Samedi 13 mars 2021 00:07am

La deuxième journée du Spring Break s’achevait lentement. Aujourd’hui avait été une journée bien plus calme que celle d’hier. J’avais pu rester dans la chambre en tête à tête avec mon amoureux à simplement profiter de sa présence. J’avais pu rattraper une bonne partie de sommeil que j’avais en retard. Ce manque de sommeil qui s’était accumulé au fil des dernières semaines à cause de la présence d’Aurore dans ma vie. Aujourd’hui, j’avais pu dormir paisiblement tout en profitant pleinement de la présence de mon copain. Ça avait été juste lui et moi et ça faisait du bien. Aujourd’hui, j’avais réussi à lentement occulter ce qui s’était passé la veille. Hier, je m’étais arrêté en Géorgie afin de voir la grand-mère de Nixon à qui je devais offrir son cadeau de Noël. Hier, j’avais confié la bague de ma mère à la grand-mère de Nixon comme sachant parfaitement que c’était lui que je voulais demander en mariage avec cette bague. C’était lui que je ne demanderai jamais en mariage. Tout était terminé. À cause de moi. De ma toxicité. De ma décision. De cette voix dans ma tête. Hier, j’avais mis fin à la possibilité d’une nouvelle famille qui me faisait tellement de bien et mon histoire avec Nixon s’était mise à sombrer encore plus profondément. Il n’y avait plus rien. Je n’étais plus personne. Et, oh bordel, ce que ça avait fait mal hier. Ce que ça faisait mal aujourd’hui. Ça ferait toujours mal bien sûr. Cependant, après cette journée de calme perdu dans ma bulle Neakas, je me sentais un peu mieux. Je me sentais parfaitement prêt à participer à la balade nocturne au pays des fantômes. Au-delà de nous faire découvrir un peu plus la Nouvelle-Orléans, cette soirée avec mon copain promettait d’être amusante d’autant plus que Katalia devait nous y rejoindre. Sac sur le dos, je sautillais sur place au lieu de rendez-vous déjà surexcité à l’idée de cette balade. Une balade qui se lançait et au cours de laquelle je restais collé à mon petit-ami. Une balade au cours de laquelle j’écoutais à peine le guide déblatérer tout son speech. Je me perdais un peu plus à écouter les voix rassurantes de Lukas et Katalia à mes côtés. Je me perdais plus dans ces cigarettes que j’enchaînais. Et, arrivés dans le cimetière, je me perdais dans mes pensées me détachant de mon copain lorsque je me penchais un peu plus sur une tombe pour lire les mots. Est-ce qu’il y avait des choses écrites sur la tombe de ma mère ?

Je me perdais un peu trop longuement dans mes pensées. J’étais à des kilomètres de la réalité. Ce ne fut que lorsque ma cigarette vint brûler doucement mes doigts que je sursautais pour me replonger dans l’instant. Presque aussitôt, mes sourcils se fronçaient. Je n’entendais plus le brouhaha du guide à mes côtés pour raconter ces milles et une histoires de fantômes et de vampires. Oh oh… Merde… Soupirant, je prenais le temps de tourner une fois sur moi-même pour être certain de la situation. J’étais perdu loin du groupe de visite. J’étais perdu tout seul dans ce cimetière en pleine nuit. Où était donc passé mon copain et celle que je considérais comme ma petite sœur ? Ils ne m’auraient pas laissé derrière quand même… Quoiqu’ils avaient l’air occupé à débattre sur je ne savais quel sujet pendant que je m’étais perdu à l’intérieur de mon esprit. Bon… Ce n’était pas si grave que cela, il fallait juste que je bouge. Je ne pouvais pas rester ici et passer la nuit au milieu de toutes ces tombes – encore moins après avoir entendu des bribes d’histoires du guide. Il était hors de question que je reste là. Tournant de nouveau sur moi-même, je guettais les alentours en quête d’une sortie. Une sortie que je ne voyais pas bien évidement. Soupirant bruyamment, je sortais mon téléphone de ma poche pour constater que je n’avais même pas de réseau dans ce cimetière. Impossible de prévenir mon copain pour qu’on revienne me chercher. Impossible de lancer le GPS pour trouver le chemin de la sortie. J’allais devoir me débrouiller tout seul. Glissant de nouveau le mobile dans mes poches en même temps que mes mains, je me mettais en marche en quête d’une éventuelle sortie. Yeux plissés pour tenter de lutter contre l’obscurité, je sursautais lorsqu’au détour d’un mausolée une exclamation féminine se faisait entendre. Avant même d’avoir eu le temps de parler, je me recevais un objet en pleine figure m’exclamant un « Aie bordel ! » parce qu’il venait cogner contre mon nez et que c’était foutrement douloureux. Lorsque je relevais les yeux pour connaître le coupable du lancée, il n’y avait personne devant moi. Attendez… Est-ce qu’il y avait vraiment des fantômes par ici ? Oh shit… Fermant les yeux un instant, je m’efforçais à respirer lentement avant de me baisser pour ramasser l’objet. S’il y avait quelque chose, il y avait forcément quelqu’un. Non ? Mes doigts attrapaient le mobile au sol en même temps qu’une voix féminine résonnait non loin. Ouf. Je n’étais pas fou et il n’y avait pas de fantômes. Un rire nerveux m’échappait tandis que je me redressais en soufflant « Hé c’bon je vais rien te faire… » De toute manière, qu’aurais-je pu faire à une inconnue ? Soupirant, j’avançais de quelques pas jusqu’à distinguer la silhouette de la demoiselle. Une demoiselle dont je ne voyais toujours pas le visage puisqu’elle restait dans la pénombre. Ma langue glissait sur mes lèvres et je demandais « Tu faisais la balade toi aussi ? » comme un gamin curieux qui priait pour ne pas être le seul suffisamment idiot pour se perdre comme ça. Frottant mon nez douloureux d’une main, je tendais le mobile lancé à la jeune fille de l’autre main. Bon, j’étais toujours perdu, mais au moins je n’étais plus tout seul.

Comment était la tombe de ma mère ? La question taraudait ma tête tandis que je m’étais penché sur l’une des tombes pour en lire quelques mots. Cela allait bientôt faire seize ans que ma mère était morte et ça faisait presque aussi longtemps que je n’étais guère allé sur sa tombe. Les souvenirs étaient flous à l’intérieur de mon esprit. Ou peut-être qu’ils étaient bien trop enterrés dans mes souvenirs pour m’empêcher de souffrir. Je ne me souvenais plus des mots notées sur la pierre tombale de ma mère et j’avais soudainement envie de m’envoler en Italie pour aller la revoir. Pour m’asseoir des heures devant la tombe à parler et parler encore comme si ma mère se trouvait face à moi. J’avais envie de me rendre à Naples pour voir si des fleurs embellissait la tombe de ma maman. J’avais envie de lui apporter des fleurs moi aussi. Ces tournesols qu’elle adorait. Oh bordel… Je voulais rentrer en Italie voir cette tombe bien trop oubliée. La cigarette venait brûler mon doigt et je sursautais soudainement me reconnectant au monde et à la réalité. Et merde ! Je m’étais laissé happer par la spirale de ma tête. Je m’étais laissé avoir par mon esprit. Stupide gamin qui décrochait bien trop vite parfois. Je me redressais rapidement prêt à reprendre la visite lorsque je me rendais compte de la situation. Il n’y avait plus personne autour de moi. Plus le moindre bruit. Plus la moindre silhouette. Simplement le néant. Juste le silence. Moi et beaucoup trop de tombes. Moi et la nuit noire. Le guide avait disparu sans laisser de trace. Le groupe s’était évaporé emportant avec lui ma petite sœur et mon copain. Je jurais doucement sentant mon cœur cogner un peu plus fort. J’étais perdu tout seul dans ce putain de cimetière. J’étais perdu tout seul et je n’avais pas le moindre réseau ici. Tournant sur moi-même, je cherchais une sortie qui n’apparaissait guère avant de me décider à bouger. Il fallait avancer pour chercher. Il fallait bouger pour tenter de m’évader de cet endroit possiblement peuplé de fantôme. Yeux plissés pour m’habituer à l’obscurité et ne pas gaspiller de la batterie pour rien, j’avançais dans le cimetière. J’avançais restant attentif au moindre bruit au cas où l’on revienne me chercher. Et, je sursautais au détour d’un mausolée lorsqu’un objet venait me percuter en plein visage. Je jurais bien vite ressentant la douleur pulser dans mon nez. Mes prunelles se relevaient aussitôt en quête de l’idiote personne qui venait de me lancer ça au visage. Il n’y avait personne. Je ne distinguais rien. Et la panique montait un peu plus dans mon corps. Est-ce que les histoires de revenants étaient vraies ? Mordillant nerveusement ma lèvre, je me baissais au sol trouvant un mobile qui me rassurait sur la réalité. Un apaisement qui se faisait encore plus fort lorsqu’une voix féminine résonnait non loin de moi. Une fille armée se trouvait dans le cimetière. Est-ce que c’était effrayant ? Peut-être un peu. Est-ce que ça l’était plus qu’un fantôme ? Non, certainement pas.

Je sentais la pression redescendre tandis que le rire nerveux m’échappait. Besoin soudain d’évacuer la pression qui avait su monter trop vite à l’intérieur de mon être. J’avançais de quelques pas tentant de rassurer la demoiselle en soufflant quelques mots bateaux. Des propos qui n’avaient guère l’air de fonctionner au vue de la réponse de l’étrangère. Une réponse qui venait me tirer un vrai rire alors que les scènes des films d’horreur se jouaient dans ma tête. Il était vrai qu’au vu de ça, mon intervention n’était pas des plus rassurantes. Glissant une main dans mes cheveux, je finissais alors par rajouter « C’vrai… Mais on n’est pas dans un film d’horreur et j’suis pas un tueur… » Enfin si j’en étais un, mais ce n’était clairement pas le moment de souffler de tels mots. Ce n’était clairement pas le genre d’aveu à lancer en pleine nuit dans un cimetière. Reléguant cette pensée au fin fond de ma tête, je tentais de mettre la demoiselle en confiance en parlant de cette visite organisée. Est-ce qu’elle était en train de la faire elle aussi ? La silhouette sortait lentement de la cachette laissant la confirmation tomber et la questionner résonner. J’acquiesçais doucement pour répondre avant de me souvenir que nous étions dans l’obscurité et qu’elle ne distinguait sans doute pas mon mouvement. Alors, je marmonnais « Ouais… Je… J’étais perdu dans mes pensées et… Pouf plus personne… » C’était un peu ça qu’il s’était passé oui. Je n’avais pas envie d’entrer dans les détails et de dire que je m’étais fait happer un peu trop fortement par ma tête. J'allais passer pour un dingue et l'effrayer peut-être. Je n’avais pas envie de ça et je préférais tendre le mobile à l’étrangère en frottant doucement mon nez douloureux. À retenir qu’un téléphone portable pouvait faire foutrement mal si on se le prenait en plein visage. La demoiselle récupérait son bien déposant ce qu’elle avait entre les mains – sans doute une quelconque arme de fortune qu’elle avait choppé au passage pour se défendre. Elle s’excusait pour mon nez expliquant son comportement que je ne comprenais que trop bien avant de m’interroger sur mon état. J’allais répondre que je ne savais pas trop palpant lentement mon nez lorsque la lampe torche de son mobile s’alluma. Je plissais les yeux pour supporter la lumière vive. J’entendais la demoiselle approcher, mais je ne regardais pas concentré à toucher mon nez pour vérifier si quelque chose était cassé. Mon prénom et mon nom résonnaient me poussant à lever les yeux sur l’étrangère devant moi. Et, presque aussitôt un soupir quittait mes lèvres. Sérieusement ? C’était quoi ce coup du destin ? C’était quoi ce jeu de la vie ? Il fallait que je me retrouve perdu en pleine nuit dans un cimetière avec Roxy Dinkley. Je levais les yeux au ciel lâchant mon nez. Glissant mes mains dans mes poches, je soufflais « Mon nez ça va… J’connu pire… » Ouais, j’avais connu pire que ce téléphone cognant mon visage et je venais de vérifier. Il n’y avait rien de cassé. Il n’y avait même pas de sang qui coulait. Alors, ça irait bien. J’aurai peut-être juste un joli bleu sur le nez demain, mais rien de grave. Ma langue glissait sur mes lèvres tandis que je bougeais doucement la tête hésitant. Est-ce que je devais la laisser là et tenter de faire mon chemin tout seul ? Non. Je ne pouvais pas faire ça. Même si je ne portais pas la demoiselle dans mon cœur, je ne pouvais pas la laisser perdue dans ce cimetière. Me mettant en marche, je lançais « Tu viens ? Faut qu’on s’bouge pour trouver une sortie. » Ordre lancé sans trop laisser le choix. Invitation balancée pour trouver au plus vite un moyen de sortir de là et ne pas passer trop de temps ensemble. Je me concentrais d’ailleurs sur le chemin restant sagement silencieux et ouvrant grand les oreilles au cas où un brouhaha ne nous parvienne.