18 juin 1998, Toulouse, France.

Amatrice de football depuis toute petite, Lara s'imaginait déjà grande joueuse à la coupe du monde de football féminin. Elle n'a jamais vraiment aimé l'équipe de Tanzanie parce qu'ils ne sont pas vraiment les meilleurs, même en coupe d'Afrique. C'est un autre pays Africain dont elle a toujours supporté l'équipe : l'Afrique du Sud. Cette année-là, la coupe du monde de football avait lieu en France et l'Afrique du Sud était qualifiée. Tout l'hiver, Lara avait fait des pieds et des mains pour que son père accepte de l'emmener en France pour la coupe du monde. Après son caprice pour faire du football en club, c'était-là sa nouvelle exigence. Son père lui assurait qu'il ferait tout son possible pour réaliser son rêve mais il ne lui promettait rien car malgré son statut de député, il avait beaucoup trop de dettes pour se permettre un tel voyage.

Pourtant, le père Kikwete était très attaché à sa fille. S'il avait rêvé d'avoir un fils plutôt qu'une fille, il ne pouvait nier tout l'amour qu'il lui portait. Après tout, ils avaient tous deux cette passion pour le sport et plus particulièrement pour le football. Il n'y avait pas de doute sur le fait qu'elle tenait cette passion de lui. La mère de Lara, elle, était plutôt passionnée par les langues. Depuis toute jeune, elle rêvait de devenir enseignante et plus précisément, elle voulait être professeur de langue. Si elle n'était pas forcément friande de cette idée de voyage en France, quitte à laisser partir sa fille avec son père, elle voulait qu'elle soit capable de parler la langue locale. La mère de Lara était canadienne et parlait non seulement anglais mais également français parfaitement. Ce sont d'ailleurs les deux langues qu'elle enseigne en Tanzanie.

Lara finit par obtenir ce qu'elle voulait, son père avait pu avoir des billets d'avion pour la France et ils avaient obtenus des billets pour un match à Toulouse qui serait disputé par l'Afrique du Sud contre le Danemark. Lara s'en souvient encore aujourd'hui comme si c'était hier. Elle a passé le meilleur moment de sa vie avec son père. C'était son premier voyage, c'était son premier vrai match de foot auquel elle assistait en direct : bref son rêve de petite fille devenait réalité. Même si l'Afrique du Sud n'est pas allée très loin cette année-là, elle garde encore un super souvenirs de ces quelques semaines en France. Elle n'a jamais eu d'aussi beaux souvenirs en compagnie de son père depuis cette année-là. A leur retour, la mère de Lara accoucha d'un garçon, et depuis l'attention de son père s'était totalement concentrée sur lui.

21 décembre 2005, Dodoma, Tanzanie.

Les choses ont changé en sept ans. De député, le père de Lara est passé à ministre du sport puis, finalement, cette année-là il était candidat aux élections présidentielles. Lara a pas mal été médiatisée durant toute la campagne, avec sa mère et son petit frère à présent âgé de sept ans, Adrian. C'était à la fois excitant et flippant. Cette médiatisation lui avait offert une place dans l'équipe junior nationale féminine. Enfin, Lara pouvait s'adonner pleinement à sa passion. Elle avait déjà été à des entraînements mais elle n'avait eu d'autres choix que de se faire passer pour un garçon. Cette équipe féminine qu'elle avait intégrée était la première dans le pays.

Lorsque son père fut finalement élu, Lara avait retrouvé espoir. Elle espérait pouvoir voyager à travers le monde comme elle avait toujours voulu depuis toute petite. En dehors du sport, la passion de Lara, c'était la photographie mais plus particulièrement la photographie de paysages. Elle voulait voir les pays du Nord et notamment le Canada, le pays natal de sa mère. Celle-ci lui avait toujours promis de l'y emmener un jour, mais ce n'était pas si évident que ça. Depuis qu'elle s'était installée en Tanzanie, elle n'avait jamais eu l'occasion de retourner à Vancouver. A présent, c'était différent, vu que le père de Lara était à présent le Président de la République, il gagnait beaucoup mieux sa vie.

Il y en avait pourtant que pour Adrian. Il n'avait que sept ans, mais c'était seulement de lui dont on parlait dans les médias, c'était seulement lui qui avait le droit aux dernières chaussures à la mode, c'était seulement lui qu'on emmenait en vacances. Le père jugeait que Lara était trop occupée avec ses entraînements de football. Sa mère tentait de rééquilibrer les choses mais elle n'avait pas accès au compte en banque de son époux. Lara était terriblement jalouse de son frère, pourtant il n'avait jamais rien demandé et tentait d'être gentil avec sa grande sœur, mais elle ne voulait pas entendre parler de lui.

11 septembre 2006, Dodoma, Tanzanie.

Cela faisait à peine un an qu'il était président de la République que le premier scandale éclata. Le père de Lara avait une relation adultère avec une femme. Cette histoire a fait le tour des journaux dès que c'est arrivé et une nouvelle fois, toute la famille Kikwete s'est retrouvée au cœur des médias.

Deux clans se sont rapidement formés. Lara et sa mère d'un côté, le Président et Adrian de l'autre. Si le fils n'approuvait pas spécialement ce que son père était accusé d'avoir fait, il ne voulait pas le laisser sans soutien. Malgré tout, de nombreuses tensions ont été créées au sein de la famille. Les cousins, les grands-parents s'en sont également mêlés tout comme la famille de la femme présumée amante. Evidemment, elle était elle-même mariée et réclamait réparations. Tout un tas de problèmes ont découlé de ce scandale, notamment les capacités du père de Lara à gérer un pays comme la Tanzanie.

La mère de Lara pris alors une décision irréversible. Elle demande d'abord le divorce et décida de quitter le pays. Si elle avait aimé vivre en Tanzanie pendant toutes ces années, elle n'y trouvait plus aucun intérêt et préférait retourner dans son pays d'origine. Elle n'avait pas remis les pieds au Canada depuis près de vingt ans. La jeune Lara ne voulait pas se voir séparée de sa mère, pas dans la situation dans laquelle elle était avec son père. Elle décida alors de suivre sa mère jusqu'à Vancouver et elle décida de couper les ponts avec son père. Elle garda contact avec son petit frère mais elle restait pas mal distante avec lui, ne comprenant pas son choix.

1er septembre 2009, Vancouver, Canada.

Après près de trois ans au Canada, Lara s'est découvert une nouvelle façon de vivre. Si elle vivait dans un certain luxe comparé aux autres Tanzaniens durant son enfance, la vie à Vancouver n'avait absolument rien à voir. Elle ne comprenait pas comment sa mère avait pu tout abandonner pour son père à l'époque. C'était probablement enrichissant de vivre en Tanzanie, mais y faire sa vie était devenu un mystère pour Lara. Elle fut d'ailleurs déçue de ne pas rencontrer sa famille une fois au Canada. Les parents de sa mère avaient renié leur fille depuis le jour où elle s'était mariée sans les inviter.

Lara poursuivit son éducation dans un lycée et elle fut déçue de voir que le football - ou le soccer comme ils disent là-bas - n'avait pas autant de succès qu'en Tanzanie ou même en France. Elle ne voulait pas pour autant abandonner ses rêves et le sport était malgré tout toute sa vie. Elle se découvrit alors une passion et un talent pour le basketball durant ces trois années de lycée à Vancouver. Elle se donna à fond pour malgré tout réaliser un rêve qu'on lui avait insufflé depuis toute jeune : intégrer Harvard. Elle passa tous les tests nécessaires pour intégrer cette université prestigieuse et fut acceptée, mais elle n'avait malheureusement pas suffisamment d'argent pour les études. Elle comptait en faire de longues alors même la bourse proposée ne serait pas suffisante pour ce qu'elle entreprenait. Elle décida de partir à l'étranger pour travailler, se faire de l'expérience et surtout économiser pour les années à venir. Elle partit en France pendant un an avant d'aller en Afrique du Sud pour la coupe du monde de football. C'était la première fois depuis longtemps qu'elle revit son petit frère ainsi que son père. Suite à cela, elle se rendit en Irlande pour poursuivre son projet de travail à l'étranger.

27 août 2011, Cambridge, MA.

Après leur entrevue en Afrique du Sud, le père de Lara avait décidé de reprendre contact avec elle. Il voulait tenir sa promesse et il ne voulait pas qu'elle gâche son temps en travaillant de manière précaire. Il lui envoya alors l'argent qu'il avait mis de côté pour elle depuis sa naissance pour qu'elle puisse faire les études qu'elle voulait. C'est de cette manière qu'à la rentrée 2011 elle put intégrer l'université d'Harvard. Il y avait suffisamment d'argent pour qu'elle puisse vivre sur le campus et qu'elle ne soit pas obligée de travailler en dehors des cours. Elle décida de se consacrer au basketball tout en rejoignant une confrérie. Si aujourd'hui elle est en septième année, elle est heureuse de son parcours et de toutes les rencontres qu'elle a faites. Elle sait que c'est sa dernière année et elle compte bien prouver que ses sept années passées à Harvard n'ont pas été inutiles.