Ce qui me satisfait, c’est que pour ouvrir la porte, il ne met pas trop de temps, et j’aime voir son visage se décomposer lorsqu’il pose son regard sur mes traits. « L’antidote au viagra. » J’en fais claquer ma langue sur mon palais, iritée par les mots utilisés. Cependant, je suis plutôt contente de le voir, d’avance, accepter mon entrée dans cette chambre mal agencée. « Mais j’t’en prie.. » Bien que de toutes les façons, je ne comptais pas demander la permission.

Je pénètre alors à l’intérieur, observe avec un dédain les décorations, et lève, une fois à sa hauteur, mon index à son intention. « Comme si tu en avais eu besoin pour bander avec moi. » La vulgarité autorisée puisque les apparences ne sont plus à conserver, ici, personne ne peut nous observer. D’autant plus que je viens d’énoncer une vérité, ça ne sert à rien de le nier, si je le veux, je parviens à l’exciter, sans aucune pilule à avaler. « Donc, » je reprends tout à m’avançant, « c’est pour ça, » osant à peine effleurer le dessus de lit des doigts, « que tu as refusé le Four Seasons ? » Clairement, je ne comprend pas là. Tu sais bien, combien je déteste que l’on ne m’obéisse pas.

C’est plus fort qu’elle, bien qu’elle ait essayé de détourner le sujet, c’est comme si quelque chose en elle l’obligeait à revenir sur sa relation avec la PDG. Allant jusqu’à se demander si malgré tout, c’est à ce monde que va sa préférence. Même si elle l’aime à l’excès, peut-être qu’elle n’arrivera jamais à lui donner ce que lui peut espérer. « Ça ne reflète pas vraiment la réalité, » Elle n’a pas d’autre choix que de se satisfaire de cette réponse, essayer de lui faire confiance, de croire qu’il ne pourrait pas à nouveau autant la blesser, pas après tout ce qu’ils ont partagé.

Alors elle soupire longuement, le cœur en bandoulière, forcément, elle n’a pas envie de remettre sa parole en doute, ne désire pas faire tourner cet appel à la catastrophe, elle ne garde que le fait qu’il l’ait appelé. « Attends, quitte pas. Un emmerdeur. » Apostrophée, elle ne peut qu’exulter un « Okay, » sans pour autant comprendre quelle personne censée en dérangerait une autre en pleine nuit. L’emmerdeur n’étant probablement pas une employé de l’hôtel ou elle-ne-sait-quoi. Jusqu’à ce qu’elle perçoive un éclat de voix. « … avec moi. » Elle en cligne des paupières plusieurs fois, derechef redressée dans son lit, elle n’a pas envie de le croire, accuse sa jalousie devenue paranoïa. « … refusé le Four Seasons ? » Elle en secoue le visage négativement, parce qu’elle se fait des idées, car ça ne peut pas être vrai. « On pourrait … » les mots de Sheng à présent, « … Vu l’heure. » il est déjà trop long, cet instant.

J’ai beau griffer le dessus de lit, c’est vers les différents meubles et bibelots de cette chambre que mes prunelles déclinent, encore une fois. C’est moche, je n’en démords pas. Et le Four Seasons est beaucoup plus luxueux que ça. Sachant qu’ils sont habitués à me recevoir et qu’ils sont toujours à prêts à combler le moindre des caprices que j’émets. « On pourrait en parler un autre jour. » Encline à la contrariété, mon regard revient se poser sur ses traits, je tente de sonder, le pourquoi il semble si emmerdé. « Vu l’heure. » Certes, cela fait part intégrale de notre petite guerre, mais je n’entends pas en quoi ça le dérange que je sois là. Après tout, ce fut le premier à entrer de force chez moi, si l’on remonte le compteur de notre histoire de quelques mois.

Alors par pur esprit de contradiction, d’un demi-tour sur moi-même, je me laisse tomber assise sur le bas du matelas, mes paumes appuyées dessus de part et d’autre de mes cuisses, j’y agrippe mes doigts, « Tu ne m’as pas l’air très fatigué. » bien au contraire, il paraît soucieux et bien éveillé. Du coup, je compte encore m'imposer. C'est moi qui décide, il le sait. « Alors laisse-moi deviner… » je suppose, surjoue aussi en espérant pointer une vérité, « tu lui as promis de ne pas m’approcher ? » Et pour ce faire tu ne voulais pas te risquer à occuper une chambre attenante à la mienne, à trop de proximité, conscient de ne pas être capable de me résister.

I am not a muse
I am the somebody
End of fucking story.

D’un battement de cils, je l’observe traficoter son cellulaire, comme s’il me dissimulait une sombre affaire. Qu’on se le dise, Sheng, je suis loin d’être l’une des hystériques dont tu peux t’entourer. Ton si précieux portable, je ne compte pas te demander la permission pour le fouiller. Pourtant, notons tout de même que je serais en droit l’exiger, après tout, n’est-ce pas le rôle de la fiancée ?

Cela dit, il délaisse son précieux objet sur la table de chevet, et daigne enfin répondre à la question que je lui ai posée. Pourtant, il est conscient que je déteste tergiverser. La patience ne faisant pas partie de mes qualités. « J’te vois déjà assez de la journée, » Tu parles, on vient juste d’arriver. Ce n’est pas comme si ma présence pouvait déjà l’étouffer. En plus, pour être totalement honnête – enfin totalement c’est un concept – je me trouve plutôt conciliante avec lui. « Et si c’était le cas, je ne serais pas là, à Paris, » D’une main je viens souligner le dubitatif de mon expression, je feins deux ou trois secondes l’hésitation, faussement perdue dans mes réflexions. « Oh mais… Tu mens. » c’est limpide comme mensonge, c’est percutant. Au delà de toutes les barrières que l'indigène aurait pu lui souffler, j'articule presque amusée, « Tu avais envie de venir avec moi. » Bien que je ne lui ai pas réellement laissé le choix, selon les termes du contrat, car je ne l’oublie pas, l’esprit rebelle dont il use parfois, et malgré tout il est monté dans cet avion avec moi. « Et puisque le mal est déjà fait… » Celle-là, je lui laisse le loisir de l’interpréter.

I am not a muse
I am the somebody
End of fucking story.

Evidemment, l’allusion est limpide, mais l’homme aime beaucoup trop se fondre dans le rôle de l’amant récalcitrant, de celui qui décide de quand et de comment. La volonté de récupérer les commandes, de ne pas me laisser le loisir d’être le tyran. « Très bien. » J’exècre, Sheng, lorsque tu joues au plus malin.

J’exulte un soupir, les mâchoires serrées lorsqu’il récupère sa veste, son téléphone et se la joue connard vexé et excédé. « Ne griffe pas le papier peint ou tu l'payeras. » Un chèque de plus ou de moins n’est-ce pas ? Rien que pour le plaisir de le faire passer pour un connard qui ne se soucie de rien.
En quelques secondes il rassemble ses affaires, et ça m’arrache un sourire, c’est à croire que de ses connaissances, je suis réellement la pire. Mais lorsqu’il appuie sur le bouton afin d’activer la télévision, j’en hausse les sourcils, devant la bassesse de ses décisions. « Si ça t’démange de trop, » Il signe son petit spectacle d’une sortie bruyante à souhait. « Va te faire mettre. » que je crache contre la porte fermée sur laquelle va s’écraser la télécommande que je viens de balancer. Ce petit séjour, apparemment, il promet.

I am not a muse
I am the somebody
End of fucking story.

Être en attente, mise sur la touche, reléguée au second plan, pitoyable auditrice qui ne peut s’empêcher d’écouter, de vouloir grapiller, qui n’a pas la force d’appuyer sur cette foutue afin de raccrocher. Même si ça l’écorche à chaque fois qu’elle entend le ton de cette voix. Elle se demande réellement si un jour elle s’y fera. Si tu réalises de ce qu’elle endure à cause de ses sentiments pour toi.

Alors à son ; « Oh mais… Tu mens. » l’espoir de l’amérindienne se suspend, parce que si elle a dû deviner, raccommoder tout le reste, ces mots-là, elle les a entendus distinctement. « Tu avais envie de venir avec moi. » tout comme les suivants. Peut-être que Wendy a raison, qu’il minimise les choses lorsqu’il parle d’obligation, ça fout tellement le bordel dans ses émotions. Mais ce qui la flingue, c’est le reste, c’est la suite. C’est ce ; « Très bien. » qui répond à l’invitation, l’air de rien.

C’est violent comme les prunelles de l’amérindienne se mettent à piquer, d’énervement et d’envie de pleurer. De la véhémence qui ne peut s’empêcher de poindre dans ses pensées. Tellement qu’elle n’entend plus la suite de leur aparté, jusqu’à ce qu’il prononce, « Dsl, on parlait de quoi ? » D’elle et toi, avant que le duo ne devienne un trois. « Je… » Elle peine à reprendre ses esprits, a du mal à gérer les tremblements qui se cachent dans son intonation, « J’sais plus, » elle te dirait facilement que là tout de suite, elle est perdue, « j’sais pas. » ce n’est pas son genre, d’habitude plutôt bavarde, mais pour le moment, elle est sans voix.