Un compte à rebours débute à la suite de la question qu’elle vient de lui poser, elle éprouve son cœur battre trop vite et top fort, tant elle n’est pas à l’aise avec l’idée de se faire arrêter. Une criminelle de pacotille qui regarde le passager de la voiture autoritaire sortir et vers eux, forcément, s’avancer. « une amende » d’entre sa crainte prenant le pas sur le reste de ses sentiments, elle parvient à l’entendre l’articuler, et si elle le voudrait, ce n’est pas pour autant qu’elle se détend.

Comme l’agent avance, il descend la vite en appuyant simplement sur un bouton. L’expression roide, elle observe sans pleinement comprendre le ballet de mouvements effectués, ce qu’il sort de sa poche, ce que l’autre récupère pour revenir sur ses pas… Elle ignore ce que veulent dire ces actes là, leurs significations ou les possibles justifications, et lui ne lui donne qu’une piètre argumentation. « Ça arrive. Quand on a le permis. » Comme si tout était normal, elle hoche lentement le visage, essaie de panser le malaise qu’elle ressent.
Alors lorsque l’homme revient il l’apostrophe sur un autre sujet, un point qui fait se désagréger le reste de candeur que possédait encore la fille de la forêt. « Dites. C’est vous le gars qui pose dans Vogue. Et celui du jacuzzi. » Cette photo, elle reviendra toujours la hanter, un énième rappel de sa proximité avec celle qui l’a tant brimée. « Ma sœur… » L’esprit d’Haiwee, il est attaqué, par des pensées intempestives si bien qu’elle n’a aucune idée de pourquoi, sa sœur, l’officie vient de citer. « Vous devez avoir des contacts avec des mannequins, on pourrait peut-être fermer les yeux si… » Une arrestation, un retour sur sa nuit avec Wendy, et ses contacts avec les mannequins. C’est dingue, comme il peut changer rapidement, l’état de quelqu’un.

De fait, il prend son téléphone et elle ne se maîtrise pas, elle est obligée de regarder, qu’elle femme il croit bon de devoir partager. Elle en déglutit quand elle lit le prénom de Wendy, les paupières baissées et le regard tourner en direction de sa fenêtre, elle n’a tout simplement pas envie de voir comment le tout se finit. Ce n’est qu’après la fuite du policier qu’il adresse à nouveau la parole à Haiwee. « Quoi ? Tu n’vas pas la plaindre » Ce n’est pas le cas, mais c’est un mélange d’autres détails qui à l’évidence, la dérange. « Non. » Tu vois Sheng, le problème prend sa source dans le fait que tu as songé à la rousse en premier. Agrémentant cette relation qu’il lui plaît de conserver, qu’Haiwee ne semble pas réussir à égaler. Qu’il veuille la piquer. L’énerver. Parce que la haine, c’est l’amour malheureux, et de sa position le voir, c’est douloureux. « C’est simplement que je ne pensais pas qu’elle allait réussir à s’immiscer dans cette journée. » L’ombre de Wendy, du jacuzzi, elles sont toujours présentes, fantômes du Noël passé, mais celui-là, n’a pas un goût de conte de fée. Elle n’en garde que de l’aigreur, de la déception, et l’expression même de ses désillusions.

Le regard de l’amérindienne, c’est dans le vide qu’il s’est perdu, elle est toute à ses réflexions lorsqu’il appuie à nouveau sur la pédale de l’accélération. « S’immiscer ? » seulement elle estime qu’il n’a pas le bon ton, l’ombre de Wendy sur leur relation, ce n’est pas une question, « A t’entendre on dirait que, » elle en retient son souffle, de son hésitation. « Qu’elle est une obsession. » La tienne peut-être, mais pas celle de la Haiwee… Non, elle est plutôt du genre à vouloir oublier la riche créatrice, la fille de la forêt. C’est drôle qu’il pense cela alors que c’est lui qui la remet toujours sur le tapis. Mais lorsqu’on est accroché, par haine ou amour, c’est ce que l’on fait. Il n’y a qu’à voir combien Haiwee désire être aux côtés de l’homme dont elle s’est éprise depuis deux années. Combien auprès de ses amis, elle ne peut pas s’empêcher de parler de lui.

Mais en un soupir, elle se tait, préférant le silence au grand débat, surtout qu’elle a parfaitement conscience qu’il serait perdu d’avance celui-là. Alors le reste du trajet, elle conserve sa vision fixée sur l’extérieur, les bâtiments et autres décors de Boston, paumée dans ses pensées, si bien qu’elle ne réalise pas l’instant où il arrête le moteur, absorbée par les méandres en son cœur. Ce n’est qu’au déclic de sa ceinture de sécurité qu’elle consent à reposer ses prunelles sur les traits de l’étudiant. « Et si on oubliait tout çà ? » Ca la fait sourire étrangement, parce qu’elle est devenue experte en la matière, passer l’éponge et ne pas affronter la réalité de leur relation. Naturellement, elle est d’accord avec sa proposition. « Aujourd’hui, j’ai quelque chose à te demander. » Le solennel de la phrase la fait sourciller, elles n’ont pas fini d’être torturées ses émotions en cette journée.

Roulant des yeux en souriant un peu plus sincèrement, elle hoche le visage de haut en bas, de toutes les façons, elle n’a pas envie de lui en vouloir plus longtemps. Après tout, ce n’est pas comme si elle n’était pas au courant du fait que l'étudiante en biologie sera toujours présente, et elle ne va pas courir – pour une simple allusion – chez ses parents. « D’accord, ok. » Voilà qu’elle est en même à la limite de s’excuser, dans un besoin de prouver son appartenance, ses doigts retournent le chercher. Elle effleure sa joue avant que sa paume sur son épaule, échoue. « Mais … » elle force la taquinerie sur les traits de son expression, « dans les toilettes du restaurant, c’est hors de question. » comme si c’était ça, sa prochaine interrogation.

Une plaisanterie au sujet d’une demande possiblement intime, c’est tout ce qu’elle avait trouvé pour balayer cette sensation qu’elle sera toujours là, au-dessus d’eux, à planer. Cela étant dit, d’une œillade minime, elle remarque ses doigts qui se débarrassent du téléphone, le laissent choir dans l’une des cases dont la voiture est dotée. Bien plus qu’elle ne s’accordera jamais le droit de le dire, elle en est soulagée. Pour quelques heures la rousse friande de moqueries et brimades sera donc oublié.

Mais avant de sortir du véhicule, il se fait interrogatif afin de connaitre la raison de son interdiction. « Pourquoi ? » Elle en sourcille, une seconde, elle qui pensait qu’elle était pourtant évidente, sa justification. Bien sûr, elle est toujours prête à partager de nouvelles expériences avec lui, à dépasser ses limites, on ne peut pas dire qu’elle n’a pas appris, parce qu’elle se surprend elle-même lors de ces instants voluptueux partagés avec lui… C’est simplement que le cap des sanitaires d’un restaurant, ce n’est pas encore pour maintenant. Avant qu’elle ne puisse grimacer son mécontentement, l’étudiant reprend, « Soit. Pas dans les toilettes. » Elle hoche par la positive, naturellement, la tête, « Dans la cuisine alors, » et se perd dans un sourire franc lorsqu’il articule le reste.

L’idée n’est pas réalisable, elle le sait, mais cela ne l’empêche pas de plonger dans son regard l’espièglerie du sien, aimant songer que leurs envies et desseins sont étroitement acoquinés, ne pouvant se détacher, sans avoir besoin de les souligner. « Allez. J’ai faim. » Elle aussi, mais si c’est de nourriture ou de lui, elle ne le sait plus très bien. Les deux dans son esprit se frayent un chemin… Alors elle soupire, envieuse de tout lorsqu’elle s’attèle à sortir, enfin.

Esseulée durant quelques secondes, il revient rapidement se positionner à côté d’elle, et elle lui en décoche un énième sourire, appréciant le tournant que prend cette journée. Comme quoi, c’était facile, finalement, d’oublier le reste, comme il l’a suggéré. Lorsque ses phalanges effleurent légèrement les siennes, elle exhale un soupir discret, frissonne faute de cette incontestable électricité présente entre eux, elle est réelle, palpable, elle en est persuadée. Et car elle est tout simplement apaisée par cette vérité, elle ne fait pas cas des regards posés sur eux, de ce qu’ils peuvent inspirer. De ce métissage ici, assumé. C’est la première fois qu’ils sortent réellement dans boston, alors tout ce qu’il y a autour cela importe peu.

Finalement, elle commente, l’affection et les souvenirs tangibles dans sa voix, « Mexicain, » il y a plus d’un an déjà qu’ils s’étaient retrouvés là-bas. Et elle les a tant aimés les moments qu’elle a vécu avec lui, « Ca te manquait ? » et elle les garde tous en elle, comme de précieux secrets. « C’est un peu plus bondé qu’Azulik. » son timbre de voix amusé à la réminiscence de leur havre de paix.
Tandis qu’ils patientent dans le hall d’entrée, elle interroge, encline à la curiosité mais peut-être aussi à la tentative de le charrier, « T’as réservé ? » Elle jauge un tantinet à quel point elle est importante, cette chose qu’il a à lui demander. Si ça faisait plusieurs jours qu’il y pensait, ou si c’est totalement improvisé. En fait, elle s’essaie tout simplement à deviner, sans aucune crainte, juste une impatience qui se créer dans le creux de son ventre.

Elle aime s’y perdre quelques fois dans ses souvenirs, quand la pression des études et du boulot devient trop forte, il suffit qu’elle ferme les yeux pour s’y retrouver, dans cet endroit hors du temps qui lui semble si éloigné à présent. Bien qu’ils n’aient jamais été aussi proches que maintenant. Leur relation, elle la voit changer, elle ne peut le nier. « Ça me manque, » il la reprend, et elle s’aventure naturellement à lui décocher une œillade quelque peu amusée, traduisant le fait, que ça lui manque à elle aussi, c’est vrai.

Alors dans l’attente d’arriver auprès de l’hôtesse, elle s’étonne de le voir prendre la tangente après qu’elle lui ait posé une simple question. Certes, elle a été dite dans le but d’évaluer l’importance de ce qu’il souhaite lui demander, néanmoins, elle ne parvient pas – malgré cela – à se faire une idée. Mais à la faute de son regard évasif, ca devient presque effrayant. Il y a dans ce moment une saveur de trop beau pour être vraie, donc forcément, c’est au revers de la médaille qu’elle s’attend. Haiwee elle passe d’un état à l’autre en une fraction de seconde si facilement, lorsqu’elle est à ses côtés. « Heu. Pas besoin ici. » Elle hoche la tête, l’air de lui souffler que c’est très bien, puis il sait que l’amérindienne se satisfait d’un rien.

Cependant, à hauteur de l’employée, c’est la surprise qui l’emporte lorsqu’elle vient articuler. « Vous aviez réservé ? » C’est dans son cœur que ça pique un tantinet, parce que même si le mensonge est tout petit, il existe et ça… Ca fait vaciller certaines choses auxquelles elle croit. C’est sur tout, qu’il peut mentir, n’est-ce pas ? Pourtant elle soupire dans l’espoir d’effacer ce qu’elle pourrait se mettre à penser, elle n’a pas envie d’y réfléchir, ne veut pas se gâcher la journée. « Non, je n’avais effectivement pas réservé. » A cela, la fille de la forêt n’ajoute rien, se contentant d’un sourire contrit et de ses doigts longer l’avant-bras de l’étudiant pour aller effleurer sa main. Elle se veut rassurante quand lui annonce ; « Pour deux. » quelques instants suffisent à la serveuse afin de déterminer quelle place elle pourrait leur proposer. Et leur faisant signe, ils lui emboitent le pas, en silence, si bien qu’elle, elle s’évertue à contrôler encore, de ses pensées, la danse. « Ça vous conviendra ? » Elle s’en fiche un peu, mais elle ne le prononce pas, d’autant plus qu’il vient lui demander, « Elle te convient ? » de prime abord, elle valide par un mouvement de visage positif, « Oui, c’est parfait. » l’employé satisfaite repart dans l’autre sens après avoir déposé deux cartes sur les assiettes dressées.

Haiwee prend place naturellement sur l’une des chaises et le regarde tandis qu’il fait de même, elle s’essaie encore à sourire mais ne peut se retenir plus longuement, parce qu’il faut croire que le bout de sa langue, c’est en train de le brûler. « Comme quoi, finalement, tu avais raison, il n’y avait vraiment pas besoin de le faire ici. » Réserver, s’entend, et puis elle secoue la tête avec amusement. Ca s’atténue en peu de temps quand le bobard n’est pas trop grand… Puis elle attrape la carte, l’ouvre et visualise les différents mets en vitesse, bien sûr ça la démange de l’interroger quant à ses intentions, connaître ce qui régit en ce moment même son esprit. Mais la Haiwee n’est pas comme ça, le rythme de Sheng, elle le respecte, elle se souvient encore de comment ça s’est terminé le jour où elle a voulu le brusquer. La soirée où ses sentiments elle n’a pas pu se retenir de les dégobiller et de s’en servir – inconsciemment – pour l’acculer. « T’as envie de quoi ? » Sans relever les prunelles dans sa direction, car dans le fond, elle se la pose à elle-même, la question.

Tout comme en ce qui concerne Wendy, elle positionne le léger mensonge sur le côté, n’ayant aucune envie ou sombre besoin de se disputer avec lui. A la vérité, elle est facile, Haiwee, elle est arrangeante à force de trop l’aimer. Elle garde tout pour elle, elle se contient, jusqu’à ce qu’une goutte fasse tout déborder, et qu’elle veuille rentrer chez elle par peur d’être à nouveau brisée. Néanmoins, elle ose croire qu’un moment tel que celui-là n’arrivera plus jamais. « Oui commandons d’abord, » elle tique, forcément, sur le mot d’abord si bien qu’elle en vient à s’interroger sur le sérieux du sujet qu’il veut avec elle aborder. Elle qui avait pris la chose – jusque là - avec légèreté, presque, elle commence à s’inquiéter.

Alors après une œillade d’incompréhension en sa direction, elle se reconcentre sur les mots calligraphiés dans une langue étrangère, traduits entre parenthèse en anglais. Elle s’attarde sur les détails, peine à ne sélectionner qu’un plat, et ne relève les yeux qu’au moment où il lui annonce ce qu’il compte manger, « Le pollo con queso. Et toi ? » elle se mord l’intérieur de la joue, une seconde encore, ne prononçant pour le moment, qu’une onomatopée. « Mhm… » elle s’accorde le droit d’hésiter quelques secondes supplémentaires, venant finalement pincer ses lèvres, toute à ses réflexions, balayant rapidement les plats, si bien qu’elle achève sa décision sur l’un des plus simples, ou tout du moins, elle le croit, « Des quesadillas. » et referme la carte entre ses doigts.

D’ailleurs, finalement, ce sont sur les phalanges de l’étudiant que ses prunelles vont se poser. Elle remarque le mouvement répétitif de ces derniers, inclinant le visage, elle s’ose aventureuse pour réaliser un geste qu’elle n’a jamais tenté jusqu’ici. Sauf que c’est plus fort qu’elle, ces derniers jours, ces derniers mois, c’est si proche de lui, qu’elle s’est sentie. Ainsi oui, sa paume, c’est avec douceur qu’elle va couvrir ses doigts, une démonstration de son affection qu’elle ne maitrise pas, elle s’est même armée d’un petit sourire tendre avant de lui confier, « Si je ne te connaissais pas, je pourrais croire que tu es stressé. » Et ce n'est pas absolument pas dans la nature de l'Adams de l'être, elle le sait. Son flegme, depuis le temps, c'est par coeur qu'elle le connaît. Parfois, elle aimerait même pouvoir le lui emprunter. Mais de le dire ça lui fait prendre conscience que ce n’est plus un presque qu’elle est véritablement inquiète. « Sheng, dis-moi ce qu'il y a. » Car voilà, elle le sait maintenant qu’elle ne pourra pas attendre avec cette boule dans son estomac jusqu’à la fin du repas.