Je verrouille mon téléphone, lâche un profond soupir alors que je détourne mon regard vers le hublot de l’avion. C’est un vol commercial et je suis en classe business, je n’avais pas voulu utiliser le jet de la famille pour rentrer à la maison. La décision était prise et meurtrie par l’accident de métro du mois de janvier 2020, je n’arrive pas à rester sur les lieux. Il me faut un souffle nouveau, trouver qui je suis réellement. C’est pourquoi je prends la décision de partir sans même un dernier regard en arrière. « Bonjour. Tenez pour le vol. » Une hôtesse de l’air me tend un coussin, une couverture et un masque de repos. Je souris faiblement et attrape les éléments avant de m’emmitoufler à l’intérieur du plaid et de placer le masque de repos sur mes yeux. Lorsque j’ouvre les yeux c’est lorsque l’avion entame sa descente pour l’aéroport de Londres Heathrow. Je boucle ma ceinture, et j’attends. Lorsque les roues touchent enfin le tarmac, je suis soulagée d’être dans ma ville natale. Je descends de l’avion et sort de l’aéroport, c’est ici qu’une voiture blindée aux vitres teintées noires m’attends. Je laisse ma valise devant le véhicule alors qu’un homme se charge de la mettre dans le coffre de ce dernier. Je monte à l’arrière et place mes lunettes de soleil sur mon nez. « Le temps est beau aujourd’hui. » J’observe le rétroviseur central, alors qu’un homme vêtu d’un costard noir regarde à son tour le miroir. « Vous avez raison mademoiselle Windsor. » Je lâche un soupir discret alors que je détourne le regard vers la fenêtre de la voiture. Cette dernière démarre, et je me laisse transporter jusqu’à ma destination. L’hôpital où se trouve ma mère malade. Lorsque nous arrivons devant le bâtiment, je reste un moment, assise alors que l’homme au volant viens m’ouvrir la portière. Je fronce les sourcils, jette un coup d’œil à mon téléphone puis me décide enfin à sortir du véhicule. Quelques minutes plus tard, je suis dans la chambre où se trouve ma mère, le son de la machine relié à son cœur fait un bruit à peine audible. C’était la fin, je le sentais. Je déglutis, l’observe quelques secondes et mets ma main dans la sienne. C’est à ce moment qu’elle fait le choix de partir. Je sens sa main se raidir, la machine raccordée à son cœur qui entame un bruit long et persistant. Je reste un moment dans cette position. Tous ces malheurs qui semblaient tomber comme des mouches dans ma vie, me faisait beaucoup trop souffrir. Comment je pouvais être encore debout ? Il faut que je me reprenne en main.


Lorsque j’ouvre les yeux, je suis dans une pièce qui semble être stérile, des chirurgiens s’excitent autour de moi. « Vite. Elle perd beaucoup trop de sang. » La voiture. Elle fait une sortie de route, des tonneaux et je me retrouve dans le fossé avec mon garde du corps. Comment ça a pu arriver ? Aucuns problèmes mécaniques sur le véhicule, probablement juste un état de fatigue du conducteur. Décédé à l’heure qu’il est. Pourquoi suis-je encore en vie ? Je referme les yeux, la lumière est insoutenable, je choisi le noir. Il m’entoure et lorsque je reviens à la raison, plusieurs heures, plusieurs jours, plusieurs mois sont passés. « Ça fait 3 mois maintenant qu’elle est dans cet état. Il faut penser à peut-être débrancher les machines. » Mon corps est douloureux et dans un sens, je n’ai plus l’impression de pouvoir le contrôler. « Regardez, elle se réveille. » Je fronce les sourcils, laisse mon regard parcourir la pièce à la recherche de n’importe quel indice. « Wilhelmina, vous m’entendez ? » Je tourne mon regard vers le médecin qui s’adresse à moi, il pose sa main dans la mienne. « Serrez doucement ma main si c’est le cas. » C’est dur, mes doigts ne bougent pas. Mais je fini par y arriver, la pression de ma main contre la sienne est faible, mais au moins elle montre que je suis consciente. Après de longs mois de rééducation, je suis enfin prête. Prête à marcher par moi-même et sans cette affreuse canne que je traine partout avec moi depuis mon accident. Ça fait six mois que je suis sortie de l’hôpital et beaucoup de choses ont changés dans ma vie. La première, c’est que j’ai été victime d’une perte de mémoire, beaucoup d’éléments de mon passé se sont envolés. La deuxième c’est que j’ai décidé de prendre un nouveau départ et de devenir cette personne que je n’ai jamais été. Une fille sûre d’elle et bien dans ses baskets. La troisième, c’est d’avoir eu l’opportunité de me rapprocher de ma vie, de ne plus être ce vilain petit canard que j’ai été pendant toute mon enfance. Et enfin, la quatrième c’est de tenter une nouvelle fois ma chance à Harvard. Choisir une nouvelle maison, une nouvelle filière à la Harvard Business School. Prendre un nouveau départ, tout beau, tout neuf. Un que je ne gâcherais pas cette fois.