J'étais pas tellement ravi d'être ici finalement. Ces dix ans qui nous séparent de l'année 2023 étaient assez douloureux, quand on y repense. 2023, c'était l'année où on avait commencé à se fréquenter, à tomber amoureux, faire des plans sur la comète. Cette relation qui était si légère et si parfaite. Tout était parfait à l'époque, si bien qu'on ne pouvait pas soupçonner la descente aux enfers qui a suivi plusieurs années après. Si tu avais réussi à tourner la page, c'était pas mon cas. Alors je m'étais préparé à te voir au bras de ton mari. Père de ton enfant. Cette simple pensée me faisait attraper la troisième coupe de champagne de la soirée. J'étais pas dans l'optique de me bourrer la gueule, mais je n'avais pas le choix si je voulais taire ces voix dans ma tête, celles qui me criaient d'aller te parler pour continuer d'arranger les choses. Non, c'est mort. Tu veux plus de moi et j'ai compris le message quand on s'est échangé les sms. Seulement, ton homme n'était pas à tes côtés, et tu avais l'air bien plus éteinte que la dernière fois que je t'avais aperçue. A plusieurs reprises, je veillais sur toi de loi, cherchant à comprendre ce qui se passait pour que tu sois dans cet état. Pas tout le monde pouvait capter qu'un truc n'allait pas. Seuls les plus aiguisés sauraient détecter les signaux. Et faut croire que j'avais toujours mon décodeur ”Anastasia Miller”. Tu décidais de partir à l'extérieur, prendre l'air, alors je buvais cul sec mon verre, reposant la coupe pour en attraper une autre, et j'avançais sur tes pas, de découvrant sur un banc. « je peux ? » que je demande, indiquant la place à côté de toi, ne voulant pas non plus imposer ma présence si tu ne la voulais pas.

dix années se sont écoulées et jusqu'à il y a peu de temps, tu menais la vie que tu avais toujours souhaitée à une exception près. l'homme avec qui tu partageais ta vie n'étais pas celui avec qui, il y a dix ans en arrière, tu avais projeté tout ça. les épreuves de la vie avaient consummées votre couple à petit feu, et vous n'aviez pas su résister à l'embrasement. ton chemin avait continué, sans donovan. les blessures s'étaient pansées grâce au temps et au rencontre. celle de casey avait été la rencontre qui t'avais apportée une bouffée d'air frais. une appartement luxueux, le parfait amour, l'entente idéale, une bague au doigt et un bébé. il était le gendre idéal, le papa poule, l'amoureux sans faille. mais il ne comblait pas le vide laissé par donovan. il l'avait peut être senti, casey. c'était peut-être même ce qui l'avait poussé à te laisser du jour au lendemain.
la soirée de retrouvailles battait son plein et tu étais entourée de tes amis et de connaissances. un sourire plaqué aux lèvres et une coupe de champagne dans la main. l'air enjoué mais lorsqu'on te connait, on peut distinguer ton regard éteins. le besoin de prendre l'air se fait ressentir, tu préviens aurea que tu reviens et te faufile à l'extérieur. assise sur un banc, les yeux rivés sur ton téléphone a pianoter à la baby-sitter qui garde julian pour savoir si tout va bien. et il y a sa voix, d'un coup, qui te surprend et te fais sortir le nez de ton écran pour tourner ton regard vers lui. — oui souffles-tu simplement. — l'idée c'était qu'on s'évite, non ? tu disais ça pour lui, pour sa copine. et peut-être aussi pour éviter de se retrouver seule avec lui, car c'était devenu impossible de le regarder.

C'était pas simple, la vie. Autant quand on était entre les quatre murs d'une salle de classe, tout allait bien. Mais quand il fallait faire les choix de sa vie future, c'était plus compliqué. Et je m'en rendais compte, dix ans plus tard, quand je vois mon meilleur pote vivre sa meilleure vie avec sa femme, que j'avais complètement loupé la mienne. C'était difficile de s'en rendre compte, c'était comme une claque dans la gueule, assez violente pour te faire tomber au sol. C'était pire quand je t'avais vue au loin, avec ta petite famille. L'estomac tordu en voyant l'enfant qui était le tien, mais qui n'était pas le mien. J'avais voulu ça pour nous deux, mais la vie en a décidé autrement. Mais peut-être que les cartes seront redistribuées un jour, qui sait. En attendant, je sirotais le champagne comme si c'était de l'eau. Jusqu'à t'apercevoir. Et quand tu t'isolais à l'extérieur - du moins ce qui me semblait être une fuite made in Ana - je te suivais, nouveau verre à la main. Bingo, tu étais seule, sur le banc, à regarder ton téléphone. Sûrement à demander comment va ton fils à la personne qui le garde. Estomac noué, encore une fois, avant de demander si je pouvais m'installer à tes côtés. « peut-être ouais... mais t'as pas l'air d'aller bien. et je peux pas te laisser seule quand t'es comme ça » C'est plus fort que moi, pensais-je donc. « ça va pas ? » L'air visiblement concerné, le regard posé sur toi pour décrypter la moindre information sur ton visage.

se retrouver ici était étrange. t'avais un paquet de souvenirs qui s'entassaient et qui auraient pu te faire rire aux éclats avec tes amis. mais à la place, tu faisais mine d'apprécier la soirée. les plus proches étaient déjà au courant. tu avais trouvé un mensonge que tu recrachais avec assurance, dés qu'on te demandait où se trouvait casey ce qui avait excusé par tous son absence. ta petite vie parfaite s'écroulait et tu n'étais que spectatrice de cette mascarade. l'air frais te faisait du bien, tu te sentais étouffer quelques minutes avant. et s'il y a bien une personne que tu avais cherché a évité toute la soirée, c'était bien donovan. il avait eu plus de courage de toi, ou peut être moins, tout dépends de comment on regarde les choses, pour venir s'installer à côté de toi. tu verrouilles ton téléphone. tu secoues doucement la tête d'un côté à l'autre en soupirant. tu ne peux rien lui cacher, il fait parti de ces gens qui te connaisse que trop bien. — si je te dis ça va, tu ne me croiras pas, hein? tu hausses les épaules. est-ce que tu as envie de t'épancher sur tes problèmes de couple avec lui, pas vraiment. tu saisies ton verre de champagne, posé délicatement de l'autre côté du banc, et viens le taper avec précautions contre le sien. — à la tienne dis-tu avant de t'enfiler le verre cul sec. — alors, ça t'fait quoi de se dire qu'on a pris dix ans dans la tronche ? c'est pas rien finalement, de tous vous retrouvez ici, après des années à travailler d'arrache pieds.

Loin de moi l'idée de m'imposer, j'avais finalement eu droit à une validation de ta part, pour m'installer à tes côtés. Je sais qu'on devait s'éviter, que les choses n'allaient pas bien entre nous, comme quand on était à deux doigts de rompre. Mais je ne pouvais pas rester loin de toi quand je vois ce regard éteint se poser sur tous ceux qui se trouvaient autour de toi. Tu n'étais pas la même Ana qu'il y a quelques jours et je ne savais pas pourquoi. Une part de moi espérait que tu avais décidé de me laisser une nouvelle chance... mais alors pourquoi continuer de m'éviter si tel était le cas ? Donc non, ce n'était pas ça et je devrai continuer de vivre avec ce poids sur les épaules. « non, en effet » soufflais-je avant de te voir attraper ton verre pour trinquer. A quoi ? J'en sais trop rien. Mais je buvais une fois de plus, faisant augmenter mon ébriété petit à petit. Je pense que c'était aussi pour ça que j'avais fait le chemin jusqu'à toi. C'est pas pour rien qu'on appelle l'alcool “le courage liquide”. « pas du bien » glissais-je. Mâchoire qui se serre, cette impression d'avoir échoué qui ne me lâchait alors pas. J'avais complètement raté ma vie, quant bien même j'étais plein de succès côté professionnel. « j'me suis rendu compte qu'il y a dix ans, on se fréquentait à peine. et quand on a tourné les vidéos de la capsule, on était même pas ensemble » Fin de l'année scolaire 2022-2023, des débuts houleux entre nous et une difficulté à s'engager dans cette relation qui n'attendait que ça.

tu n'imaginais pas cette soirée comme ça, loin de là. si tu pouvais prendre tes jambes à ton cou, partir retrouver ton fils, tu le ferais. mais une part de toi à tout de même envie de profiter des gens que tu apprécies et que tu vois rarement. il y a des personnes que tu aurais préféré éviter, mais tu n'as pas la force de te battre ce soir. il s'installe et tu relativises. verre de champagne enfilé pour te donner un peu plus de courage de l'affronter. — ouais, c'était à chier ma vie y'a dix ans et actuellement, elle était presque à chier, que tu te disais. — j'veux même pas voir ce que j'ai raconté, j'étais sûrement défoncée sombre période, lointaine, mais que tu sais existante dans les annales d'harvard. quelle idée de vouloir voir les jeunes adultes que vous étiez, pleins de rêves et d'ambitions.

Sûrement que j'aurais pas du venir te voir, mais bon, trop tard. Au pire, je peux toujours trouver une excuse pour m'éclipser et te laisser seule avec tes pensées. Loin de moi l'envie de t'abandonner mais j'ai bien compris que tu étais hermétique à toutes mes tentatives. J'allais pas forcer, tu veux pas, tu veux pas. « tu l'étais pas. c'était juste avant les examens » On sortait à peine de l'hôpital, c'était compliqué pour pas mal de monde avec l'incident du TD Garden, mais tu avais arrêté la drogue depuis quelques temps. C'était moi qui avait failli tomber dedans, avec les boites que tu avais caché chez toi, pour te sentir "bien". Le regard rivé sur mon verre, je ne savais même plus comment vraiment t'aborder. C'était difficile, sûrement autant pour toi que pour moi. Je tente un regard vers toi, avant de soupirer. « j'serai toujours là pour toi. même si je suis pas le premier vers qui tu pourrais te tourner. » commençais-je alors à dire. « donc si t'as besoin de parler... » Phrase laissée en suspens, avant de finalement me lever. « j'vais pas te déranger plus longtemps »

la précision de ses souvenirs t'impressionnait. il avait raison, à cette période, tu avais arrêté de consommer. t'avais donc peut-être eu l'intelligence de pas raconter n'importe quoi. se rappeler de ça, c'était se rappeler de ô combien cette période avait été compliqué pour toi, et tout les autres. c'était aussi se rappeler comment tu étais tombée amoureuse de lui. ton regard était fixé au sol et ses mots faisaient vibrer tes tympans. tu faisais rouler la flûte de champagne entre tes doigts. tes ongles rouges tapotaient sur le verre, signe évocateur de stress. tu hochais simplement la tête de manière positive mais aucun son ne verbalisait quoi que ce soit. les bruits de ses talons qui se tournaient et tu relevais la tête vers lui. — attends sorti de nulle part, l'idée la plus naze que tu aies sûrement eu des années et tu t'en rends compte une fois que c'est trop tard; — tu veux que je te montre julian? julian, t'en aies tellement fière, c'est la chose qui te rend le plus heureuse sur cette planète, qu'il faut que tu le partage à absolument tout le monde. et spontanément, sans réfléchir aux blessures passées, tu fais cette proposition. c'est dans son regard que tu comprends et que tu ranges ton téléphone dans ton sac. — non, oublie, j'ai plus de batterie dis-tu alors que la flûte de champagne t'échappes de la main pour se retrouver explosée à tes pieds.

On aurait du s'en tenir à ce qu'on a dit. S'éviter et rester chacun dans son coin. On se laisse voir nos amis respectifs, nos amis communs, même s'ils sont plus d'un côté que de l'autre. Peu importe finalement, on allait reprendre nos chemins respectifs et reprendre nos vies. J'allais trouver une femme avec qui ça matche, avec qui je pourrais à mon tour fonder une famille que j'avais tardé à trouver. Et peut-être qu'un jour, je connaîtrai cette joie que d'être parent. Quand je voix Jax et Sage, je capte qu'il n'y a que ça d'important. Mais j'ai tout gâché et je m'en mordais les doigts à présent. Les pas s'éloignant, je m'attendais pas à ce que tu me retiennes, au contraire. Seulement, quand les mots franchissaient tes lèvres, mon regard se portait sur toi et contenait alors la douleur de notre histoire passée. Mâchoire serrée, boule qui se forme dans la gorge et je capte assez rapidement que tu regrettais tes mots. "Plus de batterie", puis le verre qui tombe au sol, s'éclatant intégralement. « éloigne-toi » soufflais-je, voulant épargner la moindre blessure à tes pieds pas assez protégés. T'attirant avec moi, loin du carnage, je finissais par te lâcher, gêné, avant de soupirer. « excuse-moi pour les mots que j'ai pu dire la dernière fois... c'est votre fils, j'avais pas à dire ça. » Regard qui fuyait, sans aucun doute.

fragment d'inattention et c'est le verre qui se brise à tes pieds. une scène représentative de la connerie que tu venais de lui sortir. figée sur le banc, sans savoir quoi dire pour rattraper la situation gênante que tu viens de créer. tu captes l'émotion qui s'échappe de lui, parce que tu le connais et que tu reconnaitrais en mille ses expression, toujours les mêmes, cinq ans après. tu te lèves machinalement lorsqu'il te dit de t'éloigner. — c'est rien.. j'ai rien.. par chance, les morceaux de verres ont épargnés ta peau. sa main quitte ton bras et c'est à ce moment que tu remarques ce contact entre vous. tu es rapidement divertie par ses mots. — c'est rien.. c'est oublié ce n'était pas une remarque dont tu voulais te souvenir et elle était passée dans ton esprit aussi vite que possible. — elle est jolie.. la brune à tes bras murmures-tu en pointant du doigt dans le vide pour désigner sa copine, pas présente à l'instant. — tu devrais vraiment la garder, vous avez l'air de bien matcher tu avouais à demi mots que tu les avait observé discrètement et par la même occasion, tu allais vers un sujet mon houleux.