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  « Cheers, Jude,» répondit-il en cognant son verre contre celui de son ami et partenaire de golf de longue date.

« Très classe, le col roulé.»

Lui-même s’était donné beaucoup de mal pour ajuster sa garde-robe au thème de la soirée. Sans aucun regret – il porterait définitivement ces chaussures jusqu’à ce qu’il en devienne même indécent de les offrir à une friperie.

« Grands dieux, j’espère que non! De ce que j’ai compris de ta jeunesse, d’ici une heure, on serait en train d’inhaler des lignes de cocaïnes disposées sur les parties intimes de pures étrangères!»

Chaque fois qu’ils évoquaient les souvenirs de cette fameuse jeunesse de Jude, William se faisait un très grand plaisir d’en rajouter une couche.

« Ah ouais ? Ça aurait été dommage, quand même, ça s’enligne pour être une sacré fête. Enfin, sans sombrer dans des excès dont notre sagesse nous prémuni, mais juste… il y a une super ambiance de convivialité, et on dirait que tout le monde s’est pointé avec l’envie de passer du bon temps. Je suis content que tu sois venu, en tout cas.»

Parce que mine de rien, sans lui, il aurait été bien seul ce soir… comme Jude le lui fit très justement remarqué juste ensuite. Sans trop savoir ce qu’il savait ou non, William demeura très évasif dans sa réponse, tentant de son mieux de dissimuler son malaise.

« Nah – elle est vraiment ultra-prise par toute l’organisation de l’événement, et du coup, je ne voulais pas être dans ses pattes. Cette soirée lui tient beaucoup à cœur.»

Bien que c’était à peu près vrai dans son essence, il choisit quand même de rapidement changer le sujet de la conversation en jetant un regard vers celle qu’il avait aperçu en compagnie du pédiatre de renom.

« Dis-moi, je connais la miss qui t’accompagne ce soir ? Est-ce qu’elle sait jouer au golf ? »

Son regard malicieux ne laissait absolument aucun doute quant à ce qu’il impliquait.

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« Ben écoute, si tu me prends par les sentiments – mais je veux quand même un droit de véto.»

Ceci étant dit, les gens de Boston avait cette suspicieuse tendance à tous être incroyablement beaux et belles. Ça ne devrait donc pas poser problème.

C’était chouette de le revoir. Jude s’était fait plus distant dernièrement, espaçant même ses présences au club de golf. Pour le plus grand chagrin de William, qui y perdait plus souvent qu’autrement son partenaire favori. Ses propres projets l’accaparaient tellement ces derniers mois qu’il n’avait même pas tenté de le questionner sur le sujet.

Mais avant cela, il devrait gérer la deuxième ronde de questions à propos de Victoria.

« Nan, ça ne se termine jamais ces trucs-là. Toujours quelque chose à faire. Accueillir un peu tout le monde, serrer des mains, régler les petits pépins. Un bon exemple :le fournisseur des bars a pris le thème de la prohibition trop au sérieux et n’a rien emmené d’alcoolisé. Du coup, là, Vic est en train de frelater à l’arrache une vingtaine de litre de pseudo-whiskey pour acheter un peu de temps. Ça va être super.»

Ça pouvait difficilement être plus éloigné de la vérité. La dernière fois qu’il l’avait aperçue, elle ressortait d’ailleurs du Dunk Tank, plus tôt cet après-midi. Il poussa un bref soupir, voyant que son interlocuteur sentait qu’il y avait anguille sous roche.

« C’est… un peu compliqué ces derniers jours… Mais je ne veux pas t’embêter avec ça. Surtout quand tu m’annonces le plus sérieusement du monde que tu te pointes ici avec une danseuse professionnelle!»

Il lui donna une grosse tape sur l’épaule, comme si ce dernier venait de décrocher le gros lot.

« C’est marrant, parce que moi aussi, c’est au Nirvana que j’ai reconnecté avec Victoria.»

Il espérait, peut-être un peu naïvement, que d’évoquer les surprenant débuts de son couple allait rassurer Jude.

« Mais oui, volontiers, je suis convaincu que ce serait super! Depuis le temps que j’espère que tu me présente à une de tes copines. Promis, je sais me tenir. Cependant, je ne voudrais pas être la troisième roue du carrosse. Je suis un grand garçon : tu peux profiter de ta soirée à deux. »

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« Bien sûr que je déconne. Ça aurait été super marrant, ceci dit. Et j’aurais définitivement était très aventureux si quelqu’un avait brassé du Moonshine – sans méthanol- pour l’occasion. »

La belle époque. William était d’ailleurs persuadé qu’il pourrait devenir un très prolifique bootlegger si jamais les circonstances se présentaient à nouveau. Traverser les étendues sauvages des montagnes blanches pour aller s’approvisionner en spiritueux de contrebande du côté du Canada et revenir le vendre clandestinement aux environs de Boston… Si ça, ce n’était pas le rêve de tout homme…

« Écoute, au moins, quelqu’un a cru en toi suffisamment longtemps pour fonder une famille en ta compagnie…»

Les vieilles blessures refaisaient surface, alors que la petite muraille humoristique qu’il avait érigé autour de lui fondait comme neige au soleil. Il n’était pas vraiment du genre à s’épancher sur ses problèmes personnels, mais parfois, il ne parvenait pas à tout contenir. Et mine de rien, il s’était bien attaché à Jude…

« J’ai accompagné une amie qui étudie à Harvard au bal de fin d’année. Son copain l’avait planté un peu avant, et du coup, elle ne voulait pas s’y rendre seule. Je savais que Vic était occupée ce soir-là, alors je n’ai pas pensé que ça causerait problème. »

Il grimaça.

« Apparemment, certaines de ses copines m’y ont vu, et elles se sont empressées de lui raconter je ne sais quoi…Je te laisse deviner la suite. »

La conversation bascula vers l’autre camp, où Jude rabroua William pour son manque de délicatesse dans son humeur. Lorsqu’il lui expliqua la nature de leur relation, il ne put s’empêcher d’en savourer toute l’ironie.

« Fais gaffe : on ne sait jamais jusqu’où ça peut mener, d’assister à des bals en compagnie d’amie… Je m’excuse de ma blague foireuse. Je sais bien que c’est une profession digne que celui de danseuse professionnelle. Elle œuvre ici, à Boston ? Ou bien si elle doit se promener beaucoup pour suivre ses contrats? »

Il reconnaissait bien là le grand cœur de son ami. Tous deux se ressemblaient beaucoup à ce niveau : toujours prêts à poser des actes concrets et désintéressés pour améliorer le quotidien de leur entourage…

« Tu la connais de où ? »

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« Je ne sais pas ce que tu essaies d’insinuer, mis à part le fait qu’à mon âge vénérable, je devrais me tenir loin d’activités étudiantes. Mais si c’est le cas, tu as parfaitement raison.  »

Il se rappelait très bien du nombre d’occasions où il s’était amicalement moqué de l’âge des fréquentations habituelles de Jude et il ne put que souligner le tact avec lequel il lui renvoyait le balancier.

« Le thème ? Hem, écoute, je n’étais pas très investi dans l’activité. Je dirais champêtre ? C’était dans un genre de ‘dude ranch’ classy. Fun fact – à un certain moment, j’y ai porté une camisole de loup, à cause d’un pari perdu… »

Puis immédiatement, la ligne de pensée de Jude suivit la même que celle de Victoria et il se renfrogna, répliquant de mauvaise foi.

« Mais qu’est-ce que vous avez tous, les gradués d’Harvard, à croire qu’un bal de fin d’année correspond à peu près à un mariage ? Dans tout le reste des USA, ce n’est qu’un prétexte pour se défoncer une dernière fois avec les potes avant de devoir commencer à payer ses impôts et de lentement sombrer dans le désespoir à cause de nos dettes d’études… Un de mes amis de Columbia a choisi d'accompagner sa f****** chèvre pour emmerder son monde, et lui et sa bande ont passé un petit moment de la soirée à lui tatouer des phallus avec des crayons indélébiles, for Christ’s sake... Personne a supposé qu'il y avait un truc entre eux deux pour autant.»

Manifestement, il n’avait pas encore complètement fait sa paix avec les répercussions de la soirée du 23 juin…

« Il s’agit d’une amie, une étudiante que j’ai rencontré dans une conférence que je donnais. Elle est activiste dans l’âme et je lui donne quelques conseils pour éviter qu'elle se brûle trop vite, et pour optimiser l'impact de ses démarches. Une brave fille, mais son copain l’a largué pas longtemps avant. Et ça l’a dévastée. Vic travaillait, je n’avais rien d’autre à faire ce jour-là, alors je me suis proposé. Tu sais comment je suis… »

Il n’entretenait qu’un petit cercle social, mais pour les membres de celui-ci, il n’hésiterait pas à tenter de décrocher la lune. Il se rappelait d’ailleurs déjà avoir récupéré un Jude un peu abandonné pour son anniversaire ou les fêtes du nouvel an.

« Ah ouais ? C’est très cool ça! La compétition devait être féroce en plus. Mais ça doit définitivement être chaud tenter de mener ce genre de carrière avec un poupon à sa charge. Entre les représentations de soir et le week-end, les pratiques… Il y a vraiment des gens qui méritent leur ciel…»

Il esquissa un petit sourire en coin lorsque son ami lui mentionna qu’il se revoyait un peu dans la situation de Love.

« Honnêtement, t’es la figure maternelle que je souhaite à chaque enfant.»

Il blaguait sur le choix de la terminologie, mais n’en pensait pas moins. Il adorait sincèrement les petits moments qu’il partageait avec Jude et ses enfants, et être témoin de la complicité et de l’attachement qui unissait les membres de cette petite famille. En plus d'adorer Riley de tout son corps.

Malgré les difficultés d'une famille divisé, Jude était un modèle de paternité. À défaut de pouvoir lui-même avoir eu l’opportunité de fonder sa propre famille, les Montgomery lui offraient un peu de réconfort à ce niveau.

« T’avais quel âge quand tu as eu ton premier ? Et comment ils vont, d’ailleurs ? Ça fait un moment que je les ai vu.»