J’aurai dû me relever. J’aurai dû m’éloigner de lui. J’aurai dû partir en courant au loin pour ne pas sombrer dans le précipice des touchers ni dans celui de la vérité. Cependant, prunelles perdues dans les siennes, j’étais un peu trop incapable de faire le moindre geste. Les frissons couvraient ma peau sans que je ne puisse les contrôler. L’envie montait dans le corps comme bien trop souvent. La chaleur s’emparait de mon corps. Une chaleur qui s’intensifiait encore plus lorsque sa main droite se déposait sur ma cuisse. Ça venait brûler agréablement dans l’être. Ça venait éveiller des souvenirs qui pouvait réveiller une certaine partie de mon anatomie. Déglutissant difficilement, je ne bougeais pas pour autant. Et, lorsque sa main se plaçait dans mon dos, je confessais que je n’avais aucune envie qu’il disparaisse de mon existence. Pas alors que je venais de le retrouver de façon totalement imprévu. Les mots quittaient mes lèvres comme une supplication. Et, sans que je ne le contrôle, le corps gesticulait un instant contre le sien venant ainsi souffler sur des braises interdites. C’était dangereux ça. C’était fichtrement dangereux d’agir de cette manière. Je parvenais d’ailleurs à reprendre un minimum de contrôle pour ne pas me mettre à me frotter contre lui. Néanmoins, je savais que mes prunelles envoyaient une autre demande. Cette demande qui réfléchissait l’envie cognant dans l’être. Cette demande que je ne pouvais pas effacer de mes iris. Mon prénom était grondé tout bas d’un râle qui me tirait un sourire malgré moi. Sa main remontant le long de mon échine déclenchant les frissons dans l’être et poussant le corps à se presser un peu plus contre celui du fantôme du passé. Sa paume se déposait dans ma nuque quelques secondes. Ses bras m’entouraient. Et, avant même que je ne puisse réellement le réaliser, nos lèvres se trouvaient. La danse était lente. La danse était langoureuse. Les langues dansaient entre elles. Les sensations pulsaient dans l’être. L’envie montait. La chaleur s’intensifiait. Mon corps cherchait encore plus de contact me poussant à me presser toujours plus contre lui. Les doigts dans mes hanches m’encourageaient d’ailleurs à ne pas m’éloigner. Le souffle ne tardait pas à manquer et je soupirais de plaisir lorsque ses lèvres se déposaient sur ma mâchoire. Ses lèvres glissaient dans mon cou. Le juron m’échappait alors tandis que mes prunelles se fermaient et que je sentais la tension s’inviter dans mon sous-vêtement. Je n’avais aucune envie que cela s’arrête. Pourtant, trop soudainement, Khol reculait. Ça me tirait un gémissement de frustration que je ne savais même pas taire. Mes prunelles trouvaient les siennes. Ma langue passait doucement sur mes lèvres. L’hésitation était palpable dans l’être. L’envie se confrontait à ce qu’il fallait faire. Yeux perdus dans les siens, je savais d’ores et déjà qu’au fond de mes prunelles, le prends-moi se reflétait. J’hésitais. Ça chahutait dans l’être. Et, finalement, ma main glissait entre nos deux corps pour se poser sur la ceinture du pantalon de Khol. Les yeux toujours rivés aux siens, le « Prends-moi… » était alors murmuré. Le cœur s’accélérait alors soudainement tandis que la panique venait mordre le corps. Douloureusement. Réellement. Cette panique qui me poussait à retirer ma main et à hésiter de nouveau. Peut-être bien que je ferais mieux de fuir… Et de fuir maintenant.