Expliquant à Jax que, si j'apprécie énormément chacun des cadeaux qui peut m'être fait, il n'en reste pas moins, qu'au fil des années, certains perdent peut-être de leur significations. Je n'en conserve pas moins les souvenirs associés à la personne qui m'a un jour porté de l'affection, mais c'est surtout dans ma tête. Ou dans des piles de photos. Je devrais peut-être lui montrer un jour, en fait. Et lui expliquer pourquoi j'ai commencé à empiler les photos. Il est probablement la personne qui comprendra le mieux vu ses études. Et probablement celle qui me jugera le moins dans ceux de ce milieu justement.

Pour l'instant, il semble au moins comprendre ce que je veux dire pour les souvenirs, même s'il insiste pour que je conserve le briquet. Souriant doucement, je profite une fois de plus de sa caresse et de son baiser, avant de glisser le zippo dans la poche de ma veste. En rentrant, tantôt, il ira probablement se trouver une place dans mon sac de voyage et ne ressortira de là que lorsque je serai de retour à la maison. D'ici la fin du voyage, je ne le prendrai plus. Je ne m'en débarrasserai pas, mais ne m'en servirai pas plus.

Captant à nouveau ses lèvres avec tendresse, je profite de sa proximité, même et surtout puisqu'on est au milieu d'un espace vert, pas nécessairement bondé, mais tout de même passant. Il n'aurait pas fait ça il y a quelques mois à peine. À cette pensée, mon sourire s'agrandit alors que je libère, posant un autre baiser, tout en légèreté à la commissure de ses lèvres.

Par un réflexe qu'il m'a appris à avoir, mon regard se porte sur les alentours pour voir où peut bien être rendu la boule de poils. Celui-ci semblant avoir eu la même idée revient vers justement vers nous, attirant le regard de quelques personnes, même si ça ne l'affecte pas le moins du monde. Lorsqu'il arrive à proximité, je le flatte presque distraitement, puisqu'une voix interrogatrice demande en français s'il s'agit de notre chien. À qui est-ce qu'il devrait être autrement? La réplique sarcastique qui me pop en tête y reste et je tourne la tête pour adresser un sourire au couple qui ont les yeux fixés sur Daeron, semblant émerveillé. Poliement et souriant, j'indique que Jax est le maître de la peluche et alors qu'ils posent quelques questions à savoir la race, le caractère et autres traits, je suis bien obligé de tout traduire à mon petit ami pour avoir les réponses. Honnêtement, j'ai même aucune idée de quel race de chien ça peut être. J'y connais rien. Le peu que je sais, c'est Jax et Daeron qui me l'ont appris. Mais ça reste qu'il m'aurait dit au départ que sa peluche était un croisement de lion et d'ours, j'aurais peut-être pu le croire! Les renseignements transmis, le couple repart et on reste les trois ensemble. Recentrant mon attention sur mon petit ami, je penche légèrement la tête pour l'observer en souriant doucement.

- Vous attirez le regard, lui fis-je remarquer avec un petit rire.

Me redressant un peu, je m'approche de lui pour pouvoir m'appuyer contre lui, mes doigts allant se perdre dans la fourrure rousse, même si c'est le beau tatoué qui a mon attention.

- Le mien aussi, ajoutais-je avec doux sourire.

Indéniablement, je passerai ce weekend avec un duo qui attirent les regards et si j'ai peut-être agis un peu n'importe comment plus tôt, ça n'en reste pas moins que je sais depuis longtemps que je sais que c'est le cas. Après tout, il avait bien attiré mon regard la première fois que je l'ai croisé! C'était que pour une nuit, pour se défouler et passer du bon temps, mais ça n'en reste pas moins que c'était le cas. Maintenant, il l'attire encore, mais c'est tout autrement. Qu'on ne se méprenne pas : je le désire encore et il a un don particulier pour que je veuille de son corps tout contre le mien. Mais je sais aussi que je peux me permettre que ce ne soit que pour une preuve de tendresse.

Sa réplique et son clin d'oeil me font pouffer de rire. Je le pousse gentiment du coude. Doucement, sans lui foutre un coup dans les côtes. Juste assez pour répondre à son sourire espiègle.

- Parlant de lit, tu y seras peut-être mieux si tu veux te reposer un peu avant d'aller souper au resto, non? Proposais-je doucement.

Au final, ce sera possiblement mieux que de faire la sieste au milieu du parc. Ce sera plus calme et je ne l'empêcherai pas de prendre mes jambes comme oreiller encore une fois. Si j'ai des problèmes avec Morphée depuis des années, avoir mon petit ami qui dort contre moi, ne me dérange en aucun cas. J'arrive souvent à griffonner ou m'occuper sur mon téléphone pendant qu'il dort. Avec Jax, j'ai aussi développer l'habitude de lui jouer dans les cheveux si son sommeil devient moindre plus agité. Ça semble le calmer régulièrement. Et de mon côté, sa respiration posée, le poids de sa présence, sa chaleur et son odeur, m'apaise aussi si on peut dire. Je ne crois pas que je pourrais sombrer dans mes idées noires s'il est endormi contre moi.

Me relevant pour rentrer à l'hôtel, je lui tends la main en souriant pour l'aider. De rapides mouvement pour me débarrasser des brins d'herbes qui peuvent coller à mon jeans et nous voici parti, Daeron à nouveau en laisse marchant au rythme des pas de Jax. Remontant la rue, les doigts croisées aux siens, je remarque que la foule commence à se faire un peu plus dense, probablement pour essayer de profiter du beau temps ou de quelques événements organisés à l'occasion du Grand Prix, même si les qualifications ne sont que demain et la course dimanche.

Un cri, une exclamation francophone, me fait tourner brièvement la tête pour voir quelques ados qui passent en vélo, l'un deux - probablement celui qui a crié - nous fixant encore alors qu'il continue d'avancer, debout sur les pédales. Il s'attend peut-être à ce qu'on beugle à sa suite pour lui donner une raison d'agrandir ce sourire crâneur sur ses lèvres. Pourtant, je ne fais que rouler les yeux, secouant vaguement la tête pour montrer mon découragement. Sérieux mec, t'es pas le premier à me dire ça et si tu crois que ça vaut moindrement mon énergie, tu te mets le doigt dans l'oeil jusqu'au trognon!

Un insulte proféré dans la langue locale par un gringalet sur son vélo qui joue probablement aux durs pour se penser le roi du monde auprès de ses amis. Pour ma part, ça me fait simplement rouler des yeux et secouer brièvement la tête. Je ne lui donnerai pas de raison de faire son fier, d'avoir touché une corde supposément sensible. Puisque ce n'est pas le cas. Du moins, pour moi. Et c'est aussi pourquoi je ne me donne pas la peine de traduire le tout à Jax. Même s'il doit avoir une idée de quoi il retourne. Et à son propos, surpris, j'attrape la laisse qu'il me tends avant de filer, n'étant pas assez rapide pour l'empêcher d'aller à la poursuite de l'adolescent fautif. J'ai tout de même le réflexe de m'approcher, mais les actions de mon petit ami me clouent momentanément sur place, serrant simplement la laisse de Daeron entre mes doigts.

Ce n'est que lorsque je me retrouve face au plus jeune que je recommence à bouger. Le bras pris en étau dans la main de Jax, il me regarde, ayant perdu son air de crâneur m'affichant plutôt tout son malaise. Mes avis qu'il risque pas de recommencer de sitôt à insulter les étrangers. Ou il en choisira des moins balaises que Jax. Ses excuses atteignent mes oreilles alors que je n'en avais pas réclamer et j'essaie de lui sourire doucement, lui donnant une phrase classique de réprimande. Peut-être pour essayer de compenser la démonstration de force de mon petit ami. Faisant un signe à Jax par la même occasion, je m'adresse d'ailleurs à lui.

- Laisse-le filer, lui demandais-je d'un ton neutre.

À peine libéré, il détale comme un lièvre vers ses potes qui n'ont pas oser faire un geste. Je les regarde s'éloigner, ne disant pas un mot, et attends que les curieux que les éclats de voix ont rameutés fassent de même. Lorsque ça me semblent un peu mieux et que je n'ai plus l'impression que je me heurtrai à une barrière humaine si je fais quelques pas, je redonne la laisse de la peluche à Jax, sans délicatesse.

- Joli spectacle cro-magnon, commentais-je froidement avant de me diriger vers l'hôtel.

Marchant rapidement, je ne mets pas beaucoup de temps pour regagner notre chambre, ne filtrant pas un seul mot du trajet, même si celui-ci ne compte que quelques coins de rues. Le hall rapidement traversé, j'ai la décence d'attendre Jax lorsque je pénètre dans l'ascenseur, mais je n'en suis pas plus bavard. L'étage atteint, je sors la carte magnétique pour atteindre notre suite. Le lecteur n'appréciant pas mes mouvements brusques, il me faut quelques tentatives pour arriver à ouvrir la porte. Une fois le seuil passé, je dépose aussi doucement que me le permet mon état, mon étui de caméra sur l'un des meubles avec mon cellulaire et le contenu de mes poches de veste. La retirant, j'en fais une boule que j'envoie sur le lit d'un geste rageur. Me dirigeant vers le mini-bar, j'attrape une bouteille de bière de la commandite que je décapsule. Ce n'est qu'après une rasade fraîche que, finalement, j'explose.

- T'étais vraiment obligé de faire ça!?

Sa réponse n’améliore pas mon humeur, étouffant tout ce qui peut me passer par la tête et que je regretterais dès que les mots auraient franchis mes lèvres parce que je ne les penses pas réellement, je me pince plutôt l’arrête du nez et me tourne dos à lui pour souffler un coup et tenter de me calmer pour ne pas lui crier des bêtises par la tête.

Il n'était pas obligé, mais l'a fait quand même. Alors qu'il aurait simplement pu laisser filer. Il n'en avait pas envie, mais l'a fait quand même. Alors que c'était loin d'être nécessaire. Et pourquoi? Par éthique. Par éthique de quoi? Sa réaction était éthique peut-être?

Soupirant à nouveau, je repose ma bière sur la surface couvrant le mini-bar, faisant demi-tour, j'y appuie les hanches, regarde mon petit ami. Les mains dans poches, la tête légèrement penché, il attend ma réaction alors que j'essaie de me calmer. Me passant une main au visage, j'essaie de me faire calme, mais la froideur persiste dans ma voix. Pourtant, les mains appuyées sur le comptoir, je m'adresse à lui :

- C'était qu'un gamin, Jax, lui fis-je remarquer, articulant lentement. Un ado naïf et stupide qui a voulu faire le fanfaron, commentais-je sur un rythme plus régulier. Un con qui a voulu nous faire réagir parce qu'il pense que c'est marrant. La moitié du temps c'est pour se faire accepter, c'est parfois pour se couvrir, mais ils finissent par comprendre que c'est un jeu idiot quand personne ne réagit plus à ce qu'ils disent.

Est-ce que je veux des excuses? Non. Pas plus les siennes que ceux du jeune. Je n'ai pas besoin d'excuses, mais si certains peuvent comprendre et essayer transmettre l'idée que je ne suis pas vénéneux, que je n'ai pas de maladie mentale, que je ne saute pas sur tout ce qui bouge, que je ne suis pas un extra-terrestre ou n'importe quel autre conneries qui se propage pour "expliquer" que j'aime les hommes et expliquer l'amour et l'attirance de toute autre personne qui sort également du cadre "normal" n'est pas, justement, anormal… ça fera déjà une grosse différence.

- Réagir avec violence à ce genre stupidité leur donne satisfaction. Parce qu'ils t'ont eu, parce qu'ils tiennent une corde sensible et vont en jouer aussi longtemps qu'ils le peuvent.

Ça ne règle rien, ça ne fait très souvent qu'empirer les choses. Ceux qui cherchent à blesser voient une faiblesse en une réaction brusque et continuent donc de creuser. Ils creusent jusqu'à faire craquer. Que ce soit pour voir l'autreen pleurs, en fureur ou en sang. Parfois c'est pour faire passer un message, pour essayer de faire comprendre qu'on est supposément un monstre, une erreur de la nature. Certains réussissent à ce faire un chemin particulièrement noir dans les méandres des pensées de leur victime au point où l'irréparable est commis. Lorsque la vie quitte les veines quelques uns commencent à être pris de remords. Pourtant, c'est pas de se fendre le crâne que d'être un peu plus ouvert d'esprit.

- ...T'étais pas obligé de le traumatiser en allant bucher sur son vélo et en lui gueulant dessus, ajoutais-je finalement, plus rude. T'en avais pas l'obligation et tu dis que tu ne voulais pas le faire, alors pourquoi tu l'as fait? Le questionnais-je, tournant ses paroles pour essayer de comprendre, parce que même s'il le dit, je ne vois vraiment pas l'éthique là-dedans.

Ses premières explications me tire un rire jaune, me faisant secouer la tête. Charmant! Absolument charmant! Ravalant les paroles acides qui menacent de sortir avec une gorgée de bière, je fais des efforts pour essayer de calmer, changeant vaguement de sujet. Plutôt que de mettre à crier des bêtises, j'essaie de comprendre ce qui a bien pu lui passer par la tête et tente d'imprimer en lui l'idée que ce qu'il a fait est probablement plus nuisible qu'autre chose, indiquant qu'il donne alors un certain pouvoir à ceux qui veulent le tourmenter et ne le laisseront que lorsqu'il sera en miettes. Ma mise en garde n'a cependant pas aucun effet sur lui puisqu'il me rétorque qu'il les attends poings levés, paroles qui me font lever les yeux en soupir d'énervement.

Rageur, je lui demande à quoi servait sa petite démonstration s'il prétend qu'il n'en avait pas envie. Je ne lui ai pas tordu le bras pour qu'il y aille. Au contraire, je crois que c'est évident maintenant que je ne soutiens pas ce qu'il a fait subir à ce jeune. Je ne donne pas raison au gamin pour ses paroles, mais je trouve que Jax a été beaucoup trop loin.

Il m'explique et malgré que je n'apprécie pas nécessairement tout ce qu'il me dit, je ne peux m'empêcher de le reconnaître, de reconnaître son caractère au milieu de tout ça, prêt à défendre tout ce qui lui tient à coeur et d'une loyauté sans faille à qui ne l'aura pas trahi. Finissant son discours, il soupire et laisse sa tête retombé en arrière comme s'il était épuisé. Soupirant à mon tour, je me passe une main au visage.

- Quand tu vis dans un nid d'insultes, la carapace est obligée de se former plus rapidement, marmonnais-je en laissant retomber ma main.

C'est vrai qu'il n'a pas été ...élevé - à défaut de trouver meilleur mot pour expliquer ce qui s'est passé avec le paternel - comme moi et donc je ne peux pas lui demander de laisser couler comme je le fais. Tournant mon regard vers mon petit ami, je vois ses dents sur sa lèvre inférieure et j'ai un pauvre rire. Attrapant la bouteille de bière, je m'approche tranquillement. Lorsque je suis à porté, je viens prendre son menton dans ma main, sans gestes brusques, et je tire délicatement de mon pouce pour qu'il relâche sa lèvre prisonnière.

- Arrête ça, lui demandais-je simplement, retirant ma main après coup. Tiens...

Lui tendant plutôt la bouteille comme si ça pouvait être un remède pour le calmer également, je m'assois d'un bout de la fesse sur l'appuie-bras du fauteuil sur lequel il s'est installé.

- Navré d'avoir gueulé, m'excusais-je. Mais j'ai vraiment pas aimer ta réaction, appuyais-je. Que tu restes droit alors qu'on essaie de te faire plier, je n'ai aucun problème avec ça. Je veux dire, je m'en suis pris des dérouillés pour ça et je ne te demande pas plié l'échine ou de t'agenouiller pour qu'on te lance des pierres. Mais là c'était contre un gamin idiot qui a voulu se faire mousser, expliquais-je sur un ton qui s'apparente plus à ma voix régulière, essayant peut-être même d'être un peu plus doux pour ne pas relancer la tempête.

Mon regard se porte sur la vue par la baie vitré et je me perds un peu dans le vide, continuant pourtant de lui parler tranquillement.

- La plupart des gens ne feront pas la différence sur ton orientation, tu sais? Lui demandais-je sans pourtant attendre de réponse. Ils ne se questionneront pas sur ce que tu peux ressentir, si tu es heureux, si je te rends heureux. Ils vont chercher l'explication la moins compliquée qu'ils ont pour pouvoir te cataloguer. Couple homme/femme : hétéros. Couple de femmes : lesbiennes. Couple d'hommes : gays, énumérais-je sans ciller, faisant des mouvements de mains sans m'en rendre compte, comme si je classifiais le tout dans des cases. Tout le reste du spectre est occulté parce que ce n'est pas assez ...simple. ...Ou que ça leur est inconnu, admis-je. Plus loin que ça, pour certains, si tu retournes un jour avec une femme, ils diront que je n'étais qu'une "phase" que tu as eu, comme si tu avais eu une simple lubie un peu plus longue que la normale, racontais-je, tournant finalement la tête vers lui avec un pauvre sourire. Le monde n'est pas parfait Jax, mais de plus en plus de personnes comprennent qu'on reste des êtres humains, peu importe vers qui se tournent nos sentiments. D'ici là, y'aura quand même encore plusieurs cons pour penser que je t'ai filé une maladie contagieuse.