J’aurais cru que ce Summer camp serait l’endroit idéal pour moi. Faire la fête jour après jour, me retrouver avec mes potes et enfin avoir la paix de cette année de merde, des cours et tout ce qui va avec. Sauf que c’est pas exactement comme je l’avais prévu. L’alcool a un goût amer sur ma langue, la musique me brise les tympans, mes amis sont tous occupés ailleurs… même le soleil m’énerve et c’est probablement pour ça que j’en profite pour sortir une fois la nuit sur le point de tomber. Le coucher de soleil, ça je peux faire avec. La fête bat son plein quelque part sur la plage, mais je m’en éloigne au possible. J’ai les blues, j’en suis consciente. J’me sens plus vide que jamais et je me retrouve là, chaussures en mains, pieds dans l’eau, à chanter sans même m’en rendre compte. Je ne chante aucune chanson en particulier, juste ce qui me vient à l’esprit. Je chante ma mélancolie et ma solitude, tantôt les yeux fermés, tantôt ouvert, donnant un petit coup dans un caillou sur le sable et ne réalisant pas que tu es à quelques pas à peine, crayon et calepin à la main.

Je ne porte aucune attention au monde extérieur, trop perdu dans ma tête pour même réaliser que tu es là à me regarder approcher. Discrètement, tu enfiles ta capuche et ce n’est que lorsque tu lâches un « Pas mal… » Que je m’arrête d’un coup, regardant autour pour trouver la source de cette remarque, l’auteur de cette voix que j’ai l’impression de reconnaitre sans réellement savoir d’où exactement. Le fait est, tu parles si peu Moses que je n’ai entendu ton timbre à l’accent aussi prononcé qu’une poignée de fois. Malgré tout, j’ai l’impression étrange d’être attiré par cette voix et lorsque je vois enfin ton visage dans l’ombre j’entre-ouvre les lèvres et esquisse un sourire. « T’étais pas supposé entendre ça.. » Je m’approche et m’arrête à une distance raisonnable devant toi.

Tu es l’incarnation même de la nonchalance, allongé là sur tes avant-bras, ton regard ne croise même pas le miens, mais je ne m’en formalise pas. Toutes nos autres rencontrent ont ressemblées à celle-ci à la différence près que je n’étais pas là pour te voir, enfin, pas au début. Là, j’irais pas jusqu’à dire que je suis venu dans l’unique but de te voir, mais plutôt que le hasard fait bien les choses. « J’ai déjà oublié t’inquiète. » J’esquisse une petite moue et change mon poids de jambe. « Tu chasses les pokémons ou c’est ton application Tinder qui fait défaut en t’envoyant dans le recoin le plus isolé? » J’hausse un sourcil et ris doucement. « Ni un ni l’autre. » Je me penche et attrape la cigarette que tu viens de t’allumer pour la placer entre mes lèvres et tirer un bon coup dessus. Je relâche la fumée en regardant le coucher de soleil à ma droite (et donc à ta gauche) et reporte ensuite mon attention sur toi, décidant de conserver la clope. « Qu’est-ce que tu dessines? » Je m’approche lentement en pointant ton calepin de cette main qui tient le bâton de nicotine.

Je ne me rends pas vraiment compte de l’état dans lequel je te mets rien qu’en prenant ta cigarette. Pour être franche, j’ai l’habitude de prendre ce que je veux et le faire miens. C’est comme ça quand on est élevé comme une reine et qu’on continus d’en être une en vieillissant. L’indomptable Serah qui prend ses airs partout où elle va et au diable ce que les gens pensent et ressentent du moment qu’elle est heureuse… Enfin, heureuse, c’est un grand mot. Je m’intéresse à ton dessin et l’intérêt n’est pas feint contrairement à ce sourire que j’arbore depuis plusieurs jours déjà. « Le paysage » Jeez, merci pour les détails, j’ai failli avoir un aperçu de ton monde Moses. Je claque la langue contre mon palais en lâchant un petit rire sarcastique. « Ok.. » Je tire à nouveau sur la cigarette et lâche mes sandales dans le sable avant de finalement m’assoir à côté de toi. « Tu fais quoi, toute seule ? » Je penche légèrement la tête sur le côté en te regardant ranger ton matériel et te tends ensuite la clope que je t’ai volé. « J’suis pas toute seule, t’es là, non? » Un sourire mesquin étire mes lippes et creuse la fossette dans ma joue.

Je te tends ta cigarette et tu me fixes un moment comme si je t’avais proposé de boire dans le même verre que moi. « C’est bon garde-le. » Tu hausses les épaules et je fais de même, tirant à nouveau sur la cigarette que j’avais secrètement décidé d’arrêter. Mh, une autre fois peut-être. « Tu t’amuses au moins? » Je reviens à la réalité et tourne la tête vers toi un moment alors que t’es désormais allongé sur le sable. « Mh.. » Non, pas vraiment. En fait, pas du tout. Mais j’peux pas et j’veux pas te dire ça. Parce que je ne l’ai pas encore dit à voix haute et que si je continus de ne rien dire, peut-être que ça changera. « Le ciel est juste parfait … » Je lève la tête et fixe un moment les teintes de bleus au-dessus de nos têtes alors qu’à notre gauche il y a encore un dégradé de rose et d’orangé. « C’est pas le genre de vue qu’on a à Boston. » « Non, mais en Californie, oui. » Chez moi autrement dit. Là où j’suis venu au monde et j’ai grandis. Là où je croyais passer ma vie et au final… J’éteins la clope terminée et l’écrase tout juste à côté de moi dans l’intention de ramasser le mégot avant de partir –j’en ai peut-être pas l’air, mais je déteste qu’on pollue inutilement surtout sur la plage. Puis, je tourne légèrement la tête pour pouvoir te regarder, partant de tes pieds jusqu’à ton visage légèrement en angle vers le miens. T’es sacrément beau et on dirait que t’en a aucune idée. Ou alors t’en est trop conscient et t’en joues, j’arrive pas à l’savoir. Mes dents se plantent inconsciemment dans ma lèvre inférieure et je reste là à te regarder en silence. Pour la première fois de ma vie, j’ai pas envie de parler.