(un) sa chère Toulouse, cette commune de France qui l'a entendu poussé son premier cri. Son caractère unique tout comme la demoiselle qui y a vu le jour, cette gastronomie ancestrale, cette vie qui l'anime. Alizée est tombée amoureuse de cette ville au premier regard. Sa Toulouse, sa ville. Peu importe ce que peut dire ses cartes d'identité, sa personne a beau être à Boston; son coeur restera toujours à Toulouse. (deux) Deuxième de la famille Beauregard, elle vient compléter à peine deux ans après la naissance de leur premier enfant. Petite poupée coquette autant une que l'autre, les demoiselles ne sont pas faite de porcelaine et on ne les traite pas comme telle. Dépassement, force, encadrement. C'est les mots qui reviennent sans cesse dans les conversations alors qu'elle a à peine l'âge de comprendre leurs significations. (trois) Trahison, abandon; c'est comme ça qu'elle le perçoit. Elle a cinq ans la gamine. Du haut de ses cinq ans, elle se tient sur le balcon, regardant sa mère et sa soeur embarquées dans cette voiture qui les séparera d'elle trop longtemps. Son regard ne peut se porter que sur son père, sa main dans la sienne, alors que la voiture disparait à l'horizon. (quatre) En colère, la demoiselle ne peut s'empêcher de l'exprimer. Mettant la faute sur son père qui l'empêche d'aller les rejoindre, sur sa mère qui ne l'aimait pas assez pour l'amener avec elle, sur sa soeur qui n'a même pas tourné la tête avec une once de regret dans le regard. Elle devient mesquine. Faisant mal à ceux autour d'elle pour qu'ils vivent la même douleur qu'elle ressent. C'est la seule façon qu'elle a trouvé de le faire dans son si jeune âge. Elle tire les cheveux des petites filles de sa classe, brise les petites fleurs que lui ramène le voisin chaque matin. Elle a mal et elle veut que les autres ressentent la même chose, elle ne voit pas la souffrance qu'elle fait. Elle ne voit que la sienne à travers leurs yeux. (cinq) Reprenant doucement sa vie, laissant le passé dans le passé, la gamine de maintenant sept ans se concentra sur ses amies, sur ceux qui ne l'abandonneraient jamais. C'est ce qu'elle pensait à l'époque, que l'amitié était plus fort que tout, que rien ne pouvait lui résister. Enchaînant soirée pyjama sur soirée pyjama, son père ne lui refusait jamais d'inviter quelques amies à dormir à la maison. Par culpabilité? Par peur d'une crise? Jamais elle ne le su vraiment. Et elle ne tenait pas à savoir, elle préférait juste être avec ses amies. (six) petit bonheur qui disparu aussi rapidement qu'il était arrivé, dure réalité qui nous rattrapais alors que la petite se faisait enfin à sa vie, seule avec son père. Tout bascula du jour au lendemain. On l'arracha à ses amies, à sa ville natale, à tout ce qu'elle connaissait. En quelques jours, ils étaient dans l'avion qui les amenait à Boston, cette ville dont elle ne connaissait rien. Vers cette mère et cette soeur qui l'avaient abandonné quelques années plus tôt. Pourquoi ce changement de cap aussi rapide? Un accident de voiture. (sept) De l'attention que pour elle, que pour sa grande soeur. Rendez-vous sur rendez-vous pour Aimée alors qu'on ne porte plus d'attention à Alizée. On l'a déraciné, on lui a enlevé tout ce qu'elle connaissait et le comble de tout, on la confit à une jeune adulte qui doit veiller sur elle lorsque les parents sont trop occupés à courir les hôpitaux et les centres de réadaptation avec l'ainée. Elle se sent délaissée, Alizée, abandonnée une seconde fois par sa mère et trahi par son père qu'elle croyait de son côté. Comme si elle n'avait plus sa place dans cette famille. (huit)Trouvant repère auprès d'une copine dans sa nouvelle école, Alizée s'accroche à cette amitié comme si sa vie en dépendait. Cassidy, c'est le nom de celle qui deviendra bien rapidement sa meilleure amie. Partageant la même école, elles sont également voisines de logement lorsque notre petite française se trouve chez son père. S'installant dans le corridor qui sépare leurs portes, elles s'amusent pendant des heures, discutent de tout et de rien. Cassidy lui parle d'Harvard, du rêve qu'elle a de suivre le pas de tant d'étudiants qui y ont gradué après tant de travail, de sacrifices. Alizée, elle l'écoute parler, elle vit à travers son rêve, trouvant une raison à sa venue à Boston. Voilà pourquoi elle avait quitté Toulouse, voilà pourquoi elle avait dû quitter tout ce qu'elle connaissait. C'était pour un futur plus glorieux, un futur rempli de prestige. Elle ne savait pas encore ce qu'elle allait faire plus tard, mais elle savait qu'Harvard était la porte d'accès à ce magnifique avenir. (neuf) Pour prouver sa détermination, il fallait prouver qu'on avait pas peur de travailler sans relâche. C'est à travers la gymnastique que la demoiselle a retrouvé l'encadrement, la force et le dépassement dont on lui avait toujours parlé. Chignon serré sur la tête qui lui donnait des maux de crâne, justaucorps à paillettes en espérant briller un peu plus, que sa famille la remarque. Elle se lance leçon après leçon, compétition après compétition. Ses parents y assistent de temps en temps. Mais encore une fois, les rendez-vous de sa soeur on t priorité sur les désirs de la cadette. (dix) Alizée n'est pas une âme insensible non plus. Elle a de la peine pour sa grande soeur, elle s'en veut de lui avoir voulu, d'avoir souhaiter qu'il lui arrive malheur dans ses moments de colère. Elle souhaitait du malheur à tout ce qui l'avaient abandonner. Comment, du haut de ses cinq ans, elle aurait pu imaginer que ce qu'elle pensait allait se réaliser? Elle se sent coupable, elle se sent comme si elle devait maintenant protéger sa soeur. Mais c'est trop dur de l'avouer, trop dur de se dire que tout est de sa faute. Alors, elle ignore sa soeur, elle ignore ses parents qui lui demande son aide, son soutien dans cette histoire. Elle créé un mur entre elle et sa famille. (onze) Quand elle est chez sa mère, Alizée passe la plupart de son temps dans sa chambre ou dans le jardin, elle regarde les fleurs poussées, cherchant une beauté similaire à celle de Toulouse. Sa ville lui manque même après toutes ses années. Quand elle est chez son père, c'est Cassidy qui occupe tout son temps. Elle commence à parler garçons, à expérimenter le maquillage, à avoir le nez fourré dans les magasines. Cassidy lui fait découvrir les centres commerciaux, les cinémas, les attractions de la ville. C'est plus plaisant au côté de Cassidy. (Douze) Le premier petit ami, le premier garçon qui a su faire battre le coeur de la petite française, cette petite romantique inavouée. Ashton, c'était son nom. Alizée devait avoir quinze ans lorsqu'il a passé sa main dans la sienne, quand il a posé ses lèvres sur les siennes pour la première fois. Elle vit d'amour et d'eau fraîche l'adolescente. Se voyant déjà mariée au jeune homme. Évidemment, son diplôme d'Harvard en poche, ils retourneraient à Toulouse, elle aurait un somptueux mariage dans la ville qu'elle aime d'amour. Ils s'y trouveraient un pett logement, y aurait un ou deux enfants. Elle voit loin Alizée, elle avait tout planifié. Sauf le fait qu'il décide d'aller étudier à Berkeley. Comme une claque en pleine face. Alizée, elle le laisse, elle plonge dans son dossier d'admission pour Harvard en compagnie de Cassidy. Elle, elle serait toujours là pour Alizée. Elle travaille jours et nuits. Tout comme son amie, elle obtient une bourse. De son côté, c'est une bourse qu'elle obtient grâce à la gymnastique. (treize) Admise. Elle est admise. Son rêve devient réalité comme celui de Cassidy. Ensemble, elles allaient entrer à Harvard. Pour fêter ça, elles avaient prévu depuis des années de visiter Toulouse. C'était important pour Alizée. Sans qu'elle sache pourquoi, c'était important pour elle que Cassidy, son phare dans la nuit, sa moitié, voit où elle avait vu le jour, où son coeur se trouverait toujours. (quatorze) un été de rêve. Cassidy et Alizée parcourait les grandes rues de Toulouse, elles y mangeaient les somptueux mets dont elle avait souvenir. Passant par la Basilique Saint-Sernin de Toulouse, le musée des Augustins, la place du Capitole, elle lui montra tout. Elle lui montra ce qu'elle était. Couchées dans leur chambre d'hôtel un soir, Alizée se sentait la plus chanceuse au monde d'avoir son amie à ses côtés, leurs têtes collées une contre l'autre, leurs bras et leurs jambes qui se touchaient alors qu'elles étaient simplement allongées, discutant en regardant le plafond comme elles l'avaient de nombreuses fois. C'est lors d'un regard vers sa meilleure amie, ses yeux plongés dans les siens que tout s'éclaira, que tout devint si clair. Approchant son visage doucement de celui de Cassidy, elle soutenait son regard. Un doux, léger baiser qu'elle déposa sur ses lèvres, reculant rapidement de peur d'avoir fait quelque chose qu'elle n'aurait pas dû faire. Mais son coeur s'emballa quand c'est Cassidy qui revint à la charge, passant ses mains dans ses cheveux, sur son corps. Ce soir-là fut le soir le plus magique de sa vie, sa première fois, celle qui lui resterait toujours en mémoire alors qu'elle réalisait être amoureuse de sa meilleure amie et que le tout était réciproque. (quinze) Sur un petit nuage, Alizée se sent légère. Elle ne s'est jamais sentie aussi légère. Elle se promène main dans la main avec Cassidy, leur regard qui se croisent, cette flamme qui s'embrasse à chaque fois. Quelques jours au paradis avant que Cassidy commence à dire qu'elle ne se sent pas bien. Elle a mal partout, elle est fatiguée. Quelques jours de repos, Alizée fait tout pour prendre soin d'elle mais la situation ne semble pas s'améliorer. Devançant leur retour à Boston à début août, Cassidy ne reste que quelques jours. Infarctus du myocarde, c'est ce qu'ils ont dit. Malformation aux coeurs qui n'avait jamais été diagnostiqué. Alizée, elle l'a vu donné son dernier souffle. Elle n'a rien dit à personne pour ce qui s'était passé à Toulouse. Ce qui se passe à Toulouse reste à Toulouse. (seize) elle se referme sur elle-même, repousse ses projets. Non, elle ne veut plus aller à Harvard. Elle devait y aller avec Cassidy. Sans elle, c'est impossible qu'elle puisse y mettre les pieds. Elle passe son temps dans la chambre de Cassidy, elle est couchée dans le lit de cette dernière à pleurer toutes les larmes de son corps. Elle se fichent des autres. Elle a mal, elle ne veut pas que les autres le voient. Une seule personne arrive à la raisonner. Le grand frère de Cassidy. Jonah. Chaque fois qu'elle est dans la chambre de Cassidy, il vient s'étendre à ses côtés, lui frottant les cheveux en silence. La seule chose qu'il lui dit, c'est que Cassidy refuserait qu'Alizée brise son rêve pour elle. Elle voudrait qu'elle se relève, qu'elle montre la force qu'elle avait en elle et qu'elle franchisse cet imposant portail devant l'université d'Harvard. Jonah, il lui promet d'être là pour elle, de l'encourager et de la soutenir. Promesse faite en joignant leurs petits doigts, Alizée se relève, attrape le livre qui traîne sur la table de chevet de son amie et sort de la chambre pour préparer ses choses à sa première année qui allait commencer. (dix-sept) Étudiante ardue, étudiante de mérite, elle balance son temps entre les cours universitaires et ses nouveaux amis. Jamais elle n'aura une amie comme Cassidy, c'est impossible de la remplacer. Mais elle reprend sa vie petit à petit, Jonah derrière elle. Elle ne le dit pas mais elle surveille sa soeur également. Alizée, elle s'en veut d'avoir perdu tout ce temps à lui en vouloir mais elle est incapable de lui dire. Sa soeur aurait eu besoin d'elle comme elle aurait eu besoin de sa soeur et pourtant, il y avait ce mur qu'elle avait ériger toute seule. Elle aimerait pouvoir lui dire mais elle est trop bornée, elle a peur. Elle ne veut plus perdre, chaque fois, c'est trop douloureux.