(les titres sont provisoires pour certains)

Toute mon enfance était bercée par les départs répétés de mon père en mer. J'me rappelle des fois où il posait un genou à terre, devant cet immense navire, posant sa main sur mon épaule, un sourire en coin, avant de me dire : « N'oublie pas, Ashton. Semper Fi. » Il tenait vraiment à cet engagement pris dans sa jeunesse. Il était bien gradé, d'après mon grand-père. Bien gradé dans la Navy, mais jamais présent quand il le fallait. J'étais le gamin du milieu. Malmené par le grand frère, minimisé par la petite soeur. J'ai dû apprendre les codes de la masculinité en observant Owen. Puis c'est dur de se faire une place dans une société normale, quand on est l'intello de la maison, de la classe, de l'école entière. Alors j'lui en voulais, à mon père. De temps en temps, il nous appelait, nous envoyait des lettres, puis des emails. Plus les mois passaient, puis les années, moins je me sentais proche de lui.
Ma mère, c'est une femme bien. Elle est flic, à Fairfax. Malgré son boulot, elle a toujours trouvé du temps, pour nous trois. Même si elle passait plus de temps avec Liza, girl power oblige, elle était là. J'pouvais lui parler, même si elle ne comprenait pas toujours mes réactions quand on parlait de la marine. Owen voulait suivre les traces du paternel. « Tu veux abandonner ta famille huit mois par an, toi aussi ? » me contentais-je de lui dire, avec un regard de défi et de haine, un sourire au coin des lèvres. Semper Fidelis, un adage qui ne lui collait tellement pas à la peau. La fidélité, on a appris plus tard qu'il lui a pissé dessus. Oh, une demi-soeur, puis un demi-frère, avec deux femmes différentes. Sur la base de Fairfax. Et j'fréquentais ces deux gamins, on était dans le même lycée, et je ne savais rien. Semper Fils de pute, ouais.


Sous la chaleur écrasante du mois de juillet, torse nu devant la piscine, en maillot de bain. La douce caresse d'une brise sur le corps, la barbe naissante de l'adolescence qui prend bien place. Les émois d'un corps que j'contrôle pas trop bien quand j'le vois. Au début, j'me pense pas normal, j'bave devant un autre mec, au lieu de baver sur sa soeur, ou sa cousine. Mais bon, il a du charme, le con. Bien dessiné, un sourire à faire bander Elton sans viagra. Bref, il s'installe à côté de moi, me demande si j'veux une bière, on discute des heures durant. Puis il est là, à se mordre la lèvre, en me regardant, avant de s'approcher de moi. Okay, I feel so gay, right now.
On a vécu de belles choses, lui et moi. Ca a duré deux ans. Pour se voir, on devait attendre la nuit, on était comme deux étoiles. Mais comme toujours, les étoiles finissent par mourir, comme cette histoire.


C'était de ma faute. J'voulais voir autre chose, et j'avais des vues sur cette fille. J'me rendais compte que mes sentiments pour Yadriel s'estompaient, et que ceux pour Delilah grandissaient. J'passais vraiment beaucoup de temps avec elle, et j'mentais à Yadri, en lui disant que j'étais chez mon frère, ou que je passais du temps avec ma cousine. Sauf que j'en ai eu marre de mentir. J'pouvais pas plus le briser que ce que j'avais déjà fait. J'trouvais vraiment ça inhumain de ma part, et j'tenais à garder une part de bien, dans tout le mal que j'avais causé. « Ecoute, j'peux plus te mentir. C'était pas ma cousine, j'ai jamais été chez mon frère. Je t'ai menti, trop de fois. J'ai pas su tenir la promesse de ne pas te blesser, et j'suis désolé, Yad'. J'préfère qu'on arrête là, parce que notre ciel s'est déjà trop assombri. J'veux éviter l'orage. J'espère que tu sauras trouver la force de me pardonner. » S'en est suivi une longue tirade de sa part, m'insultant, en pleurs, alors que je fuyais son regard. Il s'est foutu à genoux, pleurant comme jamais je n'ai vu pleurer personne, et la seule chose que j'ai sue faire, c'est embrasser son front, avant de rentrer chez moi, sur un adieu non prononcé. J'avais le coeur lourd de mettre au feu deux années de ma vie, mais c'était la meilleure solution. Et j'ai refusé de revoir Delilah, par la même occasion.


Les années ont passées, les amours se sont laissés aller au gré des vents de mes envies. J'attendais avec hâte les réponses des différentes universités auxquelles j'avais postulé. Yale, Princeton, UCLA, et surtout Harvard. Toutes acceptées, mais mon choix était déjà fait. Quitter la Virginie pour le Massachusetts. J'fais des études en médecine légale et en criminologie, parce que j'ai pour objectif d'être médecin légiste au sein d'une organisation gouvernementale à l'avenir. Je sais, c'est pas le métier le plus joyeux que le monde a su mettre en place, mais j'suis persuadé d'une chose, c'est qu'on apprend bien plus d'un homme après sa mort, que lorsqu'il est en vie. J'bosse dans un bar pour subvenir à mes besoins, j'ai une bourse annuelle pour étudier ici, et je vis comme j'en ai envie.
Dans mes passions, il y a le tatouage, les sciences, les voyages et, aussi étonnant que cela puisse paraître, le ju-jitsu. C'est un sport que je pratique avec assiduité depuis quelques années, maintenant. J'ai un chat, qui s'appelle Cobaye. C'est un européen, que j'ai trouvé tout petit dans la rue. On est devenus les meilleurs potes de la croquette, tu connais. Il a deux ans, maintenant.