efrain & jonah

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Ces derniers temps, Jonah ne prêtait plus énormément d'intérêt aux cours et ses notes s'en ressentaient. Il préférait de loin profiter de sa vie, de ses amis, des soirées, de l'alcool et principalement, de la drogue. Ah, on peut pas toujours être parfait partout. Ce soir encore, il se rendait à l'une de ces fêtes organisées par un individu qu'il ne connaissait pas le moins du monde, si ce n'était son adresse à laquelle il devait se contenter de se rendre. Paraîtrait-il qu'il s'agissait d'un événement dans une maison de riche, alcool à volonté, de quoi manger, de quoi se faire plaisir, des regards langoureux, des sourires séducteurs. Jonah n'y allait pas pour s'éclater mais principalement parce que tout était gratuit et par dessus tout parce que l'un de ses potes d'un cours de danse l'avait presque imploré pour qu'il ne le laisse pas y aller seul. Résultat ? Ce dernier avait filé à l'étage au bras d'une jolie fille, le laissant seul au milieu de la foule. Quoi qu'il en soit, il n'avait pas besoin d'être accompagné pour s'amuser. Un shot, deux, puis trois, avant de songer à se mettre à la bière pour éviter d'être un peu plus malade que ce qu'il ne l'était déjà. La soirée se passait plutôt bien, en général, ce genre de fête n'était pas à la tête de mise en situation délicate alors, pas de quoi s'inquiéter concernant le fait qu'il ait des pochons d'héroïne plein les poches ; il ne finirait en aucun cas au commissariat ce soir. C'est tout à fait serein qu'il passait le plus clair de son temps dans le jardin, à boire sa bière entre deux cigarettes. Un joint plus tard, il regagnait l'intérieur qui avait sans aucun doute, perdu de son monde. Certains se tripotaient sur les canapés, d'autres étaient probablement à l'étage, le reste étaient dissipés dans les pièces vacantes de la maison. Quant à lui, il ouvrait une seconde bière quand quelqu'un proposait un jeu aux survivants qui n'étaient pas encore spécialement ivre et étaient assez lucide pour pouvoir se prêter au divertissement. Depuis quand on jouait à des jeux pour ados dans de ce genre de fête ? Pensait Jonah, légèrement perplexe. Il se joignait tout de même à la ronde, assit par terre entre deux têtes qu'il n'avait même pas prit la peine de regarder. « Qu'est-ce qu'on se fait chier », marmonnait-il pour lui-même en portant le goulot à ses lèvres, ses iris observaient les joueurs présents, jusqu'à ce qu'ils ne se posent sur sa personne. Moins deux et il recrachait tout par le nez. Il ne l'avait plus revu depuis.. Trop longtemps pour qu'il s'en souvienne convenablement. Difficile de détacher son regard de son visage après ce qu'il avait durement subit pour tenter de tourner la page. Il n'aurait jamais pu l'oublier, pas lui, pas comme ça. C'était ambitieux de vouloir faire une croix sur quelqu'un qui auparavant, était sans arrêt à nos côtés, à vivre avec nous les moments les plus incroyables qui puissent être. Il avait eu beaucoup de mal en effet, mais il était parvenu à reprendre quelque peu sa vie en main et voilà qu'il suffisait d'une soirée pour réduire en cendres, les efforts qu'il avait pu faire. Jonah était partagé entre l'idée de se faire remarquer pour lui montrer qu'il était là ou simplement se tirer vite fait avant justement, qu'il ne le voit. Perdu, il restait bêtement à le regarder, en quête d'une réponse divine qui lui dirait quoi faire.

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La fin de semaine arrive et les soirées se multiplient du côté des étudiants. Dix propositions différentes, autant d’options à considérer avec des points positifs inégalables et d’autres aspects nettement moins emballants. Des amis dispersés parmi toutes ces petites sauteries et un Efrain perdu, qui aimerait pouvoir se couper en deux, si ce n’est trois, pour pouvoir faire plaisir à tout le monde en apparaissant partout une petite heure. Puisqu’il m’est impossible de faire une telle chose, j’opte finalement pour une soirée au pif, celle qui se situe le plus près de chez moi. Pourquoi ? Parce qu’il me faudra rentrer à pied si je bois de l’alcool et que je me refuse à faire plus de cinq ou six kilomètres en plein milieu de la nuit, tout seul, avec un portable dont la batterie sera très probablement déchargée. Était-ce une sage décision ? Pas vraiment car pour l’heure, il n’y a pas grand-chose à sauver. L’ambiance n’est pas géniale, la musique beaucoup trop mainstream pour passionner les foules, les gens déjà beaucoup trop alcoolisés, drogués, excités pour apporter une participation honorable à cette nuit. Il y a bien quelques connaissances avec lesquelles j’ai pu me livrer à un brin de discussion, mais pas de quoi sauver les meubles pour autant. L’alcool ne me branche même pas, je n’ai pas le cœur à enchainer les consommations pour meubler ou pour subitement trouver un intérêt à une soirée qui, soyons honnêtes, n’en a pas du tout. Les drogues, très peu pour moi, je n’ai jamais tiré sur le moindre petit joint et je ne suis pas emballé à l’idée de sauter le pas. Boire de l’alcool relève déjà de l’excès pour moi, Efrain l’apprenti toubib, Efrain le sportif invertébré qui préfère s’autoriser un cheat day culinaire plutôt que de tout envoyer valser pour un peu de bibine ou un paquet de cigarettes. Je ne suis pas le mec le plus fun, si s’amuser correspond à se pinter la gueule, mais j’ai un humour qui compense largement et un regard sarcastique qui amuse toujours la galerie. Une meuf croise mon regard, passablement éméchée, elle trouve quand même son chemin jusqu’à moi et se met en tête de me trainer dans le salon où un cercle composé d’une dizaine de personnes est en train de se former. « Le jeu de la bouteille hein ? » Elle acquiesce, baragouine quelque chose et me ramène à un constat des plus basiques : rien de pire qu’une haleine qui empeste l’alcool. « Soyons fous ! » Je m’installe et analyse rapidement toutes les personnes formant le cercle jusqu’à… « Jo ? » Par réflexe, j’ai failli l’appeler nounou, j’sais pas pourquoi mais je l’appelais toujours ainsi lorsque nous étions ensemble. Le revoir ici, après quoi… Deux ans ? Un peu plus ? Le revoir, ça me fait tellement bizarre. Il a l’air… Il ne me semble pas avoir changé énormément… Tant mieux. Il était parfait tel qu’il était à l’époque. Je ne sais pas comment il accueillera ma présence, les choses ne se sont pas très bien terminées après tout et pour l’heure… La bouteille tourne et un garçon tombe sur lui. La simple idée qu’un mec puisse l’embrasser devant moi m’agace et fait ressurgir une jalousie que je pensais définitivement éteinte mais qui me fait incliner la tête pour ne surtout pas voir cela.

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C'était fascinant de voir à quel point on  pouvait se donner du mal pour éviter quelqu'un ; Jonah y était parvenu depuis tout ce temps, ça avait été presque trop facile. Il suffisait d'y mettre un peu du sien et c'est ce qu'il s'était démené à faire, non par plaisir mais pour éviter à son cœur le supplice de devoir en baver encore. Pourtant, après tant d'effort, une seule soirée était venu réduire à néant tout ce qu'il avait mit en œuvre pour ne plus jamais avoir à le revoir, pour ne plus jamais avoir à se souvenir combien il était difficile d'oublier quelqu'un, de se faire à l'idée que cette personne à laquelle on était autrefois bien trop attaché ne ferait définitivement plus partie de notre vie, qu'on ne la verrait jamais plus sourire, que de sa voix, de son rire, il n'en resterait que des échos. Jonah avait dû se faire à l'idée et aujourd'hui il oubliait toutes ses choses pour laisser son esprit vagabonder vers des souvenirs qu'il pensait avoir effacé. À vrai dire, lui s'était fait à l'idée que les sentiments finissaient irrémédiablement par l'abandon, il en avait eu trop souvent l'expérience et s'était forgé une vision de l'amour particulière, à son image et sa façon de la voir, de la façonner, rebuterait certainement un paquet de monde ; mais ils n'en savaient rien eux, de ce qu'un cœur prit au piège dans une cage de rasoir pouvait bien faire pour s'en sortir. C'était sa manière à lui de se dire qu'il avait remonté la pente, de s'en convaincre. Cependant, son regard rivé sur lui depuis qu'il l'avait repéré soulignait la difficulté particulière qu'il avait eu à tourner la page et le temps qu'il décide quoi faire, son vis à vis avait lui aussi remarqué sa présence. Si en apparence Jonah n'avait pas l'air d'avoir changé, il en était autrement de sa personnalité haute en couleur ; son sourire n'était que le fruit d'une manipulation calculatrice, amener les autres à céder, à leur faire ce dont il avait envie, son regard référait l'indifférence la plus totale et son coeur autrefois lourd de l'avoir perdu s'était lui-même protégé derrière un voile de roche, aussi dur que de l'acier à l'entrée inaccessible pour s'assurer paix et sérénité jusqu'à ce que mort s'en suive. Extirpé de sa torpeur par le son désagréable de la bouteille en verre contre le carrelage, il observait cette dernière tourner puis ralentir doucement – Non, non, non. Bien sûr, le karma ne semblait jamais vouloir se ranger de son côté et cette soirée finirait probablement sur la longue liste des fêtes ratées auxquelles il avait pu se rendre. « Bouge toi trésor », lâchait Jonah à l'égard de cet inconnu qui daignait l'approcher à quatre pattes, ricanant bêtement – sûrement sous l'effet de l'alcool. Il devinait à son haleine qu'il n'avait pas bu du sirop de fraise, mais il s'était fait à l'idée à l'instant où il avait prit place  dans le cercle. C'était alors qu'il donnait à ce garçon ce que tout le monde semblait attendre ; un baiser digne de ce nom – quitte à jouer, autant le faire bien. Il le laissait regagner sa place et tournait à son tour la bouteille, pas assez vivement puisqu'elle ne faisait qu'un seul et unique tour pour s'arrêter à moitié sur Efrain, malgré qu'elle déviait légèrement sur la droite, elle désignait bel et bien celui qu'il avait tant espéré oublier. Dans un élan désespéré, il tournait la tête vers sa voisine de gauche qui semblait bien trop ivre pour entraver un mot ce ce qu'il racontait ; « allez quoi, change de place avec moi », murmurait-il en priant tous les dieux possible pour éviter qu'il n'arrive ce qui devait arriver.

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Je ne m’attendais pas à le retrouver ici, à cette soirée. Le fait qu’il soit là, à faire la fête, ne me surprend pas plus que cela, parce qu’il a toujours adoré sortir, il a ça dans le sang. Non, c’est juste l’ironie de la situation, le fait que je me retrouve ici, face à lui, une bouteille en guise d’unique séparateur, entouré d’une dizaine d’inconnus qui inspire l’étonnement. Putain de Karma. Je l’affronte longuement du regard, à croire qu’un combat de coqs est sur le point de démarrer mais tout ceci s’envole aussi tôt parce que… Parce que je ne peux empêcher ce petit cœur profondément enfoui dans ma poitrine de me ramener à tous ces moments que nous avons partagé. Avec Jonah, ce fut une évidence que nous seuls n’étions pas décidés à reconnaitre. Nous passions pourtant toutes nos journées ensemble, semble-t-il sur la même longueur d’ondes, toujours le petit mot pour remonter le moral à l’autre, des plaisanteries du même acabit, à ne pas éprouver le besoin d’utiliser des mots pour que l’autre puisse tout comprendre. Notre histoire, elle s’est imposée très naturellement à nous, un énorme volcan en éruption, une relation enflammée, passionnelle avec tout ce qui va avec. Les premiers mois ont été uniques, ils m’ont marqué de bout en bout… Rarement je crois avoir été aussi heureux en couple, aussi à l’aise avec l’autre. C’est tout con, mais je me sentais à ma place et étrangement en sécurité contre lui, dans ses bras pourtant nettement moins imposants que les miens. Et puis les études, la difficulté de tenir une année en médecine en multipliant l’extra-scolaire, les sacrifices à effectuer, l’angoisse à l’approche des examens, une accumulation de facteurs qui ont creusé un immense fossé que je n’ai jamais su combler à son plus grand dam. Il a pourtant essayé de me raisonner, il a tout mis en œuvre pour que je me montre plus optimiste – ce que je suis en temps normal – mais il était déjà trop tard. Je lui ai rendu sa liberté, pas la chose la plus simple qu’il m’eut été donné de faire. Passé pour le grand méchant loup, je puis vous assurer que la souffrance aura largement été partagée, même si je n’ai jamais rien avoué de tout cela, pudeur oblige. J’ai bien vécu toutes ces années, j’ai compensé le manque par du sexe – beaucoup de sexe – et par des relations qui, je le savais, n’exigeraient pas que je m’investisse plus que de raison. Et pourtant… Il est là, il embrasse un mec goulument et je ne peux m’empêcher de brûler, de ronger un frein qu’il serait, et je le sais, bien mal avisé d’abandonner pour marquer son territoire. Il n’est plus mien, je n’ai pas mon mot à dire là-dessus même si tout ceci me dégoute et me donne envie d’exploser le nez de cet enculé qui ose l’embrasser devant mes yeux. La bouteille tourne, je n’y prête pas attention, incapable de le quitter des yeux. Il n’a pas vraiment changé, toujours le même, toujours aussi beau. C’est son comportement qui laisse imaginer qu’il a peut-être pas mal évolué et tout ceci m’inquiète pour être honnête… Il était tellement bien à l’époque, solide, la tête sur les épaules. Il tente de s’esquiver et je ne comprends pas pourquoi, ce n’est que lorsque mes yeux se posent sur la bouteille que les choses prennent sens. « Oh putain ! » Je relève la tête, gêné, le regarde longuement. « Désolé, ce n’est qu’un mauvais moment à passer ! » Pour lui, pas pour moi. Je m’approche, m’appuie sur mes genoux, lui attrape le visage d’une main conquérante et glisse lentement mes lèvres contre les siennes. Putain ce que ça m’avait manqué… Putain ce qu’il m’avait manqué.

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L'avoir perdu lui, c'était d'une part comme avoir perdu un meilleur ami, pas seulement des sentiments forts, ni même un amant incroyable ; c'était un tout et avoir coupé les ponts lui avait fait perdre gros, notamment le goût des autres. Il ne s'intéressait plus à personne, il ne faisait plus vraiment confiance, tout ce qu'il s'était contenté de faire ces dernières années ne s'étaient résumé qu'aux faux semblants et se remémorer avec regrets des souvenirs qu'il réanimait dans son esprit, seul, le soir. Ils avaient tous les deux leurs torts, mais inutile de préciser qu'il était plus facile pour Jonah de remettre l'entière faute sur les épaules d'Efrain, parce que c'est lui qui était parti, c'est lui qui n'avait plus besoin de sa personne. Alors, en effet, le voir là, si près de lui, ça avait été un choc tel qu'il avait eu du mal à respirer durant quelques secondes. Son esprit lui, était divisé en deux catégories dont celle qui répétait « ne disparais pas encore une fois » et la seconde qui hurlait, qui perdait raison et stabilité avec des « va te faire foutre » à la volée. Des mots qui malgré tout, restaient bloqué au fond de sa gorge. Il n'était pas du genre à s'apitoyer sur son sort, il vivait au jour le jour et si le pire devait arriver, alors tant pis, or là, il y avait de quoi se demander ce qu'il avait bien pu faire de terrible pour mériter un karma tel que celui-là. Un hasard monstre qui semblait déterminé à vouloir le foutre à terre, lui et son cœur en polystyrène qui ne tenait pas la route. « Un mauvais moment à passer », qu'il disait. Foutaises, Jonah se souvenait combien il avait pu apprécier l'embrasser, combien ses lèvres avait été un cadeau divin dont il avait été difficile de se passer. Ce qui avait été éteint tout ce temps, venait d'être réanimé d'une délicate étincelle à l'instant même ou sa bouche percutait délicatement la sienne. C'était douloureux, assez pour qu'il implore muettement qu'on l'achève là, maintenant, qu'on l'abatte, qu'importe la manière et les souffrances que ça impliquerait, ça ne serait jamais aussi dur à vivre que devoir se résoudre à l'embrasser en retour. Efrain était toujours aussi doué en la matière, il n'y avait rien à redire, c'est seulement les souvenirs que ça ramenait qui faisait mal, qui cognait fort et assenait des coups de poignards qu'il encaissait du mieux qu'il pouvait. Ce qui était étrange, malgré tout, c'était probablement ces sensations là, celles qui se mêlaient les unes aux autres pour lui faire apprécier ce moment, assez pour que ses doigts ne viennent saisir le t-shirt de son ancien partenaire pour éviter qu'il ne fasse ça trop vite, pour le retenir, pour ne pas qu'il s'en aille. Il regretterait sûrement son geste, mais les réflexes restaient les mêmes, même après plusieurs années. Les avis externes étaient partagés entre ceux qui trouvaient ça trop long et ceux qui appréciaient le spectacle, mais peu importe ce qu'ils en pensaient ; Efrain venait de le secouer d'un seul geste, d'un seul baiser et dieu sait combien ça lui avait manqué. Lorsqu'il devait se résoudre à rompre cet échange toujours aussi plaisants que ceux qu'ils avaient pu partager par le passé, un soupir marquant sa nostalgie émanait aussitôt de ses lèvres. Jonah abaissait la tête, le visage fermé, impassible, jouant distraitement avec les bagues qui ornaient ses doigts, vieille manie lorsqu'il était pensif. Plusieurs tours de bouteilles s'enchaînaient, plusieurs baisers étaient échanger entre les uns et les autres. Tout lui semblait désormais bien plus fade et l'envie de jouer n'y était plus, surtout lorsque l'objet de leur occupation principal désignait qu'une fille devait embrasser Efrain. Il n'avait vraiment pas envie de voir ça, il le supporterait pas ; alors, le plus simplement du monde, il se levait pour aller se servir un verre ; cette fois-ci il faudrait plus qu'une bière.

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La vie est parfois une sacrée putain. Tu fais des rencontres, certaines qui marquent ton quotidien plus que d’autres, tu ne cesse de te lier avec d’autres personnes qui entrent dans ton cœur pour mieux en ressortir à un moment ou un autre. Ton corps, lui, il ne parvient jamais à entièrement tourner la page, à ne pas se remémorer les bons moments et à se laisser surprendre par la vague de nostalgie qui te submerge ensuite. Des gens avec qui j’aurais aimé avoir plus de temps, faire les choses différemment, ne pas me poser les mauvaises questions et prendre des décisions plus réfléchies… Autant vous dire qu’il y en a des dizaines. J’ai perdu beaucoup trop d’amis en cours de route, beaucoup trop de personnes sur qui j’aurais pu me reposer à un moment ou un autre et dont l’absence s’est fait ressentir à divers moments clés de mon quotidien. Tu dois faire des sacrifices pour te hisser haut, bien plus haut, pour atteindre la hauteur que te permet d’envisager ton potentiel. Ces mots, ils ne cessent d’hanter mes nuits, encore plus lorsque je me retrouve seul, dans ce lit bien trop large pour ne pas y accueillir quelqu’un d’autre. La solitude, elle me frappe très régulièrement. Ce n’est pourtant pas faute de papillonner, de m’allonger à droite à gauche… Le sexe n’a juste pas le même goût, pas la même saveur… Il n’est que primaire, un orgasme mécanique qui, aussitôt passé, ne laisse aucune trace et disparait sans crier gare. Il m’a fallu sacrifier tellement pour réussir à me hisser aussi haut, major de ma promotion… Une belle jambe, un dossier bétonné qui devrait m’ouvrir des dizaines de portes, celles d’hôpitaux prestigieux, avec des internats dignes de ce nom et du personnel à la pointe de l’innovation. Un rêve qui se réalise, mais un rêve qui, je le sais, ne parviendra jamais à complètement me satisfaire. L’Homme est un être vraiment étrange. Il lui manque toujours quelque chose pour être heureux. Me retrouver face à Jonah après tant d’années, c’est comme recevoir un immense coup de poing dans le bide. C’est une page tournée, un chapitre suffisamment noirci et noyé sous des dizaines de nouvelles pages qui me revient soudainement en pleine gueule, la faute à l’immense bourrasque de vent qui l’accompagne. Je ne m’attendais pas à le voir ici, pas dans un cercle comme celui-ci… Pas comme ça. Son numéro, il n’a jamais quitté les nombreux smartphones qui ont défilé entre mes doigts depuis notre séparation. Toujours le même émoticône, le même surnom… Les mêmes souvenirs. Comble de l’ironie ? Devoir l’embrasser alors que tout nous sépare, alors qu’il doit nourrir une haine incommensurable à mon égard. Pourtant… Pourtant ce sont ses lèvres qui envoient une onde de choc à ce petit corps tout ramollis… Le con galope, la machine n’est soudainement plus grippée et mes poils s’hérissent, mis à mal par un frisson qui me traverse le corps tout entier. Il m’attrape par le col et, malgré toute la bonne volonté dont je pourrais faire preuve, je n’arrive pas à rouvrir les yeux. Tu m’as tellement manqué ! Il recule et la froideur de notre cercle m’assaille de nouveau. Je me mordille la lèvre, frustré… Putain d’études, putain de décisions irrationnelles… Putain de tout ! La bouteille tourne, elle tourne et mes pensées m’isolent de tout cela. Ce n’est que lorsqu’on me bouscule pour me signaler que j’ai été désigné que je retrouve mes esprits… Juste à temps pour le voir prendre la fuite. Ne pars pas, ne me laisse pas. Les pulsations s’accélèrent, je n’accorde pas la moindre attention à la jeune femme que je smack vulgairement avant de me relever à mon tour pour lui emboiter le pas. Il a pris de l’avance, le con, il est trop loin… Je ne peux pas renoncer, pas à nouveau. « Eh, attends ! » Il s’arrête, net, ne bouge plus. Il ne moufte pas et me laisse suffisamment de temps pour que je puisse détruire cette distance étouffante et de nouveau lui faire face. « Je… » Les mots ne veulent plus sortir, je me retrouve con, face à toutes mes erreurs. Qu’espérais-tu, Ef ? « Tu… Je… Tu deviens quoi ? » Sortez les pagaies, je m’apprête à ramer dur.

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Si tu savais combien ma vie n'a été que chaos et désordre depuis que ta paume a quitté la mienne, combien la décente aux enfers a été longue et rigoureuse, combien j'ai lutté pour rester fièrement debout sur mes deux pieds. J'ai lutté oui, contre bien des choses, notamment contre ce désir de te revoir, de te retrouver, de revivre nos souvenirs, j'ai lutté en vain puisque me voilà aujourd'hui, face à toi, après t'avoir laissé poser tes lèvres sur les miennes pour un jeu auquel je ne jouerais plus. Une bouche qui m'a un jour dit des mots qui m'ont arraché un bonheur que je croyais avoir enfin trouvé, une bouche qui, au-delà de sa douceur inestimable, m'a demandée d'arrêter d'appeler, une bouche qui m'a demandé de partir. Je lui ai obéis, je t'ai écouté, j'ai exécuté ce que tu voulais me voir faire ; je suis partis, alors pourquoi ce soir me rattrapes-tu, pourquoi ne m'as-tu pas rattrapé ce jour là, le jour où j'ai claqué la porte de chez toi en patientant un moment en bas des escaliers pour savoir si tu viendrais me chercher, si tu me courrais après. Non, tu n'es jamais venu, alors ne le fais pas aujourd'hui, ne me retiens pas, ne me regarde pas comme si tu étais désolé, parce que tu ne l'es pas vraiment. Tu t'es seulement rendu compte qu'il n'existera jamais quelqu'un d'autre capable de t'aimer plus que je l'ai fais. Je t'ai tout donné, tout ce qu'il restait de bon en moi, je l'ai placé entre tes paumes et ça n'était pas assez, je n'étais pas assez. Alors facilite nous les choses et écarte toi de mon chemin, laisse moi m'en aller, comme tu l'as fais la première fois, aurait-il voulu lui dire.

Cependant il restait muet, ne sachant pas s'il devait lui rire au nez ou lui en coller une. Un ricanement amer émanait de ses lèvres, percutant vivement son regard comme s'il cherchait à se prouver qu'il était capable de le soutenir - « Pourquoi tu fais ça ? », Jonah voulait savoir, il voulait savoir pourquoi ce soir, pourquoi maintenant et par dessus tout, pourquoi cette question qui lui paraissait terriblement superficielle après le vécu en commun qu'ils se traînaient tous les deux. « J'attendais pas de toi que tu me retiennes, j'ai bien compris que c'était pas ton truc alors t'en fais pas, tu peux aller rejoindre tes am.. », puis sans qu'il ne le voit venir, les autres se bousculaient les uns les autres, lui avec ; projeté en avant, il se prenait Efrain de plein fouet, lui arrachant une mêlée d'injures imagées. Ses iris observaient la foule de fêtard se disperser de tous les côtés, jusqu'à ce qu'il agrippe le bras d'une fille qui semblait vouloir s'en aller ; « qu'est-ce qu'il se passe ? », les flics sont entrés par le garage, dégagez vite de là, qu'elle balance en s'éloignant. La mine précédemment agacé de l'étudiant se décomposait lentement en se souvenant du contenu de ses poches - « merde, faut se tirer », déclarait Jonah, un peu perdu, « par là ! », soufflait-il en donnant un léger coup dans l'épaule de son vis à vis pour qu'il suive le mouvement ; aussitôt, il s'enfonçait dans l'obscurité du jardin pour venir s'agenouiller derrière un buisson, près du grillage qui les séparait de la rue et de leur potentielle liberté. Muet, il ne daignait pas s'exprimer, il patientait pour saisir le bon moment afin d'escalader ce fichu bout de ferraille ; encore une soirée dont il se souviendra longtemps. Une chose était certaine, une fois de l'autre côté, il savait qu'ils devraient courir, mais il était pas question qu'il court à ses côtés - leur chemin se séparerait de nouveau, et définitivement cette fois-ci.

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« Pourquoi tu fais ça ? » Pourquoi ? S’il savait à quel point j’aimerais trouver les éléments nécessaires pour répondre à cette interrogation des plus légitimes. Pourquoi la vie est-elle ainsi ? Pourquoi es-tu parfois obligé de faire des choix si radicaux, pourquoi… Je pourrais passer des heures et des heures à disserter sur le pourquoi du comment, à remettre la faute sur la vie, sur ce quotidien et le trop peu d’heures laissées vacantes dans une journée pour concilier tout ce qui doit l’être. Jonah, il est arrivé au mauvais moment. C’est comme ça, ce n’est ni de sa faute, ni de la mienne. Fautif, je le suis néanmoins en grande partie parce que je n’aurais peut-être pas dû écouter mon cœur lorsqu’il s’emballait de la sorte, pas dû lui laisser une chance, nous laisser une chance. Peut-être que si je m’étais montré plus pessimiste dès le début, nous n’en serions pas arrivés là. Oui… Sauf que pour rien au monde je n’effacerais tous les bons moments que nous avons partagés tous les deux. Ce serait renoncé à une source de bonheur à laquelle j’ai continué de me rattacher, sadique d’un bout à l’autre, tout au long de mon année scolaire lorsque les devoirs s’enchainaient et que mon niveau m’inquiétait. Jonah, présent ou non, était cette personne que je ne voulais surtout pas décevoir même s’il n’était plus là pour avoir son mot à dire. Vous n’avez pas idée du courage que cela m’a demandé, de rompre, de couper les ponts avec une telle brutalité alors que mon être tout entier me dictait le contraire. Combien de fois me suis-je retrouvé à lui écrire un message, souvent le plus anodin du monde, comme si de rien n’était… Ce n’est qu’au moment de presser la touche d’envoi que tout ceci me revenait en pleine face… Tout aurait pu être différent si j’avais pressé cette putain de touche, ne serait-ce qu’une fois… Je ne l’ai jamais fait. Je prends un second coup en pleine gueule lorsqu’il se remémore mon absence, le fait que je ne sois pas intervenu pour le retenir… Je reste silencieux, je me mords la lèvre fébrilement et encaisse. Bien-sûr que ça fait mal, un mal de chien, mais que pourrais-je bien lui dire de plus ? Mes actes parlent pour moi, je ne peux m’en dédouaner. « Tu as raison de m’en vouloir… Sache que je suis profondément désolé, je ne voulais pas te faire de mal… J’aurais aimé pouvoir agir différemment ! » Surement que j’aurais pu le faire, renoncer à une partie de mon planning titanesque de révisions pour lui accorder le temps qu’il méritait d’obtenir, être là, présent… Pas la tête dans les bouquins ou à anticiper sur les prochaines semaines de cours, sur les prochains partiels, les prochains essais… Il a fallu faire un choix cornélien, impliquant dans tous les cas un sacrifice… Je l’ai sacrifié. Raison, tort ? Je suis arrivé au plus haut de mon potentiel universitaire, major de promo trois années, nommé parmi les élèves les plus prometteurs. On me dit souvent que je ferais un excellent chirurgien… Est-ce suffisant pour autant ? Qu’il est triste d’en arriver à devoir s’amputer d’une jambe pour pouvoir grimper plus haut. « Je n’ai jamais cessé de t’… » Une meuf me rentre dedans de plein fouet, tout le monde s’emballe autour de nous sans que l’on comprenne pourquoi. Je me retourne, abasourdi, tandis que Jonah interpelle une autre fille pour lui demander des explications. Flics, je ne retiens que cela et ne met pas longtemps à réagir en conséquence. Plus aucune opposition, plus aucune rancœur, plus de distance… Plus rien si ce n’est deux personnes s’élançant pour échapper à une situation foireuse. Je ne le perds jamais de vue, toujours attentif. Ce buisson derrière lequel nous sommes planqués ne nous sauvera pas la mise bien longtemps. La grille est haute, pas insurmontable pour autant. Je sais qu’il me sera possible de l’escalader par la simple force de mes bras, avec suffisamment d’avance sur les flics je n’aurais aucun problème à le faire… Jonah en revanche… Il risque de mettre beaucoup plus de temps. « Viens par là ! » Je m’impose en lui faisant digne de me rejoindre près de la grille. Il ne comprend pas, pas immédiatement du moins. Ce n’est que lorsqu’il me voit m’agenouiller et lui tendre mes mains que je sens la lumière s’éclairer dans ses yeux. Je vais lui faire la perche, il s’en sortira… C’est tout ce qui m’importe. « Tu me fais confiance ? » Il le lui faudra s’il veut leur échapper…

efrain & jonah

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Il était désolé, qu'il disait. Un ricanement mauvais roulait sur sa langue, le regard profondément dur. Être désolé avait-il déjà aidé quelqu'un à se sentir mieux, est-ce que ça avait au moins déjà soulagé un cœur, raccordé les morceaux les uns aux autres ? Ça ne faisait qu'enfoncer le poignard dans la plaie béante qui ne parvenait pas à cicatriser, une plaie invisible à l'oeil nu mais pourtant bel et bien réelle. C'était difficile de plonger ses iris dans les siens, de se dire qu'ils avaient cessés d'être deux, d'être heureux en étant ensembles. L'amertume de leur passé commun venait lui tordre les entrailles, le brûler de l'intérieur jusque dans les tréfonds de la rétine.  Il ne pouvait le nier ; Efrain lui manquait, tous les jours que Dieu faisait, il n'y en avait pas un où il ne ressentait pas ce vide sidéral le ronger lentement. Jonah avait beau enterrer ce besoin, cette peine six pieds sous terre, elle persistait et perdurait, le laissant parfois rêveur de ce qui aurait pu se passer s'ils ne s'étaient pas quitté de cette façon. Malheureusement, son caractère décisif faisait de lui une tête de mule invétérée et il se refusait catégoriquement de pardonner à celui auquel un jour, il avait pu offrir corps et âme. Ne termine pas ta phrase, ne la termine pas, priait-il inlassablement pour ne pas l'entendre énoncer des mots qui l'aurait inévitablement pousser dans un gouffre dont la chute aurait été irrémédiable. Une porte de sortie s'était ouverte à lui, comme si quelqu'un l'avait entendu, alors il l'avait saisie pour s'éviter une douleur supplémentaire. Son corps ne semblait pas destiné à lui obéir ce soir, si bien qu'il le rejoignait près de la grille, les yeux rivés sur ce visage qu'il connaissait sur le bout des doigts. Tu me fais confiance ? Plus vraiment, non, mais avait-il sincèrement le choix ? Son casier judiciaire était déjà bien trop lourd et ses poches pleines d’héroïne ne l'aiderait pas à s'en sortir. C'est sa vie entière, ses études, son futur incertain qui reposait sur une simple question de confiance et il ignorait s'il était prêt à saisir l'opportunité. Malgré l'indécision, la confusion et les nombreuses questions, il n'avait plus de temps à perdre ; « j'ai pas trop le choix cette fois », soufflait-il pour se faire discret. Jonah acceptait l'aide d'Efrain sans réfléchir davantage, passant de l'autre côté du grillage sans grande difficulté. De nouveau accroupit, il l'observait un brève instant ; « dépêche toi crétin, t'as encore le temps de passer, fais vite », marmonnait l'étudiant, celui qui devait pourtant s'en aller seul ne daignait pas détaler, pas même face aux conséquences que tout ça pouvait représenter pour lui.

efrain & jonah

the night we met

J’aimerais sincèrement être l’une de ces personnes qui parviennent à trouver les bons mots en dépit des circonstances pour s’exprimer. J’aimerais avoir cette faculté à me projeter et à anticiper sur les erreurs qui pourraient me coûter énormément. Le problème, c’est que j’arrive tout juste à me projeter trois ou quatre jours en avant alors lorsqu’il est question de mois, d’années… Ce ne fut pas tous les jours facile, j’ai du sacrifier beaucoup pour ces premiers semestres de médecine, je me suis dépensé intellectuellement et j’ai bien failli finir sur le carreau à plus d’une reprise. Puis-je pour autant formuler le moindre regret vis-à-vis de tout cela ? Avoir opté pour une autre approche m’aurait probablement relégué aux bas-fonds du classement de la promo, je n’aurais pas pu démarrer un internat anticipé comme je l’ai fait sur trois mois… Ce sont des tas d’opportunités qui m’auraient été refusées et une partie de mes ambitions qui auraient été reléguées au rang de pur fantasme. S’empêcher d’avoir des regrets et considérer tout ce qui en a découlé ne permet néanmoins pas d’oublier… Surtout quand la personne se tient là, juste devant toi, et qu’elle te rappelle ô combien vous étiez fusionnels à l’époque. Je l’avais dans la peau, ça aurait dû suffire à nous sauver et pourtant… Je m’excuse, que pourrais-je bien faire d’autre ? Les mots n’ont aucun sens, aucun poids comparé à ce que je ressens, à tout ce que j’aimerais pouvoir lui dire pour qu’il me pardonne. Plus que tout au monde j’aimerais revoir ses lèvres s’étirer en ce sourire en coin qui est si craquant… L’entendre rire à mes blagues pourries, pouvoir me réfugier au creux de son cou et trouver le réconfort en m’inhibant de son parfum reconnaissable parmi tant d’autres. Mais qui suis-je pour demander de telles choses ? Personne, et je l’ai bien compris. L’heure n’est plus aux longues conversations de toute manière, les flics débarquent et la fuite s’impose naturellement à l’intégralité des convives présents à cette soirée. Un immense portail nous barre la route et je ne sais que trop bien ce qu’il adviendra de Jonah s’il se fait contrôler. Confiance, aura-t-il encore suffisamment confiance en moi pour oser se reposer sur moi ? Je suis rassuré de constater que oui lorsqu’il ne tarde pas à bondir sur mes mains pour se propulser par-dessus le portail. Parfait. « Qu’est-ce que t’attends ? COURS. » Je les entends non loin de nous qui arrivent mais non, il reste, là, à m’attendre. Une grande inspiration, une bonne sécurisation de mes mouvements en prenant appui sur le sol et je bondis sur ce portail. C’est dans des moments comme ceux-là que je trouve un sens aux nombreuses heures hebdomadaires passées à la salle de sport, lorsque je puise sur mes biceps pour pouvoir me hisser en hauteur et contourner un tel obstacle. Je saute de l’autre côté du portail et attrape Jonah par le bras pour l’emmener avec moi, pas le temps de niaiser. « Si on arrive jusqu’au parc on sera hors d’atteinte ! »