Elle a été sur pilote automatique durant les derniers jours écoulés, ne sachant pas ce qu’elle devait dire et même penser. Comme lors de la soirée à la Adams House qu’elle a passé à hésiter, bien qu’elle l’ait passé à ses côtés, craintive de commettre des erreurs, de vexer ou bien blesser par sa naïveté. Empathique, Haiwee, elle l’est naturellement, mais cette capacité, il faut croire qu’elle s’est fissurée à la faute de cet évènement. Alors malgré ses envies de l’assaillir de messages, de prendre de ses nouvelles, de quémander sa présence, elle a pris sur elle, et elle l’a attendu, en essayant de ne pas se sentir trop perdue. Après tout, elle le dit en permanence, qu’elle patienterait – pour lui – durant toute son existence.

Une perspective qu’il vient écourter en cette fin de matinée, et ce sourire qui se dessine sur les lèvres amérindiennes à l’idée de le retrouver. Elle en délaisse son téléphone, le temps de se préparer. Elle qui pensait buller pour le reste de la journée, probablement commander de la nourriture orientale et travailler. Elle se précipite dans sa salle de bain, dévale les escaliers une fois douchée et habillée. Elle enfile sa paire de baskets, s’observe une seconde dans le miroir… Son naturel lui sautant aux yeux, l’espace d’une seconde elle songe au fait de devoir s’arranger, secouant le visage dans le seul but de chasser cette idée, sans artifice, elle l’a toujours été. Ses boucles brunes encore humides lorsqu’elle ouvre sa porte d’entrée, elle ne peut louper la superbe de la voiture qui l’attend… Une fois la maison bouclée, elle descend de son seuil et arrive, en quelques pas, à hauteur de la carrosserie.

Sans hésiter, elle s’installe à l’intérieur, aussi instinctivement que par inquiétude, elle contemple d’abord son bras, puis son regard décline sur son faciès… qu’elle s’étonne de constater un tantinet amusé. Sa surprise, elle est incapable de la chasser, si bien qu’elle articule un ; « Quoi ? » elle interroge, les sourcils légèrement froncés, elle tente de déchiffrer ce semblant d’espièglerie qu’elle décèle sur ses traits. « Je sais, tu t’attendais à voir débarquer la voisine, c’est ça ? » D’une factice nonchalance qui, à utiliser, lui paraît de plus en plus normale. « Elle te plaisait plus que moi au final ? » comme si de l’imaginer avoir un rencard avec une autre ne lui faisait pas mal.

Evidemment, dans le moindre de ses mots se cache le fait qu’elle plaisante et il le comprend parce qu’il arbore un fin sourire qui lui fait plaisir. Ces derniers jours, bien qu’il n’en ait pas parlé, ont été compliqué pour lui, elle le sait. Alors elle aime le voir détendu, à l’image de celui qu’elle l’a toujours connu. « Démasqué. » Elle lui en sert une expression pincée qui tend vers le dégoût affirmé. La vision de lui et de sa voisine, elle ne la laisse pas s’infiltrer dans son esprit, plus par écœurement que par jalousie.

Alors le regard toujours égaré dans le sien, la brune attend de connaître la suite de ses idées, parce qu’il semble encore désireux d’un acte qu’elle n’arrive pas à deviner. A la lisière de chercher ce qu’elle a bien pu faire de travers, lorsqu’il vient confirmer, « J’attendais mais… » elle reste stoïque à l’inverse de l’étudiant qui s’anime, s’approche, il impose ses phalanges sur sa nuque, elle en ressent les battements de son cœur s’accélérer. Elle a le vertige, Haiwee, chaque fois qu’il s’aventure à l’embrasser. Quand sa bouche impacte la sienne, elle se délecte de toutes les secondes, elle doit se faire violence pour ne pas décupler sa ferveur, et quand il s’éloigne, elle soupire avec langueur. C’est trop d’effet qu’il lui fait. Mais elle note avoir le droit de l’embrasser pour le saluer, et ça, ça lui plaît.

Encore troublée par son geste, tandis qu’elle récupère encore son empreinte sur ses lèvres d’une caresse incalculée de sa langue sur ces dernières, elle l’écoute annoter, « Midi et toujours pas douchée… » les sourcils froncés quand elle reprend ses esprits, « On est samedi, » qu’elle explique pour débuter son explication, « je bossais sur une dissertation, » et c’est plus espiègle qu’elle achève sa thèse, « je n’avais pas prévu d’être invitée par un garçon. » non, elle comptait terminer ses devoirs et se morfondre sur le fait qu’elle ne passe pas son weekend à tes côtés. D’ailleurs, mentalement, elle note le fait, que c’est probablement la première fois qu’il le fait, mais s’empêche de le souligner, peu encline à le voir reculer si jamais elle s’y risquait. En sa compagnie, Sheng n’a jamais voulu s’afficher. Et sur le bruit de son moteur qu’il démarre, « Tu m’emmènes manger où alors ? » Dans l’ignorance pour cette partie de la journée, contrairement au programme de l’après-midi qui se déroulera dans la forêt, la fille de l’air, elle est d’avance enjouée rien qu’à y songer. En fait, c’est par le tout qu’elle est charmée.

« Aaahh. » Elle lui en décoche un regard aussi suspicieux qu’amusé, le mimant à l’aide de ses paupières plissées. Cela dit, la Haiwee ne répond rien à cette onomatopée, parce qu’il n’est tout simplement pas nécessaire de plus disserter. Elle avait beau être réellement en train de travailler, il n’en reste pas moins vrai qu’elle… traînait.

Alors la brune préfère se concentrer sur l’évènement de la journée, cette sortie au restaurant proposé par l’étudiant… D’ailleurs, elle avoue volontiers que c’est toujours autant que ça la surprend. Le fait est qu’à Boston, ils ne sont jamais sortis tous les deux, si bien qu’en ce jour, elle craint d’apprécier excessivement l’instant, jusqu’à se brûler avec le feu. « Un petit saut dans l’temps. » Il répond, énigmatique, et la confiance aveugle qu’elle ressent pour lui la force à hocher le visage par la positive, le tout agrémenté d’un petit sourire. Oui, elle aime à songer qu’il a pris la peine de penser à la surprendre afin de lui faire plaisir.

Sur le fil de ses pensées, elle ne réalise pas qu’il s’agace crescendo face à ce trajet qui manque de fluidité. Elle qui n’est pas conductrice, elle ne voit pas combien ça peut rapidement devenir irritant, après tout, elle, elle doit se contenter de contempler le paysage et de s’en délecter. Si bien qu’elle est stoppée dans ses réflexions quand il vient lui demander, « On tente ? » Il lui faut une fraction de seconde afin de comprendre la nature de son interrogation, le regard de l’amérindienne suivant la direction de celui à Sheng.

Elle observe le panneau, même sans avoir le permis, elle comprend l’interdiction, ce n’est pas comme s’il fallait être un génie afin de l’assimiler, pourtant, elle en vient à hésiter, « Le risque c’est quoi ? » Mais en un sens, ces mots, ils veulent dire que c’est oui, n’est-ce pas ? Ses doigts, elle va les poser sur les siens, sur le levier de vitesse, et guider par une envie d’adrénaline venue de tous les sentiments qu’il lui inspire. Sheng maitre de la moindre de ses expériences et désirs… « Accélère. » maligne jusqu’aux commissures de ses lèvres, impatiente d’arriver, un tantinet affamée et surtout galvanisée par ce rencard au goût de réalité.

En moins de temps qu’elle n’aurait pu le penser, il s’exécute et elle s’arme d’un petit sourire à l’instant où sa paume droite se cramponne sur la poignée de la porte passager, un acte aussi inutile que manqué. Elle le sait capable de foncer et elle n’en est, en réalité, aucunement effrayée. En parfaite confiance quand il conduit, même lorsqu’il emprunte les sens interdits. Elle dépasserait toutes les limites avec lui.

Et elle s’amuse quand il s’agace de la voiture qui leur fait face. Parce qu’elle a compris que c’est leur automobile qui est en tort, mais… la ténacité de Sheng, elle n’est plus à prouver, alors le sourire de l’amérindienne s’élargit des lors qu’il consent à se caser sur le côté, et s’insurge un tantinet des façons qu’ont ses opposantes de signer, « Je hais les vieilles… » et avec une doucereuse pression, elle resserre les doigts de sa senestre sur sa main, malgré tout, l’air serein.

Elles finissent par tracer leur chemin, les prunelles déposées sur les reliefs de ses traits, elle apprécie la légère fossette que l’arc de ses lèvres vient créer tandis qu’il abdique, égayé. « Elles ont raison, » elle hausse les sourcils, la fille de la forêt, maligne à parapher, « Les femmes ont souvent raison. » pour ne pas dire toujours, sa langue mordillée entre ses dents, elle pallie ses envies de le taquiner plus longuement. Puisqu’elle sait, que c’est sa faute s’ils se retrouvent à contre sens.

Le pied à nouveau sur ce qu’elle a deviné – depuis le temps – comme l’accélérateur, ils redémarrent et cette fois ils parviennent au bout de la rue sans encombrement. Ou presque. Parce qu’arrivés à la lisière du virage, c’est à un tout autre véhicule qu’ils se heurtent, le clignotant enclenché, prêt à tourner pour traverser la rue d’où ils déboulent à l’instant. Les couleurs de la carrosserie, elle n’a pas besoin de bien longtemps pour en connaître la signification. Le bleu et le blanc. Puis ces mots calligraphiés, impossibles de les louper. Instinctivement, le contact sur sa main, il n’est pas délicate cette fois, ce qui le guide c’est une émotion d’effroi, elle s’égare à répéter, « Le risque, c’est quoi ? » La culpabilité, elle retourne son estomac.

REUSSI : ils s'en sortent avec un avertissement
ECHEC : ils vont au poste