Alors que je me dirigeais vers l'extérieur, je sentis que Kale m'avait emboîté le pas. Il voulait ses explications, et ça, je le savais parfaitement. Comment faire pour lui expliquer l'inexplicable ? Que j'étais une lâche ? Que je l'aimais tellement et donc que je n'avais pas pu lui dire au revoir ? Il fallait que je trouve une solution, et vite. Arrivés dehors, je le laissais m'emmener dans un endroit plus calme, ne connaissant pas du tout les lieux. Je ne prenais même pas le temps d'apprécier le paysage, me dirigeant tel un robot jusqu'à un banc isolé. Je pose mes affaires dessus, restant debout les bras croisés. En plus d'être mal à l'aise, j'avais très froid. Ses mots me glacèrent davantage le sang et mon humeur en prenait une nouvelle fois pour son grade. Tu sais aussi bien que moi ce que l'on ressentait l'un pour l'autre Kale. Ne prétends pas le contraire. Ma voix s'adoucissait un peu, comme si je voulais le rassurer sur mes sentiments. Prenant une grande bouffée d'air, je levais ma tête vers lui, voyant bien qu'il était encore dans le flou. Je sais que j'aurais dû t'en parler. Ma décision avait été difficile et je voulais pas changer d'avis en t'en parlant. Une excuse de plus ? Peut-être oui. Cependant, c'était vrai. Et s'il m'en avait empêché ? Comment ma vie serait-elle aujourd'hui ?

C'est vrai, je ne peux pas douter des sentiments que tu m'as porté à l'époque Tout comme moi, je ne peux pas effacer ce que j'ai ressenti pour toi, tu as été mon premier amour. Sûrement l'unique, d'ailleurs. Je n'ai pas été amoureux une seule fois depuis ton départ, pourtant, j'ai eu des petites amies. Je n'ai pas réussi à être autant amoureux que je ne l'ai été de toi. Je te demande des explications, tu me les donnes. Elles ne me conviennent pas, je ne sais pas si tu me dis la vérité ou s'il s'agit d'une simple excuse pour esquiver ce sujet. Il y avait des solutions, jamais je ne t'aurai empêché de partir si ça te rendait heureuse.. On aurait pu garder le contact via les réseaux sociaux, ou même j'aurai pu venir avec toi... Enfin, si mes parents l'auraient bien voulu. J'étais jeune à l'époque. Je te regarde, je te trouve toujours aussi jolie. Tu m'as manqué...

J'avais beau essayer de m'expliquer sur mon départ, je restais la fautive dans l'histoire. A l'entente de ses paroles, je savais pertinemment qu'il avait raison, et rien ne pouvait me défendre. J'étais jeune, bête et aveuglée, ni plus ni moins. Mon inconscient avait dû me faire prendre cette décision car avec le recul, tout était mal fait, de A à Z. Le regard en direction du sol, je restais les bras croisés, sans dire un mot. Je me faisais des films dans ma tête, imaginant que Kale soit venu avec moi au Chili, cela aurait tout changé. Personne n'aurait souffert et tout se serait bien passé. Soupirant, je passe une main dans mes cheveux, toujours aussi mal qu'au début. Je ne saurais même pas t'expliquer pourquoi j'ai fait ça. Je pensais vraiment que ce serait la meilleure solution pour éviter de te faire du mal.. et de m'en faire par la même occasion. Car oui, au final, j'avais également pensé à moi. Ma prise de conscience s'établissait au fil des secondes, et même si je m'étais brisée le coeur en l'abandonnant, je suis presque certaine que ce fut pire pour lui. Quand Kale m'avoua que je lui avais manqué, mon coeur fit un bond dans ma poitrine, je ne m'attendais pas à ça. Pourquoi avait-il encore autant d'effet ? Après toutes ces années, c'est comme si je n'étais pas guérie de lui. Toi aussi. dis-je, d'une petite voix presque inaudible certes, mais j'y arrivais. Moi qui suis complètement flippée à dire quoi que ce soit d'un peu intime, je m'en suis toujours mieux sortie avec Kale. Tu as pas cours ? Vu l'heure, ça m'étonnerait, mais on ne sait jamais.

Je t'en veux, c'est sûr. Mais, je n'ai jamais réussi à t'en vouloir très longtemps lorsque tu étais encore en Nouvelle-Zélande. Lors de nos embrouilles, j'étais celui qui revenait toujours en premier vers toi. Je n'aimais pas rester brouiller avec toi trop longtemps, c'est le cas. Dix ans que nous ne nous sommes pas vus, je ne veux plus perdre de temps maintenant que tu es là, face à moi. Je te dis que tu m'as manqué, je te vois surprise, ou plutôt contente. Je ne sais pas, je n'arrive pas à déchiffrer tes sentiments par ton regard. Mais, tu me le dis aussi que je t'ai manqué. Je souris, ça me touche et me fait plaisir que tu m'avoues ce genre de chose. Rapidement, tu change de sujet. Non, non, j'ai fini ma journée... Un petit silence s'installe, je m'approche de toi et décide de te prendre dans mes bras. Dix ans que j'attends de faire ça...

Même avec tout le mal que je lui ai fait, Kale reste gentil et souriant, je n'aurais pas pensé cela. Il est vrai que son caractère a toujours été plus facile que le mien, c'est notamment pour cela que je l'aimais, il avait tendance à me calmer quand je montais en pression. Je réussis peu à peu à me lâcher, lui avouant par la même occasion qu'il m'avait manqué. J'ai très souvent pensé à lui quand j'ai déménagé. Je me demandais ce qu'il avait pu devenir, s'il s'était marié ou s'il avait eu des enfants, si toute sa famille se portait bien.. Et pourtant, je n'ai même pas pris la peine de prendre une seule fois de ses nouvelles. Shame on me. Quand il me répondit qu'il avait terminé les cours, j'esquissais un petit sourire, contente de l'avoir près de moi encore quelques secondes. Jusqu'à ce qu'il s'approche de moi pour me prendre dans ses bras. Je ne m'y attendais absolument pas, mais après de courtes secondes, je me décrispais pour me laisser aller dans son étreinte. J'avais oublié le bien fou qu'il m'apportait par un seul contact. Timidement, mes mains passaient derrière son dos et mon visage s'appuyait contre son torse. Je suis désolée. Je ne lui demandais pas de me pardonner, ni d'oublier ce que je nous avais infligé. Je lui demandais seulement de prendre en compte mes excuses.

C'est soudainement que je décide la prendre dans mes bras et de l'enlacer. Une étreinte après tant d'années, j'en avais tellement rêver. Je sens son parfum qui monte à mes narines et m'amène dans un tout autre monde. Je suis tellement bien là, une sensation que je n'avais plus vécu depuis bien longtemps. Depuis qu'elle était partie, en réalité. Je me rends compte que je ne suis plus tombé amoureux après elle, j'ai eu ce traumatisme de l'amour à son départ. Peut-être que son retour allait me guérir ? Alors qu'elle se blottit contre moi, elle m'avoue être désolé. Je souris, je prends sa tête entre mes deux mains. Tu sais que tu es encore plus jolie qu'avant ? Encore plus jolie du souvenir qu'il me restait d'elle, je ne l'avais jamais imaginé devenir aussi magnifique. Mes mains restent collés à ses joues, mon regard ambré se plonge dans le sien. Doucement, je colle mon front à sa tête, nos nez se touchent et nos lèvres sont proches, je sens sa respiration toucher mon visage. Un geste qui date de notre couple, un geste habituel qui me remémorer tant de bons souvenirs à ses côtés.

Le retrouver me procurait une sensation indescriptible. J'étais à la fois heureuse et perturbée, mes sentiments se bousculaient dans mon esprit, toujours plus contradictoire. Ce sont surtout les souvenirs de nous, de notre histoire, qui remontaient à la surface sans me laisser le temps de m'habituer. Tous les moments que nous avions partagé germaient peu à peu et me donnaient le sourire. C'est dans ses bras que je me sentais bien à l'instant T. J'aurais pu y passer des heures sans bouger et sans dire un mot. Mon cœur fit un bond dans ma poitrine quand il me complimenta. Il est vrai que des dizaines de garçons m'avaient déjà dit que j'étais belle, et généralement, ça ne m'apportait pas grand chose. Quand il s'agissait de Kale, c'était complètement différent à mes yeux, et je me sentais horriblement gênée à l'entente de ce compliment. Mon front contre le sien, je respirais lentement, essayant tant bien que mal de calmer mon rythme cardiaque. Plongeant mes yeux dans les siens, je me reculais un peu, desserrant notre étreinte. Et moi je ne pensais pas que tu deviendrais aussi grand. Un petit rire m'échappait, alors que je toisais sa carrure d'athlète, je ne l'aurais pas imaginé aussi grand.

Suis-je encore amoureux d'elle ? Évidemment, je me pose la question puisque je ressens un bien-être complet lorsqu'elle est dans mes bras. C'est un peu beaucoup le bordel dans ma tête, surtout que je ne pensai pas la revoir ici. En fait, je ne pensai pas la revoir tout court. Elle avait disparu, elle n'était plus qu'un souvenir. Aujourd'hui, Kelsey est là. Que va-t-il se passer maintenant ? Je la complimente, et je suis toujours autant sincère qu'avant. Sa simple présence me tend à l'hypnose, je ne sais plus vraiment comment réagir. Elle n'est pas revenu au bon moment dans ma vie, cependant... je préfère que la blonde soit là maintenant, que jamais. Elle se desserre de mon étreinte, me taquinant sur ma taille. Fallait bien que je grandisse non ? T'sais que je regardais des photos de nous, on a tout les deux bien changé. De mon côté, j'ai pris énormément en muscles, j'ai grandi. Autant mentalement que physiquement. Plus posé, plus mature. Tu habites où maintenant ?

Dire que la dernière fois que je l'avais vu, il avait à peine vingt ans, c'est bien normal qu'il ait grandi sur tous les points. Il était devenu si beau et impressionnant. J'étais d'ailleurs persuadée que Kale devait en intimider plus d'un, mais quand on le connait, il n'est vraiment pas méchant. J'ai toujours aimé son trait de protecteur qu'il avait envers moi à l'époque, en parallèle de sa grande douceur. Il évoqua ensuite les photos de nous, de notre passé à deux, et j'esquissais un sourire timide. Parfois, je prends également quelques instants pour regarder nos photos, il y en a tellement. Nous avons passés beaucoup d'années ensemble, et j'ai toujours apprécié prendre des photos pour tout et n'importe quoi. Je fais la même taille depuis que j'ai seize ans, et on me donne rarement mon âge. Je faisais la moue, haussant les épaules, telle une enfant. Il est vrai que la plupart des gens me pensent à peine majeure. Au moins, je paraitrais plus jeune quand j'aurais dépassé la quarantaine, c'est ce qu'il faut se dire. Comme je connaissais pas du tout Boston, j'ai préféré prendre une chambre à la Cabot, je suis en coloc. J'avais rencontré Féline quelques jours auparavant, d'ailleurs on s'entend très bien elle et moi, ce qui est plutôt rassurant quand on arrive dans un lieu inconnu. Et toi ? Peut-être qu'il vivait avec quelqu'un ? Je n'y avais pas pensé. En fait, je n'avais plus envie de connaître sa réponse.

Je me mets à rire quand elle m'avoue qu'elle n'a pas réellement grandi et que la plupart des gens ne lui donne pas son âge. J'hausse les épaules, je trouve qu'elle fait ses vingt-cinq ans mais son visage est tellement angélique qu'on peut lui donner moins. T'as un visage d'ange, c'est pour ça. Je lui fais un clin d'oeil, avant de demander où elle habite. Elle vient d'arriver ici à Harvard, je me doute qu'elle n'ait pas encore tout ses repères. Elle me déclare habiter dans une chambre de la Cabot, je souris. La Cabot te va à ravir ! J'suis à la Winthrop moi. J'étais en chambre là-bas, mais je me suis pris un appartement à Boston, en colocation. Je continue de sourire, parce qu'au final je n'arrive toujours pas à croire que tu es là. Face à moi. Alors, tu me racontes quoi de beau depuis le temps ? Je veux tout savoir : sa vie au Chili, avec sa famille biologique, si elle a rencontré des garçons. Je veux être au courant de tous.