Vendredi 21 Mai - Soirée

Currier House quasiment intégralement vide ou presque, j’avais décidé de passer la soirée à l’appart. Soir du bal, tout le monde était sorti, pour y aller ou pour aller s’amuser en ville. Mais pas moi. J’avais d’autres plans, auxquels j’avais commencé à réfléchir il y a déjà quelques jours. Anniversaire de Petit Prince dans deux jours, j’avais décidé de fêter cela un peu en avance. Il allait être débordé avec son défilé annuel, alors ce n’était jamais le bon moment pour organiser quelque chose. Mais ce soir, n’ayant pas à aller au bal, pour veiller sur lui, ni par envie de ma part, je m’étais dis que c’était l’occasion parfaite pour fêter son anniversaire, mais aussi pour essayer d’apaiser un peu les choses entre lui et moi, les dernières semaines ayant été désastreuses d’un point de vue de la communication entre nous. Mafé préparé et livré par un grand chef de la ville - ayant préféré éviter le massacre - je nous avais quand même préparé un petit apéro sympa pour bien commencé la soirée, à condition qu’il accepte de la passer réellement avec moi, ce que je n’allais pas tarder à découvrir. Je frappe à l’appartement de Jellal où lui passait ses week-end, attendant sagement qu’il vienne m’ouvrir. « Hey ! J’ai préparé un petit apéro, et j’ai fait livrer un repas, si tu veux bien te joindre à moi ce soir... »

@Johan de Monpezat

Posé loin du tumulte d’un bal, affinant les préparatifs d’un défilé qui m’otait bien des nuits, des repas et des neurones. L’angoisse chevillée au corps qui grimpait comme le taux de la Bourse. Le Krach allait survenir dans quelques jours. Et c’etait les plus difficiles. L’appel de l’addiction. Me féliciter d’avoir réitéré une annee de plus. Mais la sobriété m’empechait de ruiner le sevrage. Me sauver de la déception. J’allais probablement laisser les effets du manque agir. Sans prendre mes médicaments. Des le 20, je haissais cette periode autant que je la chérissais. Sonnerie qui me sort de mes songes. J’ai rien commandé. Je m’extirpe de mon lit, trainant les savates. Et ... Oh. Anders. « Je .. Wow. D’accord. Ma tenue, ca ira ? » Je m’attendais pas a le voir. Plutôt a ses histoires de bagnoles ou je ne sais quoi. Il est censé etre le plus proche de moi mais etait devenu un bel inconnu.

Je le détaille. « Non, ça va pas le faire... » Je me mord l’intérieur des joues pour m’empêcher de rire, le visage le plus sérieux possible, admire sa réaction. J’attends qu’il se recule songeant à se changer pour enfin laisser un sourire apparaitre. « Je plaisante. Y aura que toi et moi, donc  te prends pas la tête. Viens. » Je lui fais signe de me suivre, filant dans le couloir pour rejoindre l’appartement voisin. Appartement témoin, on voyait bien que je n’y passais pas énormément de temps. Pas assez pour trouver l’envie ou la motivation de le redécorer à mon goût. Sur la table basse du salon, se trouvait des petits fours que j’avais préparé moi-même, même si je n’étais pas un as des fourneaux, ainsi que quelques bouteilles. « Qu’est ce que tu veux boire ? » Je tente de paraitre à l’aise, mais ça faisait bien longtemps que Petit Prince et moi n’avions pas passé un moment comme celui ensemble. Et après tout ce qu’il m’avait balancé ces derniers jours, je ne pouvais qu’appréhender.

« J’ai a faire a un Petit plaisantin en prime » J’envoie un message à Jellal pour la prevenir que j’allais me remplir la panse chez L’ombre. Au cas où, elle me cherche. Et je suis l’homme. Appartement immaculé. Ca me surprenait pas de sa part. Avait-il des choses qu’il voulait posseder ? Y mettre son âme ? Il semble si loin de la personne que j’ai connu. Comme s’il ne voulait exister pour personne. Et ca m’agace. Je range mes pensées empoisonnées et siffle d’admiration. « Tu as tout préparé ?! » Pour moi ? « Je vais prendre une lemonade s’il te plait. » Je m’installe sur le canapé. « Tu as quelque chose à m’annoncer ? »

Je le laisse prendre ses aises, faisant de même. « Pas tout. En réalité, j’ai commandé le dîner. J’étais pas certain de le réussir... » Vérité qui ne plait pas à mon égo, mais je n’aimais pas m’accorder un mérite qui ne m’appartenait pas. J’attrape un verre et lui verse une limonade avant de me servir une bière. Je dépose les boissons sur la table avant de m’installer sur le canapé, à côté de lui. « Rien du tout. Mais... Dimanche c’est ton anniversaire, et comme je sais que tu vas être débordé avec ton défilé, je voulais marqué le coup un peu en amont. » J’attrape ma bière et la tends légèrement vers lui, pour trinquer. On était loin de la grandeur des soirées d’anniversaire qui lui étaient normalement réservées, mais j’espérais que ça suffirait à lui faire passer un bon moment, à lui vider un peu la tête.

Un « oh » sort de ma bouche. Verre qui trinque. « J’avais oublié. Je .. Oh d’accord. » Je reste sans voix. Corde sensible vibrant fortement. Il .. Il avait pensé a moi. « On va manger quoi ? » langue curieuse questionne, tout en mangeant une autre bouchée. La stupéfaction est de mise. Surtout que je ne l’epargne pas ces derniers temps.

Je ne sais pas comment appréhender ses réactions. Je ne m’attendais pas à ce qu’il me saute dans les bras, mais en même temps, elles me paraissaient encore bien trop distantes par rapport à toutes ces années d’amitié.  « Ben heureusement qu’il y en a un de nous deux pour y penser. » Je le taquine un peu, alors que je n’étais pas certain d’être meilleur que lui à ça. « Tu verras bien. Mais c’est quelque chose que tu aimes. » Parce que malgré tout, je le connaissais, je connaissais ses gouts, même si ce n’était pas simple entre nous. « Alors, comment ça s’est passé tes examens ? Tu t’en es sorti ? » On avait pas particulièrement eut l’occasion d’en parler, mais j’espérais qu’on avait été brillant tout les deux.

Il attise ma curiosité mais je le saurais tot ou tard. Je hausse les epaules en guise de resignation, continuant de me remplir la panse. Sujet qui fachait et enfin terminé mis sur la table. « Je pense que j’ai merdé un ecrit et un oral. On verra bien a la fin. Et toi ? »

Je le regarde hausser les épaules, ce qui m’arrache un léger rictus. Ca m’amusait de mettre sa patience un peu à l’épreuve, même si de toute façon, il finirait par le savoir. Echange de banalités sur cette éprouvante semaine que nous venions de passer. C’était la première fois qu’on traversait ce genre de chose, plus ou moins ensemble.  « J’ai peut-être merdé sur une épreuve théorique aussi. Trop de stress, d’angoisse. » Ce qui facilitait les crises. « Je n’arrive même pas à me souvenir de ce que j’ai écrit sur ma copie. » Je ris légèrement même si ça pouvait m’être préjudiciable, tout simplement pour masquer la difficulté de devoir faire face à la manifestation de mes démons. Parfois, les souvenirs étaient flous pendant les crises.  « Mais j’espère avoir suffisamment assuré le reste pour pas avoir à redoubler. » Pour ne pas avoir à justifier un nouvel échec auprès de mes parents, ou de qui que ce soit d’autre.

J’ai l’impression que cela fait des lustres que nous nous sommes pas parlés. A croire qu’il y avait un mur constant et invisible entre nous. Mur que j’erigeais bien souvent. La rancoeur au bout des levres. C’etait dur de lui refaire confiance quand dans l’obscurité, il n’y etait pas. Il n’y pouvait soi disant pas. Et avec la couronne, je sais qu’il y a un fond de verites. Mais j’arrive pas a passer outre. Alors l’entendre etre sincère me surprend autant que ca me plait. « Je n’en doute pas, tu vas passer. Et meme si tu redoubles, ce n’est pas un echec. Tu auras du temps libre pour toi. » Verre toujours à moitié plein avec moi.