Ta planche sous le bras, tu me suis plus loin. Content de la tournure des événements, je décide de ne pas trop pousser ma chance –pour le moment en tout cas- m’asseyant simplement par terre avec les jambes repliées, mes avant-bras posés sur mes genoux, bière tenue mollement dans ma main droite. « Du coup, à part t’incruster dans les soirées étudiantes, t’as prévu de faire quoi à Brisbane? » Je ris un peu avant de ramasser un caillou qui traine et de le balancer dans l’eau où le bruit des vagues nous empêche de l’entendre tomber. « J’en sais trop rien encore.. » Je tourne la tête vers toi, sourire amusé aux lèvres. « Des suggestions? » Je soutiens ton regard un moment avant de prendre lentement une gorgée de ma bière. « J’aimerais bien goûter aux saveurs locales, mais je n’connais pas encore le coin… » Bien sûr, même si j’aime manger et goûter de nouvelles cuisines, je ne parle pas du tout de suggestion de restaurants.

Assis un peu plus loin sur la plage, où il fait plus sombre et le brouhaha s’efface un peu, je bois une gorgée de ma bière et te demande ce que tu comptes faire à Brisbane. Tu joues avec une pierre avant de la lancer dans l’eau. Si tu voulais faire des ricochets, c’était pas vraiment réussi. Même si j’crois pas qu’on puisse faire des ricochets sur l’océan. Tu tournes la tête vers moi, ton sourire charmeur au coin des lèvres. Ouais, je l’ai compris celui-là. J’ouvre la bouche pour en effet te donner des suggestions de visites, puis la referme sans un mot parce que j’me dis que c’était peut-être pas une vraie question. Et tes dires me le confirment. On dirait moi qui drague à Boston, putain. « T’avais la petite blonde que t’as envoyé chier tout à l’heure. » Est-ce que je suis dans le déni là? Ouais, totalement. En même temps, j’ai jamais regardé les mecs. Pas même une seule fois. Alors c’est un peu une situation étrange pour moi.

« T’avais la petite blonde que t’as envoyé chier tout à l’heure. » Ok, soit tu fais carrément exprès ou bien t’es juste vraiment, vraiment pas intéressé. Pourtant, vu la tête que tu tires, quelque chose me dit que c’est plutôt la première des deux options. Je ne perds pas mon sourire amusé alors que je prends une gorgée de ma bière et me penche rapidement vers toi pour venir capturer tes lèvres des miennes. Je risque gros, j’en suis conscient, mais j’aime prendre des risques et quelque chose me dit que si je ne le fais pas, au bout de mes deux semaines de vacance on sera encore assit là à tourner autour du pot et on n’aura pas profiter de ce qui aurait pu y avoir entre nous.

J’essaye de faire genre que je comprends pas, j’me dis que peut-être si je joue au con assez longtemps, tu prendras un peu de recul, t’oublieras cette idée que tu t’es mise dans la tête tout seul du fait que moi, je puisse te retourner tes avances. Parce que ouais, si j’avais pas compris que c’était des avances au début, ce baiser que tu me voles me confirme la chose. Et j’te laisse faire, pendant, quoi? Un quart de seconde? Une demi-seconde? Avant que mes mains ne s’abattent à plat sur ton torse pour te repousser vivement une fois que mes neurones se sont à nouveau connectés à la réalité. « Qu’est-ce que tu fous putain? » que je peste, la voix sifflante, yeux plantés dans les tiens à la recherche du conflit. Parce que c’est bien plus facile que de me dire que pendant peut-être une demi-seconde, j’ai pu apprécié cet échange.

Mes lèvres contre les tiennes, je n’saurais pas dire si c’est la surprise ou l’appréciation du geste qui fait que tu ne me repousses pas tout de suite. Puis, tes mains bien à plat sur mon torse me repoussent vivement et j’ai envie de rigoler. « Qu’est-ce que tu fous putain? » J’hausse un sourcil en capturant ma lèvre inférieure entre mes dents. « Qu’est-ce que j’ai l’air de faire? » Je prends une nouvelle gorgée de ma bière comme si de rien n’était, te regardant avec ce petit sourire qui flotte sur mes lèvres. « Ça t’a déplu à ce point? » Allez, soit honnête beau blond, t’as pas complètement détesté ça.

Je te repousse vivement — après une seconde d’appréciation ouais, mais une appréciation que je compte bien nier parce que tout ça là, c’est pas moi. Et puis, y’a des gens que je connais là-bas, y’a des potes que je connais depuis l’enfance, j’ai une réputation à tenir. Tu te mords la lèvre et je roule légèrement des yeux, un peu insolent sur les bords. « Arrête de me regarder comme si t’avais envie de me bouffer. J’suis hétéro. » Enfin, j’crois. Jusqu’à présent, du moins.

Je sais que ce baiser t’as pris par surprise et je ne te blâme pas de m’avoir repoussé, l’inverse m’aurait surpris. Malgré tout, une part de moi à l’impression que tu n’as pas complètement détesté. « Arrête de me regarder comme si t’avais envie de me bouffer. J’suis hétéro. » Je ris doucement et secoue la tête avant de me reculer un peu, reprenant ma place à une distance raisonnable. « C’est le cas, alors comment devrais-je te regarder, mh? » J’hausse un sourcil inquisiteur et bois ce qu’il reste de ma bière avant de la poser dans le sable à côté de moi. J’ai pas envie de te forcer à quoi que ce soit, mais j’ai pas non plus envie de baisser les bras tout d’suite.. c’est con de ma part?

Cette situation là, c’est étrange pour moi. J’ai jamais regardé les mecs, j’ai jamais pensé à autre chose que les courbes féminines. Et toi, pourtant, toi je te regarde. Peut-être pas assez a ton goût mais j’le fais. Tu te recules après ce baiser volé et je me pince les lèvres. “Peut-être que tu devrais arrêter de regarder.” Je me mords l’intérieur de la joue pour essayer de rester neutre et serein, même si y’a un bordel dans ma tête. Est-ce que j’venais de draguer un gars? Merde merde merde. ‘Tu devrais arrêter de regarder’ et aka agir plutôt. Ouais j’t’ai repoussé et j’te promets pas de ne plus le faire mais... J’sais pas. Tu me troubles ok? Me juge pas. Et j’lance un regard vers la fête, vers les autres, regard inquiet d’être aperçu en ta compagnie. Enfin, c’est pas toi particulier. D’être vu en compagnie d’un gars.

“Peut-être que tu devrais arrêter de regarder.” Je te regarde malgré tout et surveille un moment ton expression faciale, tentant de comprendre ce qui se passe dans ta tête. Puis, tu tournes la tête vers la fête et je comprends mieux pourquoi tu m’as repoussé. D’un bond, je me lève et fais quelques pas vers la mer en retirant mon t-shirt. « On va faire trempette? » Ou comment subtilement nous éloigner de la fête et nous retrouver rien que tous les deux, loin des regards indiscrets, loin de la foule qui pourrait juger tes moindres faits et gestes. J’veux bien être patient avec toi Elliot, et entreprenant aussi si nécessaire, mais donne-moi au moins une chance –joue le jeu.

Ouais, y’a le regard des gens qui me bloque, qui me fige totalement. Y’a pas que ça hein, y’a le fait que moi, j’y connais rien à ça, aux mecs, j’me suis tapé que quelques filles, j’suis trop jeune, j’ai pas encore réfléchi plus loin que ça. Tu te lèves et retires ton t-shirt et malgré moi, ouais, j’regarde. Et je décide de me lever à mon tour pour te suivre dans l’eau encore tiède. Je nage un peu pour m’éloigner du bord, laissant ma planche sur le sable, t’incitant à me suivre. D’ici, personne ne peut nous distinguer, personne peut distinguer si on est un mec ou une meuf non plus. On est trop loin, il fait trop noir pour ça. Et ça me va parfaitement. « Qu’est-ce que tu veux de moi, Zeno? » J’crois que je t’ai déjà posé la question, mais j’pense que j’étais pas prêt de réellement entendre la réponse la première fois. Alors je réitère. Et j’attends.