J’arrive en premier, Dutch à ma suite, de tout près, mais le problème reste sa dulcinée. Parce qu’elle n’a que la peau sur les os, et qu’elle a bien du mal à se dépêtrer de cette rivière qui ne contient pas que de l’eau. Alors en temps normal, ça ne me poserait pas de problème, et je suis certain que le compère y trouve une certaine satisfaction à la voir galérer autant dans le fond. Il y a ce truc sexy à voir une femme qui nous plait se salir, et j'en suis d'autant plus frustré que Mila soit restée de côté. Je sais, je passe mon temps à me répéter. Comme un gosse pourri gâté, insatisfait.

Seulement quand il fait machine arrière, je la maudis un peu, la mégère. Parce que mon avance sur Patterson en est réduite à néant, et c’est entièrement la faute de la rouquine qu’il se traîne.

Alors ok, si c’était Mila, évidemment que j’y serai aller, mais on a commencé à trois, et je n’ai qu’une parole, alors partir sans eux, je ne peux pas. Bien que Dutch m’ait lancé ce regard qui signifie que si j’avais envie de le faire, il ne m’en voudrait pas. Quelques secondes encore, avant que le duo n’arrive à ma hauteur. « C’est pas trop tôt ! » en espérant qu’elle ne s’énerve pas, les femmes on n’est jamais sûrs de comment elles vont réagir face l’humour. Mais c’est de bonne guerre, parce que si je me casse la gueule dans les pneus, je leur donnerai le droit de rire de moi, enfin, rien qu’un peu.

@Dutch B. Cooper @Wesley Patterson-R @Joséphine Porter

SPARTAN RACE
1e février 2020

  

« Quel sauveur » presque à genoux dans cette fange où dans d’autres circonstances j’aurais évidemment pris beaucoup de plaisir à te regarder se coucher. Je n’éprouve pour le moment qu’un seul désir : celui de nous voir au plus tôt nous en sortir. Et enfin sur la berge c’est sur son postérieur que ma main trouve enfin du réconfort malgré le dossard sous lequel il est dissimulé, maigre lot de consolation pour l’effort donné alors que nous rejoignons, parés d'un sourire complice, Snow qui semble un brin perturbé. « C’est pas trop tôt ! » Pourquoi ? T’es pressé ? Pour sûr, Joey va apprécier…  

Mais on ne peut l’arrêter dans sa lancée, comme si le diable était en train de le courser et le voilà qu’il galope et saute de pneu en pneu là où beaucoup ont, avant lui, chuté. Il enjambe avec brio les deux premiers, ainsi que le troisième mais l’équilibriste se prend soudainement une buche. « Ah raté » heureusement pour lui, le silicone a amorti le plus gros. Allez savoir, il a peut-être été perturbé… Sur l’autre rangée, juste à coté, un autre concurrent vient également de se planter, préférant quant à lui en rire plutôt que d’en pleurer. Fairplay et bon perdant, il faut l'avouer, il (Wesley) a... tout mon respect. Mais un peloton derrière marque le début des vraies hostilités, nous pressant nous aussi à nous y jeter. Alors sans attendre que le beatnik ait fini de se révéler, je commence moi aussi en de petites foulées la traversée pour dangereusement me rapprocher et beugler :  « Tire-toi! Tire-toi! » Ne me fais pas perdre mon rythme où nous finirons tous par nous faire écraser.  

Zéro ! Aussi frêle et mauvais qu’il soit, celle-là il ne l’a vu venir.  Il a dérapé sur une motte de terre détrempée entre les obstacles d’élastomère et maintenant il se retrouve allongé, sa silhouette disloquée sur le contingent caoutchouteux à accuser la vierge de l’avoir abandonné. Il ne se relève pas dans l’immédiat et préfère rester vautré là, à l’image de ces matinées qu’il souhaiterait secrètement passer à ronfler sous ses draps plutôt que d’aller perdre son temps dans un amphi. Et pourtant, la joue mollement écrasée sur la gomme dont il se ferait volontiers un oreiller, il entend des échos lointains se rapprocher, bruits sourds et à la fréquence de plus en plus brève. Tel un suricate en alerte, la tête rêvée, son regard toise le parcours déjà emprunté et hagard, il perçoit avec horreur la nuée approcher. Il lui faut partir mais son pied refuse de lui obéir, basket coincée entre la jonction de deux pneus dont la boue les rends difficilement mobiles.  

Pourtant vile et manuel de par sa nature, il lui est presque impossible de trouver le moyen de s’en extraire seul, un constat qui profondément l’afflige. Saloperie... Et comme si la providence se moquait de lui, celui qui le suit de peu n’est autre que l’homme qu’il avait maudit. Tant bien que mal, il essaye de l’agripper, cherchant de ses doigts crasseux à lui choper le mollet.  « Aidez-moi, aidez-moi, » jérémiades presque couvertes par les bruits du troupeau qui ne cesse de gagner du terrain.  
@Wesley Patterson-R

SPARTAN RACE
1e février 2020

 Le corps qui se fracasse sur les pneus alignés, je ne peux pas m’empêcher de rire. C’est risible, d’autant se ramasser sur un parcours qui dès le départ, ne m’impressionnait pas. Alors que je tente de continuer, et doubler celui qui me narguait de son avance, je remarque qu’il y a un souci. Ce dernier ne se relève pas, et je ne comprends pas. Serait ce une ruse ? Dès que je serais à sa hauteur il va bondir et courir à toute allure ? J’avance sans laisser ces questions me freiner. Et je sens ses doigts agripper mon mollet. Première réaction : Lui jeter un regard bien parlant. Lache moi ou je te dégomme. Deuxième réaction : regarder son pied bel et bien bloqué. Troisième réaction : regarder la foule derrière nous. « Merde. » Je dois remballer mon costume de connard. « Ne panique pas. Mais faut se grouiller. » Et je me baisse pour tenter d’écarter les pneus. Rien y fait, la boue est bien trop présente, mais les autres avancent trop vite pour que je puisse en retirer le plus gros. L’esprit vif propose « Je vais tenir ta basket, et va falloir que tu la retires. » je te fixe, prêt pour la manœuvre « Et je pourrais te la débloquer une fois que ton pied ne sera plus dedans. » Car elle sera plus facile à manier.

Alors qu’ils remontent tous les deux, la paume de Dutch contre ses courbes, elle savoure les secondes où la possessivité de son partenaire est révélée aux yeux de qui voudrait le remarquer. Mais la satisfaction reste fugace, car aux mots de Snow, elle s’agace. « C’est pas trop tôt ! » A la limite de lui cracher qu’il n’avait qu’à continuer si attendre le faisait tellement chier. D’ailleurs, il s’élance sur le prochain obstacle encore une fois en premier, laissant le loisir à Joséphine de maugréer. « Toujours aussi sympa. » Car le soir où ils se sont rencontrés, elle n’a vu en lui qu’un ivrogne avec une langue beaucoup trop pendue. Une gueule qu'il a du mal à garder fermé. Mais au moins, le doute sur le fait qu’ils se soient rapprochés avant sa rencontre avec Dutch est levé. Aucune ambiguïté.

Et Snow s’élance pour mieux se rater. C’est moins drôle, n’est-ce pas ? C’est ce qu’on appelle le karma. Joséphine ne manquera pas de te le rappeler, si elle passe devant toi. « Ah raté » c’est peu de le dire. Ca lui procure un sentiment de bien. Mais elle ne rajoute rien, et Dutch emprunte le même chemin. Pour tomber à son tour sur le dos de son copain. Et ils sont plusieurs à se retrouver à terre, de ce fait, Joséphine décide d’essayer une autre manière, plutôt que de courir sans réfléchir, elle les saute les uns après les autres, prends le temps de ralentir, dans l’espoir de ne pas rejoindre, même si à chaque nouveau pneu son corps n’a de cesse de s’appesantir.

@Dutch B. Cooper