À travers les conversations qui se croisent et les échanges courtois de leurs autres voisins de table, William et Haiwee se retrouve à partager un moment de complicité, à oser mentionner à voix haute l’innommable dans ce genre de milieu. Encore une fois, la perspicacité de la jeune femme le saisit. Il devrait trouver un stratagème qui lui permettrait d’en faire sa consultante externe à temps partiel, ou quelque chose du genre.

« Ah – faux… Si tu savais à quel point… » renchérit-il en portant son regarde sur son patron. Il n’y avait qu’un seul élément pesant dans tous les processus décisionnels de cet homme : quelle décision lui permettrait d’être perçu plus favorablement par tous ceux susceptibles de lui permettre de franchir un échelon supplémentaire sur l’échelle un peu flou de la réussite professionnelle. Rien d’autre n’importait.

« Ça me rappelle un truc qu’il m’a dit il y a quelque temps, quand il a décidé de réellement me prendre sous son aile : ‘On sait à quoi s’attendre des menteurs. Ce sont des honnêtes gens qu’il faut se méfier, car on ne sait jamais quand ils vont décider de traverser la clôture.’ Pour passer beaucoup trop d’heures en sa compagnie, je peux t’assurer de la sincérité et de la constance de son manque d’authenticité. Au moins, tu vois ce qui t’attend… »

Et ce qui l’attendais lui-même. Il n’allait pas se leurrer : William n’était plus l’homme qui voulait rejoindre les rangs du service de police de New-York à sa sortie de Columbia.

Si elle le connaissait davantage, est-ce qu’Haiwee le qualifierait, lui aussi, de faux ? Il chercha brièvement une réponse à cette question muette dans les prunelles de l’étudiante, avant de détourner le regard et de prendre une gorgée de vin. La réponse serait difficile à trouver, puisque lui-même ne savait plus trop ce qui constituait le véritable Will : l’homme de famille, ou celui à l’ambition dévorante ?  

« Combien ? Hum… bonne question. C’est la première fois que je fais partie d’une équipe qui recevra un prix. Nous avons généralement un ou deux événements assez formels par années avec le Bureau. Je représente aussi le FBI auprès de deux organismes de bienfaisance à Boston, qui ont chacun au moins un gala de financement par année. J’ai… un peu l’habitude, je dirais ? Sans que ça ne soit mon quotidien, comme ça peut l’être pour le sénateur. »

Il ne put s’étendre davantage sur le sujet, puisque la partie animée de la soirée débuta. Un maître de cérémonie débuta les discours d’office, invitant les plus hauts gradés à venir partager quelques mots. En quelque part entre l’entrée et le plat principal, il fut invité à monter sur scène pour recevoir un genre de plaque/trophée/presse papier, en compagnie de la douzaine d’autres agents ayant contribués à l’enquête.

Il revint à la table avec un sourire modeste, guère impressionné par ce genre de reconnaissance publique. Il savait ce qu’il valait.

Il navigua cependant avec grand plaisir le reste de la soirée aux côtés d’Haiwee, alternant entre de brefs moments de sincérité secrète (et [s] souvent[/s] parfois moqueuse) à l’abri des oreilles indiscrète partagés avec Haiwee, et de parfois étranges, parfois sublimes conversations avec des membres importants de la société civile et leur conjoint.

Mais durant toute la soirée, ainsi que durant le trajet de retour qui les ramena vers Boston, une question ne cessa de le tarauder : dans lequel de ces deux scénarios faisait-il le moins semblant ?

@Haiwee Wind River