Lorsque tu prends consciente de mon regard posé sur toi, je ne le détourne pas pour autant, assumant pleinement d’être en pleine fixation et esquisse même un sourire lorsque tu regardes par-dessus ton épaule comme pour voir si l’objet de cette observation ne serait pas derrière. J’ai envie de dire que t’es bête, que c’est toi que je regarde, mais je ne le fais pas. « Joli visuel hein. » J’hoche la tête. « Ouais, c’est joli. » Et c’est peu dire. « Qu’est-ce qui te plaît le plus, le mélange des couleurs, ou l’obscurité qui s’installe? » Tu bouges un peu, t’installe plus confortablement et me fais désormais complètement face. Je continus de te regarder droit dans les yeux et réponds sans même avoir à y penser. « Ce moment parfaitement ambigu où on ne saurait dire s’il fait jour ou nuit. Entre chien et loup… j’crois que l’expression est très appropriée. » Réponse surprenante? Plus intelligente que ce que je laisse normalement voir de ma personnalité? Allez savoir, mais j’avais envie d’être honnête avec toi. Certain croirons que je ne suis qu’une blonde écervelée qui ne pense qu’à faire la fête et c’est partiellement vrai, sauf que vous comprendrez que je n’suis pas arrivé à Harvard simplement parce que mon père le voulait bien. « Et toi..? » Je rêve là ou on tient réellement une conversation?

« Bien dit. » Allez savoir pourquoi, une part de moi est contente et satisfaite de savoir que tu approuves avec ma réponse. Moi qui normalement me fiche complètement de l’opinion des autres, c’est plutôt comme si j’avais besoin de ton approbation. Peut-être parce que t’es un bon critique et que toutes ces histoires d’art et de beauté ça te concerne bien plus que moi. Malgré tout, je te retourne la question parce que je veux connaitre ton avis sur le sujet et aussi parce que j’arrive pas à croire que j’suis arrivé à te faire parler. Maintenant, je n’en redemande que plus, plus et plus encore. « J’aime voir les ténèbres envahir la lumière. On voit la vraie beauté des choses lorsqu’elles sont prisonnières de l’obscurité. Tout devient vulnérable et à fleur de peau. » J’ai l’impression que tu t’adresses directement à mon âme et ça me fait frissonner. Pourquoi j’ai l’impression que tu lis en moi alors que jusque-là, personne ne soupçonne quoi que se soit –pas même mes amis les plus proches? Ou alors peut-être parles-tu simplement de toi-même? Tu fermes les yeux et je continus de te regarder, beauté calme et à l’état brut. Tu es comme un loup solitaire avec qui j’ai la chance d’être assit, moi la lionne au top de la chaine alimentaire dans mon propre rayon du royaume animal. La reine des félins et toi le roi des canidés. « Tu comptes rentrer bientôt? » J’hausse les épaules et m’allonge sur le sable. « Non, j’suis bien là. » Avec toi, même si je ne le dis pas à voix haute ça.

Je laisse la légère brise souffler sur mon visage et l’odeur de ton parfum se mêler à cette dernière, me berçant dans le confort du sable encore chaud de la journée et au son des vagues qui s’échouent non loin. Pour la première fois depuis des semaines, je suis calme et sereine. Je n’ai ni envie de me saouler jusqu’à oublier, ni envie de me droguer pour partir loin d’ici. Je n’ai pas envie de crier jusqu’à ce que mes poumons lâchent ni de courir jusqu’à ce que mes jambes ne suivent plus. Alors inconsciemment, mon corps se tends vers le tient. Ce confort et ce calme, je ne me souvenais plus ce que c’était. « Ne me laisse pas. » J’ouvre les yeux d’un coup sec et fixe le ciel désormais aussi foncé que l’océan en pleine nuit. À cette heure, on ne peut plus faire la distinction entre la fin d’un et le début de l’autre. Doucement, je tourne la tête vers toi et lorsque tes doigts se glissent entre les miens, je reste tétanisé. Entre ta froideur apparente et ce geste particulièrement tendre, il y a une infinie de monde et encore plus de possibilité et d’explication dont je ne détiens pas le secret. « Moses.. » Ma voix est à peine audible. Est-ce que tu dors? Je ne veux pas te réveiller si c’est le cas. Parce que si j’suis complètement honnête, j’suis bien là. Et la chaleur que me procure ta main m’apaise plus que je ne veux l’admettre. Alors je serre mes doigts en retour et fixe simplement ton visage dont les traits ont complètement changés depuis tout à l’heure. T’as certainement perdu dix ans sans ces rides d’inquiétudes qui sont en permanence sur ton visage. Si c’est possible, t’es même encore plus beau comme ça.

« Shtt. Laisse-moi où je suis… » Alors tu ne dors pas. Ou bien tu es quelque part entre ici et les bras de Morphée. C’est difficile à dire et il me devient rapidement impossible de penser correctement alors que ton corps se rapproche du miens et que tu viens enfouir ton visage dans mon cou. J’avale difficilement et tente de rester calme alors que je n’ai qu’une envie; me lever et partir en courant. Pour une raison que j’ignore, ce rapprochement me fait peur. Je le crains au plus haut point, mais n’arrive pas à bouger un seul muscle. « Vient me rejoindre… » J’inspire, mais n’expire pas. Retenant mon souffle le plus longtemps possible comme pour m’assurer que je suis bel et bien là et que ce n’est pas un rêve. Lorsque je dois respirer à nouveau, ta main retombe au sol après que tes doigts aient brûlés ma joue et mes lèvres. Ne fais pas ça Moses… je t’en prie, ne me fais pas ça. « Je devrais y aller.. » réussi-je à articuler, la voix rauque et lointaine, comme si ce n’était pas la mienne. Pourtant, je ne bouge toujours pas, impossible de toute manière avec ton corps contre le miens comme ça. Je tourne la tête et mes lèvres sont au niveau de ton front. Je les entrouvre et commence à dire quelque chose, mais ma voix meurt dans ma gorge alors je la referme en regardant tes lèvres.

Ta main quitte à nouveau le sol et remonte sur mon ventre avant de s’échouer sur ma chute de rein, forçant mon corps à rouler vers toi. Je me retrouve face à toi, fixant ton visage toujours aussi serein malgré tes paroles bien claires : « Tu ne vas nul part… » Je frissonne et pense rapidement à une solution pour me sortir de cette situation. J’veux pas rester là, j’peux pas rester là. Parce que j’peux pas risquer d’être bien, d’être confortable et d’en redemander par la suite. « Hey… ça va? » Est-ce que j’ai pensé à voix haute? Je baisse les yeux sur toi à nouveau, peu consciente de les avoir laissé vagabondé ailleurs alors que tu rouvres les yeux et te redresse lentement. Je n’arrive toujours pas à parler et ne sais de toute manière pas ce que je pourrais bien dire. Désolé, j’peux pas rester, j’sais pas comment agir dans ce genre de situation, ok ciao. Non, c’pas trop ça. « Qu’est-ce que tu as? » Ta main quitte mon corps et un froid intense s’installe où il y a désormais un vide, un manque de toi. « J’dois m’être assoupi, pardon. » Je secoue négativement la tête et essaie de mettre de l’ordre dans mes idées. Cet air serein a quitté tes traits et je crains soudainement de ne jamais l’y revoir. « Ça va… j’ai seulement entendu un bruit étrange et comme j’pouvais pas bouger… » J’essaie d’expliquer ma respiration saccadée, mais je doute que j’arrive à te duper avec mes explications bidons. Alors je m’arrête en plein milieu et soupir doucement, laissant à mon corps la chance de se détendre et ma respiration de redevenir normale. Je m’assois et remonte les genoux contre ma poitrine avant de passer un bras autour et de jouer dans le sable de l’autre. Le vent souffle mes cheveux dans tous les sens et je ne fais rien pour l’en empêcher. Sorry I’m such a mess…