Je suis un putain d'enfant de l'amour. Mon père me tue si il me voit blasphémer de la sorte. Ouais, c'est difficile de croire quand on me voit que je suis un fils de pasteur. Famille irréprochable, pauvre mais classe. Chez les Tenenbaum, on doit se tenir bien, filer droit, et je suis l'aîné d'une longue lignée de gosses sages pas si sages, je vous l'avoue. Pourtant, nos parents nous aiment, ils nous inculquent les valeurs, la morale, la religion tout ça. On en retient les principes mais certainement pas les règles. Enfin, je parle pour moi mais je crois bien que d'autres ont suivi mon mauvais exemple. Au cœur de l'été 1992, je suis donc arrivé dans ce bas monde. Au milieu du bayou et des groupes jazz, La Nouvelle Orléans en Louisiane. Les parents roulaient pas sur l'or mais étaient respectés. On avait un sacré terrain pour laisser libre court à nos conneries à Micah et moi et je dois avouer que les petites nous suivaient parfois. Surtout Maddox, elle a toujours eu ce feu que je sens chez moi aussi. On partage ce brasier à l'intérieur de nos poumons, cette envie de tout bouffer, de vivre la vie à plein poumons. Alors les sermons et les tenues du dimanche, ça va bien un temps. Moi j'ai envie de voir ce qu'il se passe dehors, ce qu'il se passe au delà. J'en ai tellement envie que j'en crève de l'intérieur. Alors je lis. Je lis. Encore et toujours, tellement que j'en oublie de manger parfois et de dormir souvent. Aristote, Baudelaire, Camus, Dickens, Ellroy, King, et j'en passe. Tout ce qui me tombe sous la main et s'offre à mes yeux. Mes enseignants disent que je suis pas très discipliné, que je tiens pas en place mais que j'apprends à une vitesse hallucinante, et que je sais plutôt bien me servir du verbiage.

Tant bien que mal, je grandis dans ce désert vert et de béton, je m'entoure d'une bande de potes. On fait les 400 coups souvent. Micah s'assagit et moi je déraille. Je suis curieux. Trop. On peut l'être trop, tu crois ? Même si mon Paternel me bassine avec les Cieux, moi j'estime que j'ai qu'une vie et que je veux pas partir sans tout tester. Alors je dis oui à tout et non quand il faut pas. Je sors les poings parfois. Je suis un impulsif, un vrai. Si bien qu'on peut m'adorer et me détester la seconde d'après. Je m'encombre pas des convenances, j'en ai porté trop lourd sur mon dos gamin, je les ressens encore serrées sur le col de ma chemise repassée du dimanche. Alors je les balance au vent et je suis mon propre crédo. Ce que je veux je l'obtiens, ce que je rejette je le fais sans ménagement. Quand viennent mes dix-huit ans, je m'affranchis avant l'heure. Pousse la porte pour rejoindre les routes, laissant les frères et sœurs dans le giron. Je sais que Mad m'en a voulu parfois, mais j'étouffais là bas, dans cette atmosphère moite et suffocante, j'avais besoin d'un ailleurs. Et je l'ai trouvé sur la route. J'ai vécu comme ça presque quatre ans. J'ai fait tous les boulots imaginables. Serveur, pompiste, barman, laveur de vitres, réparateur, gratte-papier, ouvreur de cinéma, vendeur, dessinateur de caricatures, chanteur des rues, secrétaire, assistant, livreur... Je m'établissais quelques mois dans un coin qui me plaît et quand j'en avais marre, j'allais voir ailleurs si j'y étais. De ces années, j'ai noirci des carnets, j'ai appris beaucoup, j'ai morflé souvent, je me suis marré la plupart du temps. Souvent dans l'excès, d'alcool, de substances, de clopes, de femmes. Et ça, ça n'a pas vraiment changé. J'ai joué un jour à la loterie nationale sur un pari à la con avec une nana que je voulais mettre dans mon pieu. Et le pire dans tout ça, c'est que j'ai pas réussi à la séduire mais que j'ai gagné un sacré pactole. Assez pour vivre ma vie sans plus jamais bosser. Mon père aurait sans doute aimé que je donne tout ça aux bonnes œuvres. Mais je suis pas lui. Je suis trop égoïste. Je brûle tout.

Alors j'en ai parlé à personne et j'ai mis à l'abri le blé. J'ai décidé qu'il était temps pour moi d'avoir du prestige. D'aller foutre un peu le merdier chez les fils de bonne famille. Chez les Sérieux. On peut être complètement dégénéré et brillant, c'est ça que je veux prouver au monde moi Maverick Tenenbaum. On peut dire que j'ai de l'ambition. J'ai monté un dossier pour Harvard sur mes propres deniers. J'ai du passé un ensemble de tests et défendre mes motivations. Heureusement pour moi, mon aisance scolaire m'a permis de défendre brillamment ma situation pour le moins atypique. Et voilà que je me retrouve à Harvard. Cela va faire quatre ans que j'y suis maintenant. Et faut avouer que je suis jamais resté aussi longtemps quelque part depuis que je suis parti. Tout simplement parce que ce que j'étudie me passionne, parce que je côtoie des gens brillants et qu'en plus j'ai réussi à rameuter la petite sœur. Alors, vu qu'elle tient de moi la petite Braise, on a décidé de faire des étincelles tous les deux à la Lowell. Je peux vous le dire, ils ont intérêt à bien se tenir les Violets parce qu'on va foutre un sacré bordel là-bas.