La plage, les vagues qui vont et viennent en une ritournelle ne connaissant jamais de fin, voilà le spectacle qu'admirent mes prunelles sombres en ce début de soirée. Je suis vêtu d'un pantalon de jean blanc et d'une chemise noire ouverte, mains dans les poches, je profite de la brise marine avant de me saisir de mon fidèle cellulaire. Rendez-vous au bar de l'hôtel dans 5 min. En arrivant au Summer Camp, j'ai prévenu Orion : son stage allait prendre une tournure un poil différente et là, tout de suite, je m'applique à rester fidèle à mon idée. Le pousser, voir jusqu'où ses tripes sont en mesure de le porter et, peut-être un brin sur les bords et au milieu, lui faire comprendre à quel point la came ne le mènera nulle part... qu'il s'agisse de vie pro ou de vie perso. Mon professionnalisme chevillé au corps implique ne pas laisser les émotions me submerger et enfoncer trop le clou en la matière, mais la vue de Mia sur un lit d'hôpital depuis un mois, aux soins intensifs suite à une overdose dont elle peut très bien ne jamais se réveiller... chaque un tantinet la donne. La preuve, ma patience légendaire s'égrène au fil des secondes alors que j'attends mon poulain au lieu de rendez-vous. Dans une minute, il sera en retard, et cela se comptera en défis supplémentaires, à n'en point douter.

Le professionnalisme dont je fais habituellement preuve s'effrite légèrement alors que ma patience est mise à rude épreuve : une fois le texto envoyé, j'attends. Pas d'Orion à l'horizon pour l'heure, et je compte bien le soumettre aux pires défis s'il ose avoir ne serait-ce que dix secondes de retard. Personne ne connaît mon côté sans pitié en affaires, hormis ceux m'ayant eu en face ou en tant qu'ennemi. Jusqu'à lors, l'étudiant en sixième année de Droit a pu contempler l'avocat brillant, celui qui sait tirer les ficelles, se sortir des affaires et situations les plus difficiles ou improbables... mais jamais le frère inquiet ayant une petite sœur de vingt ans dans un coma suite à une overdose, dont elle peut très bien ne jamais se réveiller. Deux minutes de retard que je lance sans ménagement et surtout sans la moindre once de chaleur dans le ton de ma voix. Oh, je peux faire de son existence professionnelle un enfer si je le souhaite... mais ce n'est pas le but recherché. Je veux qu'un certain message passe... reste à savoir si ce dernier passera telle une lettre à la poste ou à grands coups de pied de biche. Du cabinet, on reçoit toujours quelque chose. Entre vingt et cinquante nouvelles affaires potentielles... mais ce n'est pas la raison pour laquelle je t'ai fait venir. Carte sur table. Non, je n'ai rien oublié, mais je veux utiliser l'info à bon escient. Je veux te tester. Savoir si tu en as assez dans le bide pour devenir avocat et, plus encore, jusqu'où tu es capable d'aller. Mes prunelles sombres sondent le regard d'Orion, à la recherche d'un début de réponse. Tout se joue ici et maintenant...