@William Bennett | Le naturel revient rapidement au galop alors que je reprends mon rôle d’étudiante effrontée. L’aurais-je été si la vie m’avait un peu plus épargné par le passé ? Si mon père était toujours là, si oncle Daryl n’avait pas obtenu notre garde et ne nous avait pas emmené dans cet horrible endroit qu’il appelait son chez lui, combien aurais-je été différente ? J’aurais pu me perdre dans la contemplation de la question, mais c’était inutile. Il était trop tard pour y changer quoique ce soit, et quitte à dépenser de l’énergie pour changer les choses, autant faire en sorte de prendre la main sur mon avenir. Mais malgré tout, ça pourrait me plaire, un tour du monde avec des amis. Ça aurait sûrement des vibes de Summer Camp après tout. « Je renvoie vraiment cette image d’étudiante populaire qu’on ne peut pas vraiment approcher ? » Je me laisse aller dans un petit rire à cette idée. Je ne pense pas être populaire parmi les étudiants. Certes, je n’avais pas de difficulté à aborder les gens, à parler à des inconnus. On pouvait croire comme ça, que je faisais partie de ces personnes capables d’en faire graviter tant d’autres à ses côtés, mais ce n’était pas vraiment le cas. J’étais bien plus solitaire et dans la réserve que je voulais bien le montrer, mais ça finissait par se ressentir à un moment ou un autre.

Je lui retourne la question tout en tentant d’anticiper la réponse. Je l’imagine plutôt en profiter simplement, en envisageant l’avenir d’une relation qui n’existe peut-être pas, en appréciant les plaisirs simples de la vie. « Et bien ça serait justement l’occasion de sortir un petit peu de ces frontières. » Les Etats-Unis étaient, certes vastes, mais il y avait aussi bien d’autres choses à découvrir dans le reste du monde. Cette éventualité semble en tout cas déclencher une certaine passion alors que nous passons en revue diverses options pour savoir où cette fameuse maison pourrait trouver sa place, les pays incontournables d’un tour du monde. La réalité donne lieu à un rêve éveillé qui se dessine entre nos mots, malgré les fortes probabilités que tout cela ne voit jamais le jour. Mais qui sait, si un jour nous avions les moyens de vivre sans contraintes, le plan serait déjà pensé.

Les minutes passent, nombreuses, les verres se vident, et un nouveau choix s’offre à moi, sur lequel je me veux prudente. Partir trop vite comme trop repousser mon départ pourrait s’avérer risqué. La fin de la soirée annoncée par William m’arrache un imperceptible soupir de soulagement. « Le plaisir fut réciproque William. Et qui sait, vous aurez peut-être une bonne nouvelle à m’annoncer la prochaine fois que nos routes se croiseront. » Je viens déposer mes lèvres sur le coin des siennes avant de me lever. Je ne sais pas s’il est prudent de fricoter avec un agent gouvernemental dans mon cas, mais j’avais quand même passé un bon moment en sa compagnie. Un dernier sourire et je traverse finalement le club pour quitter les lieux et rentrer chez moi.