Avec cet appel, elle a la sensation de torturer l’ensemble de ses émotions. D’abord soulagée de l’entendre, jalouse qu’il soit là-bas et puis blessée, en colère, d’avoir entendu la voix de Wendy venue dans l’espoir de passer avec lui, la nuit. Parce que c’était ça, la vérité, elle n’est pas assez naïve pour l’ignorer. « Laisse. Certainement quelque chose sans importance, » C’est peut-être mieux, oui, car c’était en rapport avec sa patronne et leur escapade en France. Et si elle attend qu’il explique, qu’il se justifie d’un fait qu’elle ne parvient même pas elle-même à identifier, il préfère se fondre dans le silence. « Faut croire. » Mais elle ignore ce qui peut être important dans cette histoire.

Plusieurs secondes passent, durant lesquelles elle cherche à relancer la conversation, mais il lui semble qu’ils sont tous les deux perdus dans leurs réflexions, devenus métronomes sur le tempo de leurs respirations. « Qu’est-ce que tu… » inutile d’achever sa question, « Un alcool d’ici. » voilà ce qu’il fait, après la tornade Witter, il va décompresser. C’est plus fort qu’elle, en un sens, ça la fait chier. « S’il vous plait. » Mais son agacement est effacé par son accent français, son rire elle ne parvient pas à le contenir, même si elle n’en est pas au point de s’esclaffer. « Vas-y tiens, donnes moi un mot français que tu as entendu et dont tu ignores le sens » Et aussi simplement que cela, Sheng balaie toutes les choses qui peuvent la contrarier, son rire se travestit en un son plus joueur, « Mhm… » une amorce, « attends je réfléchis, » parce que le français, ce n’est pas comme si elle pouvait l’entendre à longueur de journée, alors dans sa mémoire, les instants sont sondés, à la recherche des mots inconnus, ignorés, elle va chercher dans les livres qu’elle a pu feuilleter, « L’essentiel, » est invisible pour les yeux, elle ignore ce que ça veut dire mais elle a toujours trouvé les mots harmonieux. Cela dit, elle avoue en un ricanement que son accent n’est pas mieux.