J’sais pas pourquoi j’suis encore surprise alors que je suis en route vers la plage. Surprise d’être tombé sur toi sur Tinder. Surprise qu’on ait eu un match. Surprise que tu sembles véritablement ne pas savoir à quoi sert l’application. Surprise que tu ne veuilles pas baiser. Surprise que tu veuilles me revoir. Et surtout, surprise que t’ai tenu une conversation aussi longtemps. M’enfin bref, j’sais absolument pas à quoi m’attendre de cette rencontre. Tout ce que je sais, c’est que tu auras enfin la preuve que j’suis pas qu’une barbie, c’est pas ma première aventure en forêt. Comme convenu, je te rejoins sur la plage vêtue d’un pantalon kaki avec plusieurs poches –l’une desquelles contient un flasque d’alcool fort- et d’un haut style brassière sport avec une fermeture éclair sur le devant. Bras croisés sur ma poitrine, je suis surprise d’être la première ici alors je regarde tout autour avant d’apercevoir ta silhouette.

Ton éternel capuche sur la tête malgré la chaleur ou le temps, je serre la mâchoire en te voyant jeter ton mégot, mais ne dit rien. « T’es ponctuel toi. » Je penche légèrement la tête sur le côté. « Rien pour toi, n’en prend pas l’habitude. » J’suis rarement à l’heure ou alors je suis carrément d’avance, mais je préfère encore arriver plus tard. Comme ça, tout le monde peut remarquer mon entrée. « On y va. » J’hoche la tête un coup et te laisse passer devant moi. Je n’sais pas exactement dans quoi je m’embarque, mais comme j’avais envie de te revoir, je ne rechigne pas. « J’allais oublier. Tu veux baiser? » Je me bute contre ton dos et sursaute, reculant d’un pas en te regardant perplexe, sourcil haussé. « C’est supposé être une blague? Putain, faut que tu revois tes expressions mon gars, quand tu dis une blague, faut que ça se sente que s’en est une. » Ma langue claque contre mon palais et je fais un pas vers toi, posant mon doigt sur ton torse. « J’sais que t’en meurs d’envie, mais non. Ça se mérite ce genre de chose. » Un courant électrique passe entre ton corps et le miens, m’arrachant un frisson avant que je ne reprenne le chemin, passant devant toi cette fois.

C’était quoi ça exactement? J’ai l’impression que mes doigts sont encore électrifiés par ce contact aussi minime soit-il entre nos deux corps. C’est ridicule. Je frissonne malgré tout en marchant devant toi, la tête aussi droite que possible. « T’inquiète, j’ai pas l’intention d’te mériter. » Tu rigoles, mais je n’ai étrangement pas le cœur à rire. Pourquoi j’suis déçu? « Parfait. » Que je rétorque malgré tout du tact au tact. Il faut bien que je me protège d’une certaine manière, non? La vérité, c’est que je ne suis pas habitué au rejet et ça pince un peu à chaque fois. « À droite. » Perdu dans ma tête, je ne comprends pas tout de suite ton indication et tu m’attrapes par le bras pour me guider dans la bonne direction. Je te regarde en silence, mon regard alternant entre ton visage et cet endroit où notre peau se touche à nouveau, plus clairement cette fois. Lorsque tu me lâches, je continus de te suivre jusqu’à cet endroit où tu voulais m’amener, un endroit où tu es visiblement déjà venu. « Y’a un hamac juste là. » « Comment t'as trouvé cet endroit? » J’avance jusqu’au dit hamac et m’y assois non pas sur la longueur comme plusieurs en font l’erreur, mais de la bonne manière, soit en travers. « J’ai oublié c'qu'on fou ici en fait » Je fouille dans la poche de mon pantalon et en sort le flasque que j’ai apporté. « On prend un verre.. Bienvenue à ta première Tindate Moses. » Je ris un peu et ouvre le flasque pour en prendre une gorgée avant de te le tendre.

« En voulant m’isoler du reste de la population. » J’hoche la tête, c’est une bonne réponse et assez simple. Moi, en voulant m’isoler, c’est sur toi que j’suis tombé. À croire qu’on devait vraiment se trouver tous les deux même si on se connaissait déjà, j’ai l’impression d’en savoir largement plus sur toi maintenant que jamais auparavant. Tu me demandes ce qu’on fait ici et je te réponds que nous sommes là pour ta première Tindate, t’offrant ensuite de l’alcool (vodka plus précisément) dans ce flasque que j’ai apporté avec moi. « Tindate? C’est un rancart? » Je ris un peu –surtout en voyant ta grimace. « Du moment que ça ne se termine pas au lit. » Je roule les yeux et émet un son de désapprobation. « Non, t’en fais pas, j’compte pas te violer. Et c’est un rancart si tu veux que ce soit un rancart. » J’tiens pas particulièrement à mettre d’étiquette sur cette soirée, ni sur quoi que ce soit d’ailleurs… Surtout pas moi. Je reprends le flasque duquel je bois à nouveau avant de le refermer et de le laisser sur mon ventre. « Donc Tinder c’est ton truc. Dit-moi qu’est-ce que tu recherches exactement là-dessus ? » Je laisse mon regard trainer sur toi un moment pour réfléchir à ma réponse –et aussi profiter de la vue. Ce que je fais sur Tinder mh? C’est tout simple en vrai… « C’est rapide et efficace pour se trouver un plan cul. Puis, comme plusieurs sont trop coincés pour sauter le pas en personne, l’application brise la glace pour eux. Homme, femme, on trouve en un claquement de doigt et on peut ensuite disparaitre sans jamais revoir la personne. » Ouais, le plaisir de l’éphémère sans toutefois l’excitation du spontané. M’enfin, quand c’est de ça dont j’ai envie, j’vais au bar et voilà. « Tu ne connaissais réellement pas le principe…? » J’ai du mal à y croire. Tout le monde connait Tinder…

D’un simple hochement de tête, tu m’indiques que ce n’est pas un rancart et, franchement, j’m’en fou complètement. Je l’ai dit, je ne tiens pas à mettre d’étiquette sur quoi que ce soit, surtout pas te concernant. Alors le sujet dérive sur Tinder en soit et je t’explique pourquoi j’aime cette application. La réponse est facile, vraiment, mais ne semble pas te plaire. Ou du moins, c’est ce que la grimace sur ton visage m’indique alors je ris un peu pour moi-même et demande, perplexe, si tu n’avais donc réellement jamais entendu parler de l’appli. « Non, mon téléphone reste dans ma chambre le trois-quarts du temps. Ça ne m’a jamais attiré ce genre de chose. » J’hausse un sourcil et me demande si t’es pas une de ces personnes mythiques qui n’adhère à aucun réseau sociaux parce qu’il croit encore en ces contacts humains. Ça ferait du sens. « Et j’ai pas envie d’me mettre en couple. » J’ouvre à nouveau le flasque et le lève dans les airs. « Eh bien, j’vais trinquer à ça! » Parce qu’il est hors de question que je me mette en couple aussi. J’ai donné une fois, et c’était une fois de trop. Je bois une, puis deux, puis trois gorgées avant de la refermer, fermant par le fait même les yeux pour profiter pleinement de la brûlure dans ma gorge. « Ouf.. » que je lâche à voix haute avant de passer la langue sur mes lèvres. « Pourquoi tu restes là-bas? Vient t’assoir ici. » Je me pousse légèrement dans le hamac pour t’y faire de la place.