Jeudi 8 Juillet. 08:48 pm. Chambre d’hôtel.

Les journées semblaient passer à la vitesse de l’éclair. L’esprit préoccupé par tant de choses, je ne les voyais plus passer. Le cadran de l’horloge tournait si vite sans moi. Les journées défilaient sans même que je n’en ai réellement conscience. Gamin perdu dans sa tête. Gosse noyé dans ses préoccupations. Les souvenirs étaient de retour à l’intérieur de ma tête. Ils se baladaient et ils cognaient dans mon esprit. Ils mettaient en lumière toutes les conneries que j’avais pu commettre pendant mon amnésie. Ils mettaient en avant tous ces comportements que je n’aurais peut-être pas dû avoir. Les souvenirs étaient là et ils me heurtaient un peu trop. Gamin qui avait l’impression d’être baladé dans des mondes si compliqués. Gosse qui peinait à rester à la surface de cette existence si compliquée. Les souvenirs étaient de retour et il y avait tant de choses qui se bouleversaient. Ils étaient de retour depuis ce kidnapping en Italie comme si être si proche de la mort avait su réveiller le cerveau endormi. Ou peut-être qu’un des coups subis avait provoqué le réveil des souvenirs allez savoir. Peu importait comment ils étaient là en fait. Ils l’étaient et la vie continuait d’avancer. Et le monde continuait de se bouleverser. Au-delà de ma douloureuse rupture avec Nathaniel, j’avais franchi un grand pas avec l’homme que j’aimais. Lukas. Mon meilleur ami. Mon plus que meilleur ami. Mon futur mari je pouvais dire parce que, ouais, le mariage avait été remis sur le tapis d’une façon tellement plus officielle. Il allait avoir lieu. Il était lancé. Les faire parts allaient être envoyés en fin de semaine à tous nos proches et autant vous dire que l’angoisse tordait fortement mon ventre. J’appréhendais la réaction de tellement de personnes. Je n’étais même pas certain de pouvoir gérer. Ce mariage était un grand pas. L’exclusivité en était un autre… Je l’avais toujours soufflé. Le mariage, pour moi, avait quelque chose de sacré. Ça devait être sincère. Ça devait être franc. Ça devait être exclusif. Aussi l’idée de mon exclusivité s’invitait de plus en plus dans mes pensées. Ce ne serait guère aisé à mettre en place, mais il le fallait. Si je voulais de ce mariage, je me devais d’être exclusif. Je me devais d’être le parfait mari pour l’homme si parfait que j’allais épouser. Puis… De toute manière, ça allait être aisé. Les autres s’éloignaient tous de moi petit à petit. Nate n’était plus là. Mes plans culs s’effaçaient les uns après les autres. Il n’y avait que Côme qui restait. Côme avec qui l’ambiance était foutrement tendu. Côme qui m’avait déçu. Côme qui m’avait blessé. Côme que j’avais juste envie de fuir. L’ancien mafieux n’avait pas été très présent durant l’amnésie. Mais, pire encore, il m’avait laisser croupir aux mains de son père sans agir. Il n’avait rien fait pour me porter secours. Il m’avait juste laissé là-bas alors que, merde, quand bien même il pouvait prétendre le contraire, j’étais persuadé que son père avait dû se vanter de me posséder. Côme restait, mais il n’était plus vraiment. Notre relation ne faisait que se dégrader et cela confirmait mon envie de changement. Cela confirmait la possibilité d’une exclusivité dans mon couple. Encore plus lorsque je savais que la balle dans ma tête avait bougé. La mort me pendait au bout du nez et je voulais juste vivre correctement pour le temps qu’il me restait. Je voulais chérir et aimer l’homme qui était toujours là pour moi : Lukas. Pour se faire, il fallait que tout s’arrête. Tout. Avec tout le monde. Dès maintenant.

J’avais envie d’en finir avec tout cela. Pour parvenir à être parfaitement exclusif, il fallait que je sache me détacher du reste. Il fallait que je parvienne à m’effacer des endroits où je n’avais plus réellement ma place. Ces endroits où je n’étais plus censé exister si je désirais tenir ma promesse. L’un de ces endroits était la chambre d’hôtel au sein de laquelle Côme et moi nous étions retrouvés. Cette chambre d’hôtel que l’ancien mafieux avait gardé pour que nous puissions nous y retrouver sans avoir besoin de prendre la route pendant trop longtemps. Cette chambre d’hôtel qu’il avait gardé comme pour nous laisser un endroit à nous isolés du monde en plein Boston. Mes affaires trônaient au sein de cette chambre d’hôtel tout comme je savais qu’une partie de mes affaires se trouvaient au sein de la maison que Côme avait achetée. Si j’acceptais de laisser mes affaires dans la maison parce que je savais que cet endroit me faisait du bien et que je désirais y emmener Aurore un jour, je ne voulais pas laisser mes affaires au sein de la chambre d’hôtel. Non, je ne voulais plus avoir cette porte ouverte. Je désirais me couper de cette possibilité de retourner en arrière. Je ne pouvais pas l’avoir parce que si je l’avais, je risquais de l’attraper un jour ou l’autre et ce ne serait pas correct. Il ne fallait pas. Pas avec toutes ces pensées qui traversaient ma tête. Pas avec cette promesse que j’allais faire à Lukas. Pas avec ce mariage qui approchait à grand pas. Sac sur l’épaule, je me dirigeais donc vers cette chambre d’hôtel qui avait tant accueilli de moi. Tant accueilli de nous. Ceal. Si uniques. Si parfaits. Si complémentaires. Si nous. Ceal. Une histoire qui devait s’arrêter même si ça fracturait mon cœur et que ça fracturerait celui de Côme également. C’était le mieux pour tout le monde. Il s’agissait du meilleur chemin à emprunter. Poussant la porte de la chambre d’hôtel, je la refermais avec lenteur soufflant un coup pour trouver le courage d’accomplir l’acte qui devait l’être ici. Je devais simplement prendre toutes mes affaires qui traînaient ici pour les mettre dans mon sac vide et les ramener chez moi où elles trouveraient leur place dans les multiples cartons trônant dans l’appartement. D’ici quelques minutes à peine, les sacs seraient remplis et je pourrais quitter les lieux. En quelques minutes, toute l’histoire de cet endroit prendrait fin. Une page allait se tourner si rapidement sans même déclencher de bourrasque parce que personne ne saurait ce que j’avais fait. Enfin… Ça c’était ce que je pensais et le destin ne tardait pas à me faire savoir que ce ne serait pas aussi aisé. Alors que j’avançais dans la chambre, mes prunelles se posaient soudainement sur une silhouette. Je sursautais portant une main à mes lèvres pour retenir le cri qui avait commencé à s’inviter. Un cri qui n’avait aucune raison d’être. C’était Côme qui se trouvait là dans le fauteuil à porter l’une de mes chemises. Les yeux fermés, l’ancien mafieux semblait être en train de dormir. Il n’avait pas réagit à la porte en tout cas. Mordillant nerveusement ma lèvre, je l’observais quelques secondes en hésitant sur ce que je devais faire. Devais-je le réveiller et ainsi provoquer un face à face que je n’avais pas envie d’avoir ? Devais-je attendre quelques secondes pour être certain qu’il dorme et remplir mon sac en silence ? Devais-je juste faire demi-tour et revenir plus tard ? L’hésitation pulsait à l’intérieur de mon être. Au bout de quelques minutes, je bougeais sur la pointe des pieds pour me diriger vers l’armoire que j’ouvrais récupérant mes affaires le plus silencieusement possible. Je n’avais pas envie d’une confrontation et je ne serais certainement pas capable de revenir une seconde fois. Ça devait être fait. Maintenant.

L’idée du mariage était devenue de plus en plus officielle depuis que mes souvenirs avaient fait leur retour au sein de ma tête abîmée. Non… Elle ne se contentait pas de devenir officielle. Elle devenait bien trop réelle. La date avait été fixée. Les invitations allaient être lancées. Ça allait se faire. Ça allait vraiment arriver. J’allais me marier à Lukas Owen Spritz, Mio Amore dans cette vie et mon meilleur ami dans ma vie Italienne. La vie se bouleversait et elle venait chambouler l’intérieur de ma tête. Elle venait secouer mes pensées pour remettre sur le tapis l’idée d’une exclusivité que je m’étais promise d’avoir le jour de mon mariage. Une promesse d’adolescent qui avait envie de croire aux belles histoires d’amour. Une promesse qui avait fini par se noyer au fur et à mesure que mon corps été saccagé pour la Mafia. Une promesse que je ne pensais pas pouvoir tenir. Moi le gamin accro aux corps à corps. Moi le gosse qui avait besoin de plus que ce que Lukas savait me donnait parce que, même si Mio Amore parvenait à me combler, je savais qu’il y avait certaines choses qu’il ne pourrait jamais m’offrir. Des choses que d’autres savaient m’offrir. Et… Oh bordel non ! Stop ! Il fallait que ça cesse. Il fallait que je m’arrête. Je me devais d’être sincère, franc et exclusif dans cette démarche qui allait lier ma vie à celle d’un autre. L’exclusivité… Cela ne devait pas être si compliqué. J’allais pouvoir le faire d’autant plus alors que la vie avait déjà peu à peu tout écarté de mon chemin. Il n’y avait plus le moindre plan cul à l’horizon pour des raisons diverses et variées. Tout le monde s’était effacé. Il n’y avait plus de Nate avec qui j’aurais pu si réellement hésiter. Il n’y avait plus de Nixon que j’aurai tant aimé choisir parfois. Il ne restait plus que Côme dans ce paysage. Un Côme qui m’avait déçu et blessé. Un Côme dont je parvenais doucement à me détacher au fur et à mesure que l’ambiance entre nous se fracturait. Il fallait que je ferme les chemins que Côme m’avait ouvert. Il fallait que je ferme toutes ces portes ouvertes pour être sûr et certain de ne m’orienter que sur un seul chemin. Je me devais de couper toutes possibilités d’évasion du droit chemin du mariage. J’acceptais de laisser une fenêtre en laissant mes affaires à la maison à Lakeville parce que je savais que je désirais y emmener Aurore un jour. Cependant, il fallait fermer tout le reste et ça commençait par cette chambre d’hôtel où les retrouvailles Ceal avaient eues lieux. Le passage devait être fermé. La page devait être tournée. Alors, ce soir, je me rendais dans cette chambre d’hôtel me figeant bien trop vite. Je n’étais pas seul ici. Foutu destin qui aimait se jouer de moi. Côme se trouvait dans cette chambre. Dans notre chambre. J’aurai tant aimé éviter la confrontation, mais cela semblait si impossible alors que mes iris sombres découvraient l’ancien mafieux. Il était assis sur ce fauteuil qui éveillait tant de souvenirs en moi. Des souvenirs déclencheurs des frissons et d’une accélération du rythme cardiaque. Mordillant nerveusement ma lèvre, j’hésitais un instant. Devais-je réveiller Côme et risquer le face à face déchirant ? Devais-je fuir cette chambre et prendre le risque de ne plus me sentir capable de fermer l’échappatoire ? Ou devais-je juste me lancer et tout faire en silence sans savoir si la  roue du destin jouerait avec moi ? J’optais pour la troisième option. Je bougeais avec lenteur pour me diriger vers l’armoire sur la pointe des pieds. Mes iris sombres s’arrêtaient un instant sur Côme. Il avait les yeux clos. Il ne bougeait pas. Et putain j’avais envie d’aller me blottir tout contre lui pour dormir moi aussi. Secouant la tête pour chasser la tentation que je ne devais plus sentir, je me tournais vers l’armoire me concentrant pour récupérer mes vêtements le plus silencieusement possible.

C’était le bordel dans cette armoire. Pleinement concentré sur ma tâche, j’oubliais que je n’étais pas seul dans cette chambre d’hôtel. Je veillais toujours à mon silence, mais je ne jetais plus de regard à l’ancien mafieux. Je farfouillais dans le placard ronchonnant à l’intérieur de ma tête. Ce n’était vraiment pas bien rangé là-dedans. Mes affaires et celles de Côme étaient mélangées. Un peu comme nos vies étaient entremêlées. Je perdais tant de temps à déplier chaque vêtement pour regarder avant de le foutre en boule dans mon sac ou de le replier pour ranger dans l’armoire. J’allais y passer des heures au final et ce n’était clairement pas une bonne idée avec un Côme dormant à mes côtés. Je me hâtais alors un peu plus. Soudainement, un bruit se faisait entendre derrière moi. Un bruit qui me poussait à stopper tous gestes sans chercher plus loin sur l’instant. Je reconnaissais le cliquetis sans avoir à chercher bien loin. Il s’agissait de la sécurité d’une arme et, vu comme je l’avais entendu proche de mon oreille, l’arme était sans le moindre doute pointée au niveau de ma tête. Bordel, elle sortait d’où cette arme ? Est-ce que Côme se promenait avec elle sur lui ? Ou bien est-ce qu’il avait planqué une arme ici alors que je lui avais demandé qu’il n’y en ait pas ? M’avait-il désobéit ? Honnêtement, vous m’auriez demandé il y a quelques semaines, je vous aurais dit que ce n’était pas possible. Cependant, après tous les événements de ces dernières semaines, je me rendais compte que Côme n’était pas vraiment mon Côme. Il n’était qu’une image brouillonne façonnée dans ma tête. Une image à laquelle il ne correspondait pas toujours. Alors ouais, peut-être bien qu’il m’avait désobéit. Déglutissant difficilement, je restais sagement dos au jeune homme refusant de faire le moindre mouvement brusque qui pourrait pousser l’ancien mafieux à appuyer sur la détente. J’étais vexé. Vexé qu’il ne m’ait même pas reconnu de dos. Alors c’était ça maintenant ? Je ne comptais même plus pour lui. Je n’étais plus rien. Le cœur se fracturait douloureusement alors qu’il s’embarquait dans une course folle. La menace ne tardait pas à tomber entre nous dans cette chambre d’hôtel. Elle glissait dans l’air et je ne pipais mot le laissant déverser le venin. Le décompte se lançait alors. Dangereux. Douloureux. Les chiffres tombaient les uns après les autres. Je laissais faire un peu trop longuement peut-être. Je laissais passer le décompte. Joueur un peu trop fou. Je prenais un risque je le savais. Mais, ça me poussait à me sentir vivant. Ça me poussait à oublier tout l’Enfer de ma tête un instant. Jusqu’à ce que je finisse par agir. Soudainement, je soufflais le sourire mauvais aux lèvres « Alors… » Je laissais passer quelques secondes conscient que Côme était censé connaître le son de ma voix par cœur. Ma langue glissait sur mes lèvres et, toujours sans bouger, je reprenais « Après m’avoir laissé croupir aux mains de ton père, t’veux me foutre une balle dans la tête maintenant… » La provocation glissait sans la moindre hésitation entre mes lèvres. Elle tombait entre nous comme si je sous-entendais que Côme était capable de faire de tels actes. Enfin… Il m’avait bien laissé aux mains de son père. Il ne me reconnaissait même plus de dos alors… Peut-être bien qu’il était capable de me tirer dessus allez savoir. Je n’allais pas attendre de savoir. Je n’allais pas rester de dos pour me recevoir une balle. Me retournant soudainement, je laissais tomber mon sac au sol pour attraper le poignet de Côme et l’approcher. L’approcher jusqu’à ce que l’arme soit déposée sur mon front. Plantant mon regard dans celui de Côme, je lançais « Tu veux tirer ? Oh… Attends… Tu as peut-être envie que je termine ton décompte… Quatre… Trois… Deux… Un… Zéro… » Rien ne venait. Il ne tirait pas. Je lâchais le poignet de Côme le repoussant lentement pour éloigner l’arme loin de moi et de ma tête. Un soupir passait la barrière de mes lèvres avant que je ne me tourne de nouveau vers l’armoire pour me remettre à chercher mes affaires. Puisque l’ancien mafieux était éveillé maintenant, autant me dépêcher de terminer pour fuir cet endroit et éviter une trop longue confrontation qui saurait déchirer douloureusement mon cœur.