Être indifférente n’a jamais été son fort, conserver ses sentiments à l’intérieur, malgré les aléas qui n’ont de cesse d’érafler son cœur. Cependant elle s’y essaie, parce qu’elle reste chanceuse de constater qu’au milieu d l’euphorie parisienne, l’étudiant, de l’appeler, a pris le temps. Alors elle l’écoute soupirer, ça lui arrache un sourire, l’envisage fatigué. Mais n’ose pas laisser son imaginaire s’emballer, car elle se sait capable du pire comme du meilleur, et pour le premier, elle ressent déjà assez d’aigreur. « Elle a fait exprès… de me choisir une chambre jaune. » De sa position assise, elle se laisse retomber, la tête plongée dans le moelleux de son oreiller.

Elle réfléchit, pas trop longtemps, une fraction de seconde seulement, parce qu’elle n’a pas une énorme volonté de lui laisser penser qu’elle est à la lisière d’exploser. « Mhm, » piètre amorce, loin d’être une réponse, il faut dire qu’elle se cherche une once de courage, dans l’espoir d’éviter un potentiel naufrage, « Elle ? » elle ferme les paupières dans l’attente de la vérité. Qu’il définisse comme il se doit cette obligation mystérieuse qu’il a cité dans le message qu’il lui a envoyé. Elle a beau savoir qui elle est, c’est risible combien l’entendre de sa bouche, elle en a besoin. Masochiste, l’air de rien.

Le compte à rebours est lancé sur le rythme des battements de son cœur abîmé, un suspense qui n’en est pas un, parce que l’identité de cette femme, Haiwee la connait très bien. « Tu l’sais. » Oui, mais c’était son prénom qu’elle désirait, pour se convaincre elle-même de moins t’aimer. « J’suis pas venu ici par plaisir. » Certes… Cela dit, sur les photos que la rousse s’évertue à poster, il n’a pas non plus l’air de souffrir. Alors pour toute réponse, elle se contente d’un soupir.

Ses doigts malaxant l’une de ses tempes comme pour contrer une migraine qui n’a même pas débutée. « T’as de la chance pour le moment. » Une chance, carrément ? Elle, elle est bien loin de la voir, forcément. « Attends qu’Armani te rappelle. » D’une expiration succincte, de prime abord, elle commente ses mots, et puis, au final, elle ne peut retenir d’articuler ceux qui lui écorchent la peau. « Qu’on me rappelle… » une supposition à laquelle elle ne croit pas, « Tu sais bien que ce n’est pas mon monde, ça. » Que Wendy et toi, vous baignez dedans depuis des années, leur différence de classes sociales plus que déterminée. « Raconte moi, Paris c’est comment ? » elle demande rapidement, pour ne pas s’attarder sur l’autre sujet. Qu'il lui parle de tout et de rien, qu'il la fasse rêver. « Mis à part ta chambre jaune. » Est-ce que la ville de l’amour tient ses promesses ? A-t-elle raison d’en ressentir autant de tristesse ?

Le changement de sujet dans le seul but de ne pas souffrir de le savoir là-bas avec elle, effacer ne serait-ce qu’un peu son sentiment de jalousie habituel. De toutes les façons, elle n’a pas la force de gratter, d’essayer de comprendre une nouvelle fois, pourquoi il reste proche d’elle alors qu’elle prend un malin plaisir à la rabaisser. « Ahhh ma chambre jaune… T’es sure ? Elle vaut le détour pourtant, » Tout plutôt que douter de sa loyauté, elle a besoin de croire en lui, la Haiwee.

Elle en est certaine, alors elle n’ajouté rien, elle attend qu’il raconte, qu’il détaille, qu’elle tente de l’imaginer, cette ville qui en a tant inspiré. « Paris… Les parisiens. » ça la fait sourire en un soupir, « Disons que… Ils râlent pour un rien. » elle n’aurait jamais songé que pour parler de Paris, il prendrait ce chemin, « Ils n’aiment rien, stressés pour un rien, avec des tabous à la con. » comme partout, non ? « Mais sinon, la ville pourrait être sympa » L’espace d’un court laps de temps, elle envisage ou plutôt, elle espère, c’est vrai, que la ville serait sympa, si c’était elle qui l’accompagnait. Avec sa présence, les habitants, elle aime se convaincre qu’il ne les aurait même pas remarqués. Une amérindienne trop rêveuse alors qu’elle est présentement dans son lit d’étudiante, allongée. Bien loin de l’Europe, des défilés. Alors que c’est avec sa patronne, qu’il est affiché. Un véritable couple pour qui veut le deviner. Une vérité qui la force à se replonger dans le sujet, un côté masochiste confirmé. « Et Wendy, elle apprécie ? » Choisir de prononcer son prénom comme pour accentuer la torture qu’elle éprouve de la savoir avec lui.

Elle ignore comment interpréter le silence ponctué par sa respiration à l’entente de son appellation. Le moins que l’on puisse dire c’est qu’elle a réussi son effet, sans pour autant savoir si ça la satisfait. Une chose est certaine, le dégoût qu’elle éprouve à l’idée de les imaginer ensemble, lui, il reste intacte. Cela ressemble toujours à une vive claque. Puis il reprend… « Tu l’appelles par son prénom maintenant ? » Pourtant des idées pour la nommer, elle en a des milliers, mais elle n’a jamais fait preuve d’une gratuite méchanceté, alors, autant utiliser le vrai.

Plutôt que de répondre, elle soupire fortement, elle n’arrive plus à être stoïque, lui laisse deviner combien elle est agacée. Et sa paume se plaque contre son front, qu’elle malaxe, incapable de dérider ses traits. « Tu sais c’qu’on dit. » Elle n’a plus connaissance de grand-chose quand il est ailleurs et elle, seule ici. Trop dépendante de lui. « Qui se ressemble s’assemble. » Pourquoi elle doute que cet amalgame ne soit que par rapport à la ville de Paris ? « Elle est dans son élément ici, » à son bras. Pas le même monde, tu vois ? Elle a tellement envie et besoin d’avoir confiance en lui, ça fait plus d’un an à présent, elle devrait avoir digéré, réussir à passer outre les évènements, la photo dans le jacuzzi. Lui avoir pardonné. C’est à la mesure de l’amour qu’on le fait, et de celui qu’elle lui porte, personne ne pourrait en douter. « C’est drôle, » non absolument pas, elle est placide plutôt en prononçant cela, « Tu as l’air dans le tien, aussi. » d’élément, sur les clichés, souriant, élégant, il s’y assemble à la perfection à cette vie.

Aucune hésitation, lorsque je m’impose de mon timbre de voix despotique à la réception. Si durant la journée j’avais laissé le loisir à mes employés de gérer les réservations de nuitées qu’en territoire étranger nous passerons. Je n’aurais jamais songé qu’il puisse faire un bras d’honneur au Four Seasons. Sheng et ses putains de contradictions. Sa fausse indépendance, quand j’ai tous les droits sur son image, sur les apparences.
C’est accompagnée et guidée par un de leur employé que je me pointe face à la porte de la chambre qu’il peut occuper. « Je n'ai plus besoin de vous, vous pouvez y aller. » La politesse m’oblige à le congédier avec des formes qui me filent la nausée, alors que je n’ai qu’une envie, pour le coup, c’est de lui cracher que je n’ai aucunement besoin d’être chaperonnée. Et parce que je sais que Sheng ne dort pas, il y a quelques minutes encore, mon modèle était avec moi. Je frappe contre la porte quatre ou cinq fois, signaler que je suis là, tandis que l’employé a disparu à l’intérieur de l’ascenseur qui se trouve à quelques pas, derrière moi.

I am not a muse
I am the somebody
End of fucking story.