Mon corps tendu, je me retrouve sur son genoux, position inconfortable, étrange, mais pour autant, si le feu avait détruit cette maison, j’avais aussi le souvenir de cette étreinte, dans d’autres circonstances, mais cette chaleur qui émanait de lui était réelle, elle contrastait avec le froid de marbre que je ressentais là. Son bras sur ma taille me fige. J’en bloque ma respiration.

Je ferme un instant les yeux. Biche prise au piège devant les phares d’une voiture, je n’ose plus bouger d’un cil. Son souffle contre mon oreille, je déglutis avec difficulté, mon rythme cardiaque si rapide, la peur s’infiltre en moi comme un virus rapide qui vient rendre mon système défaillant. Mots lents, s’ils avaient été sur un autre thème, ils auraient presque pu en être sexy, attirants, envoutants, mais là ils étaient juste … Terrifiants.

« Qu’est.. Que dois-je… » Mais il se retire et je garde les yeux fixés sur le piano, statique, figée, paniquée, que me demanderait-il de faire pour combler ce trou, ce petit manque d’argent, cette somme incomplète… J’étais sur ses genoux, j’étais en robe, vulnérable, pourquoi je n’arrivais pas à me défendre ? À partir en courant, à ne plus le revoir à trouver une solution rapide ?

Son téléphone devant moi je ne comprends pas. Le regard froncé, je tourne les yeux vers lui. « Un.. un sourire? » Étonnée, il était sérieux ? Je n’arrive pas à le quitter du regard. « Pourquoi un sourire? » C’était la seconde fois qu’il le voulait… J’avais besoin de comprendre. Un sourire, une photo.. Une preuve? Que cherchait-il? Mon cerveau était en train de s’embrouiller, la peur et l’étonnement n’étaient pas deux émotions compatibles… « Expliquez moi.. S’il vous plaît et après je … le ferais. »

Sur ses genoux, je ne pouvais pas être détendue, même si une part de moi savait très bien qu’il ne me ferait pas de mal.. Je ne savais pas d’ailleurs comment cette partie pouvait penser qu’il était inoffensif. L’autre part elle, savait qu’il était redoutable, que je ne devais pas le sous estimer, qu’il avait sans cesse un coup d’avance et que je ne pourrais pas sortir indemne de ce marché que j’avais passé avec le diable. Mon regard dans celui qui brûlait petit à petit mes ailes, je ne lâchais pas attendant l’explication à sa demande.

Un sourire… pourquoi? Qu’avait-il a gagner. Lorsque mon frère avait ce genre de mot, je riais, mais là, patiente, je voulais juste savoir comment arriverait-il encore à tirer parti de mes gestes, de mes mots… Je fronçais les sourcils. « Fermer les yeux là, c’est comme tourner le dos. Impossible. » Trop dangereux, trop inconscient, et surtout risqué avec un homme comme lui… J’aurais peur qu’il ne me fasse chavirer, qu’il ne me détruise, … Ne me protège…. Mon cerveau était trop embrouillé si près de lui...

Mon regard quitta ses prunelles pour descendre vers ce sourire qui s’étendait sur ses lippes. Temps peut etre socialement trop long sur celles-ci, je reviens dans son regard. Attentive à toutes ses versions, certaines m’auraient fait lever les yeux, celle d’adieu serra un peu mon estomac, sans que je ne le contrôle. La dégradante me fit frémir, crainte, peur, je n’étais pas prête à celle là. Mais la vraie me fit hocher la tête, c’était bien celle ci que je voulais. « Oui. »

Et la raison tomba. Jeremy… Je n’eu pas besoin de plus de temps pour savoir que je ne voulais pas qu’il sache. Abril, Cian, … En fait il y avait plein de monde, mais c’était au nageur que j’avais pensé dans un premier lieu. « Tu.. me feras un nouveau deal pour ne pas la montrer n’est ce pas? » Il avait toujours ce coup d’avance… Toujours. Mais devais-je lui donner raison, céder à sa demande? Prendre le risque? Je secouais la tête. Non je n’étais pas prête. « Et si je ne veux pas? » Ma voix se fit plus faible, mais j’osais tout de même poser la question. "Je.. Je ne veux pas que nos arrangements touchent d'autres personnes."

Il avait raison. J'avais dit qu'il devait m'expliquer et qu'ensuite je le ferais, mais être encore plus près de lui, alors qu'il ramenait mon corps contre le sien, provoqua un frisson qui me déstabilisa totalement. Mon corps se tendant instantanément comme paralysé par cette proximité, cette angoisse de ne pas savoir. Ce fil sur lequel je tanguais, hésitant entre ces deux sentiments que je pouvais ressentir pour cet homme. La peur : il inspirait ce sentiment, qu'on pouvait sentir dans son regard, sombre, profond, comme tomber dans un puit sans fin. Et la confiance : étrange lorsqu'on avait ce sentiment que tu pouvais basculer d'un côté ou de l'autre, alors qu'on était persuadé qu'il pourrait nous rattraper, même si c'était lui qui provoquait notre chute. Ma chute... Mais être si proche de lui m'apportait une certitude : il ne pouvait pas me faire de mal. Erreur ? Sûrement, car j'étais une souris sur les genoux du chat qui allait la dévorer.

Son visage si près du mien, ma respiration qui se coupe, je reste là perdue dans son regard. Le monde autour de nous disparaît et je deviens cet équilibriste, au milieu de la scène, tentant de ne tomber ni d'un côté ni de l'autre, pour rejoindre cet espoir brillant au fond de ses iris.

"Non...je vais .."

Je voulais juste être certaine qu'il ne s'en servirait pas contre moi. Mais visiblement ma crainte était fondée. Lorsqu'il évoquant mon père mon cœur bondit et mes mains tremblèrent légèrement. Il savait que mon point faible était cet amour et cette loyauté envers mon père...

"Police d'assurance. Comment puis-je être sûre que vous n'allez pas l'utiliser ?"Osais je demander dans un murmure ma voix tentant être le plus droite possible sans vague du à la peur.

Secouant la tête, non je ne changerais pas d'avis. Oui je devais protéger les miens, et ... Je pris alors le téléphone et le mis en face de nous...
Un selfie
Une image
Un faux semblant qui me coûterait cher.
Mais mon sourire aussi faux qu'il pouvait l'être était placardé dans ce smartphone, il était là, alors que sa tête derrière la mienne était dans ce cadre. Un joli couple, aurait-on pu croire, deux amis un peu trop proche... Mais en aucun cas nous serions passé pour une femme perdant petit à petit ses moyens devant un homme bien trop fort pour elle.

Je lui rends l'appareil mais je reste sur ses genoux. "Vous avez votre photo... Je peux retourner m'asseoir en face?" Rester sur ses genoux n'était pas confortable, j'avais bien trop peur de devoir payer un peu plus, cet argent qu'il manque, le prix de ma parole... Je ne voulais pas être si près et en même temps c'était peut etre là que j'étais le moins en danger face à lui.

L’avenir était la chose la plus incertaine. Un mystère qui ne pourrait être résolu que lorsqu’il deviendrait présent et laisserait là encore le doute sur ce qui se passerait demain, un éternel recommencement. Mais je devais le croire sur parole non? On était dans une histoire de confiance, de parole, de deal qui pourrait nous nuire... Plus à moi qu’à lui malheureusement mais je devais tenir bon… C’était nécéssaire pour protéger les miens… « Je sais… » Je murmure, mais je savais surtout que j’aimais prendre des risques, lorsque je pouvais contrôler les conséquences de ceux-ci, sinon j’avais tendance à évaluer les risques et ne rien tenter si j’étais trop en péril.

Buttercup…Un signe de négation de la tête. Si la question était évidente, non il n’avait jamais trahi ses dires, mais il avait toujours le moyen d’avoir un coup d’avance, un pas devant moi, comme pour contrôler cette danse diabolique dans laquelle il nous avait lancé… Le vide était une chose aussi effrayante qu’attirante. Le risque était important, et cette fois je ne contrôlais rien, il avait les pleins pouvoirs, mais je le laissais faire... Prenant cette photo.

Sans un regard pour celle-ci, il passa à autre chose, comme ci c’était juste un souvenir d’une soirée basique… Pas d’un échange, d’un paiement.

Lorsque son bras s’écarte je n’attends pas une seconde de plus pour venir de nouveau m’installer en face, je le sens, mes jambes vont flancher, c’est juste l’envie de m’écarter de fuir, qui m’aide à m’installer loin au plus raisonnable possible. « Merci.. » murmurais-je tentant une fois loin de lui, de retrouver un peu de confiance, dans une bulle d’intimité à l’espace un peu plus raisonnable.

Fin... Mon regard se relève vers lui et ma main se serre, sur les clefs de ma firebird… Son corps se lève, et mon regard suit l’homme au charisme évident prendre une posture au dessus de moi. Ses clefs. Je me lève tremblante, mon regard se pose sur ma main qui s’ouvre légèrement. Je n’étais pas prête à lâcher le dernier bout de ma relation avec mon père, c’était matériel, les souvenirs restaient mais... C’était une part de nous. Je sens mon coeur se creuser, ce n’est plus un creux d'ailleurs, mais un trou qui s’y forme, un puit sans fond…
Mains hésitantes, parcourues de vibrations, je les tends pour déposer sans quitter les morceaux de métal des yeux. Je finis par les lâcher, après un certain temps de pause, de doutes, dans sa paume. « S’il vous plaît.. Prenez en soin.. »
Je passe devant lui, c’est trop dur, les larmes coulent de mes yeux et je ne veux pas qu’il les voit, je quitte les lieux rapidement sans me retourner, sans même un regard sur la firebird quand je passe devant pour trouver le métro et rentrer chez moi, les yeux brouillés, et mon coeur meurtri..

@William Bennett