La voix à l’intérieur de ma tête m’avait poussée à aller tellement loin cette fois. Beaucoup plus loin que j’aurai pu le penser parce que je croyais que je savais la contrôler depuis des années maintenant. J’étais persuadé d’être en mesure de reprendre le dessus sur elle n’importe quand. Mais non, aujourd’hui, la voix savait avoir tant d’influence sur mon être sans que je ne puisse rien y faire. Elle prenait le dessus et je la laissais faire si docilement. Je n’avais même pas eu le courage d’attraper mon téléphone afin de contacter Lukas ou Nixon pour les appeler au secours. Je n’avais pas eu la capacité de lancer ce signal de détresse qui aurait sans doute pu les faire accourir avant même que je ne franchisse trop de lignes dangereuses. Je n’avais pas eu le courage de marcher jusqu’à la chambre de Tomas comme je prévoyais de le faire à la base. C’était mon plan au départ. Je comptais passer mon après-midi dans les bras de mon meilleur ami afin d’éviter de me laisser emporter par toutes ces pensées tourbillonnantes. Néanmoins, même ça, je n’en avais pas été capable. Elle avait su m’arrêter. Elle avait su parfaitement me dominer. Assis sur cette plage trop déserte, je m’étais mis à suivre les indications comme si je n’étais qu’un robot qui agissait en mode automatique. J’avalais les antidépresseurs sans même prendre la peine de compter le nombre de pilules qui tombaient dans ma main. Je buvais ces gorgées de Tequila sans penser aux dégâts ravageurs que cela pouvait faire avec les médicaments dans mon système. J’en venais même à glisser une pilule d’ecstasy sous ma langue sans me soucier des effets secondaires qui pourraient pulser si violemment dans les minutes à venir. Ces effets que je connaissais et que je parvenais à gérer si je n’avais pas de médicaments dans le sang. C’était le mélange que j’évitais parce que je savais à quel point il pouvait être fatal. Mais, pas aujourd’hui. Pas cet après-midi. J’allais encore plus loin lorsque les autres consignes tombaient. Elles cognaient si fortement que je ne savais pas rester assis sur ce sable. Je ne savais pas résister à cette voix enchanteresse qui me poussait plus loin. Je suivais la demande retirant mes vêtements et les semant sur mon chemin. Lentement, stupidement, inconsciemment, je me glissais dans l’océan. Avancer sans jamais me retourner. Avant sans plus jamais réfléchir aux conséquences. Juste avancer. Qu’est-ce que je foutais putain ? Une connerie. La plus grosse de toute mon existence sans doute… Oh, non. Peut-être pas. J’avais déjà commis une connerie de ce genre quelques années plus tôt. En Italie. Je l’avais fait pour une bonne raison, mais j’avais quand même tenté de mettre fin à mes jours. À cette période, ce n’était pas la voix qui m’y avait poussé. Non, c’était simplement moi et cela s’était peut-être révélé encore plus dangereux. J’avais été encore plus loin que je tentais de le faire aujourd’hui. Le flingue contre ma peau, je n’avais pas hésité à presser la détente sachant que la mort pourrait être l’issue. Je n’avais pas hésité une seule seconde à appuyer et la balle avait perforé ma poitrine. Ce jour-là, je savais que c’était quitte ou double. Je vivais ou je mourrais. Et putain, j’étais prêt à mourir ce jour-là. J’étais prêt à accueillir cette fin bienvenue après des années à laisser des étrangers malmener mon corps. Et aujourd’hui ? Étais-je réellement prêt à accueillir cette fin ? Quelque chose me faisait douter. Quelque chose me poussait à m’arrêter dans l’eau avant de commettre le pas de trop. Un coup du hasard… Un coup du destin… Un coup de chance… Appelez cela comme vous le souhaitiez, mais cette hésitation avait sauvée ma vie puisque Lukas était venu à mon secours. Il se lançait dans cet océan pour venir me retrouver. Il m’attrapait et il me tirait hors de l’eau, hors du danger. Et, je m’échouais sur cette plage regrettant sa présence, regrettant son acte. Je n’en pouvais plus de ce stress continuel. Je n’en pouvais plus de cette voix qui cognait pour me pousser à en finir, à disparaître. Je n’en pouvais plus de ce quotidien si oppressant. Je voulais que tout se termine. J’avais besoin que tout se termine. Mais, il m’avait sauvé… Il m’avait éloigné de cette fin désirée.

Attendez… M’avait-il réellement sauvé ? La voix ne criait plus dans ma tête. Elle n’était plus qu’une douce mélodie qui me berçait lentement poussant mes prunelles à se fermer doucement. Et, soudainement, mon cœur s’arrêtait totalement. Ma respiration se coupait définitivement. Alors, du bout des doigts, j’effleurais un autre monde. Ce monde sans trouble, sans voix et sans souffrance. Ce monde où je n’étais pas un incapable qui voguait entre deux hommes. Ce monde où je n’étais pas un poids dans la vie de mes proches. Ce monde où je n’étais rien et où tout le monde était mieux. Ce monde où je n’étais plus l’esclave d’un tas de pensées et d’émotions parfois trop incontrôlables. Merde. Tout semblait mieux dans ce monde. Tout était rose. Tout était meilleur. Je voulais y rester. J’aurais tant aimé pouvoir rester dans ce paradis dont on m’offrait un avant-goût si délicieux. Alors, je m’y accrochais. Follement. Férocement. Avec détermination. Avec envie. Malheureusement – ou heureusement – je n’étais pas assez fort face à l’amour que Lukas et Nixon me portaient. Leur amour était plus fort. Et ils me poussaient à lâcher cet endroit. Ils m’arrachaient de ce paradis qui se dessinait devant moi pour revenir dans la réalité brutale et douloureuse. Après quelques minutes d’extase dans l’inconscience, je me retrouvais de nouveau conscient sur cette plage. Je me retrouvais de nouveau harcelé par la voix qui me prouvait à quel point je n’étais qu’un incapable. Je n’étais qu’un gosse si minable qui ne parvenait pas à mettre fin à ses jours. Mon cœur cognait de nouveau même s’il avait un rythme un peu trop lent. C’était comme s’il réapprenait lentement à fonctionner. Allait-il réellement repartir pour de bon ? Ou allait-il finir par s’arrêter de nouveau ? Une partie de moi avait tellement envie que le rythme cesse. Cette partie où tout me faisait si mal avait follement envie que le boum-boum cesse pour de bon. Pour toujours. Mais, ça n’arrivait pas. Ça cognait toujours. Ma respiration était de retour elle aussi. Elle demeurait trop lente pour une personne en vie. Néanmoins, j’étais responsable de cet état puisque je faisais mon maximum afin de retenir ma respiration. Ça me faisait tellement mal de respirer. Ça brûlait dans ma gorge. Ça heurtait dans mon corps. Ça cognait dans ma tête. À présent que j’avais recraché toute l’eau pénétrée dans mes poumons, j’avais l’impression qu’un feu violent y avait pris place. Un feu qui pourtant ne savait guère me réchauffer puisque je me retrouvais à grelotter de froid allongé sur cette plage. Je grelottais alors qu’il ne faisait pas réellement froid ici. Je grelottais comme si la mort refusait de m’abandonner complètement. J’étais pourtant bien vivant puisque je parvenais à souffler une salutation banale à mes sauveurs. Lukas s’éloignait avant de revenir à mes côtés. Combien de temps était-il parti ? Je n’en avais pas la moindre idée. J’avais perdu toute notion de temps. La seule chose que je savais c’était que Lukas me redressait pour m’enfiler un vêtement. C’était ce sweat que j’avais retiré plus tôt. C’était ce sweat que j’avais piqué à Nixon ce matin parce que je voulais avoir l’impression qu’il pouvait être avec moi et me rassurer dans mes démarches folles. Dans ma démarche folle de vouloir prendre un avion pour rentrer. Pour m’éloigner. Pour mettre de la distance. Cette distance que j’avais essayé de rendre définitive en me précipitant dans l’eau. J’enfilais le sweat sans faire le moindre effort laissant Lukas se débrouiller avec mon corps un peu trop inerte. J’avais pourtant le réflexe de tourner légèrement la tête pour venir sentir le parfum réconfortant qui imbibait le tissu. J’étais vivant. Nixon était là. Lukas était là. Je sentais ses mains sur ma peau. Il me soutenait en position assise et son front venait rencontrer le mien alors qu’il me soufflait ce plus jamais qui me poussait à hocher la tête quelques secondes avant d’arrêter sous la douleur. Les larmes glissaient sur mes joues sans que je ne parvienne à les arrêter et j’aurais aimé éclater en sanglot. Là. Tout de suite.

Cependant, la seule chose que je parvenais à faire était de sursauter soudainement face à la voix sèche de Nixon. Il ne me parlait jamais comme ça. Il n’utilisait jamais ce ton envers moi, avec moi. Ça faisait mal. Le front de Lukas se détachait si brusquement du mien que j’eus l’impression de basculer en avant alors que je ne bougeais pas. Le sanglot passait enfin entre mes lèvres alors que je m’excusais mangeant le mot à moitié. Je déglutissais difficilement avant de m’excuser de nouveau offrant une phrase plus valable avant de babiller deux demandes. J’avais soif et je désirais m’allonger. J’avais l’impression de souffrir le martyr assis ainsi. J’avais l’impression de brûler à chaque fois que j’avalais. Tout me semblait trop insurmontable. Lukas me redéposait délicatement au sol et je voyais du mouvement sur l’autre côté. Nix’ réagissait au quart de tour pour retirer son t-shirt et le mettre en boule sous ma tête. Mes prunelles croisaient celles de Nixon comme pour essayer de lui demander s’il n’allait pas avoir froid comme ça. J’avais l’impression qu’il faisait si froid moi. Je ne savais pas ce qu’il en était réellement. Malheureusement, les mots ne passaient pas entre mes lèvres. La demande ne parvenait pas à quitter ma bouche et mon attention se reportait sur Lukas qui soufflait qu’il allait voir ce qu’il pouvait trouver. Oh… L’eau. À boire. J’aurais aimé ouvrir la bouche encore une fois. J’aurais aimé lui dire que j’avais une bouteille d’eau dans mon sac pas loin. Quelque part sur la plage. Mon sac contenait une bouteille d’eau pleine parce que je ne partais jamais sans. Si je devais avaler l’un de mes médicaments en urgence, je préférais toujours le faire avec de l’eau. Cependant, encore une fois, je ne pouvais pas ouvrir la bouche afin de lancer cette indication importante à Lukas. Et, lentement, mes prunelles se refermaient. La main de Nixon glissait sur mon front en une douce caresse rassurante. Je m’en voulais de l’avoir inquiété. Je m’en voulais de lui avoir fait du mal tant et si bien que je marmonnais « Suis d’solé… » Et les doigts du sexy tatoué passaient dans mes cheveux mouillés me poussant à frisonner. Lukas ne tardait pas à revenir et j’ouvrais à moitié les yeux pour voir qu’il avait trouvé ma bouteille d’eau. Le parfait super-héros. Il me la tendait comme s’il n’osait plus faire quoi que ce soit, comme s’il n’osait plus agir face à moi. Je ne savais pas comment réagir. Ma main attrapait automatiquement la bouteille, mais j’étais bien trop incapable de bouger malgré ma gorge sèche et douloureuse. Heureusement pour moi, Nixon soufflait qu’il allait s’en occuper récupérant la bouteille de mes mains. Sa main quittait mon front me tirant un gémissement de frustration parce que j’aimais le contact. J’avais l’impression qu’une main pouvait réchauffer mon corps glacé. Nix’ glissait ses doigts sous ma nuque pour m’aider à redresser la tête afin de boire. La bouteille s’approchait de mes lèvres tremblant légèrement. Était-ce moi qui tremblait ? Ou était-ce la bouteille et Nixon ? Je ne parvenais pas à le savoir. Ma main venait se poser sur celle de Nixon, celle qui tenait la bouteille comme pour tenter d’avoir plus de stabilité. Les yeux fermés, je laissais l’eau glisser dans ma gorge. Et, ça faisait tellement de bien. Je descendais plus de la moitié de la bouteille en quelques secondes avant de finalement abaisser la bouteille et me laisser glisser de nouveau en arrière en position allongée. Je marmonnais un « M’ci… » Merci à Lukas d’avoir ramené la bouteille. Merci à Nixon de m’avoir aidé à boire. Mes yeux se refermaient. Et, soudainement, je gémissais plaintivement une demande « Je… Veux rentrer… La maison… » Mes mots n’étaient pas aussi anodins qu’ils auraient pu l’être. La maison n’était pas Boston ou mon appartement. Non. La maison était le studio de Nixon. C’était comme ça que je l’appelais depuis des semaines. C’était de cette façon que je différenciais mon appartement du sien. Mais, putain, je ne pouvais pas y rentrer n’est-ce pas ? Je n’avais pas le droit. Milo avait dit que je devais choisir. La voix avait dit que j’étais trop égoïste et que je ne faisais que blesser. Puis, de toute façon, nous étions trop loin de Boston, n’est-ce pas ? Réfléchir me fatiguait. Respirer me fatiguer. Mon cœur qui cognait dans ma poitrine me fatiguait. Alors, lentement, je venais marmonner une autre demande « Veux dormir… Peux dormir ? » Je demandais l’autorisation cette fois comme si je n’étais qu’un gamin qui avait peur de commettre une bêtise. Je demandais l’autorisation comme si une partie de mon être savait que je ne devais pas glisser de nouveau dans l’inconscience. Non. Pas maintenant. Pas si rapidement. Pourtant, cette inconscience était si attirante… Ma respiration ralentissait au fil des secondes comme si j’étais vraiment prêt à repartir dans l’inconscience. Mais, ils n’allaient certainement pas me laisser faire aussi aisément cette fois… Il ne fallait pas…

Pourquoi as-tu fais ça Neal? Je l’entendais de là cette putain de question qui devait tourner dans la tête de mes deux sauveurs. Cette putain de question qu’ils finiraient peut-être par me poser parce qu’ils auraient besoin d’une réelle réponse un jour. Cette putain de question qui allaient sans doute hanter leurs pensées pour les prochains mois. Cette question qui hantait déjà ma tête. Pourquoi as-tu fais ça Neal? J’entendais l’interrogation cogner partout autour de moi. Cette question risquait d’être sur les lèvres de tous mes proches qui finiraient par découvrir ce secret et qui n’y comprendraient rien. D’ailleurs, était-ce réellement un secret ? Ouais… Sans doute. Ouais. Je n’avais aucune envie d’étaler au grand jour la connerie que je venais de commettre. Cette tentative était la première en vérité. La première depuis des années. La première depuis que je m’étais sorti de la Mafia en attentant à mes jours. Non… En vérité, c’était la première tout court. Dans la Mafia, j’avais foutu une arme au-dessus de mon cœur et je n’avais pas hésité une seule seconde à appuyer sur la détente. J’étais clairement prêt à mourir ce jour-là. Néanmoins, ça n’avait jamais été mon but à cette période. Non, à ce moment-là, je voulais simplement parvenir à m’évader de mon enfer et de ce monde que je n’étais plus en mesure de supporter. Je désirais juste quitter l’Italie afin d’aller me reconstruire ailleurs. Alors ouais, aujourd’hui sur la plage était la première tentative où j’essayais réellement de mettre fin à mes jours. Je n’avais rien de sage bien évidemment. Il m’arrivait de boire beaucoup trop d’alcool et de consommer tellement de drogues. Il m’arrivait de me battre si violemment que j’en finissais à l’hôpital. Il m’était même arrivé plus d’une fois de me faire du mal. Cependant, ce n’était jamais comme ça. Cela n’avait jamais été en désirant en finir. Jamais. Aujourd’hui marquait la première tentative d’une fin que je voulais peut-être un peu trop. La nouvelle me percutait vivement comme une claque en plein visage. Elle m’effrayait si violemment qu’un frisson d’horreur glissait le long de ma peau. C’était dingue. C’était fou. Bordel, j’avais peur que cette tentative ne soit que la première d’une longue lignée future. Si la voix venait de réussir à prendre le dessus et à me pousser aussi loin aujourd’hui, elle pourrait sans doute le refaire et cela me foutait la frousse. Il allait falloir que j’agisse. Il allait falloir que je fasse quelque chose pour la contrer et reprendre le dessus. Pourquoi as-tu fais ça Neal? Pour tout vous avouer, je n’avais même pas de réponse concrète et bien claire à vous apporter à cette question. Si quelqu’un me la posait, je serai bien trop incapable de répondre correctement. J’en viendrai à dire qu’elle m’avait poussée à le faire. La voix dans ma tête l’avait dit et je m’étais contenté d’obéir sagement. C’était la vérité aussi incompréhensible soit-elle pour beaucoup. C’était la vérité qui découlait d’un trop plein de sentiments, d’un trop plein de questionnements, d’un trop plein de reproches et d’un trop plein d’incertitudes. Je ne parvenais même pas à me concentrer pour tenter de construire une réponse pour le futur parce que tout allait si vite autour de moi. Lukas gravitait à mes côtés me poussant à me redresser pour m’enfiler un pull. Un pull qui n’était pas le mien. Un pull qui était devenu le mien pour la journée. Un pull qui me rassurait et qui me réchauffait. Mais, ce n’était pas assez. Et, même là tout contre Lukas, je ne me sentais pas bien. Je quémandais à être allongé de nouveau et ça arrivait presque trop vite. Je me retrouvais allongé sur ce sable la tête surélevée grâce au bout de tissu que Nixon venait de glisser. Je quémandais de l’eau pour contrer les flammes dans ma gorge et Lukas disparaissait en quête de ce qu’il me fallait.

Je me retrouvais soudainement seul avec Nixon et je profitais de l’occasion pour m’excuser de nouveau comme s’il s’agissait de la seule chose que j’étais encore capable de faire à présent. De toute manière, c’était bel et bien la seule chose que je désirais faire en cet instant. Nixon avait parlé trop sèchement et il ne le faisait jamais. Non. Pas contre moi. Ce n’était encore jamais arrivé. Jamais. Alors, je m’excusais simplement encore une fois comme si cela avait vraiment le pouvoir de tout me pardonner. Je soufflais que j’étais désolé comme si ça pouvait tout effacer en un claquement de doigt. Stupide gamin. Les choses ne fonctionnaient guère de cette manière. Ce n’était pas aussi simple. Ce que je venais de faire risquait de laisser une trace indélébile dans leur tête. L’acte que je venais de commettre risquait de laisser une marque permanente au sein de nos histoires. Je le savais. Je le sentais. Ça risquait de changer des choses. Ça risquait d’augmenter leurs inquiétudes à mon égard. Ça risquait de les faire paniquer à chaque fois que je tenterais de m’éloigner un peu. Pourtant, comme si ça pouvait me pardonner d’avoir osé penser partir définitivement loin de lui, loin de Lukas, loin de tout le monde, je babillais ces excuses. Les doigts de Nixon ne tardaient pas à glisser sur mon front puis dans mes cheveux encore trempé. Ça m’arrachait un frisson. Était-ce le froid ? Était-ce le contact de mon sexy tatoué ? Sans doute, un mélange de ces deux sensations. Il me disait que ça allait et que j’étais sauf. Ouais, putain, j’étais sauf. L’avais-je réellement voulu ? Putain non. Bien sûr que non. La réponse négative se présentait si férocement dans mes pensées qu’un gémissement de peur passa entre mes lèvres. La pensée cognait tellement dans ma tête. Je ne voulais pas être sauf. Je ne voulais plus être sauf parce que cela impliquait tellement de voix dans ma tête, tellement de pensées cognant dans mon crâne et tellement de douleurs autour de moi. Je n’en pouvais plus de ça. J’étais à bout de le subir. J’étais épuisé de l’imposer. C’était trop. Je n’eus pas le temps de me perdre un peu plus dans cette descente aux enfers puisque Lukas revenait à nos côtés avec ce qu’il fallait pour me réhydrater. Il me tendait cette bouteille d’eau et Nixon prenait les choses en main. Avec son aide, je parvenais à boire cette eau qui me faisait tellement de bien avant de me rallonger de nouveau sur ce sable. Est-ce que Nixon allait reposer ses mains sur moi ? Je le voulais tant. Ça faisait tellement de bien. Sa main sur mon front était réellement agréable. Néanmoins, je n’osais pas la quémander. Je n’osais pas demander un quelconque toucher alors que Lukas était juste à côté. Je ne voulais pas infliger de nouvelles blessures. Alors, plaintivement, je me contentais de demander pour rentrer à la maison… Rentrer chez Nixon parce que son studio était devenu ma maison. Ce studio était devenu l’endroit dans lequel je me sentais réellement bien, encore mieux que dans mon propre appartement. Néanmoins, la réponse qui tombait ne me plaisait pas. Habituellement Nixon me soufflait qu’on y allait, que je pouvais venir. C’était immédiat. Il n’y avait que le temps des trajets à attendre. Là, à cet instant, Nixon me soufflait un bientôt qui ne serait pas maintenant. Et, malgré moi, je demandais « Je… J’suis puni… ? » La question résonnait plus fort que tout le reste. Elle éclipser complètement mes capacités de réflexion et de logique. Elle était plus forte que tout le reste frappant si violemment que j’avais été obligé de la poser. Est-ce qu’à cause de ce que je venais de faire, je me retrouvais puni ? Est-ce que mon acte me valait une interdiction d’aller chez Nixon ? Mes sourcils se fronçaient et lentement la partie de logique de mon être semblait reprendre le dessus. Je me répondais tout seul babillant à peine « Oh… Non… La maison est loin… M’souviens… C’bon… » Ouais, c’était ça n’est-ce pas ? J’essayais de me rassurer tout seul. Je ne pouvais pas aller à la maison dans l’immédiat parce qu’elle était trop loin. Parce que nous étions encore au Mexique. C’était la seule et unique raison du refus du sexy tatoué. Je bougeais à peine la tête comme pour dire que c’était bon et qu’il n’y avait pas besoin de me donner une réponse. De toute manière, je n’étais clairement pas prêt à entendre que oui j’allais être puni pour la connerie commise.

Cette recherche m’avait coûté tellement. Il avait fallu que je fasse un réel effort pour parvenir à écarter tout ce qui cognait à l’intérieur de ma tête afin de parvenir à me souvenir des choses plus réelles et plus logiques. J’avais dû en appeler à tellement du moi-même conscient et loin de la voix que la fatigue se mettait à cogner si fort. Je la sentais pulser si vivement en moi. Je la sentais monter si réellement dans mon corps. L’inconscience m’appelait. La voix me disait de la suivre. Elle me disait de l’accepter sans même chercher à comprendre ce qui était en train de se passer. Elle me disait de la suivre sans même chercher à demander si la situation était sécuritaire. Je voulais tant l’écouter. Je désirais tellement fermer les yeux et me laisser happer par cette fin reposante. J’en avais tant besoin. Ça faisait si mal de penser. Ça faisait tellement mal de respirer. Mon cognait cognait un peu trop fort dans ma poitrine… Enfin, c’était surtout le fait qu’il se soit remis à cogner qui me heurter si vivement. La moindre respiration me laissait empli de douleur. Alors, je soufflais doucement que je voulais dormir comme s’il s’agissait là d’une demande essentielle. Ce n’était qu’un gémissement que je n’étais pas foutu d’arrêter. J’aurai dû me contenter de ces propos et glisser lentement dans l’obscurité. J’aurai dû ouais. Mais, quelque chose en moi me poussait à demander l’autorisation à Nixon et à Lukas. Est-ce que je pouvais dormir ? J’en avais besoin, mais je n’osais pas le faire. Je n’osais pas m’abandonner comme si je savais que mon cœur risquait de s’arrêter une nouvelle fois. Comme si j’avais peur que cela arrive. Je n’étais qu’un gamin qui était effrayé à l’idée de commettre une bêtise. Je n’étais plus qu’un gosse qui n’osait pas s’abandonner sans autorisation. Alors, je demandais priant pour entendre une réponse positive. Stupide idée hein. L’autorisation ne tombait pas. La voix de Lukas résonnait pour me balancer l’interdiction qui me poussait à rouvrir les yeux. Non ? Je n’avais pas le droit de glisser apparemment. Lukas me disait que je devais rester avec eux encore un peu. Jusqu’à ce qu’ils me ramènent… Mes sourcils se fronçaient alors que mes prunelles se posaient sur Lukas. Où voulaient-ils me ramener ? J’étais bien allongé là. La mélodie de l’océan était apaisante. Elle couvrait presque le brouhaha de la voix dans ma tête. Mon sexy musicien attrapait ma main et je la serrais doucement comme pour essayer de le rassurer, comme pour tenter de faire pencher la balance afin d’obtenir le droit de dormir. Cependant, la voix de Nixon ne tardait pas à me résonner et il était du même avis que Lukas. Il me disait de rester conscient et un soupir m’échappait. Ça demandait tellement d’effort. Il me disait que je devais continuer à leur parler pendant qu’ils me ramenaient. Avant même que je ne puisse chercher à comprendre où ils voulaient me conduire, Nixon reprenait la parole. Il me disait qu’il allait falloir qu’ils me redressent. Est-ce que c’était douloureux à quelque part ou ils pouvaient ? Les derniers mots se perdaient. Ça sonnait comme un encouragement. Ça sonnait comme la promesse d’un futur plus rayonnant. Alors, je finissais par marmonner « D’accord j’dors pas… et je… Douloureux ? » Le mot glissait entre mes lèvres comme si je m’accordais un temps de réflexion sur sa signification et sur son impact réel. Est-ce que j’avais mal quelque part ? Putain, je ne savais pas… Ou je ne le savais que trop bien. J’avais tellement mal partout en vérité. Je finissais par bouger doucement la tête. Est-ce que j’acquiesçais ? Est-ce que je faisais non de la tête ? Putain, pas la moindre idée. Les yeux fermés, je finissais par offrir une réelle réponse « Mon … Mon mollet tire… Et ça brûle… Poumons… Et ce… Elle cogne… Ça cogne là… » Ma main se portait lentement à ma tête. Je frottais ma tempe quelques secondes avant de la laisser retomber parce que ça ne servait à rien. Ça ne faisait pas passer la douleur. Ça n’effaçait pas la voix. Non. Ça ne fonctionnait pas. Alors, me concentrant sur le moment actuel, je sifflais lentement « J’peux m’redresser… J’peux marcher… » Je pouvais n’est-ce pas ? Je ne voulais pas être ce putain de poids mort à traîner. Je ne voulais pas être ce boulet de canon accroché à leurs chevilles. Non, je ne voulais pas. Les larmes montaient à mes yeux tandis que la pensée cognait si fort. Alors, soufflant plusieurs fois lentement, je finissais par lâcher la main de Lukas pour appuyer mes deux mains à plats sur le sol. Et, difficilement, je me redressais. Je me retrouvais en position assise et mes prunelles se fermaient rapidement. Le monde tournait trop vite. La nausée remontait en moi. Et je voulais le noir. Je voulais l’inconscience. Les yeux fermés, je tentais de reprendre le dessus. Et, pour se faire, je me rejouais les mots de Lukas. Je me rejouais les mots de Nixon. Oh… Attendez… Nix’ m’avait dit que je devais continuer de parler alors je demandais soudainement « J’parle ? De quoi je dois parler ? » Mon cerveau était tellement vide. Ça allait être si compliqué de parler. Mais, je savais qu’il s’agissait d’un bon moyen pour la noyer. Il s’agissait d’un bon moyen pour rester présent dans le monde actuel. Dans cette réalité à laquelle j’avais pourtant tant voulu échapper.