La semaine dernière avait été foutrement catastrophique. L’horreur s’était si violemment abattue sur mon être que je ne pouvais même pas vous expliquer comment je parvenais à être toujours debout aujourd’hui. Ça me semblait tellement dingue et surtout foutrement impossible. Attendez… Laissez-moi vous conter cette folle histoire pour vous aider à mieux comprendre… Avant que la semaine infernale ne commence, j’avais passé le week-end à la neige avec Lukas malgré mes béquilles trop encombrantes. Nous nous étions isolés dans ce magnifique chalet pendant deux jours juste après la saint Valentin. Et putain, même si je savais que cette fête n’avait pas une grande signification pour Lukas, une partie de moi s’était plue à voir ce week-end comme un cadeau. Une partie de moi s’était plue à croire que ces deux jours pourraient peut-être sonner le début d’une histoire un peu plus officielle entre nous. Un Neakas un peu plus concret. Alors, ouais, je n’avais pas été fichu de me brider pendant ces deux jours. Je n’avais guère été foutu de me taire afin d’éviter de gâcher ce que nous avions et qui fonctionnait si bien. Je n’avais pas su fermer ma bouche. J’avais profité de ces deux jours pour ouvrir complètement mon cœur à Lukas. J’avais profité de la nuit de samedi pour lui confier que je l’aimais. Que j’étais réellement amoureux de lui. Bordel, j’avais conscience de mes sentiments depuis des semaines déjà et ils avaient enfin quitté mes lèvres. À haute voix. Yeux dans les yeux. Je l’avais fait tout comme j’avais rapidement parlé de la situation un peu trop particulière dans laquelle je me trouvais. Cette situation où mon cœur ne pouvait pas appartenir qu’à une personne. Cette situation où je ne pouvais pas me résoudre à être exclusif dans une histoire malgré des sentiments aussi fort. J’avais demandé à Lukas si cela lui convenait que je continue à voir d’autres personnes… Et par d’autres personnes j’entendais surtout Nixon en fait… Nixon et mes clients même si ces derniers ne comptaient pas vraiment. Même si j’avais une relation exclusive, je ne cesserais pas de me prostituer. Même si je me retrouvais en couple, je continuerais d’aller dans les ruelles sombres la nuit afin d’accomplir mon job et mon copain n’en serait rien. Ce serait mon parfait petit secret. Ce samedi-là, mon sexy musicien avait accepté mes conditions. Il avait été parfaitement d’accord pour que notre histoire continue sur sa lancée. Se voir. Profiter. Sans la moindre exclusivité. Et je devais vous avouer que cela m’avait autant peiné que rassuré. Peiné parce qu’il n’avait pas tenté de m’avoir rien que pour lui et que, peut-être, il ne m’aimait pas tant que ça. Rassuré parce que ça m’évitait de souffrir. Le dimanche avait été particulier, un peu différent, mais toujours si bon alors je n’y avais pas fait attention. Néanmoins, la semaine horrible avait rapidement pris le dessus lorsque Lukas et moi nous étions séparés le lundi matin. Nous étions partis chacun de notre côté échangeant quelques textos si froids et si différents. Comme si quelque chose clochait. Et bordel, je n’avais pas tardé à découvrir ce qui clochait. Je n’avais pas tardé à savoir le problème lorsqu’un Lukas totalement saoul avait fait irruption dans ma nuit par des textos. Des messages que je ne pourrais jamais oublier. Des horreurs qui m’avait tellement lacérées. Lukas avait soufflé que j’avais foutu sa vie en l’air, que tout était de ma faute et qu’il était trop con de m’aimer. Il avait dit qu’il était tellement sous mon emprise qu’il disait amen à tout pour éviter de me perdre. Et putain…. Comme ça avait fait mal de se manger ça en plein visage après lui avoir tant donné, après m’être tant mis à nu devant lui. Lorsque mon sexy musicien s’était réveillé de sa nuit de débauche et qu’il avait vu tout ce qu’il avait fait, il avait tenté de s’excuser auprès de moi. Mais, je n’avais pas pu accepter comme ça. Je n’avais pas pu continuer sur ce chemin. Non, je n’avais pas été foutu de passer l’éponge et d’effacer ce qu’il avait dit tant et si bien que la fin de notre histoire s’était si rapidement pointée dans nos vies. Si douloureusement. Et, dès mon dernier message à l’attention du sexy musicien, nous avions commencé à faire notre vie chacun de notre côté. Je savais que Katalia était là pour veiller sur Lukas alors cela me soulageait d’un poids qui aurait pu m’empêcher d’avancer. Cela retirait une vague d’inquiétude qui aurait pu peser trop lourd sur mon existence. Alors, la semaine dernière ? J’avais jonglé entre différents états tentant de reprendre le dessus sur le désastre qui pulsait à l’intérieur de mon cœur. J’avais jonglé entre des milliards d’émotions pendant des jours parce que mon cœur n’était plus qu’un tas de morceaux tellement brisés qu’ils ne pouvaient plus s’assembler. Non. Petit à petit, les choses s’étaient arrangés. Petit à petit, j’avais su retrouver ma place et reprendre le dessus sur cet enfer. Petit à petit, Nixon avait même su réparer mon cœur. Mon week-end était alors devenu presque trop parfait. J’avais mangé avec Katalia le vendredi midi. J’avais fait la fête avec Alex le vendredi soir me foutant dans un état plus que minable qui m’avait fait tant de bien et qui m’avait poussé à dormir dans le lit de Nixon toute la journée de samedi. Une journée qui s’était achevée lorsque j’étais allé cherché Nixon au boulot et qu’il m’avait appelé « son mec ». Quant à mon dimanche… Il avait été excellent puisque j’avais passé toute la journée à peindre avec Nixon. Tout était clairement en train de s’arranger pour moi. Je me sentais mieux. Je me sentais plus heureux. Et, ce Lundi 24 Février aurait dû continuer sur cette lancée. Il aurait dû oui…

Ce n’était bien évidemment qu’une foutue connerie. J’étais tellement idiot de croire que tout pourrait continuer comme sur un parfait petit nuage. Le destin allait encore s’en mêler afin de tout foutre en l’air. En ce lundi, j’avais profité de ma matinée dans les bras de mon sexy tatoué faisant courir mes doigts sur les motifs encrant sa peau jusqu’à ce que l’heure d’aller en cours ne nous oblige à quitter ces draps. Ces draps au sein desquels j’avais si réellement trouvé ma place. Ces draps que je retrouverai sans doute ce soir après une journée éprouvante. Je parvenais à reprendre lentement le périple des cours même si je me forçais à y assister afin de contrer ce retard monumental que j’avais pris ces dernières semaines. J’avais encore du mal à rester fermé dans l’amphithéâtre avec autant de monde et il m’était arrivé plus d’une fois de courir – enfin autant qu’on pouvait courir avec des béquilles – à l’extérieur parce que les souvenirs du métro cognaient dans mon cerveau. C’était compliqué, mais je m’en sortais. Lentement. Réellement. Ma journée de cours s’était déroulée assez vite et c’était sans aucun doute dû à la fatigue qui pesait sur moi. Cette fatigue qui me donnait l’impression que le monde allait à cent à l’heure. En sortant de l’université, je m’étais arrêté dans une petite ruelle mal famée à quelques pas de mon appartement sachant qu’il me restait plusieurs heures avant de retrouver Katalia. J’avais soufflé à Nixon que je passerais du temps à la bibliothèque avant d’aller manger avec Kat’ pour ensuite finir ma soirée et ma nuit tout contre lui. Cependant, je ne profitais pas de ce temps libre pour me rendre dans le temple du savoir. Non. J’en profitais pour tenter de refaire ma trésorerie. Il fallait que je parvienne à remplir la boite à chaussures si vide d’argent qui se trouvait sous mon lit. Alors, je m’étais offert dans cette ruelle au premier homme qui était venu m’accoster. Il m’avait entraîné dans un hôtel et je n’avais pas apprécier le moment… Cependant, ce n’était pas ce qui comptait n’est-ce pas. J’avais quelques billets supplémentaires. C’était ça l’important. Sitôt mon affaire terminée, je faisais un crochet par mon appartement afin de prendre une douche chaude qui détendait mes muscles et qui m’aidait à me sentir moins sale. Ce ne fut qu’une fois face à mon miroir que je remarquais les bleus qui s’étaient formés sur mon corps à cause de cet étranger. Jurant à haute voix, je détaillais les marques d’un œil mauvais. Des bleus sur mes hanches. Des bleus sur mes poignets. Néanmoins, le plus dérangeant était ce bleu dans mon cou. Ce bleu qui ne pourrait guère passer pour un suçon parce qu’il y avait encore des traces légères de doigts autour de ma gorge. Je marquais trop aisément et il me faudrait attendre quelques heures avant que ces traces de doigts ne s’effacent. C’était un vrai problème. Soupirant, je finissais par rejoindre ma chambre enfilant un costume des plus élégant pour sortir avec ma Katalia ce soir et peut-être faire encore plus d’effets à Nixon en rentrant. J’enroulais une écharpe autour de mon cou avant de quitter mon appartement pour prendre un taxi en direction du restaurant Italien où Katalia devait me retrouver après sa journée. Elle m’avait dit qu’elle aurait besoin de moi en ce lundi soir et je répondais présent. Le trajet fut très rapide et, en un rien de temps, j’étais installé à la table que j’avais réservé. L’attente commençait. Cinq minutes… Dix minutes… Vingt minutes… Le serveur revenait vers moi un air gêné sur le visage et je soufflais entre mes dents que j’attendais quelqu’un et que cette personne allait arriver. Je devais avoir l’air d’un pauvre con à qui on venait de foutre un râteau. Un gosse stupide qui ne perdait pas espoir de voir la belle débarquer alors que tout le monde savait déjà que c’était fichu. Sans même prendre la peine de verser la boisson dans le verre qui se trouvait devant moi, je m’emparais de la bouteille d’alcool pour la porter à mes lèvres. Merde. J’en avais marre de boire seul. C’était quoi ce plan ? Pitié, faites que Katalia n’ait pas arrangé un rendez-vous entre Lukas et moi parce que je n’étais pas prêt pour ça. Zut, Kat’ m’avait dit qu’elle serait là dans une demi-heure au grand maximum et ça faisait tellement plus non ? Elle aurait déjà dû se trouver ici. Je sursautais lorsque mon téléphone vibrait sur la table. Je me jetais presque sur l’appareil priant pour que ce soit Kat’ qui m’écrive pour me dire qu’elle aurait plus de retard pour X ou Y raisons… Je m’en fichais qu’elle soit en retard. Mais, je voulais le savoir. Je désirais simplement avoir l’information. Ce n’était pas son prénom sur mon écran. Non. C’était celui de Lukas. Mon cœur s’arrêtait aussitôt de battre. Ma respiration se coupait. Merde… Je pensais que Neakas était terminé. Définitivement. Je pensais qu’il avait compris avec mon dernier message lui demandant de me laisser, de m’oublier. Apparemment non… J’ouvrais le texto et l’échange de messages débutait comme si j’étais incapable de lui résister, incapable de le laisser sans réponse, incapable de faire une croix sur lui. Notre échange nous poussait à fixer un rendez-vous pour ce soir. Notre échange mettait en lumière ma panique concernant Kat’, une panique que Lukas partageait. Mon sexy musicien était même allé jusqu’à vérifier l’appartement de la demoiselle, mais il n’y avait personne. Et maintenant ? Maintenant, il était en route pour ce restaurant où je me trouvais. Il était en route pour venir me voir et je ne savais plus gérer. L’angoisse montait. Je tremblais tellement. Mon cœur cognait si fort. Je finissais par suivre les conseils de Lukas sortant à l’extérieur de ce lieu trop oppressant. Je m’échouais bien vite sur le banc qui se trouvait devant le restaurant parce que mes bras tremblaient trop et que je ne pouvais pas me déplacer avec mes béquilles comme ça. Les textos augmentaient. Les nouvelles tombaient. Je paniquais. Je déraillais. Je ne réfléchissais même plus à ce que j’écrivais sur mon téléphone comme le fait que je laissais Lukas savoir que Nixon m’avait appelé ‘son mec’ ce week-end. Putain j’étais trop con. Je balançais ma deuxième cigarette soupirant longuement pour tenter de reprendre le dessus. Il fallait que je me calme et Nixon m’y aidait réellement. Il fallait que je me ressaisisse avant que Lukas ne se trouve face à moi. Mais, après des années dans la mafia, j’envisageais toujours le pire en un rien de temps. Surtout pour Kat’. Je relevais soudainement la tête en entendant des bruits de pas se rapprocher. Lukas… Il était là. Je verrouillais mon téléphone le glissant dans ma poche avant de réajuster l’écharpe autour de mon cou et de laisser mes yeux parcourir mon sexy musicien. Il était si différent de la dernière fois que je l’avais vu. Bordel, ça faisait une semaine que je ne l’avais pas vu. Une semaine que je ne l’avais pas touché. Il semblait si épuisé. Il semblait si mal. Et, zut, est-ce qu’il avait perdu du poids ? Je mordillais ma lèvre me sentant soudainement ridicule à me trouver en costume chic face à lui. Alors, comme un con, je soufflais un simple « S… Salut... » un peu trop timide sans oser le regarder, sans même oser faire le moindre mouvement. Je finissais par fouiller dans mes poches pour tirer une troisième cigarette que je faisais lentement tourner entre mes doigts. Je me concentrais sur ce mouvement rassurant et non pas sur la réalité autour de moi. Je me concentrais sur ce que je faisais et non plus sur Lukas à mes côtés. Je restais assis sur ce banc, mes béquilles appuyées à mes côtés. Je restais assis sur ce banc sans oser bouger. Et, pour mettre fin à ce silence angoissant, je posais une question idiote.

Tu… T’veux rentrer manger un truc ou… Ou on reste là ?

Lukas… Putain… Lukas, dis-moi ce que nous avions fait de travers hein ? Bordel, dis-moi ce que j’avais fait de mal pour ne jamais être capable de te garder à mes côtés ? Pitié, dis-moi ce qu’il fallait que je fasse afin de réparer toute cette histoire si essentielle à ma vie ? Ou… Peut-être était-ce que je ne te méritais pas ? Que tu méritais mieux que de vivre cette histoire bancale et particulière ? Toi… Si extraordinaire… Tu avais sans doute droit à quelque chose de meilleur dans ta vie… Tu méritais tout le bonheur du monde et je n’étais qu’un gamin trop brisé par la vie et foutrement incapable de t’offrir tout cela… C’était ça hein ? Je ne te méritais pas… Je n’avais aucun moyen de te récupérer alors que tu trouverais ton bonheur dans les bras d’une autre… D’un autre… Dans les bras de quelqu’un qui saurait te chérir chaque jour… Dans les bras de quelqu’un qui saurait n’aimer que toi… Dans les bras de quelqu’un qui saurait amener le sourire sur ton visage constamment et non pas toutes ces putains de larmes que nous ne cessions jamais de faire naître… Putain, Lukas, c’était ça alors ? C’était la fin ? Là. Ce soir. C’était juste terminé ? Les pensées tournaient à une vitesse folle au sein de mon esprit et je ne parvenais même plus à trouver le bouton stop. Elles s’enchaînaient les unes après les autres sans me laisser le moindre répit. Elles m’attaquaient sans me donner l’occasion de réfléchir ou d’apporter des réponses. Mes lèvres tremblaient sous toutes ces pensées si destructrices. Mes yeux s’embuaient déjà de larmes alors que Lukas s’approchait de ce banc où je m’étais échoué. Je le sentais. Je le savais. Tout mon corps pouvait ressentir la présence de mon sexy musicien qui réduisait petit à petit les mètres qui nous séparaient. Des mètres qui avaient déjà creusé un fossé trop grand dans notre Neakas… Ce Neakas qui ne pourrait peut-être plus être réparé aujourd’hui malgré le fait que Lukas venait à moi ce soir. Encore une fois. Sa venue ne pourrait pas améliorer notre histoire n’est-ce pas ? Quelque chose me soufflait qu’il s’agissait de la dernière fois que le jeune homme acceptait de parcourir tous ces mètres pour nous. Quelque chose me criait qu’il s’agissait du dernier moment que nous passerions ensemble à tenter de nous rapprocher de nouveau. Quelque chose me criait que nous nous rendrions rapidement compte qu’il nous était maintenant impossible de traverser ce fossé. Si grand. Trop dangereux. Nous allions juste finir chacun de notre côté après cette soirée n’est-ce pas ? C’était la vérité ? Parce que, merde, combien de fois Lukas accepterait-il de revenir comme ça alors qu’on se faisait si mal ? Combien de fois aurait-il le courage de parcourir tout ce chemin afin de tenter de remettre notre histoire bancale sur la route si déformée ? Je n’en savais foutrement rien. Je ne voulais même plus y penser. Pas alors qu’il était là. Pas alors que l’impression d’une dernière fois se dessinait de plus en plus à l’intérieur de mon esprit. Pas alors que tout semblait hurler qu’il s’agissait de la fin. Notre fin. Mes yeux se posaient sur lui un bref instant. Il avait l’air tellement malade. Il avait l’air si minable. Et pourtant, je continuais de trouver Lukas beau. Il était toujours si magnifique. Tellement que j’avais envie de m’approcher de lui pour le prendre dans mes bras. Je voulais m’approcher et le serrer contre moi. Je voulais m’approcher et poser mes lèvres sur les siennes. Encore une fois s’il vous plaît… Mais, non, je ne bougeais pas de ce banc baissant la tête en marmonnant un salut un peu trop timide, fichtrement trop idiot. Mon sexy musicien me répondait et je fermais les yeux en entendant sa voix si faible. Putain… Je devais faire tâche dans ce décor du désespoir. Moi… En costard… Moi… Un tant soit peu remis de cette histoire après un week-end parfait… Ouais, je faisais tâche. N’allez pas croire que je n’étais pas meurtri parce que, merde, je l’étais. J’avais été meurtri physiquement par un homme dont je ne connaissais rien aujourd’hui. J’avais été meurtri intérieurement par ce garçon qui se laissait tomber au sol à mes pieds. J’avais été meurtri intérieurement par ce garçon à qui j’avais tellement donné. Trop donné ? Sans doute ouais. J’aurais mieux fait de laisser mes barrières en place comme d’habitude. J’aurais mieux fait de ne pas chercher à lui offrir autant de place, autant d’espace parce que, maintenant, ça faisait trop mal. Je tirais une troisième cigarette de mon paquet sans pour autant l’allumer. Je la faisais lentement tourner entre mes doigts me concentrant sur le mouvement pour ne pas dérailler. Je mordillais nerveusement ma lèvre n’aimant pas la position de Lukas. Je ne pouvais pas croiser son regard. Je ne pouvais pas le voir. Lui qui semblait si fermé. Si éteint. Putain. Ça faisait tellement mal. Alors, je brisais le silence avec ma question idiote alors que je savais que Lukas n’avait aucune envie de manger. Il n’avait sans doute même aucune envie de se retrouver entouré de personnes dans un espace. Non. Il fallait juste que ce soit nous aujourd’hui. Maintenant. Il fallait compartimenter et laisser la panique concernant Kat’ s’effacer le temps de quelques minutes. De quelques heures. Là, pour le moment, dans cette nuit noire, devant ce restaurant, c’était simplement Neakas. Juste nous. Je voyais mon sexy musicien secouait négativement la tête refusant d’aller manger. Puis je le voyais sortir son téléphone pour l’éteindre sans chercher plus loin comme pour se couper de tout et se concentrer uniquement sur moi, sur nous. Je n’avais pas pu me résoudre à couper le mien. Il était toujours allumé dans ma poche au cas où… Au cas où le besoin de Nixon se fasse ressentir. Au cas où je sois obligé de dire à mon sexy tatoué de venir me chercher parce que tout déraillait. Lukas allumait sa cigarette et le silence se prolongeait. Il soupirait avant de me demander ce qu’on faisait et j’étais complètement pris au dépourvu. Alors c’était comme ça ? On rentrait directement dans le feu ? On se brûlait sans chercher à réellement discuter de tout ? C’était trop brut. C’était si soudain. C’était tellement réel. À tel point que je ne pouvais que répondre un « Je… J’en sais rien Lukas... » Et putain, c’était vrai. Je n’en savais foutrement rien. Il n’y avait aucun manuel pour nous aider dans une telle situation. Il n’y avait aucune notice nous permettant de nous sortir de cette histoire au sein de laquelle nous nous étions enterrés. Si profondément. Si violemment. Je bougeais doucement glissant ma clope sur mon oreille. Lukas était à mes pieds et je ne pouvais pas supporter cette situation. C’était trop dur de ne pas voir son regard. C’était si difficile de ne pas pouvoir le toucher. Aussi, je me redressais sur ce banc grimaçant en sentant la douleur se réveiller dans mon corps. Putain ouais, mon client n’avait pas été tendre du tout et j’allais en payer le prix maintenant. Je soufflais difficilement une fois redressé vérifiant que mon écharpe enroulait toujours bien mon cou. Et, après cette vérification, mes mains venaient se déposer sur les épaules de Lukas. Lentement. Doucement. Comme pour lui laisser le loisir de m’échapper. Comme pour lui donner l’occasion de me repousser. Rien ne venait. Je n’étais pas rejeté violemment. Alors, je me mettais à masser doucement les épaules de mon sexy musicien espérant parvenir à le détendre un peu. Espérant parvenir à le calmer. Et, putain, ça me faisait tellement de bien à moi aussi. J’avais besoin de ce contact. Cela faisait une semaine que je ne l’avais pas touché. Une semaine que je ne l’avais pas senti sous mes doigts, sous mes lèvres… C’était trop. J’étais trop accro. Là, à cet instant, j’avais l’impression de revivre soudainement et c’était agréable. Tellement agréable. Je soupirais. De soulagement. De plaisir. De bonheur. Mes yeux se fermaient alors que mes mains abandonnaient les épaules de Lukas glissant dans son cou avant de remonter sur ses joues et de glisser jusqu’à ses tempes. J’attrapais l’une de ses mains la portant lentement à mes lèvres pour y déposer un baiser. Trop bref. Si léger. Si empli de sentiments. Et, je relâchais sa main ne voulant guère le retenir prisonnier. Ne voulant plus le coincer dans notre Neakas infernal. Mes doigts finissaient par venir se glisser dans les cheveux de Lukas caressant doucement les mèches sous mes doigts alors que je reprenais la parole conscient qu’il s’agissait du moment de tout lâcher.

Je… J’suis tellement désolé d’accord ? Je… J’sais plus ce qu’on est censés faire dans toute cette histoire… J’sais plus comment on est censés s’en sortir parce que, putain, quelque chose me dit que nous n’en sortirons pas indemnes et ça me plaît pas parce que je tiens à toi. Je tiens tellement à toi que je ne veux pas qu’il t’arrive quoi que ce soit… Tu… Tout a mal commencé entre toi et moi… Est-ce que ça veut forcément dire que tout doit se finir ? Est-ce que ça veut forcément dire qu’on n’a pas le droit à un happy ending ? J’en sais foutrement rien Mio Amore. J’lis pas le futur. Je ne sais jamais tirer les bonnes cartes dans ces jeux de toute manière… Je… J’peux pas te donner la solution miracle sur notre présent… Je… J’peux juste te dire ce que je pense… Ce que je ressens… J’peux juste te livrer encore plus mon cœur en prenant le risque que tu le charcutes encore une fois...

Les mots passaient si vite entre mes lèvres. Ils passaient emplis de sens et d’hésitation. Ils passaient emplis d’émotions, de douleur et d’amour. Ils s’échouaient dans la nuit noire sans que je ne sois capable de faire plus. La douleur me compressait vivement le cœur. La peur torturait violemment mon ventre. Et le silence me répondait. Un silence trop déchirant comme si mon sexy musicien se trouvait dans la même situation que moi. C’était comme si lui aussi n’avait aucune idée de ce que nous devions faire à présent. Pour nous en sortir… Ou pour nous quitter… C’était comme si lui aussi ne savait absolument pas quel chemin nous devions emprunter dans toute cette folle histoire. Je n’avais aucune solution miracle à lui offrir sur un plateau d’argent. Je n’avais aucune réponse concrète à offrir à son interrogation si brutale. Non. Rien de tout ça. Je n’avais pas toutes ces choses en réserve moi. Je n’avais aucunement envie d’y réfléchir de toute manière. C’était trop douloureux. En revanche, même si je n’avais pas tout ça, j’avais autre chose. Je pouvais lui livrer mon cœur encore une fois. Je pouvais lui offrir la sincérité absolue. Je pouvais lui conter ce qui se passait en moi. Je pouvais tout lui souffler. Tout ce que je n’avais pas forcément dit à haute voix. Tout ce qu’il n’avait pas entendu concernant notre Neakas. Concernant ma putain de dépendance à son égard. Je mordillais nerveusement ma lèvre hésitant pendant quelques secondes. J’hésitais quelques secondes avant de finir par oser prendre la parole. Ouais, encore une fois, face à Lukas, j’abaissais mes barrières. Face au sexy musicien, je balançais tous mes boucliers m’avançant sans la moindre protection au sein de cette violente guerre. Je me plongeais simplement en prenant le risque que Lukas charcute mon cœur encore plus douloureusement. « Depuis… Depuis le premier jour au Lord Hobo tu as attiré mon regard Lukas. J’sais pas… Ça allait bien au-delà du désir… Ça allait bien au-delà du jeu… Tu… T’me faisais ressentir des choses même sans être proche de moi… Pendant des semaines, j’ai tenté de flirter avec toi trop légèrement à tel point que c’est passé inaperçu, à tel point que je me suis convaincu que tu n’étais attiré que par les filles… Puis il y a eu ce soir là… Tu t’souviens… Ce soir où tout a basculé… Ce soir où nous sommes allés dehors ensemble… Je… J’étais persuadé que tu allais juste me repousser dès le premier baiser… Tu allais me repousser et tu allais partir. Simplement. Je souffrirais sur le coup, mais je saurais m’en remettre parce que j’étais prêt pour ça… J’étais prêt à accepter ton hétérosexualité et à passer à autre chose… Mais… Tu l’as pas fait hein ? Tu… Tu m’as quémandé plus et putain je pouvais pas te le refuser… Pas alors que j’en rêvais depuis des mois… Alors je… J’ai continué et je… J’étais prêt à te ramener chez moi… J’étais prêt à t’emmener au septième ciel ce soir là… Encore et encore… Mais il… Y a eu ce feu et tu… T’as disparu… Tu t’es évaporé… Et j’ai cru que… J’ai cru que t’avais vu que tu avais fait une connerie à tel point que t’voulais prendre la fuite… On… On s’est plus parlé un moment… Je… J’te voyais même plus et ça me rendait fou… Tellement fou parce que t’étais dans tous mes rêves bébé putain. TOUS MES RÊVES et à chaque fois que je me réveillais t’étais pas à côté de moi… Et ç’me faisait mal parce que je te voulais tellement… Puis on a parlé… Des textos qui me faisaient clairement entendre que tu… Que tu voulais pas d’un tel rapprochement entre nous… Alors on s’est revus malgré ça et si tu savais comme c’était dur de respecter des demandes… C’était dur de ne pas te toucher… De ne pas venir embrasser tes lèvres qui me tentaient tellement… Si tu savais comme j’avais mal… Te regarder et me dire que tu… Que t’étais pas mien… Que j’pouvais pas interdire aux autres de flirter avec toi ou de… De t’emmener dans leur lit… Que j’pouvais pas leur dire que tu étais MON copain… J’ai perdu la tête… Complètement jusqu’au Badgirlz… Ce moment unique où nous nous nous sommes liés bébé… Ce moment qui est ancré dans ma chair… Imprimé dans ma tête… Je… Tu… Tu m’as fait ressentir des choses que je pensais tellement éteintes Lukas… Tu… Tu m’as redonné vie putain… Et je… J’ai tellement aimé chacun de ces corps à corps avec toi… Puis tu… T’es parti en Nouvelle-Calédonie me laissant complètement perdu… Je… J’ai eu l’impression que tu voulais me fuir… J’ai eu l’impression que quelque chose clochait… Que j’avais fait quelque chose de mal encore plus lorsque tu as choisi le silence pendant toute une semaine… Une putain de semaine sans rien savoir… Puis t’sais… L’accident, les confessions dans ma chambres d’hôpital et le… Le séjour au ski… Ensemble… Est-ce que c’était vraiment une bonne idée ça ? J’sais plus… J’arrive plus à raisonner clairement… J’étais tellement bien avec toi-là… J’étais si heureux jusqu’à ce que j’ouvre ma putain de bouche pour te dire que je t’aime mais que je peux pas être exclusif… Je… J’suis tellement désolé bébé… Tu… T’as cru que tu devais juste accepter sans rien dire… T’as cru que tu devais dire oui pour me garder dans ta vie… Mais, si tu avais dit non dès ce soir là ? Je… J’sais pas ce qui se serait passé je te l’avoue… J’sais pas si j’aurais cédé pour toi… Si j’aurais essayé pour toi… J’sais pas putain… De toute façon, t’as pas dit non… Tu as préféré jouer un rôle pour correspondre à ce que tu pensais que je voulais… T’as joué un rôle et ça nous a pété à la figure… Ça a pété mon cœur comme si une bombe était directement branché dessus…. Des morceaux partout… Des débris qu’on ne pouvait plus rassembler… Je… » Un sanglot soudain passa entre mes lèvres. Je n’avais pas été capable de le retenir. Je n’avais pas été fichu de le taire. Et, putain, je m’en fichais de chialer comme un gamin dans cette rue. Je me foutais de tout parce que ça faisait trop mal. Je n’aurais jamais pensé que mettre des mots sur notre histoire me tuerait autant. Et pourtant, si ça le faisait. Mes doigts tremblaient tellement que je finissais par les ramener vers moi. Mes doigts quittaient les cheveux de Lukas afin que je puisse serrer les poings et les glisser entre mes jambes. Je fermais les yeux. Je baissais la tête. J’essayais de reprendre mon souffle parce que, damn, ça faisait beaucoup. Ça faisait tellement de mots. Ça faisait trop se sensation. Je ne parlais pas autant en règle générale. Je ne babillais jamais autant. Je détestais ça. Je préférais être concis. Je préférais répondre rapidement. Je détestais m’étendre. Est-ce que l’alcool ouvrait un peu plus les vannes ce soir ? Non… Je n’avais pas suffisamment bu pour que ça prenne le dessus. C’était juste moi. C’était simplement ma douleur. Ma langue glissa sur mes lèvres et après un dernier souffle tremblant j’étais prêt à reprendre. J’avais résumé notre histoire… De mon point de vue. Mais, ça ne s’arrêtait pas là. Non. Il y avait encore tellement à dire. Alors, je saisissais l’opportunité de m’ouvrir encore plus quitte à crever encore une fois ce soir. Je laissais ma douleur glisser entre mes lèvres sans rien cacher, sans rien taire. « Je… Je t’ai donné tellement plus qu’à n’importe qui Lukas… Je t’ai fais confiance en te confiant mes secrets alors que personne ne sait putain. PERSONNE ! Nixon n’est même pas au courant de tout ça… Je… J’en ai pas encore parlé avec lui… Je… J’ten ai parlé à toi parce que je… J’sais pas… J’en avais besoin… J’avais besoin que tu saches comme si… Comme si une partie de moi savait que je risquais de passer ma vie avec toi… Comme si une partie de moi voulait te préparer pour toutes nos années futures… T’annoncer les choses dès le départ pour te laisser le choix de partir… Je… J’t’ai offert ces secrets et tu as tout bafoué comme si c’était rien… Comme si… Comme si ces confidences n’avaient pas la moindre importance à tes yeux… Et puis je… Je t’ai avoué que je t’aimais et je… J’sais même pas si cette p’tain de confession t’a fait quelque chose Lukas… Je… J’en ai pas eu l’impression… C’était presque comme si je passais commande au McDo et que ça avait aucun intérêt pour toi… Alors que c’était tellement pour moi… Un si grand pas… Ce… Ces trois mots sortent pas souvent… Surtout pour des histoires d’amour… Alors ouais bébé… J’me suis offert à toi sur un plateau d’argent et tu… Tu as juste tout dévoré en te foutant de me laisser complètement charcuté à la fin… Je… J’t’ai tout offert Lukas… Et je… J’ai même pris la peine de te prévenir de mon état… De mon incapacité à être exclusif… Parce que mon but n’a jamais été de te faire souffrir… Je… J’voulais même pas chercher à te mentir et à te cacher ça… J’voulais pas jouer une telle histoire… Et toi… Toi t’as fais quoi ? Tu… Tu as été raconter ça à tes proches… Tes proches qui doivent me prendre pour le dernier des connards qui ne te mérites pas… Mais MERDE ! Ils ne savent rien eux. Ils ne savent rien de ma vie et ils ne peuvent pas comprendre pourquoi j’ai besoin de ça, pourquoi j’peux pas encore me lancer dans une telle histoire… Je… Tu en as parlé… Tu as bu… Et tu… T’es devenu trop sincère avec moi… Tellement que tu m’as fait mal… Tu… C’était comme si tu trahissais ma confiance… Comme si tu trahissais tout ce que je t’avais offert… Comme si t’envoyais tout dans une benne putain… Tout ça à cause d’un seul truc : mon exclusivité… C’le seul problème dans le fond hein ? Et je… J’pas su encaisser…. J’ai pas su réagir face à ça… Je… J’sais plus quoi te dire merde… » Les larmes coulaient à une vitesse folle sur mes joues alors que je ne cessais de babiller que je ne savais plus quoi dire, que je ne savais plus quoi faire. Je babillais comme un gamin qui s’était perdu. Je babillais comme un disque qui s’était coincé sur repeat. Et, j’avais mal. Tellement mal. Je me reculais de nouveau sur le banc laissant mon dos s’adosser au dossier. Je laissais ainsi de l’espace à Lukas. Je prenais moi-même du recul. Il le fallait. Je tremblais tellement. Mon cœur cognait si fort. Mon ventre me faisait terriblement mal. Mes doigts se glissaient dans ma poche touchant le mobile, hésitant un quart de seconde. Au secours… ? Non… Non. Il fallait que je règle ça. Alors, je sortais ma main de ma poche attrapant la cigarette coincé sur mon oreille. Je l’allumais enfin la portant à mes lèvres. Je renversais la tête en arrière tirant sur ma clope de mes doigts si tremblants. Ma langue glissa sur mes lèvres un peu trop sèches. J’avais suffisamment parlé non ? J’avais vidé mon sac. J’avais livré mon cœur. J’avais tenté un rapprochement. Et, je ne savais plus quoi faire maintenant. Ce n’était plus à moins de tenter quelque chose à présent. Alors, j’ouvrais la bouche. Une dernière fois. Une ultime fois.

Tout… Tout c’dont j’suis sûr là… Tout de suite… Ce… C’est que… Je t’aime Lukas… Je t’aime et je n’arrive pas vraiment à envisager ma vie sans ta présence… Mais je… J’peux pas t’offrir l’exclusivité… Pas tout de suite… Pas comme ça… Je… J’ai encore besoin des autres dans ma vie… D’un autre… Et je… J’comprends que ça te convienne pas… J’comprends que tu préfères tout arrêter dès maintenant… Parce que j’peux pas te dire combien de temps ça va durer… J’peux même pas te promettre que ça s’arrête un jour…

J’étais foutrement trop stupide de croire que les choses pourraient vraiment s’arranger entre Lukas et moi. Ouais, j’étais réellement trop idiot de penser que les choses pourraient rentrer dans l’ordre aussi aisément que dans toutes ces putains d’histoire qu’on nous servait à la télévision, au cinéma et même dans les livres. J’étais fichtrement stupide de croire que tout pourrait aller mieux d’ici quelques temps entre le sexy musicien et moi. Ce ne serait pas le cas. Ce ne serait jamais le cas. Nous étions trop blessés pour que ce soit réel. Nous étions trop brisés pour parvenir à donner vie à quelque chose de beau et de dépourvu de souffrance. Merde. N’importe quelle personne qui n’était pas aveuglée par nos sentiments pouvait se rendre compte de la toxicité de notre relation. Notre histoire n’était pas saine. Elle ne le serait sans doute jamais et il ne fallait pas espérer quelque chose de mieux. Si nous tombions dans cet espoir fou, nous allions simplement nous accrocher afin de replonger dans une histoire qui nous détruirait encore plus que nous ne l’étions à présent. Toute notre situation était d’ores et déjà trop catastrophique. Nous avions tout foutu en l’air. Nous étions allés si vite dans cette histoire que notre voiture avait percuté un mur de plein fouet à une vitesse foutrement trop élevée. La voiture était hors d’usage à présent et il n’était plus possible de faire du chemin ensemble. Parce que, zut, tous les deux à pieds… Nous n’irions pas bien loin. Nous nous ferions juste souffrir. Bordel… Non… Cette comparaison ne me plaisait pas parce qu’elle réduisait à néant le moindre petit souffle d’espoir qui pouvait exister. Je détestais cette comparaison parce qu’elle m’envoyait la douloureuse réalité en plein visage et que je n’étais pas prêt pour y faire face. Je n’étais pas prêt pour cette fin qui semblait pourtant se dessiner de plus en plus précisément. MERDE. Je ne voulais pas ça moi. Je ne pouvais pas encaisser un tel choc. Lukas et moi… Moi et Lukas… Notre Neakas… Je voulais plutôt penser notre histoire comme écrite à la craie sur un immense tableau noir. Je voulais penser que nous pouvions attraper une brosse afin d’effacer le tableau empli de craie désastreuse. Cela nous permettrait alors de toute recommencer. Cela nous donnerait l’occasion de dessiner de nouveau notre histoire d’une toute nouvelle manière. En effaçant notre tableau, je me disais que peut-être nous trouverions le moyen de construire un bonheur absolu. Ce bonheur que Lukas et moi avions si souvent touché du bout des doigts. Ce bonheur que Lukas et moi avions si souvent ressenti lorsque nous n’étions que tous les deux. Isolés du monde. Isolés de tout. Simplement offert l’un à l’autre. Malheureusement, à chaque fois que ce bonheur semblait s’investir réellement à l’intérieur de nos vies, tout finissait par voler en éclat. La joie se mettait à nous fuir. La gaieté s’effacer pour ne laisser plus que le noir dans notre histoire déjà si compliquée parce que j’étais un être malmené par la vie et que Lukas avait été malmené par ses histoires. Putain… Pitié… J’avais envie de croire qu’il nous fallait simplement un peu de temps après ces textos saoul du jeune homme. J’avais envie de croire qu’il suffisait que nous discutions pour que les choses finissent par s’arranger. Une partie de moi se disait que peut-être nous pourrions trouver un terrain d’entente qui nous correspondrait et qui nous permettrait de continuer à avancer. Ensemble. Ouais… J’avais stupidement envie de me dire qu’il nous fallait juste un peu de temps que les choses se tassent. Après une bonne discussion et des pardons en bonne et due formes, Lukas et moi pourrions repartir d’un bon pied. Cela pourrait carrément s’arranger. Il fallait simplement un peu de temps et tout pourrait redevenir aussi parfait que lorsque Lukas et moi passions du temps ensemble. Tout pourrait être aussi fabuleux que tous ces moments idylliques que nous avions passé en amoureux. Ces moments qui m’avaient poussé à faire des plans sur la comète pour notre futur comme par exemple demander à Lukas de venir vivre dans mon appartement avec moi. Juste lui et moi. Ensemble. Nous avions tous les deux tant besoin de la présence de l’autre depuis l’accident du métro. Nous avions tous les deux tant besoin de dormir collés l’un à l’autre pour éviter les horribles cauchemars qui cognaient dans nos tête. Merde, je ne voulais pas mettre ces plans à la poubelle. Je voulais réellement croire que tout pouvait s’arranger. Je voulais me dire que tout irait mieux après aujourd’hui. Putain, ouais, j’avais tant envie de me rattacher à cet espoir fou, à cette idée dingue, à cette envie irréelle. Mais, je n’étais pas si stupide que ça. Au fond de moi, je savais… Je savais que les plans avaient déjà volé en éclat. Je savais que rien ne pourrait s’arranger à présent. Après tout, la vie n’était pas un conte de fée. Oh non. J’avais d’ailleurs trop vécu pour le savoir. Rien n’était rose. Rien n’était parfait. Merde, après tout, regardez-moi. Regardez dans quel était pitoyable je me retrouvais ce soir alors que la vie m’avait déjà tant malmené par le passé. Ma vie n’était pas un conte de fée. C’était idiot de se dire que tout pourrait s’arranger… Néanmoins, j’avais tant voulu à croire… J’avais tant voulu croire à ce conte de fée avec lui. Avec Lukas. Ce garçon si parfait qui m’avait envoûté dès le départ. Cette âme d’artiste qui s’étaient imbriquée avec perfection et facilité dans la mienne. Ce cœur qui avait su ne former plus qu’un avec le mien en un temps record. Ce corps qui avait su me pousser dans des délices que j’avais tellement oublié. Neakas… Un conte de fée qui n’avait pas duré. Le compte à rebours avait été lancé trop vite nous menant droit vers le précipice. Un temps compté avant que tout ne s’écroule de la pire des manières qui soit. Je ne voulais pas que le conte de fée s’arrête. Je refusais que l’histoire tourne à l’horreur. Alors, comme un gosse trop peureux qui voulait prendre la fuite, j’avais essayé de proposer de rentrer dans ce restaurant pour manger. Pour fuir. Pour éviter cette discussion. Cependant, Lukas m’en avait arrêté bien trop vite. Et la question qu’il prononça signait la fin. Ma fin. Sa fin. Notre fin. Les mots de Lukas était trop mortels et mon corps l’avait compris. Mon cœur était piétiné. Mon âme déchiquetée. Je n’étais vraiment pas prêt pour ça. Je n’étais clairement pas prêt pour cet instant qui amènerait notre fin. La fin d’un Neakas si tumultueux et si fort. Putain… Comment est-ce que j’allais faire pour vivre sans Lukas ? Je ne pensais pas que ce soit possible. Non. Je ne pourrais guère survivre sans la présence du jeune homme dans ma vie. Pas après tout ce que nous avions vécu. Pas après tout ce que j’avais pu lui dire. Pas après la révélation de mes sentiments. Je ne pourrais sans doute pas continuer à avancer sans lui… Ou, en tout cas, je n’avancerais pas de la même manière. Glissant ma cigarette derrière mon oreille, je m’étais redressé afin de toucher Lukas parce qu’il était si proche et que je le sentais pourtant si loin. Merde. Je ne pouvais pas résister à son appel. Je ne pouvais pas l’avoir devant moi et me tenir bien sagement. Alors, mes mains s’étaient déposées sur ses épaules le massant quelques instants avant de glisser dans son cou puis sur ses tempes pour attraper l’une de ses mains. Cette main que j’avais porté à mes lèvres pour y déposer un ultime baiser avant de la lâcher. Je laissais Lukas m’échapper glissant simplement mes doigts dans ses cheveux avant de prendre la parole. Je babillais des mots prouvant à quel point j’étais perdu dans toute cette situation. Je soufflais des propos qui mettaient en avant mon incapacité à trouver une solution convenable pour tout résoudre. Et, bien trop vite, j’acceptais de me livrer encore plus au jeune homme. J’acceptais de lui offrir encore plus de mon être, toujours plus de mon cœur lui donnant ainsi le loisir de me heurter comme il l’avait fait une semaine plus tôt. Je plongeais et je contais le Neakas de mon point de vue. Je plongeais et je laissais tous les mots sortir de mes lèvres. Tous les sentiments que je ressentais. Tous les petits secrets de notre histoire qui durait depuis bien plus longtemps qu’il ne pensait. Tout mon putain d’attachement à Lukas. Tout mon putain d’amour à l’égard de mon sexy musicien. Les vannes s’étaient ouvertes. Et, tout glissait. Si aisément. Comme si je savais que c’était la dernière fois qu’une telle occasion m’était donnée. Comme si je savais que c’était le seul moment où je pouvais abattre la totalité de mon jeu de carte. Comme s’il s’agissait de ma dernière chance pour tenter de gagner cette partie si douloureuse.

Lukas m’avait écouté respectant le silence nécessaire au bon déroulement de mes paroles. Il m’avait laissé parler sans jamais chercher à m’interrompre quand bien même je savais qu’il avait sans doute eu envie de sauter sur l’occasion à certains moments… À certains propos… À certains sanglots… Mais non… Mon sexy musicien s’était parfaitement tenu. Il n’avait jamais cherché à se mettre en travers de mes mots. Il n’avait jamais cherché à me couper. Il m’avait laissé vider la totalité de mon sac comme je ne l’avais encore jamais fait. Il m’avait laissé tout lui avouer de but en blanc dans ce discours foutrement trop long et fichtrement trop sincère. À présent, Lukas savait absolument tout… Enfin, tout ce qu’il y avait à savoir concernant notre Neakas et mon point de vue sur toute cette histoire qui était aussi essentielle que destructrice à l’intérieur de ma vie. Et maintenant ? J’avais parlé, c’était bien. J’avais soufflé tout un tas de choses. Cependant, je n’avais toujours pas répondu à l’interrogation du jeune homme. Nous n’avions toujours pas de réponses claires concernant notre futur. L’après ce soir. L’après Neakas… Si Neakas était réellement fini… Quand Neakas allait se finir… Tout était toujours trop flou. Je ne me positionnais pas. J’avais juste offert encore plus d’informations comme si j’espérais noyer Lukas sous tes mots et le pousser à oublier le pourquoi de notre rencontre. Que pouvions-nous faire maintenant que j’avais parlé ? Est-ce que c’était au tour de Lukas maintenant ? Ouais… C’était à lui de se mettre à nu à présent. C’était à lui de me partager tout ce qu’il pouvait avoir à dire à cet instant sur nous, sur lui, sur moi… C’était le moment de tout lâcher. C’était le moment de tout souffler. Merde. C’était sans doute le premier et le dernier moment où nous pourrions autant parler à cœur ouvert. C’était le premier et l’ultime instant où nous pourrions tout nous dire pour une fois. Là, dans cette rue, devant ce restaurant, il n’y avait plus aucune bride. Et, j’attendais. J’attendais que Lukas parle sachant parfaitement qu’après les mots qu’il prononcerait, la décision risquait de tomber. Non… Après les mots du jeune homme, la décision tomberait. Une fois que nous serions tous les deux vidés, la décision pointerait le bout de son nez afin de nous achever. Alors merde… Peut-être que, dans le fond, je n’avais aucunement envie d’entendre ce qu’il avait à dire. Je n’avais aucune envie qu’il se décide à ouvrir la bouche pour tout me confier. Non. Je n’étais pas prêt à tout entendre. Je n’étais pas prêt à voir la fin débarquer. Non. Non. Non. Malheureusement, ça arrivait. Si vite. Si réellement. Lukas brisait le silence afin de présenter ses excuses. Et, putain, il utilisait même tous ces putains de surnoms qu’il me donnait habituellement. Tous ces surnoms qui faisaient habituellement battre mon cœur si délicieusement. Tous ces surnoms qui, aujourd’hui, tordaient douloureusement mon ventre parce que quelque chose me criait que c’était la dernière fois que j’avais l’occasion de les entendre dans sa bouche. Il s’agissait de la dernière occasion où je pouvais profiter de la voix de mon sexy musicien me soufflant ces mots qui m’avaient tant donné… Qui m’avaient rendu si heureux. Lukas disait que tout cela n’aurait jamais dû arriver et mes sourcils se fronçaient soudainement. Est-ce qu’il disait ça parce que cette histoire lui faisait mal et qu’il n’en avait pas envie ? Ou bien y avait-il une réelle raison derrière toutes ces paroles ? Y avait-il quelque chose de trop vrai derrière tout ça ? Puis… Merde, qu’est-ce qui n’aurait pas dû arriver ? Notre relation ? Le point de non-retour où nous étions arrivés ce soir ? Je n’en savais rien et ma jambe gauche se mettait à s’agiter sous le stress soudain. J’avais envie de marcher de long en large, mais je n’en étais pas capable. Pas avec mes béquilles. Pas dans cet état émotionnel que je devais à tout prix contrôler. Je sursautais soudainement lorsque mon sexy musicien se hissait sur le banc à mes côtés. Shit… Je ne m’étais pas attendu à ça. Je ne m’étais pas attendu à l’avoir à côté de moi. Mais, il était bien là et je pouvais enfin poser mes yeux sur son visage. Ce visage qui se dessinait si souvent sous mes paupières. Ce visage qui se dessinait si souvent dans mes rêves. Ce visage que j’aimais. Ce visage si amaigri et qui semblait si malade. Lukas attrapait ma main et je le laissais faire. De toute façon, je n’aurais pas été capable de refuser. Je voulais profiter de ce contact. Je désirais profiter de cet instant qu’il m’offrait. Aussi longtemps qu’il voudrait me l’offrir. Et c’était parti… Lukas se lançait dans l’histoire de son conte. Il se mettait à raconter le Neakas de son point de vue. Le voile se levait. Lentement. Réellement. Violemment. Lukas me parlait enfin de son absence au Lord Hobo. Il me parlait de cette agression dont il avait été victime le soir où il avait laissé sa guitare au bar. Cette agression qui l’avait conduit tout droit à l’hôpital. Cette agression qui l’avait poussé à rester fermé chez lui pendant des putains de semaines expliquant ainsi son absence à ses concerts. Cette agression qui me faisait découvrir quelque chose de trop douloureux. Lorsqu’il était venu au Lord Hobo récupérer sa guitare, ce soir où tout avait déraillé, c’était la première fois qu’il ressortait de chez lui et c’était la première fois qu’il avait vu mon flirt à son égard. Ce soir-là, Lukas avait eu besoin d’attention et j’avais été là pour combler ce besoin. Outch… Est-ce qu’il était normal que cela me fasse aussi mal ? Est-ce qu’il était normal que cette vérité me déchire si atrocement le cœur ? Parce que… Merde… Dans le fond, si une autre personne avait été à ma place, si une autre personne avait flirté avec Lukas, si une autre personne qu’il connaissait lui avait offert ça… Est-ce qu’il ne serait pas en train de vivre quelque chose avec cette personne ? Je mordillais nerveusement ma lèvre prenant sur moi pour ne pas intervenir alors qu’il continuait m’avouant qu’il n’était pas du genre à coucher avec tout un tas de personnes, me confiant même qu’il n’y avait eu que quatre personnes dans sa vie et dans son lit et que j’en faisais parti. Lukas s’excusait pour cette soirée là avouant qu’il était parti parce qu’il aimait tellement notre amitié qu’il aurait préféré ne par la perdre de cette façon… Et, putain, ça me heurtait encore plus créant de nouvelles larmes qui glissaient si rapidement sur mes joues. Merde, merde, merde… Je m’étais épris du jeune homme dès le départ alors qu’il… Il ne voyait qu’un ami en moi et il regrettait d’avoir perdu ça… Mon absence les autres week-end avait été le déclencheur de sa demande de ne plus se rapprocher jusqu’à l’histoire de l’hôpital et du Risperdal… Jusqu’à l’histoire de Sven dans ma chambre. Mon sexy musicien serrait ma main trop fort et j’aurais pu gémir sous la douleur, mais mon cœur avait si mal que je n’y pensais même pas. Je gémissais plutôt en perdant son contact glissant bien vite mes mains dans mes poches comme pour tenter de trouver quelque chose à quoi me raccrocher. Et il continuait de raconter… Il continuait de se confier. Sur ses envies. Sur notre première fois au Badgirlz. Sur mon absence. Sur sa douleur. Sur son départ. Sur l’accident. Sur son je t’aime. Sur le séjour à la neige. Sur un ‘je t’aime’ accidentel que j’avais soufflé au téléphone. Lukas tremblait et je fermais les yeux parce que je ne pouvais plus voir ça. Parce que tout ça c’était trop. Parce que, merde, ça faisait trop mal. J’entendais le jeune homme se lever alors qu’il continuait à parler. Encore et encore. Ça ne s’arrêtait jamais. Il m’aimait. Il voulait me donner le meilleur et m’aider, mais je n’étais pas là. Il me confiait son impression d’être l’amant dans un couple que je formais avec Nixon parce qu’il n’était pas con, je n’étais pas chez moi depuis que j’étais sorti de l’hôpital. Putain… Il avait tellement raison. Je n’étais plus chez moi. J’étais toujours fourré chez Nixon et je me comportais sans doute un peu trop comme si j’étais en couple avec Nixon. Alors, Lukas avait vrillé ayant l’impression de donner un rendez-vous à un plan cul. Il avait eu l’impression que je n’étais plus que le plan cul de la semaine et que ça n’en finirait jamais. Un sanglot passa entre mes lèvres parce que je n’avais pas voulu ça. Je n’avais jamais voulu ça non. Lukas était aussi important que Nixon. Dans ma vie. Dans mon cœur. Puis voilà que la déclaration tombait. Ces mots si emplis d’amour et d’envie. Ces mots si délicieux à entendre en règle générale parce que c’était une putain de déclaration d’amour ça, non ? Il m’avouait des choses que je n’aurais pas pensé parce que je ne croyais pas son amour aussi puissant pour moi… Et je ne savais pas comment réagir alors qu’il continuait de babiller. Ouais, bien sûr que je connaissais son état et ses états. Et, putain, bien sûr que non, je ne lui en voulais pas de s’être confié à son amie. Je lui en voulais pour les mots après… Ces mots qui avaient tout détruits. Et, on approchait de la fin. Une fin qui me percutait. Vivement. Réellement. Il m’aimait. Il ne voulait pas être loin de moi. Mais, il ne voulait pas me partager. Il ne pouvait pas. Pas avec Nixon. Il s’excusait encore avançant même que je méritais mieux que lui parce que je ne méritais pas de souffrir. Et soudainement… Le silence de nouveau. Le silence bercé par des sanglots effroyables. Le silence cogné par le bruit de cœurs se déchirant. Encore et encore. Les mots de Lukas se rejouaient dans ma tête. Encore et encore. Merde. Il y avait tellement de choses. Il y avait beaucoup trop d’informations et je ne parvenais guère à avoir les idées claires. Les propos tournaient à l’intérieur de moi et je ne savais plus ce que j’étais censé faire, ce que j’étais censé dire. Putain. Tout ça me donnait le tournis. Tout ça me vrillait douloureusement le cœur. Peut-être que j’aurais dû me concentrer sur la déclaration si belle qu’il m’avait fait. Mais, je n’y parvenais pas. Non. Je ne parvenais pas à occulter ce que je venais d’apprendre. Je ne parvenais pas à effacer ce qu’il venait soudainement de me dire et qui bousculait la totalité de notre histoire. Dans ma tête. Dans mon cœur. Et, damn, ça me faisait tellement mal au ventre aussi. J’essuyais les larmes présentes sur mes joues avant de me mettre à jouer avec mes doigts. Et, les yeux rivés sur mes doigts, je babillais « Je… Rien de tout ça n’aurait dû arriver en fait… Si tu… Si t’avais pas été victime de cette agression, rien de tout ça ne serait arrivé… Ou si… Si je n’avais pas été là ce soir où tu avais besoin d’attention tu… T’aurais peut-être rencontré quelqu’un d’autre que moi entre temps… Tu… T’serais heureux… Et nous… Nous on serait juste amis... » Les mots m’écorchaient le cœur. Les mots m’écorchaient la gorge. Ils faisaient tellement mal. Et, putain, j’avais l’impression d’étouffer. Alors, sans même réfléchir, sans même penser au bleu et aux traces de doigts ornant mon cou, je retirais mon écharpe aspirant une grande gorgée d’air. Non… J’étouffais toujours. Mes doigts se portaient lentement à cette chaîne qui n’avait plus qu’un N. Ce cadeau de Lukas. Cette chaîne qui avait porté la bague de Milo pendant des années jusqu’à ce que je finisse par le retirer quelques jours plus tôt. Et, tout en caressant ce N, je demandais soudainement « Est-ce que tu regrettes? » Je ne voulais pas y passer par quatre chemin. Je ne voulais pas chercher à faire du blabla pour rien. Non. La question était claire. Elle était sans doute trop brutale, mais il me fallait une réponse. Je voulais savoir parce que, merde, la façon dont Lukas en parlait laisser sous entendre que ouais il regrettait tout ça… Il regrettait que notre amitié soit foutue en l’air. Il regrettait que nous nous soyons engagés sur un tel chemin. Et ça faisait tellement mal. Je soupirais laissant retomber ma main. Quelques secondes passaient et j’hésitais. Je savais qu’on ne pouvais plus repousser l’inévitable. Non. On ne pouvait pas repousser la situation indéfiniment quand bien même je tentais encore et toujours de grappiller quelques précieuse secondes. Je finissais par babiller « J’sais plus quoi te dire bébé… Je… J’pas envie de faire ça, mais… Je… J’crois qu’on a pas le choix… » La sentence allait tomber. C’était le moment. Nous ne pouvions plus repousser ça. Ma langue glissa sur mes lèvres tandis que je me relevais de ce banc. J’y laissais mes béquilles me dirigeant à cloche-pied jusqu’à Lukas. Je déposais ma main sur son épaule autant pour lui dire de se tourner que pour trouver un point d’appui avant que mon équilibre ne déraille. Après tout j’avais quand même bu. Il se retournait vers moi et ma main libre se posait sur sa hanche. Je restais immobile de longues secondes plantant mon regard dans le sien comme si j’imprimais son visage une dernière fois. Comme si je profitais de cette vision tant que je le pouvais encore. Et, là, yeux dans les yeux, je murmurais « T’peux pas me partager et j’le comprends… Et je… J’peux pas être exclusif… Pas encore en tout cas… » Non, pas tout de suite Lukas. C’était trop tôt pour moi. J’étais encore trop cassé pour réellement me plonger dans une relation où je devrais tout donner. J’avais besoin des autres. J’avais tellement besoin de Nixon. Lui qui parvenait à calmer des crises à distances. Lui qui parvenait à me rendre si heureux. Je voulais juste rester avec lui encore. Je voulais simplement rester avec Lukas en même temps. Qui avait dit que ce n’était pas possible d’aimer deux personne à la fois ? Parce que putain cette personne était vraiment stupide. Je plantais mes yeux dans ceux de Lukas avant de reprendre sans la moindre hésitation. « Je t’avoue que, de mon côte, je… J’suis prêt à continuer notre relation comme avant par ce que je t’aime Lukas Owen Spritz… Je suis fou amoureux de toi et je n’ai aucune envie de continuer ma vie sans toi… Mais, je… J’sais que cette relation ne te convient pas et, de toute façon, je refuse de te faire subir ça alors je... » Mes yeux se perdaient un instant sur les lèvres du jeune homme. Je m’approchais m’attendant presque à ce qu’il recule, m’attendant presque à me prendre un vent. Mais, non, mes lèvres rencontrèrent celles de Lukas. Est-ce que j’avais franchi les dernières centimètres ? Ou est-ce que c’était lui ? Putain, aucune idée. Qu’importait. Ma main sur son épaule remontait dans son cou, sur sa joue. Et je l’embrassais. Pour la dernière fois. Un baiser empli d’amour et de désir. Un baiser empli d’excuses et de regrets. Un baiser empli de sentiments qui ne partiraient pas. À bout de souffle, j’appuyais mon front contre le sien avant de fermer les yeux et de murmurer la décision finale. La terrible sentence.

Tout devrait s’arrêter… Là…

Tic, tac. L’horloge tiquait à mes oreilles me rapprochant toujours plus de la fin de ce compte à rebours qui s’était lancé depuis si longtemps. Depuis que j’avais posé mes yeux sur Lukas le premier soir sans doute. Et, putain, je n’avais même pas été foutu de le découvrir avant… Ou peut-être que j’avais simplement choisi de l’ignorer un peu trop délibérément préférant profiter des moments de bonheur qu’on semblait vouloir m’accorder aux côtés de cet être si exceptionnel. J’étais prêt à vivre ces instants aussi courts soient-ils parce que, damn, ils valaient réellement le coup. Ils m’apportaient tellement. Ils me rendaient si vivant, si heureux. Ils réparaient mon cœur encore tant fissuré par un passé trop tumultueux. Alors ouais, j’étais prêt même si cela  signifiait que je me retrouverais encore plus détruit à la fin de toute cette histoire dans laquelle je m’investissais tellement. Au sein de laquelle j’offrais tant de mon cœur, de mon être, de mes secrets, de ma vie. J’étais prêt putain oui même si cela signifiait que mon cœur finirait en milliard de petits morceaux lorsque le compte à rebours se rapprocherait de ce zéro si terrifiant. Ce compte à rebours s’était trop soudainement accéléré après les textos saoul de Lukas. Ce compte à rebours s’était mis à défiler lorsque Lukas avait su être sincère avec moi. Ce compte à rebours s’était si vite rapproché du zéro sans que je ne puisse plus rien y faire, sans même que je ne sache comment le ralentir et l’empêcher d’atteindre ce zéro. Ce putain de zéro qui semblait d’ailleurs arriver à une vitesse folle en cette soirée foutrement imprévue. Je le sentais. Je le savais. Je le voyais. J’entendais cette putain d’horloge qui tiquait fort à mes oreilles. Elle cognait à l’intérieur de ma tête brouillant tellement mes pensées. Elle frappait follement à l’intérieur de mon cœur comme pour chercher à le transpercer. À me transpercer. Ça faisait tellement mal. Ça me tuait si réellement. Et merde… La fin arrivait. Elle débarquait. Je ne le savais que trop bien. Et, je ne pouvais rien faire pour l’en empêcher quand bien même je tentais le tout pour le tout en cherchant à faire reculer cet instant si effrayant et douloureux. Je tentais de grappiller des secondes qui permettraient peut-être à Lukas de changer d’avis sur toute cette histoire, de m’accepter tel que j’étais même si je ne pouvais pas lui offrir la totalité d’une histoire de couple basique. Je tentais de gagner quelques minutes supplémentaires comme si cela pouvait faire repartir le compte à rebours tellement loin de ce zéro. Bordel. Je voulais encore profiter de nombreux mois avec Lukas moi. J’avais encore besoin de tellement d’années aux côtés du jeune homme. Pitié. Accordez-moi tous ces instants… Pitié. Mais non, ça ne changeait rien hein ? Les chiffres ne se modifiaient aucunement. Ils se rapprochaient de plus en plus de ce zéro qui me faisait si mal au ventre. Une fin… Un début… Oh… Peut-être que je pouvais convaincre mon sexy musicien que cela pouvait être le début de quelque chose… Quelque chose où nous serions nous. Sans étiquettes. Sans exclusivité. Simplement du bonheur et du plaisir sans subir la moindre contrainte des ‘on dit’ et du monde extérieur. Non ? Non. Bien sûr que non. Ce n’était pas ce que mon sexy musicien voulait. Ce n’était pas ce que les gens recherchaient dans leurs vies de façon générale d’ailleurs. Stupide gamin. Je me berçais tellement d’illusions pour éviter de perdre le jeune homme. Je me coinçais dans des espoirs si fous simplement parce que je n’étais pas prêt à affronter cette réalité où Lukas ne ferait plus parti de ma vie. Je n’étais pas prêt à vivre sans lui. Non. Je n’étais pas prêt pour ça. Pas le moins du monde. Alors, je sautais sur ces dernières minutes en profitant pour babiller à Lukas tout ce que j’avais à souffler à son attention. Toutes ces choses qui cognaient en moi depuis de si longues semaines. Toutes ces choses que je ne lui avais pas forcément confiés depuis que nous avions échangé nos premières paroles. Toutes ces choses que j’avais simplement besoin qu’il entende avant de pouvoir prendre une quelconque décision nous concernant tous les deux. Concernant notre futur. J’avais laissé passer entre mes lèvres tout ce que j’avais ressenti et pensé depuis la première fois où mes yeux s’étaient posés sur lui m’animant d’une nouvelle vie jusqu’à ce soir où tout risquait de voler en éclat. J’avais laissé glisser la vérité absolue me foutant de paraître pour un petit con amoureux et peureux. J’avais laissé glisser entre mes lèvres tous ces sentiments si forts qui résonnaient dans mon cœur avant d’offrir la parole à Lukas. Il avait sans doute des choses à dire lui aussi. Il avait également le droit de s’exprimer sur notre histoire si compliquée, si forte. D’ailleurs, sous l’urgence, sous le besoin de tout dire, Lukas n’avait pas tardé à ouvrir la bouche lui aussi. Il avait laissé tomber l’histoire entre ses lèvres. Il avait ouvert son livre de conte Neakas pour me livrer son point de vue sur l’ensemble de cette histoire tellement folle. Sur notre histoire qui était allée si vite. Beaucoup trop vite sans doute parce que nous nous étions écorchés si souvent. Et, nous allions sans doute nous crasher complètement dans les minutes à venir. Ce serait la fin. Ce serait la douleur. Lukas babillait alors tout ce qu’il avait à me confier avant que la sentence finale ne puisse tomber. Il babillait et j’étais complètement sous le choc parce que, merde, pour tout vous confier, je ne m’étais pas vraiment attendu à ça. Je ne m’étais pas attendu à ce que Lukas me confie des sentiments aussi fort. Je ne pensais pas qu’il m’aimait. Pas si fort. Beaucoup trop fort. Et, putain, cette vérité m’effrayait tellement dans le fond parce que, zut, je n’aurais jamais pensé que mon sexy musicien sombrerait autant que moi à l’intérieur de cette histoire aussi dangereuse que puissante. Je ne pensais pas que Lukas s’abandonnerait au sein de notre Neakas comme moi je m’y étais abandonné le premier soir où mes yeux s’étaient posés sur lui. Ce premier soir où il avait su retourner mon cœur. Ce premier soir où il avait su réveiller mon corps. Ce premier soir où il avait su bouleverser tout mon être. Damn it… Je ne pensais pas que mon sexy musicien glisserait autant que moi au point de m’aimer à en décrocher la lune pour mon bonheur et mon bien-être. Ça rendait toute cette situation foutrement plus douloureuse. Ça rendait cette situation fichtrement plus difficile que tout. Oh Lukas… Mon Lukas. C’était ce sexy musicien que j’avais trop souvent observé lorsqu’il venait jouer au Lord Hobo. Le garçon tellement mignon et talentueux que je n’avais pas été capable d’arrêter de l’observer à la dérobée pendant des semaines, des mois même. Lukas… Mon Lukas… Il y avait quelque chose chez lui que personne d’autre n’avait. Ce n’était pas son physique si attirant, ce n’était pas son air concentré tellement mignon, ce n’était pas cette voix si pure qui vous coupait le souffle… Bien sur ça jouait ça aussi, mais il s’agissait d’autre chose. Mon sexy musicien avait juste ce truc un peu trop spécial qui me poussait à être irrémédiablement attiré par lui. C’était une action foutrement trop incontrôlable. J’aurais aimé vous souffler qu’il s’agissait d’une histoire d’âmes-sœurs, mais je n’aimais pas croire à ces choses si irréelles alors je ne pouvais pas lui donner ce nom là. C’était simplement la magie de Lukas. C’était juste l’envoûtement du sexy musicien. Un envoûtement qui faisait en sorte que poser mes prunelles sur Lukas était devenu presque aussi essentiel que respirer. Pendant des mois, je m’étais contenté de ces coups d’œil échangés à la dérobée et de ces discussion autour d’un verre. Pendant des mois, je m’étais contenté de petit flirt un peu trop léger que Lukas n’avait pas remarqué. Puis, la vie s’était mêlée de notre histoire et, au final, elle l’avait peut-être fait uniquement pour nous déchirer si violemment aujourd’hui. Lorsque nous nous étions retrouvés dans la ruelle derrière le Lord Hobo et que Lukas m’avait encouragé à continuer ce que je lui faisais, l’intervention de la vie m’avait paru bien placée comme une chance qui s’offrait enfin à moi. Comme un rayon de soleil si vrai perçant ma vie un peu trop sombre. Néanmoins, au jour d’aujourd’hui, je ne pouvais m’empêcher de me dire et de croire que tout cela n’avait été que le début de l’accélération de notre compte à rebours. Ce compte à rebours vers ma destruction. Vers sa destruction. Vers notre destruction. Le silence pesait soudainement dans la rue. J’attendais en silence face à celui que je n’aurais peut-être jamais la chance d’appeler mon petit ami. J’attendais alors qu’il venait de se confier sur notre histoire. Sur cette histoire qui faisait de nous deux êtres dévastées face à face. La panique me dévorait. Mon ventre se tordait si douloureusement. Putain… Tout avait commencé lorsque mon regard s’était posé sur Lukas. Lui. Si beau. Si souriant. Si attirant. Si charmant. Je ne saurais vous expliquer comment ça s’était déroulé exactement. Je savais juste que j’étais tombé chaque jour un peu plus pour Lukas. Je savais simplement que j’étais amoureux de ce garçon. Et je savais… Je savais que tout allait se finir maintenant. Dans cette rue. Devant ce restaurant. Après tant de bonheur. Après tant de destruction. Le ‘The End’ semblait pointer le bout de son nez s’inscrivant lentement sur le bas de notre page…

Je finissais par essuyer ces larmes violentes qui striaient mes joues et que je n’étais pourtant pas foutu de retenir. Je les essuyais avant de penser à ces ‘si’ qui auraient pu refaire le monde, qui auraient pu remodeler la totalité de notre histoire. Avec des ‘si’, nous aurions sans doute eu la possibilité de modifier la totalité de cette relation que nous étions en train de vivre. Nous aurions peut-être été en mesure de changer l’ensemble de ce Neakas avant qu’il ne se mette à nous filer entre les doigts. Avec des ‘si’… Ouais… Malheureusement, ils ne prenaient pas de place dans la réalité. Ils ne pouvaient pas s’imposer à l’intérieur d’une histoire qui était déjà écrite. Mais, je les utilisais quand même mettant en optique une autre situation, mettant en lumière une autre relation. S’il n’avait pas été victime de cette agression… S’il n’avait pas été au Lord Hobo ce soir où il avait eu besoin d’attention… Si je n’avais pas été là… S’il avait croisé la route de quelqu’un d’autre… Quelqu’un qui aurait réellement su le rendre heureux… Quelqu’un qui aurait pu le sauver… Si c’était arrivé, nous serions sans doute resté de simples amis. Cette amitié m’aurait fait mal au départ, mais je me serais sans doute habitué parce que Lukas ne sortirait jamais de ma vie de cette manière. Je ne le perdrais jamais si la vie s’était passée comme ça. Putain, ouais, il était tellement plus aisé de penser ça. Il était tellement plus simple de se dire que notre histoire n’était qu’une erreur qui n’aurait en fait jamais dû être écrite. C’était tellement plus aisé d’agir de cette manière parce qu’en fait je me contentais de réparer l’erreur de la vie… Je mettais simplement fin à quelque chose qui n’aurait jamais dû naître… Et ça faisait un peu moins mal… Pourtant, mon sexy musicien secouait négativement la tête comme s’il refusait que j’utilise ces putains d’histoires pour mettre fin à la nôtre. C’était comme s’il refusais que j’utilise des hypothèses pour mettre fin à Neakas. Sous prétexte que Neakas n’aurait jamais dû arriver, cela ne me donnait pas pour autant le droit d’en finir n’est-ce pas… Oh bordel, j’avais l’impression d’étouffer dans toute cette histoire. Je me sentais tellement oppressé que je finissais par retirer cette écharpe qui entourait mon cou et qui cachait les bleus. Je la retirais et je laissais mes doigts venir caresser lentement la chaîne qui ornait mon cou depuis des années. Cette chaîne où ne se trouvait plus que ce ‘N’ que Lukas m’avait offert un mois plus tôt… Après le métro. Cette chaîne qui n’avait plus la bague de Milo parce que d’autres personnes avaient su le remplacer à l’intérieur de mon cœur, à l’intérieur de ma vie. N’allez pas croire que Milo n’était pas important. Il l’était. Il le serrait toujours. Mais, j’étais prêt à avancer. Prêt à essayer avec d’autres… Sans me raccrocher à un passé Italien. Caressant le N ornant mon cou, je finissais par demander à Lukas s’il regrettait. Est-ce qu’il regrettait la fin de notre amitié qu’il semblait tant apprécié ? Est-ce qu’il regrettais ce chemin que nous avions emprunté ? Ce putain de chemin si délicieux… Ce putain de chemin qui ne faisait que nous détruire au final… Est-ce qu’il le regrettait ? J’avais tant besoin de savoir. J’avais tant envie de connaître la vérité pour voir si mon sexy musicien aurait tout changé si la possibilité s’était présentée devant lui. Sans me regarder, Lukas se redressait et il me soufflait ce ‘non’. Il ne regrettait pas. Bordel… Mon sexy musicien était si sûr de lui. Il semblait si certain de son choix que ça me percutait violent. Alors, mes yeux se fermaient et je tentais de repousser l’instant encore une fois. Je finissais par grappiller de nouvelles secondes en soufflant que je ne savais plus quoi dire, que je n’avais aucune envie de faire ça, mais que nous n’avions plus le choix à présent. Il n’y avait plus de tableau à multiples possibilités devant nous. Il n’y avait plus qu’une porte qui menait à une seule et même situation… N’est-ce pas ? C’était l’heure de la sentence. C’était le moment du choix. C’était l’instant où notre futur se jouait. C’était la fin. La destruction. Je me relevais du banc parce que je ne supportais pas ce fossé déjà tellement grand entre Lukas et moi. Je me relevais me dirigeant à cloche-pied et sans béquilles jusqu’à lui avant de déposer ma main sur son épaule pour qu’il se retourne, pour qu’il me fasse face. Je n’étais pas un lâche. Je ne ferais pas ça sans le regarder. Je ne pouvais pas de toute manière. Lukas se retournait et ma main libre rejoignait sa hanche. Je restais immobile pendant de longues secondes… De longues minutes peut-être. Je n’en savais foutrement rien. J’imprimais son visage dans ma tête. Je m’imprégnais encore une fois de son contact. De la main de Lukas sur ma joue qui chauffait si agréablement ma peau. De sa main sur ma taille qui me faisait me sentir vivant et en sécurité. Il était là pour me soutenir. Il était là pour m’empêcher de m’effondrer. Sous la blessure de ma jambe. Sous la future blessure de mon cœur… De nos cœurs… Celle que j’allais nous infliger dans quelques secondes parce que je ne pouvais plus faire durer cette torture… Je n’en avais pas le droit. Alors, lentement, je faisais état de la situation. De notre situation. Mon sexy musicien ne pouvait pas me partager. Il ne voulait pas me partager. Et c’était normal. Fichtrement logique. Foutrement habituel. Dans cette société où tout était stéréotypé pour qu’une personne soit avec une personne. Cependant, moi, je n’en étais pas capable. Je ne pouvais pas être exclusif. Et, même si je m’étais de côté mes clients parce qu’ils ne comptaient pas dans cette équation à mes yeux yeux, je n’étais quand même pas foutu de n’être qu’à Lukas. Je ne pouvais pas. Parce que j’avais besoin de Nixon. Parce que j’étais amoureux de Nixon. Parce qu’il me faisait tellement de bien, qu’il me rendait si heureux. Je refusais de faire une croix sur mon histoire avec Nixon. Alors moi, j’étais prêt… Prêt à continuer notre histoire comme elle se déroulait actuellement, avec cette putain de garde partagée qui était sans doute en train de tout détruire. J’étais prêt à m’enfoncer un peu plus dans cette relation peut-être un peu trop bancale parce que j’étais fou amoureux de Lukas et que je n’avais aucune envie de continuer ma route sans lui. Néanmoins, je savais que cela ne convenait guère au sexy musicien. Et je ne pouvais pas continuer de lui faire du mal. Pas comme ça. Il méritait mieux. Je profitais une dernière fois osant lui voler un baiser. Un ultime baiser que j’initiais et qui me rendait si vivant. Un ultime baiser au goût un peu trop amer. Un ultime baiser qui faisait tant de mal et tellement de bien à la fois. Déposant mon front contre celui de Lukas, je finissais par laisser tomber la sentence. Tout devait s’arrêter. Là. Maintenant. Tout de suite. Les lèvres de mon sexy musicien venaient presque aussitôt s’écraser sur les miennes. Encore une fois. Une nouvelle fois qui me heurtait si vivement. Une nouvelle fois qui venait arracher une partie de mon cœur parce que ce baiser ne ressemblait pas aux autres. Non… C’était comme pour sceller un au revoir aussi douloureux que réel. C’était comme pour se dire que cela arrivait vraiment. C’était comme pour se rendre compte que, malgré tout, notre amour ne serait pas plus fort. Il ne gagnerait pas. La main de Lukas glissait de ma joue à mon cœur et je fermais les yeux laissant les larmes dévaler de nouveau mes joues. Une inondation que je n’étais pas foutu d’arrêter, que je ne voulais même pas arrêter parce qu’il fallait que ça sorte. Les doigts de mon sexy musicien se resserraient en poing sur mon cœur alors qu’il me murmurait qu’il ne partirait pas. Un sanglot passait entre mes lèvres presque aussitôt parce que, merde, je le savais ça. Je savais qu’il ne partirait jamais de mon cœur. Il s’y était déjà logé. Il s’y était déjà trop bien installé. Je ne pouvais pas l’en déloger. Je ne pourrais plus l’effacer. Malgré tous mes efforts, Lukas serait à jamais gravé sur mon cœur et la douleur de sa perte cognerait. Jour après jour. Il agissait comme pour me marquer. Comme pour ancrer cette réalité plus violemment en moi. Comme pour m’empêcher de l’oublier. Mais putain, Lukas… Il n’avait pas besoin de faire ça. Pas alors que je le savais déjà. Mon sexy musicien retirait ma main de son visage en y glissant un doux baiser qui me faisait frisonner. Il retirait ma main de sa hanche avant de me porter jusqu’au banc… Il prenait encore soin de moi. Malgré tout ce que je venais de faire. Malgré cette putain de destruction à laquelle je donnais vie. Il veillait sur moi comme s’il savait que j’allais m’effondrer sous peu. Je me retrouvais de nouveau sur ce banc et je me sentais si vide. Je me sentais si glacé. Même le baiser au coin de mes lèvres ne parvint pas à me réchauffer. J’avais trop mal. Tellement mal. Les sanglots de Lukas se mêlèrent aux miens alors que soudainement… Si soudainement… Il me tournait le dos. Il partait. Il s’effaçait. Il s’éloignait. Loin de ce restaurant. Loin de moi. Loin de nous. Un nouveau sanglot encore plus déchirant glissa entre mes lèvres. Je restais immobile sur ce banc sans plus savoir quoi faire. Je ne me mettais pas à courir comme un hystérique à la suite de Lukas alors que j’en avais pourtant tellement envie. Je rêvais de me précipiter vers le jeune homme pour le supplier de ne pas m’abandonner. Pour lui demander de revenir à mes côtés pour parler encore et encore et tenter de trouver un terrain d’entente où nous serions tous les deux comblés. Je rêvais de l’entendre me dire qu’il était prêt à me laisser du temps tout en restant dans ma vie, tout en vivant notre Neakas. Je rêvais que les choses s’arrangeaient. Stupide idiotie. Les rêves n’étaient pas fait pour se réaliser… Pas les miens en tout cas. Alors, je restais planté là sur ce banc, devant ce restaurant. Je restais planté là sachant que tout venait de voler en éclat et que mon cœur était en miette. Neakas était foutu depuis le début. Notre histoire était fichue à l’avance sans même que je n’ai eu mon mot à dire. Là, ce soir, la décision venait simplement de sortir. Je finissais par me lever de ce banc presque trop inconscient. Je me levais de ce banc pour rejoindre une ruelle. Je ne savais pas comment je faisais. Je ne savais pas comment je parvenais encore à marcher ou à respirer. Putain… Est-ce que j’étais seulement encore en vie ? Mon sang devenait noir d’horreur. Il n’était plus de ce rouge si vivant et si passionné qu’il avait été durant tous ces instants proches avec Lukas. Mon Dieu, qu’allait-il se passer à présent ? Et, isolé dans cette ruelle déserte, le cri déchirant m’échappait sans que je ne puisse rien faire pour le retenir. C’était plus fort que moi. C’était si soudain, mais il fallait que ça sorte. Ça devait quitter mon corps maintenant. Il fallait que ça glisse entre mes lèvres. J’en avais besoin. Tellement besoin comme si cela pouvait m’aider à tenir debout, comme si cela pouvait m’apporter une quelconque aide pour m’en sortir. Ouais… Ce n’était qu’une tentative pour surmonter le choc. Ce n’était qu’un essai pour tenter d’amortir ma chute. Une chute qui ne tardait pas à venir. Une chute qui était foutrement trop brutale. Le cri passait entre mes lèvres et je n’étais plus en mesure de me retenir comme si le démon de la destruction avait enfin la porte ouverte. J’envoyais valser mes béquilles sans réfléchir, sans même penser à l’après. Et, boitillant doucement m'appuyant à peine sur ma jambe blessée, je me dirigeais vers ce mur. Mon poing s’abattait sur ce mur de brique qui se trouvait à portée. Une fois. Deux fois. Trois fois. Et, ma jambe me faisait trop mal pour que je tienne plus longtemps alors je finissais par me laisser tomber au sol. Je me laissais tomber au sol autorisant les vrais sanglots à prendre le dessus sur mon être. Des sanglots à m’en déchirer le cœur. Des sanglots  à faire peur. La réalité s’imposait. L’horreur se révélait. C’était le pire cauchemar au monde. Allais-je me réveiller ? Ou tout cela n’était-il que pure réalité ? Un frisson parcourait mon corps. Qu’importait le sang sur mes doigts, mon être était déjà ensanglanté. Qu’importait toute cette douleur parce que mon cœur était transpercé lui. J’étais foutu. J’étais fichu. J’étais mort. Je n’avais plus Lukas. Je venais de perdre l’être qui m’avait permis d’aller mieux ces derniers temps. Je venais de perdre l’homme pour qui j’avais des sentiments si forts, l’homme avec qui j’aurais peut-être pu envisager un futur. Putain… Est-ce que je venais de signer un arrêt de mort ? Mon arrêt de mort ? Je n’en savais rien. Une seule chose était sûre à présent c’était que je venais de partir avec un ticket direct en direction des enfers et que ça n’allait pas être beau à voir. Ou… Ou peut-être que la vie n’était pas encore assez satisfaite de ce Neakas. La vie allait finir par replacer l’inconnue oubliée de notre équation pour tout envoyer valser à nouveau… Pour tout modifier une nouvelle fois. Et bordel, cette inconnue nous pousserait à plonger encore. Pour le meilleur ou pour le pire… C’était impossible à savoir. Seul le temps pourrait nous le confier.