Sa silhouette s’éloignait sans attendre. Il ne se retournait pas vers moi. Il ne me jetait même pas un regard. Il ne me voyait guère. Moi… Silhouette silencieuse du mafieux invisible dans la nuit sombre. Moi qui ne faisait rien pour tenter d’attirer son attention. Moi qui ne faisait rien pour le faire venir jusqu’à moi. Je me contentais d’observer mon ancien mari sans être foutu de bouger de ma place. Je restais muré dans le silence sans être fichu de souffler quoi que ce soit pour attirer son attention sur moi. Je demeurais appuyé contre ma moto et j’étais incapable de me décider à agir. Au fond de moi, je savais que je ne devais pas agir. J’avais déjà commis une erreur en venant à cette putain de soirée dans l’espoir de le voir. Je savais pourtant parfaitement que je ne devais pas approcher Lukas. En acceptant de danser avec lui, j’avais tellement fauté. J’avais chuté de nouveau. J’étais tombé une nouvelle fois. Pour lui. Pour nous. Je sentais mon cœur me faire si atrocement mal comme si la rupture venait tout juste d’avoir lieu. Je sentais les craquements de cet organe vital à l’intérieur de ma poitrine et ça me tuait un peu trop violemment. Les mots avaient été brefs entre nous. Nos corps s’étaient approchés. Nos doigts s’étaient touchés. Mon désir n’avait fait que monter au fil des secondes. Les sentiments avaient été si vivement ravivé. Et, bordel, l’envie de tout envoyer balader pour retrouver celui que j’avais aimé – et que j’aimais toujours – avait été si forte. Je me mordais violemment la lèvre pour ne pas céder au désir de l’appeler. Je me mordais violemment la lèvre pour ne pas faire un seul bruit. Gamin qui rêvait simplement de l’appeler. Gosse qui rêvait de tout faire pour l’attirer de nouveau à proximité. Être humain qui avait si follement envie de retrouver son corps nu contre le sien. Fermant les yeux, je me concentrais sur ma respiration pour ne plus penser à cette chute. Cette chute pour lui qui m’avait fait mal. Cette chute qui voulait me précipiter de nouveau dans un Neakas qui était mort depuis des années. La Mafia avait gagné. Rob avait gagné. Mon autre vie avait pris le dessus. C’était ainsi que les choses étaient à présent. C’était ainsi qu’elles devaient rester. Neakas était fini. Totalement. Et, même si j’avais craqué en venant à cette soirée, je ne devais pas tomber plus bas. Il ne fallait pas que je tombe plus profondément car je savais que je risquais de ne plus savoir me relever. Il ne fallait pas que je prenne le risque de l’approcher encore plus car je savais que cela se retournerait contre moi. Contre lui. Contre nous. Mon cœur saignerait douloureusement. La Mafia pourrait s’en prendre à lui. Rob surtout sans doute au vu des nouveautés dans ma vie quotidienne. Et, putain, Neakas risquait de connaître la fin définitive due à la mort d’une des parties. Alors, je ne flanchais pas. Je ne commettais pas plus de faux pas. Je restais sagement contre ma moto à l’observer disparaître dans la nuit. Je l’observais sans rien dire. Je l’observais sans bouger malgré les envies qui chahutaient. Je l’observais et je souffrais. Seul. En silence. Quelques secondes. Quelques minutes. La page allait se refermer de nouveau. J’allais enfourcher cette moto et repartir trouver Rob. J’allais quitter Boston de nouveau et replonger dans une vie où ma réalité n’incluait plus cet amour et cette stabilité. Tout ça était terminé. Tout ça ne recommencerait jamais. Je l’avais choisi. Consciemment. Inconsciemment. Neakas était terminé. Et, à cette pensée, j’avais l’impression que le monde s’écroulait.

Je sentais mon corps trembler. J’avais l’impression que tout mon corps était secoué dans tous les sens. Mes sourcils se fronçaient tandis que je portais mes yeux sur mes mains. Je ne tremblais pas. Pourtant, tout mon être semblait bouger trop vivement. J’étais seul ici. Personne ne pouvait m’atteindre. J’étais perdu ici. Personne ne pouvait me toucher. Pourtant, j’avais l’impression de ressentir des choses trop lointaines. J’avais l’impression de sentir des qui ne pouvaient pas être véritables. Il y avait des mains sur moi. Il y avait des lèvres sur moi. Et, il y avait cette agitation soudaine. Ça m’en donnait le tournis. Mon corps était fermement secoué. Je m’empressais de fermer les yeux tant l’envie de vomir était intense. Je fermais les yeux avec l’espoir que ça s’arrête. C’était douloureux. C’était dérangeant. Je n’avais pourtant rien mangé qui aurait pu m’empoissonner. Je n’avais pas assez bu pour finir ainsi. Les yeux fermés avec l’envie que tout s’arrête, je me laissais cueillir par le noir. Un instant. Un moment. C’était bref. Mes prunelles papillonnaient un instant. Le gémissement face à la lumière franchissait mes lèvres tandis que mes yeux s’ouvraient de nouveau. La situation semblait totalement différente. Je n’étais pas perdu dans le noir un parking. Je n’étais pas appuyé contre ma moto. Il n’y avait pas de courant d’air ici. Non. J’étais allongé dans un lit. J’étais dans une pièce illuminée. Et, bordel, je n’étais pas seul. La voix de Lukas s’élevait à mes côtés. J’entendais le son de sa voix sans pour autant comprendre les mots qui pouvaient glisser. Je sentais ses mains posées sur moi sans parvenir à comprendre ce qu’il se passait. Je me sentais totalement perdu. Je me sentais foutrement chamboulé. Je me redressais soudainement. Mon regard balayait les lieux d’un air complètement paniqué. Ce n’était pas ce que je venais de quitter. Je n’étais pas là où j’étais censé me trouver. Le visage de Lukas m’accueillait. Il était là. Proche. Nu. Il était là. Il me touchait. Je le touchais. Presque aussitôt, mes mains le quittaient et je me dégageais de son contact. C’était trop. C’était… Impossible. C’était…. Putain… Est-ce que quelqu’un avait drogué mon verre au point d’en provoquer une hallucination ainsi ? Le mot cauchemar parvenait soudainement dans ma tête et je secouais négativement ma tête comme pour refuser cette possibilité. Ça avait paru si réel. Ça avait été si réel. Chamboulé et paumé, je ramassais le caleçon au pied du lit de façon mécanique et je l’enfilais me précipitant sur la fenêtre que j’ouvrais à la volée. Je me penchais vomissant sans savoir me retenir. Lorsque le haut-le-cœur fut terminé, je restais à la fenêtre posant mes prunelles sur l’amoureux… L’ancien amoureux. F*ck it. Je ne savais plus. Je le fixais. Je l’observais murmurant alors « T’pas les cheveux longs… T’pas de barbe… » Ça déconnait quelque part. Je ne parvenais plus à distinguer le vrai du faux. Je ne parvenais pas à accéder à mes souvenirs. Je ne parvenais pas à me situer. À nous situer. Alors, lentement, je finissais par demander « Je… Aurore… ? Elle… Elle a été kidnappé ? » Des années plus tôt. Est-ce que c’était réellement arrivé ? Est-ce que notre fille avait été en danger ? Je ne savais plus. J’étais persuadé que c’était arrivé. Mais, putain, jamais Lukas ne serait resté avec moi dans ce cas-là. Si ? Je n’en savais rien. C’était le bordel. Je ne savais plus rien. M’éloignant de la fenêtre, je me mettais à faire les cent pas reprenant « Tu… Toi… Toi et moi… On n’a pas… Divorcé ? À cause… Du kidnapping ? De la Mafia ? De Rob ? » J’étais persuadé de travailler pour Rob. J’étais certain de demeurer un mafieux. Quelque part au fond de moi, ça me soufflait que c’était la vérité. C’était presque la seule certitude que je parvenais à avoir. Passant ma main dans mes cheveux, je m’approchais de la table de nuit attrapant une cigarette et la glissant rapidement entre mes lèvres. Je l’allumais tirant dessus une première fois comme si cela avait le pouvoir de m’apaiser. Et, relevant les yeux sur le mari, l’ancien mari, je ne savais plus, je finissais par demander « La soirée des dix ans ? » J’avais besoin de savoir s’il y avait vraiment eu une telle soirée. Est-ce qu’elle s’était déroulée plus tôt ? Est-ce qu’elle était à venir ? Tout était flou. Tout était chamboulé. Tout était incertain. Je tirais nerveusement sur la cigarette marchant de long en large dans la pièce. J’attendais les réponses de l’amoureux pour éclairer la réalité. J’avais besoin que les choses soient dites clairement. J’avais besoin que la vérité soit mise en lumière pour m’arracher au flou provoqué par le cauchemar. Mais, putain, est-ce que c’était vraiment un cauchemar ? Est-ce que je n’étais pas juste en train d’halluciner ? Ça avait semblé si réel.

Le réveil se voulait être un réveil en fanfare. La panique me collait à la peau accélérant vivement les battements de mon corps. Le corps était bien trop brûlant. La tête était foutue en l’air. Lorsque mes prunelles se posaient sur Lukas qui était censé être l’ex mari dont je m’étais totalement éloigné, je ne pouvais pas m’empêcher de prendre la fuite. Il fallait que je m’éloigne. Il ne fallait plus que je le touche. Le caleçon était enfilé. La fenêtre était ouverte. Le vomissement avait lieu. Mes mouvements étaient effectués de façon bien trop mécaniques. Je me déplaçais sans la moindre difficulté dans la pièce comme si mon corps connaissait parfaitement les lieux. L’esprit lui avait toujours du mal à se replacer dans cette réalité. J’avais l’impression de me retrouver dans un lieu connu et inconnu à la fois. Tout était flou. Tout était douloureux. Il m’était impossible d’accéder à mes souvenirs ou même de comprendre la totalité de cette situation. Les images du cauchemars ne s’effaçaient pas. Bien au contraire. Elles se rejouaient en boucle s’accentuant au fil des minutes. Elles s’imposaient toujours plus. Vivement. Violemment. Je n’étais plus qu’un gamin bien trop paumé. Je n’étais plus qu’un gosse totalement perdu. Mes prunelles sombres se posaient sur Lukas et je ne pouvais m’empêcher de faire la remarque sur son physique. Ça ne collait pas du tout avec ce que je venais de vivre. Ça ne collait pas du tout avec les images prioritaires à l’intérieur de ma tête. Ces images qui se disaient être des images de souvenirs et non de cauchemars. Ça avait été bien trop réel. Ça s’était obligatoirement passé. Il y avait eu un Lukas avec des cheveux longs et une barbe. Pourtant, le mari… L’ancien mari… Je ne savais plus putain. Il secouait la tête pour annoncer la négation. Non pas de barbe. Non pas de cheveux longs. Ça m’embrouillait encore plus. Ça me perdait encore plus loin. Alors, j’enchaînais sans perdre de temps sur une autre interrogation. Il me fallait à tout prix des réponses. J’avais besoin de quelque chose de tangible. J’avais besoin de quelque chose qui me ferait me détacher des images de la tête. Je le questionnais sur le kidnapping d’Aurore sans pour autant obtenir de réponse. Rien ne venait pour me souffler la vérité. Lukas déglutissait seulement sans même ouvrir la bouche et, malgré moi, ça venait me confirmer que j’avais raison. Il y avait eu le kidnapping et le divorce. Il y avait eu l’éloignement et il y avait eu… Les événements d’hier ? De cette nuit ? F*ck it. Je n’en savais rien. La voix à l’intérieur de ma tête décidait de s’en mêler alors. Elle venait me souffler que j’avais raison et que tout était vrai. Elle venait dire que je venais de tomber dans un piège. Il y avait eu le kidnapping, le divorce, l’éloignement, les retrouvailles, la danse, la fuite et le trou noir… Ce trou noir au cours duquel Lukas en avait profité pour raser sa barbe et couper ses cheveux. Ce trou noir durant lequel je m’étais assoupi complètement assommé par je ne savais même pas quoi.

Mais, pourquoi ? Quel était le but de toute cette manœuvre ? J’obéissais parfaitement à Rob. Je menais à bien mes missions. Je n’avais pas dérapé. Je n’avais rien fait de mal. Ou… Peut-être que Rob avait fini par apprendre que j’étais celui qui avait tué son père et qu’il voulait se venger à présent au point d’organiser tout ça. Peut-être qu’il avait embauché Lukas sous la menace de s’en prendre à Aurore. Peut-être qu’il l’avait embauché pour me tuer. Un frisson d’effroi courrait le long de ma peau tandis que je me mettais à faire les cent pas reprenant la parole pour interroger Lukas. Je tentais de creuser. Je tentais de m’écarter du chemin qu’ELLE indiquait. Je tentais de voir si ELLE avait tord. Cependant, aucune réponse ne venait. Rien. Ma main passait dans mes cheveux nerveusement. La cigarette était glissée entre mes lèvres. La panique montait au fil des secondes. Je posais une ultime question et ça semblait faire réagir Lukas. Je l’observais du coin de l’oeil alors qu’il se levait entouré d’un drap. Je l’observais s’approcher et me demander de me stopper. Sa main se déposait sur ma hanche. Ça réconfortait. Ça brûlait. Ça piquait. Je n’en savais plus rien. Sa voix douce s’élevait. Sa voix calme soufflait des mots qui ne correspondaient guère à ce que je désirais entendre. Ma tête se secouait négativement sans attendre. Je refusais d’approcher et de parler. Et, lorsque ses doigts glissaient sur ma joue, je remettais soudainement de la distance. Je m’éloignais de plusieurs pas prêt à lui hurler dessus. Cependant, sa voix résonnait de nouveau pour m’annoncer que la soirée des dix ans était demain. Le reste je ne l’entendais pas. Demain ? Non. Ce n’était pas demain. Elle venait d’avoir lieu. Je me remettais à bouger dans la pièce tournant comme un lion en cage. Mes mains se portaient à ma tête laissant la cigarette se consumer dans l’air. Je baragouinais tout seul dans mon coin comme cherchant à démêler le vrai du faux. Je baragouinais tout seul des bribes de mots comme pour trouver la réalité. M’arrêtant soudainement, mes prunelles se posaient sur Lukas et je criais « RÉPONDS-MOI PUTAIN ! » La voix était ferme. La voix était agressive. Je glissais. Je sombrais. Mon corps tout entier tremblait. Réalité ou cauchemar. Qu’est-ce qui faisait parti de la réalité ? Qu’est-ce qui faisait parti du cauchemar ? Est-ce que je me retrouvais dans un piège ? Je ne savais plus et le souffle s’affolait. La panique augmentait encore. Le cœur cognait de plus en plus au point d’en devenir douloureux. Les yeux rivés sur le mari – ou ancien mari je ne savais toujours pas – je demandais de nouveau « Aurore ? Le divorce ? » Il me fallait des réponses. Il me fallait des mots. Il me fallait quelque chose à quoi me raccrocher. Il me fallait quelque chose de différent de ce qu’il y avait dans ma tête. Parce que, bordel, le cauchemar était si bien ficelé que j’y croyais. Encore plus alors qu’ELLE s’en était mêlé. Gamin qui pensait être la victime d’un piège. Gosse qui était persuadé d’avoir la bonne version. Encore plus en l’absence de réponse offerte par celui qui était peut-être encore toujours le mari.

Le cri passait la barrière de mes lèvres pour demander des explications et tenter de comprendre la totalité de cette situation qui semblait me filer complètement entre les doigts. Le cauchemar avait été bien trop réel pour que je me défasse si aisément de ses chaînes. Le cauchemar était bien trop ancré pour que je parvienne à m’en libérer avec facilité. D’ailleurs, pour moi, ce n’était pas un cauchemar. C’était une réalité qui faisait bien trop mal. C’était une réalité qui venait m’embrouiller la tête. Encore plus au vue de la situation actuelle. Cette situation où Lukas ne ressemblait pas du tout à l’image qu’il avait eu dans ma tête et qu’il avait eu quelques heures plus tôt pour moi. Cette situation où il était proche de moi comme si tout ce qui s’était passé ces dernières années n’étaient jamais arrivé. F*ck it. Je ne comprenais pas. Et, me réveiller dans ce lit et cette chambre où le corps savait parfaitement se déplaçait ne suffisait pas à me faire comprendre que j’avais été pris dans un affreux cauchemar. Sa proximité n’effaçait pas les doutes qui cognaient dans ma tête. Son comportement ne parvenait pas à être plus fort qu’ELLE. ELLE qui me confirmait que le cauchemar n’était pas un cauchemar, mais une simple réalité même si je n’arrivais pas à saisir les choses pour le moment. Rien ne suffisait pour me faire replonger dans la réalité véritable. J’étais paumé dans une réalité bancale où le cauchemar me semblait trop vrai et où, pourtant, une pointe de doute persistait parce que rien ne coïncidait. Le corps tremblant, je ne parvenais pas à me calmer et la présence de Lukas ne semblait avoir aucun impact sur mon être. Ça alimentait encore plus le doute car si le cauchemar était faux, il était censé avoir son pouvoir et parvenir à me calmer. Si le cauchemar était faux, il aurait su me faire redescendre avec facilité. Non ? Je n’en savais rien. J’étais juste entraîné. Les battements de mon cœur cognait si fort que j’en gémissais de douleur. Le souffle ne cessait de s’affoler au point où j’avais presque l’impression de suffoquer. Suffoquer dans cette réalité où tout m’échappait. Suffoquer dans ce monde qui ne semblait pas être le mien et qui, pourtant quelque part, semblait l’être. Je n’en savais rien. Je ne savais plus. Alors, je hurlais pour obtenir des réponses. Il me fallait plus que ce qu’il offrait. Les mots de Lukas ne me convenaient guère. Ma tête était bien trop paumé. J’avais besoin de plus. Je le questionnais sur Aurore et le divorce. Encore une fois. Les mots passaient mes lèvres, mais il me fallait de réelle réponse. Il me fallait quelque chose de tangible. Il me fallait quelque chose de véritable. Il me fallait un électrochoc plus fort que le cauchemar et ça je ne savais pas où le trouver parce que le mari… L’ancien mari… Je ne savais pas comment l’appeler… Lukas n’était pas l’électrochoc me réveillant du cauchemar. Si seulement c’en était un.

L’italien résonnait soudainement dans la pièce pour me demander de m’asseoir. La voix était calme et, étrangement, cette fois-ci, j’étais prêt à obéir. Je revenais lentement vers le lit pour m’y laisser tomber. Je m’asseyais au bord du matelas et j’attendais. J’attendais parce que je sentais que les réponses demandées allaient enfin tomber. Le souffle s’emballait toujours trop. Le cœur faisait toujours mal. La tête était encore prise dans un tourbillon. Mais, j’attendais en fixant le drap du lit. Ce drap qui me semblait aussi connu qu’inconnu. Déglutissant difficilement, la tête s’embrouillait une nouvelle fois. Je tentais de reconstituer le film de la réalité et je n’y parvenais pas. Rien ne s’accordait. Tout s’entrechoquait. Et je ne savais plus quelle histoire j’étais censé croire. Heureusement pour moi, l’aide ne tardait pas à venir. La voix de Lukas s’élevait dans la pièce. Il me confirmait le kidnapping d’Aurore offrant sans le vouloir un point au cauchemar plus qu’à cette réalité. Lorsqu’il me disait qu’il n’y avait jamais eu de divorce et que tout cela était loin derrière nous, mes sourcils se fronçaient. Là déjà, ça ne collait plus. La réalité de Lukas et la mienne ne se correspondaient plus. Ça me perdait. Le souffle repartait à la hausse. L’angoisse me dévorait de nouveau. Pourtant, j’écoutais toujours sa voix résonner dans la pièce. Lorsqu’il me disait de regarder mon alliance, j’obéissais sans réfléchir. Mes prunelles sombres se posaient sur l’anneau qui ornait mon doigts avant de suivre la direction indiquée et de glisser sur le tatouage qui se trouvait effectivement à mon poignet. Tatouage de date. C’était réel. C’était tangible. Ça semblait véritable. Mes doigts bougeaient avec lentement pour retracer le contour de ces dates. Mes doigts se mettaient à frotter l’encre comme si j’avais peur que ce ne soit qu’une marque effaçable. Mes doigts frottaient le poignet jusqu’à l’en faire rougir. Les dates ne s’effaçaient pas et ça donnait un point à la réalité de Lukas plus qu’à la mienne Son soupir me poussait à relever les yeux sur lui lorsqu’il reprenait la parole. Le corps agissait me poussant à hocher la tête comme s’il était au courant de quelque chose que moi j’avais bien trop de mal à savoir. L’interrogation tombait alors et mes mains passaient sur mon visage. Étais-je réellement libre de parler ? N’était-ce pas un piège ? Mes prunelles parcouraient la pièce autour de nous comme si j’étais en quête de ce qui aurait pu se refermer sur moi. Et, finalement ma bouche s’ouvrait « Je… On… F*ck… J’sais pas… C’était… La soirée des dix ans… Mais je… On n’était pas ensemble… Toi et moi… On n’était plus ensemble… D’puis longtemps… Il y a eu le kidnapping d’Aurore et je… Toi et moi… Toi et moi c’était terminé parce que je… Parce que je n’ai pas fait de choix entre Rob et toi… Je n’ai pas fait de choix et ce… C’était terminé… » J’hochais vivement la tête comme bien trop sûr de moi. Mes prunelles fixaient le sol tandis que je continuais à parler. « Je travaille pour Rob… En Italie… Loin d’ici… Je travaille pour lui… Avec lui… Et toi et moi… Toi et moi n’avons plus de contact depuis des années… On… On s’est juste revu à la soirée des dix ans et tu as… Avais les cheveux longs… Une barbe… On a dansé et je suis parti… Rapidement… Je pouvais pas rester… Et je… Après je ne sais pas… » C’était le trou noir absolu après. Je n’étais pas capable de reconstituer ce qui c’était passé entre cet instant et ce réveil. Relevant les yeux sur Lukas, je marmonnais alors « Après je suis là… Et tout… Tout est différent et je… Bordel… Tout ce que je dis… Ce… C’juste un cauchemar ? » La question passait la barrière de mes lèvres parce que j’avais besoin d’entendre la confirmation. J’avais besoin d’être sûr et certain que tout ce que je soufflais n’était que cauchemar. J’avais besoin qu’il me le dise. Mais, est-ce que je pourrais le croire alors qu’ELLE voulait me pousser à courir au loin ? Je finissais d’ailleurs par me relever du lit me remontant à marcher de long en large en jetant des regards incessants à la porte. Gamin qui avait peur d’un piège. Gosse qui cherchait sa sortie de secours.