Depuis que j’avais rejoint de nouveau cette Mafia de mon passé, je me retrouvais à jongler entre deux vies bien trop différentes. Il y avait d’un côté cette vie que tout le monde connaissait. Cette vie où j’étais un mari et un père qui avait deux boulots et une vie relativement calme, malgré les coups que pouvaient me mettre le destin. Cette vie où tout semblait un peu trop banal et simple. Cette vie que j’aimais par dessous tout parce que c’était la mienne et que je m’étais battue pour elle. Cette vie dans laquelle je me sentais si heureux. Et, de l’autre côté, il y avait cette vie secrète. Cette vie où je me transformais totalement et où j’avais l’impression d’être vraiment moi. Cette vie où les missions s’enchaînaient et m’enflammaient. Cette vie où tout était aussi dangereux qu’électrisant. Au début, ces deux existences avaient été compatible. Ça avait bien fonctionné. Je savais compartimenter. Je savais quelle vie sortir et à quel moment. Il n’y avait pas de faux pas. Il n’y avait pas de problème. Cependant, petit à petit, le mafieux avait commencé à prendre plus de place. Petit à petit, les choses se bouleversaient parce que j’avais du mal à naviguer entre ces deux existences qui semblaient foutrement incompatibles. Ces deux existences venaient chambouler ma relation et c’était peut-être ça qui finirait un jour ou l’autre par causer la fin de Neakas. Jusqu’à ce que la mort nous sépare… aurait peut-être mieux fait d’être remplacé par jusqu’à ce que la Mafia nous sépare. Le frisson d’effroi glissait sur mon corps à cette idée. La panique tordait douloureusement mon ventre. Je ne voulais pas de cette fin. Je faisais tout pour bien agir. Obéir correctement à Rob. Accomplir mes missions. Et, rester celui que j’étais. Ce mari aimant. Ce père présent. Cet être humain que Mio Amore connaissait. Je renvoyais le mafieux au loin si souvent. Je barricadais le monstre dans sa cage dorée. J’enfermais les besoins dans une cave bien enfouie sous terre. Ce soir encore, j’agissais de cette manière. Je repoussais la fin. Je renvoyais le mafieux. Je restais auprès de l’amoureux. J’aurai aimé aller me glisser sous une douche pour tenter d’apaiser toutes ces tensions qui parcouraient mon être et qui me bouffaient. En étant simplement le mafieux, je l’aurai fait. Néanmoins, je n’étais pas que ça et le mari reprenait le dessus. La main de Mio Amore me retenait et je m’installais de nouveau sur le sol face à lui. Je m’asseyais grimaçant bien vite devant les propos qui lui échappaient. Il avait raison je ne le savais que trop bien. Mais, bordel, ce n’était pas agréable d’entendre ces mots. Ça blessait quelque part. Ça chamboulait totalement. Je m’excusais simplement sans rien ajouter de plus. Il n’y avait rien de plus à dire. Je ne voulais pas prendre le risque de trop parler d’autant plus que mon mari voulait me demander quelque chose. La tension revenait en hausse et elle ne se calmait pas quand la dérangeante demande glissait entre les lèvres de mon mari. Je serrais les dents incapable de faire cette promesse. Je fuyais le contact physique avec mon amoureux comme si quelque chose se brisait aussi entre nous en même temps. Les mots m’échappaient. La réalité se dessinait. Je pouvais faire la promesse de ne pas faire de mal à ces personnes, mais je ne pouvais pas promettre de ne pas les toucher. C’était impossible. Pour moi. Pour le mafieux. Je connaissais ce jeu sur le bout des doigts. Je savais comment ça pouvait tourner. Je savais comment il fallait jouer. Le non ferme était lancé par l’amoureux et ça me poussait à fermer les yeux pour me contrôler. Je fermais les yeux pour rester immobile et ne rien faire. Je fermais les yeux pour ne pas exploser de rage. L’interdiction résonnait de nouveau avec cette voix trop inhabituelle. Ça dérangeait. Ça heurtait. Ça me donnait presque envie de me ratatiner sur moi comme le dominé mafieux qui devait se taire et se plier simplement aux règles. Pas de liberté. Pas de libre arbitre. Juste se soumettre. Simplement obéir. À lui. À tout le monde. Se laisser enfermer dans la prison dorée comme avant en Italie. Mio Amore allait encore plus laissant la menace planer entre nous. Elle était soufflée. Elle était lancée comme un coup de couteau en plein cœur. Ce n’était pas des paroles en l’air je le savais. Je déglutissais difficilement. Le cœur cognait bien trop fort. La tête me tournait. Deux vies bien trop incompatibles. Me remettant lentement sur pied, je soufflais un « Bien. Je suis les ordres. Je ne les toucherai pas. » Les mots glissaient. Faibles. Réels. La soumission était là. Reculant lentement, mes prunelles sombres se posaient brièvement sur l’amoureux avant que je ne détourne le regard en reprenant « Si c’est tout, je peux aller prendre une douche ? » Autorisation demandée. Réflexe d’avant réanimé. Je restais sagement debout dans cette chambre alors que tout mon être réclamait cette fuite sous cette douche. Juste m’éloigner de cette tension. Simplement lâcher prise.

The End.