C’était plus fort que moi, il fallait que je te revois. Depuis ce qui était arrivé la dernière fois, je n’avais cessé de penser à toi et ça me tourmentait, me rendait complètement dingue. Je n’avais aucune idée de comment tu te sentais après ça, mais moi, je ressassais sans cesse cette scène qu’était notre premier baiser et merde, j’arrivais toujours pas à croire qu’après autant de temps on ait enfin franchi le pas. Pourtant, mon cœur était tiraillé. D’un côté, il y avait cette attirance indéniable –qui ne relevait pas que du physique- et de l’autre, il y avait ton frère, mon meilleur ami. Qu’en dirait-il? Serait-il d’accord ou alors furieux? Nous donnerait-il sa bénédiction ou bien nous renierait tous les deux? Putain, j’avais même pas eu le courage de lui en glisser un mot, gardant plutôt cette histoire pour moi et personne d’autre. Enfin, sauf Arthur qui s’avérait être une oreille bien attentive –et poilue. Décidant donc de faire les premiers pas, je me rendis jusqu’à la Winthrop House où j’avais espoir de te trouver. Ma défaite était simple : j’adorais promener mon chien entre ces maisons près de la rivière Charles et le café du Starbucks d’Harvard Square était meilleur que celui près de chez moi. C’est donc avec un café bien noir dans chaque main que je marchai du square jusqu’à ta maison, rôdant stupidement près des différentes entrées jusqu’à ce que tu ne sortes miraculeusement. Je m’approchai l’air nonchalant alors qu’à l’intérieur de moi il y avait tempête. « Tu le prends noir, pas vrai? » dis-je en souriant franchement et en te tendant le café.

Trop de choses se sont passé ces derniers jours et la dernière en liste, mon départ de chez les Winthrop. Je ne me sentais pas tout à fait à l’aise là-bas. J’aurais pu faire un rouge parfait, là n’est pas le problème, mais je n’ai pas leur tempérament. Mais qui dit quitter la fraternité, dit me retrouver à la rue. Je devrai donc faire le nécessaire pour me trouver un appartement dans les plus bref délai afin de ne pas dormir dans la rue. Et comme je peux être imbécile par moment, je me suis pris à la dernière minute. Au moins, je pourrais squatter le canapé de mon frère quelques nuits, comme il me l’a dit. C’est dans l’espoir de me trouver l’appartement idéal, que je suis sorti de chez les Winthrop. La tête dans les journaux pour voir les petites annonces, j’entends ta voix. Cette voix que je pourrais reconnaître d’entre mille. En relevant ma tête, un café se tient fièrement dans ta main. « Tu t’en es souvenu ? » Kenny, toujours aussi beau et attentionné. Je prends le gobelet que tu me tends et une question me taraude l’esprit. Qu’est-ce que tu fais là ? « Hey mon gros ! » Je me penche légèrement et gratte l’arrière des oreilles d’Arthur. Je lève la tête vers toi souriant. « Qu’est-ce que tu viens faire ici ? T’es certainement pas juste venu m’apporter un café? » Est-ce que ça serait possible que tu veuilles me voir ? Est-ce que je t’aurais manqué ? Ou peut-être est-ce que tu t’en veux de ce qui s’est passé entre nous et tu veux être certain que je ne t’en veuille pas ?

« Tu t’en es souvenu ? » Je me mordille la lèvre en haussant les épaules et passe une main derrière ma tête, signe de nervosité de ma part, un tic vraiment. « Ouaip. » Je tente d’avoir l’air décontracté, mais je ne le suis pas vraiment en réalité. Tu te penches pour gratouiller les oreilles d’Arthur et j’en profite pour te regarder un peu, fantasmant déjà sur la courbe de tes bras et tes muscles tendus avant d’aviser le journal entre tes mains. « Qu’est-ce que tu viens faire ici ? T’es certainement pas juste venu m’apporter un café? » J’humecte lentement mes lèvres et regarde autour de nous. « Je passais dans le coin avec Arthur et on s’est dit que ce serait bien de venir te dire bonjour. » C’est faux. Enfin, partiellement. Mais je ne sais pas encore comment admettre que je suis là strictement parce que je voulais te voir, te parler, me tenir à côté de toi, respirer le même air. Putain, j’ai l’air d’un sociopathe. « Tu lis les sports en marchant? » que je demande finalement pour changer de sujet en pointant le journal entre tes mains avant de siroter mon café.

Ce que tu peux être beau Kenny. Est-ce que tu le sais, ça ? Est-ce que tu te rends compte de tout l’effet que tu me procures ? Et pas simplement pour ta beauté, mais ça, tu le sais déjà. Je te l’ai déjà dit comment je pouvais te trouver parfait. Certes, dans mes paroles, je plaisantais, mais c’est bien le cas. Tu es parfait, pour moi à une exception… Ta loyauté envers mon frère. Mais ça, je n’ai pas le choix de l’accepter. Tout ce que je peux faire, c’est d’enfouir mon attirance pour toi bien au fond de mon être. « Alors, c’est très gentil à toi, merci pour le café ! » Je te regarde les lèvres, me mordillant la lèvre inférieure inconsciemment, avant de remonter te regarder dans les yeux. Je me souviens très bien de la sensation que j’ai pu ressentir, l’autre jour. Je ne sais pas si tu as vu cette maladresse de ma part, mais au moins, tu as remarqué le journal. « Ah ça non ! Je m’en allais visiter des appartements, puisque je quitte les Winthrop. Tu veux… euh m’accompagner ou t’as des obligations, ailleurs ? » C’est pathétique mon attirance vers toi. Même un aveugle pourrait s’en apercevoir.

« Alors, c’est très gentil à toi, merci pour le café ! » Je secoue la tête comme pour chasser le commentaire. « C’est rien, ça m’fait plaisir. » Et c’est sincère en plus parce que bon sang Sevan, j’pourrais en faire des pieds et des mains pour toi. Tu ne t’en aies peut-être jamais vraiment rendu compte, mais j’ai toujours fait en sorte de te donner tout ce que je pouvais ne serait-ce qu’un sourire lors d’un jour gris ou une oreille attentive quand tu as besoin de parler. Autant avant que maintenant, j’ai toujours voulu être là pour toi parce que j’ai toujours eu un faible pour toi. Je te demande ensuite si tu lisais le journal en marchant et tu t’empresses de préciser : « Ah ça non ! Je m’en allais visiter des appartements, puisque je quitte les Winthrop. Tu veux… euh m’accompagner ou t’as des obligations, ailleurs ? » J’hausse les sourcils sous la surprise. « Eh bah, je ne croyais pas que tu les quitterais un jour. Ces mecs sont un peu comme tes frères, non? » Je penche légèrement la tête sur le côté et mon esprit travaille ensuite à la vitesse de la lumière. Tu déménages, te cherche un appartement, tu vivras seul en toute intimité. Je me mords la lèvre à nouveau. « Je veux bien t’accompagner oui, sauf si tu préfères y aller tout seul..? » J’hausse un sourcil et t’offre un sourire sincère.

Je me demande vraiment pourquoi lire un journal en marchant et risquer de frapper quelqu’un puisque je ne regarde pas où je vais. Non, les appartements m’attendent et je te propose de venir. Mais ce qui te surprends, c’est mon départ de ma confrérie. « Oui, ils le sont et le resteront, du moins pour la plupart, même si certain ressemble à des hommes de Cro-Magnon. » Et je rigole à cette réflexion, secouant la tête, jusqu’à ce que mon regard pointe ta lèvre coincée entre tes dents. Arrête ça Ken, ce n’est pas du jeu. C’est un appel au viol que tu es en train de faire là. Tu me martyrises sans même le savoir. Je ferme un instant les yeux et prends une bonne inspiration, reprenant mes esprits. « T’es bête ou quoi ? Je t’ai proposé de m’accompagner. C’est que j’veux passer du temps avec toi. » Bon, ça serait mieux du temps seul à seul sans les vendeurs, les propriétaires ou même les locataires qui espères louer leur appartement, mais ça rien n’empêche que le tête-à-tête puisse être un autre jour ou même après si tu as le temps, afin de fêter mon nouveau chez moi. « Sauf… Tu vas devoir arrêter ce geste-là avec ta lèvre, s’il te plaît. » Cette demande avait été dite d’une façon légèrement gênée. J’étais devenu beaucoup moins confiant. C’est plus facile de penser à ce genre de chose que de la dire de vive voix.

« Oui, ils le sont et le resteront, du moins pour la plupart, même si certain ressemble à des hommes de Cro-Magnon. » J’hoche la tête en rigolant. « Ouais, bah, ce sont des mecs après tout! » Et qui dit bande de mecs qui vivent ensemble dit forcément grotte et homme de Cro-Magnon. Si j’avais un jour eu la chance d’être un étudiant d’Harvard, ou tout simplement d’aller à l’université, j’aurais sans aucun doute fait partie d’une de ces maisons ou d’une confrérie. Je crois que j’aurais même adoré ça. M’enfin, j’ai pris un parcours différent et ce n’est pas plus mal en fin de compte. Tu me proposes d’aller avec toi et, bien sûr, j’adorerais. Malgré tout, je ne veux pas m’imposer ou bien que tu me le proposes simplement parce que je suis là. « T’es bête ou quoi ? Je t’ai proposé de m’accompagner. C’est que j’veux passer du temps avec toi. » Je ris à nouveau. C’est vrai que je suis un peu bête, mais ça fait mon charme non? « Ok, désolé! J’voulais simplement pas que tu me prennes en pitié! Puis, moi aussi j’ai envie de passer du temps avec toi.. » Au moins ça, c’est dit. Je penche légèrement la tête sur le côté, tu affiches une drôle d’expression, comme si tu te retenais de dire quelque chose. « Sauf… Tu vas devoir arrêter ce geste-là avec ta lèvre, s’il te plaît. » Je réalise alors que j’ai toujours ma lèvre de coincé entre les dents et rapidement, j’arrête de la mordiller. Je ne comprends pas trop pour… ahh… ok, je vois. Je fais un pas vers toi, sourire mesquin sur les lèvres. « Si tu préfères, je peux mordiller la tienne de lèvre. » C’est sorti tout seul et je n’sais pas si c’est trop, si c’est déplacé, mais ça a le mérite d’être sincère. Je soutiens ton regard jusqu’à ne plus être capable et détourne la tête en m’étirant. « Bon alors, par où on commence? »

Tu as envie de passer du temps avec moi… Tu le vois, ce sourire innocent sur mes lèvres à cette annonce ? Ce sourire qui prouve comment je peux être heureux d’entendre ça, venant de toi ? Ce sourire qui s’efface peu à peu alors que tu te mords la lèvre. Évidemment que je te demande d’arrêter ce geste. J’essaye de réprimer mon envie irrésistible de faire entrer mes lèvres en contacte avec les tiennes, dans ce temps-là. Mais, même à ça, jamais je n’oserais sachant que tu ne le veux pas, par rapport à mon frère évidemment. Parce que je l’ai su l’autre jour que ce n’était pas l’envie qui manque. Et après t’avoir demandé d’arrêter de te mordiller la lèvre, je deviens de nouveau hypnotisé. Te voilà qui s’approche de moi et me dit cette phrase que je rêve que tu mettes à exécution. Tu es entré dans ma bulle et je peux dire que tu vas de nouveau m’embrasser. De nouveau, je pourrai goûter tes lèvres et au diable mon frère. Ceci restera entre nous. « Fait en ce que tu veux ! » Prêt à ce que tu kidnappes ma bouche pour la faire tienne, je soutiens ton regard et lorsque tu détournes finalement la tête en t’étirant, je ne peux empêcher ce soupire de désespoir. « Il y a un appartement à trois coins de rue d’ici qui a l’air sympa. » J’essaye de reprendre contenance et retrouve ma forme. Ouais, tu dois rester le plus loin possible de moi Kenny, je me sens beaucoup mieux dans ce temps. Trop près, je pourrais agir sous une pulsion qui pourrait te mettre dans l’embarras ou pire, qui pourrait faire en sorte que tu m’en veuilles. Que tu ne veuilles plus me voir. Et ça, même si ça serait la meilleure chose à faire pour nous deux, afin que la tentation qui m’habite à ton égard s’épuise, je n’en ai pas du tout, envie.

« Fait en ce que tu veux ! » Ne me dis pas des choses pareilles Sevan. T’as aucune idée de la portée de tes paroles sur moi. T’as aucune idée de l’effet que ça me fait de savoir que tu es entièrement à ma merci, à ma disposition. Eh merde. Je détourne le regard et m’étire comme si je venais de me réveiller, demandant ensuite par où nous allons commencer. Vaut mieux que je change de sujet sinon je risque de déraper encore une fois. « Il y a un appartement à trois coins de rue d’ici qui a l’air sympa. » J’hoche rapidement la tête et passe rapidement une main dans mes cheveux qui deviennent trop long et me tombe un peu sur le visage. Mes doigts restent légèrement coincés entre les mèches et ces dernières restent bien droites sur ma tête après ce geste. « Allons-y dans ce cas. » Je souris de toute mes dents et me tourne vers Arthur qui tient ta propre laisse entre ses dents. « Allez mon gros, en route. » Ouais, je sais, comme ça on pourrait croire que c’est une mauvaise idée, mais c’est à ce point qu’il est bien élevé mon bébé. Ensemble, nous traversons les quelques rues qui mène jusqu’à cet appartement qui doit, sans aucun doute, coûter terriblement cher puisqu’il est aussi très proche de l’université. « C’est un quartier sympa, mais t’es sûr d’avoir les moyens..? » Que je demande finalement, inquiet que tu doives te trouver un deuxième emploi en plus du premier et de tes études. J’voudrais pas que tu gâches tes chances de réussir.

Je souris, m’empêchant de rire en voyant la mèche de cheveux qui est resté bien droite sur ta tête. « Tu devrais penser à aller chez le coiffeur ! » Venant à mon tour, passer ma main dans tes cheveux, m’étant étiré sur la pointe des pieds, avant de commencer à se diriger tous les trois vers l’endroit où se trouve l’appartement inscrit dans le journal. Mais évidemment, je n’avais pas du tout pensé au prix et lorsque tu me le fais remarquer, un soupire franchi mes lèvres. « T’as le don de gâcher tous mes rêves toi hein ! » Je rigole un peu à cette phrase. Je parle bien ici du baiser et également de la place idéale compte tenu de l’université à proximité. « Mais non, t’as raison. Je n'ai pas envie de vendre mon corps ou pire, mon sperme ! Au pire, je t’aurais demandé de m’offrir un boulot. Viens, on va par là. » Est-ce que je parlais concernant mon corps ou bien à la boîte où il travaille ? C’est à lui de décider. Étant tous les deux habitué à faire des distances, quelque temps à pied n’allait pas non plus nous déranger. Et comme je ne veux pas de voiture, je n’ai pas le choix. « Ce qui serait bien, c’est que mon appartement ne soit pas trop loin de mon boulot. » Et de chez-toi aussi, mais ça, je me contente de le penser. Je n’ai pas non plus envie de paraître comme étant le petit frère collant qui veut à tout prix rester près de son crush. « Tu sais quoi ? On a qu’à continuer à promener Arthur, on a qu’à aller au parc ou je ne sais quoi et je regarderai plus attentivement les appartements demain ! »