Lune reflétant les lumières du monde, ramenant sur nous celles-ci dans une ambiance féconde. Sourire à en faire briller les dents dans la nuit, enfant libéré de sa cage, je cours sur le sable en enlevant mes tongs que je prends dans une de mes mains. Quelques personnes alentour, pas assez proches pour que cela gêne, la joie d'être enfin seuls là où nul ne pourra ruiner notre heure. ❝ C'est exactement ce dont on avait besoin ❞ te déclare-je en me tournant vers toi, tapotant ton sac à dos contenant une des liquides de courage. Rien n'est plus serein que d'être dans ce paradis, accompagné par celui avec qui je souhaite finir ma vie.

Sans même me débiner, je pouffe en écarquillant les yeux d'entendre pareille stupidité. ❝ Non, c'est vrai, je me remets encore d'une mort certaine mais à part ça, c'était une joie ces deux derniers mois. ❞ Molard que je crache au loin comme pour signifier que je te maudis de dire une connerie de la sorte, le sourire aux lèvres pour te rassurer que je ne le prends pas mal. Je reste debout, me plantant presque devant toi en tournant sur moi-même comme un gosse impatient. ❝ C'est effectivement notre premier Spring Break en couple... Même en couple tout court d'ailleurs. Et ouais, ensemble en plus. Damn... ❞ Ricanement qui s'échappe, billes qui se focalisent sur toi. ❝ T'imagines toutes les conneries dans lesquelles on va s'embarquer ? On s'fait pas virer, j'te préviens direct. ❞ Même si l'idée est plaisante, je préfère finir Harvard en beauté au lieu d'en être jarté. ❝ Mais on va s'éclater quand même. J'veux profiter d'ce lieu paradisiaque pour kiffer avec mon homme, okay ? ❞ Comme la sensation d'être libre et heureux, sensation retrouvée après toute cette discorde de vie nous ayant secoué. Je me sens me retrouver, nous retrouver, mon coeur et mon âme de nouveau alignés.

Ricanement que je retiens, yeux qui roulent dans leur orbite à une vitesse folle. Il n'y a pas à dire, mon chéri a retrouvé l'humour plus vite que je ne l'aurais cru. Au moins, tu me suis aussi dans mes sarcasmes qui ne cessent de pleuvoir. ❝ On va peut-être éviter de taper sur l'système de tous les mafias possibles, tu crois pas ? ❞ ricane-je finalement en secouant la tête. Air interrogateur quand tu te fais presque pressant. ❝ Ah donc tu veux m'foutre une laisse là ? Couché Adrian, aux pieds Adrian ? ❞ J'avance vers toi et pose mes mains sur le haut de ton crâne avant de voir les bières que tu extrais de ton sac. ❝ Bon, après, si tu m'prends par les sentiments... ❞ Sourire en coin, coeur en paix, je fais une pirouette sur le côté avant de m'installer près de toi en tendant la main pour saisir le breuvage attendu. ❝ On avait besoin d'partir et vivre un truc comme ça, en vrai. Juste l'paradis, toi et moi. ❞ Ton sérieux et grave, sentiment de légèreté me gagnant en sentant enfin la douleur s'évaporer à mesure que ma conscience s'imprègne de ce qu'il s'est passé au même titre de ce qui est passé. Le présent a un arrière goût de peine mais le futur promet bien plus que des douleurs indélébiles.

Haussement d'épaules, moue à moitié conquise. ❝ Et pourquoi pas ? Loin de Boston et de sa pollution, sur la plage avec un temps de fou, des gens autour qui profitent et font ce qu'ils veulent, c'est pas l'paradis ça ? Toi, moi, loin d'tout, pour moi, ça l'est. ❞ Pour une fois, je ne suis même pas dans la confrontation mais davantage dans l'affirmation. Il n'y a aucun doute que c'est ça que j'aime, tout simplement. Qui aurait cru que je rêvais de vivre d'amour et d'alcool pur ? Et qui aurait cru que tu allais aller dans le sens de mes propos de façon honnête. J'en glousse de manière graveleuse en te donnant un coup d'épaule. ❝ On s'en fout qu'tu sois niais, moi je t'aime comme t'es et tout c'que j'veux, c'est qu'on communique. ❞ C'est surement le point où on a pêche. Moi, je m'énerve facilement et toi, tu te confies avec difficulté. Légère brise qui s'éclate sur nos visage, la bière que je porte à mes lèvres avant de m'accouder à toi comme pour me rappeler du plaisir de te sentir aussi près. ❝ Peut-être bien, mais si c'est ça mon enfer ou mon paradis, moi ça m'va. T'es là donc bon ❞ rigole-je avant de reprendre, ❝ t'imagines qu'il y a un an, j'étais dans un bordel monstre sentimental où je réalisais pour la première fois que j'étais vraiment capable d'aimer de manière pur ? Et j'pensais ne jamais rencontrer la personne qui me correspondrait ? Genre j'suis choqué. Il a fallu que j'tombe sur un dealos taillé comme hulk pour m'faire dire "hé mais t'as pas un coeur à voler car j'suis un bandit d'qualité". ❞ Douces bêtises dans le ton pour camoufler la niaiserie de la véracité des propos. Je ne peux le nier et je ne l'ose que trop peu, je suis déjà vendu et ce à jamais.

Quel con, tu arrives à me faire rire sur nos drames récents bien que passés. C'est peut-être cela dont on a besoin, continuer de mettre de la lumière sur quelque chose d'aussi sombre. ❝ C'est pas moi qu'aies fini en merguez donc tout va bien même si on m'a bien piqué pour la cuisson. ❞ Le coeur s'allège de pouvoir se moquer cette fameuse soirée, celle où tout aurait pu basculer, celle qui nous a jamais marqué. Je te regarde te lever soudainement, des dizaines de points d'interrogation se bousculant dans ma tête. ❝ Attends, tu veux que j'te plaque au sol ? Tu fais le double de mon poids. Le pire truc que j'peux faire, c'est d'tenter de te déstabiliser pour tomber mais sinon, c'est juste te sauter dessus que j'risque d'faire... ❞ Incompréhension de la proposition, logique qui m'échappe mais curiosité naissante de savoir quelle est cette dite surprise. Bière que je finis cul sec à m'en donner une vague d'oubli dans le crâne, je saisis ta main pour me redresser et me tenir sur mes deux jambes. ❝ Vas-y alors, j'te suis de près ❞ te lance-je en me mettant en position de course.