La situation demeurait foutrement incompréhensible pour moi. Moi, le gamin Italien paumé qui avait la tête bien trop saccagée pour savoir comment les choses se déroulaient réellement à Boston et avec ses habitants. Est-ce que le comportement de Kéo était un comportement normal et habituel pour tout le monde ? Est-ce que tout le monde avait l’habitude d’inviter des inconnus chez eux pour faire une lessive, prêter des vêtements et passer de la pommade sur une brûlure causée à la suite d’un petit accident ? Cette réalité me semblait bien trop folle. Elle ne pouvait guère être vraie. Elle ne pouvait pas réellement exister. Ce n’était pas logique au sein de mon monde. Ce n’était guère normal dans ma réalité à moi. Les choses ne se déroulaient jamais ainsi. La gentillesse n’était jamais aussi pure et sincère. Surtout pas envers moi. Moi, le gosse qu’on se plaisait à utiliser pour obtenir un peu plus d’argent ou de deal. Non, ce n’était pas ainsi que les choses se déroulaient en Italie. Ce n’était pas de cette manière que les événements se passaient dans mes souvenirs. Lorsque quelqu’un était gentil à mon égard, il y avait toujours quelque chose à payer derrière. Il y avait toujours quelque chose planqué derrière le rideau de la gentillesse. Toujours. De toute manière, le rideau était bien trop rare. Il ne s’abattait presque jamais sur mon existence. Lorsqu’il s’abattait, il venait d’Antonio et c’était parce que le Mafieux désirait m’utiliser un peu plus longuement auprès de personnes violentes. Les clients n’étaient jamais gentils eux. Ils s’enchaînaient les uns après les autres. Ils voulaient obtenir quelque chose, mais ils ne cherchaient jamais à donner quoi que ce soit en retour. Je n’étais qu’une marionnette utilisée pour leur plaisir. Alors, tout ça là ce n’était pas normal pour moi. Tout cela ne semblait foutrement pas logique. Kéo me donnait tant. Il m’avait entraîné jusque chez lui. Il avait prit mon sweat pour le laver. Il m’avait apporté une chemise pour me planquer derrière. Il m’avait même apporté cette crème pour soulager la brûlure trônant sur mon torse à cause de notre accrochage dans la rue. Et je n’y comprenais rien. Kéo ressemblait aux clients par tellement de points. Il était celui qui parlait Italien et qui donnait les directives. Il était celui qui menait la danse même s’il était doux. Il était celui qui agissait pour peut-être obtenir en échange. Ou peut-être que tout ça n’était que dans ma tête et qu’il se comportait dans une norme qui m’échappait à moi. Je n’en savais rien putain. Tout ce que je savais à l’instant était que les doigts du tatoué sur ma peau savaient me rendre un peu trop fou. Il massait la brûlure de façon circulaire et les secondes s’écoulaient. Le moment s’étendait. Attendez… Ça faisait bien trop longtemps qu’il agissait non ? Oh bordel, je ne savais plus. Le décompte s’était malheureusement perdu quelque part. Il m’avait échappé au fur et à mesure que je me sentais sombrer. Ma respiration s’était affolée m’empêchant de continuer à compter. Les chiffres dansaient dans ma tête comme les flammes dansaient dans mon corps. Incontrôlables et sans prises. La tête renversée et les yeux fermés, je tentais de prendre sur moi pour me contrôler. J’essayais d’enfermer ce désir qui cognait dans mon être. Ce désir que Kéo avait déclenché sans réellement en avoir conscience. Enfin… Si il en avait eu conscience parce que je l’avais prévenu des risques. Peut-être qu’il ne m’avait pas cru parce que ce n’était pas sa normalité à lui ? Les pensées s’embrouillaient tandis que je tentais de rester concentré pour ne pas déraper. Me jeter sur un inconnu n’était clairement pas un comportement adapté. J’hochais la tête à la question de l’homme. Et le silence ne tardait pas à s’inviter. Kéo s’éloignait me supprimant le contact délicieux. Je bronchais face à cette perte dérangeante. Gamin qui en voulait tellement plus. Gosse au corps allumé qui désirait être assouvi. Je soupirais longuement en rouvrant les yeux espérant que cela suffirait à rendormir le bas du corps éveillé. Foutue illusion. Fichus espoirs.

Kéo revenait à mes côtés et je me sentais paumé comme si je me retrouvais en plein milieu d’un labyrinthe sans avoir la moindre directive pour m’en sortir. Je me sentais foutrement mal à l’aise de réagir ainsi alors qu’il n’y avait eu qu’un contact sur mon torse. Je n’étais clairement pas normal. Si vous saviez à quel point j’avais envie de disparaître six pieds sous terre pour ne plus me retrouver dans cette situation. Marmonnant des remerciements à l’attention du tatoué, je finissais par me plonger dans le silence. Je ne savais pas quoi faire de plus. J’ignorais ce que j’étais censé dire maintenant. Je ne pouvais pas faire la conversation. Moi le gamin qui devait toujours s’effacer et fermer sa bouche. Moi le gosse qui n’osait pas l’ouvrir de peur de voir Antonio débarquer pour me frapper. Mais, je ne pouvais pas me contenter d’attendre sur ce canapé de récupérer mon sweat.