Je ne suis pas fille unique. Je ne suis pas non plus la petite dernière quoiqu'en dise mon frère. Non, tous les deux nous sommes nés le même jour et même s'il est persuadé d'être plus vieux que moi parce que je suis née après lui, il se trompe. Et oui, c'est bien connu que lors des naissances de jumeaux, de triplés, etc, le dernier sorti est l'aîné de la famille. Mais bon puisque ça lui fait plaisir de penser cela, je ne dis rien. Il n'y a que lors de nos rares disputes que je m'amuse à lui rappeler cela. Même si je sais qu'il me répond continuellement que je mens et que c'est moi qui me trompe. C'est le 15 janvier 1990, à New York, que j'ai vu le jour, quelques minutes seulement après mon frère jumeau, Ezra. Née au sein d'une famille riche, qui depuis toujours possède une bonne réputation et est très influente dans ma ville natale, je me devais, tout comme mon frère, d'être irréprochable et de ne pas faire un pas de travers si je ne voulais pas déshonorer ma famille. Cependant n'allez pas croire que parce que nos parents nous ont donné une éducation plutôt stricte et étaient souvent absents du domicile familial, ils ne nous aimaient pas, parce que si c'est ce que vous pensez, je peux vous le dire de suite (et Ezra aussi d'ailleurs), vous vous trompez largement.


En 2003, alors âgée de treize ans, je profitais de ma jeunesse, toujours accompagnée de mon frère, jusqu'à ce jour maudit... Le 13 mai 2003... C'est ce jour-là que ma vie a basculé à jamais une première fois. Cela faisait quelques semaines que je n'étais pas au top de ma forme et impossible pour les médecins de donner un bon diagnostic. Ce n'est qu'après avoir atterrie aux urgences, après une énième crise de douleur, que le médecin qui s'occupait de moi, a trouvé ce qui n'allait pas. « Monsieur, madame, je n'ai pas de très bonnes nouvelles à vous annoncer. D'après les résultats des prises de sang que nous avons effectué sur votre fille, il s'avère que celle-ci a eu leucémie. » Une leucémie... voilà le diagnostic était enfin poser et bien que d'un côté je fus soulagée de savoir enfin de quel mal je souffrais depuis quelques temps, le fait que ce médecin ait annoncé la nouvelle à mes parents, devant moi, en faisant comme si je n'étais pas là, ça m'avait mise dans une rage folle. Heureusement, Ezra était là lui aussi ce soir-là et c'est grâce à sa présence que je ne me suis pas emportée contre ce médecin et c'est aussi grâce à lui et à mes parents, que j'ai décidé de ne pas baisser les bras et de me battre aussi longtemps que je le pourrai contre cette maladie qui menaçait de m'ôter la vie à tout moment.


Trois ans plus tard, après plusieurs mois de chimiothérapie, de traitements quotidiens en tout genre, de séjours plus ou moins longs à l'hôpital, de nombreuses baisses de moral et de cris, mon médecin avait émit l'idée qu'en recevant une greffe de moelle osseuse, je pourrai peut-être m'en sortir. Aussitôt, mes parents, mon frère et d'autres membres de ma famille s'étaient proposés comme donneurs, ne voulant pas que je trépasse. Si au départ, mes parents étaient plutôt réticents à l'idée que mon frère jumeau se propose comme donneur du fait de son jeune âge, le médecin a quant à lui pensant que c'était une bonne idée, avait su trouver les bons mots et voilà comment Ezra, grâce à son don de moelle osseuse, m'avait sauvé la vie. Et oui, vous avez bien lu. Grâce à cette greffe et à son don de moelle osseuse, j'avais, non NOUS avions, réussi à battre cette leucémie qui avait menacé de m'ôter la vie. En rémission. Cela faisait longtemps que je rêvais d'entendre ces mots-là. Je savais qu'ils seraient prononcés un jour, mais quand ? Optimiste moi ? Bien sûr. Il fallait que je le sois, sans ça je me serai laissé aller et je ne serai certainement plus de ce monde aujourd'hui pour vous parler de moi et de ma vie.


Ce qui m'avait aidé à tenir hormis ma famille et mes amis ? L'idée qu'une fois guérit, je pourrai reprendre une vie normale, comme toutes les personnes de mon âge, mais aussi et surtout le fait que je pourrai reprendre mes études normalement, plutôt que de les faire depuis cet hôpital que je ne pouvais plus voir en peinture à force d'avoir été enfermée entre les quatre murs de ma chambre pendant plusieurs mois. Et oui, j'avais beau avoir été malade et incertaine quant à mon avenir, je n'avais pas laissé tomber mes études pour autant. Et voilà, comment, grâce à ma persévérance, ma détermination et mes bons résultats, j'avais réussi à convaincre le Doyen de l'université d'Harvard de m'accepter dans son université. Université dans laquelle mon frère devait aller étudier dès le mois de septembre. Je me souviens encore comme si c'était hier du jour où mon frère a annoncé à mes parents qu'il avait été accepté à Harvard. C'est ce même jour que je leur ai annoncé que moi aussi je partais là-bas. Bien évidemment, après ces deux annonces respectives, nos parents ont, comme je m'en doutais, tout tenté pour essayer de nous convaincre de rester à New York et d'intégrer l'université de Columbia, mais sans succès. Après avoir passé des mois entourée de ma famille, j'avais besoin de prendre du recul, de souffler et de ne plus avoir mes parents sur le dos constamment. Il faut dire que depuis que les médecins leur avait dit que j'avais une leucémie, ces derniers étaient devenus très protecteurs avec moi et même une fois guérie, ils l'étaient encore, ce qui était plutôt insupportable. Voici donc pourquoi j'avais choisi d'intégrer une université qui se trouvait plutôt loin de New York, outre le fait que je voulais aussi suivre mon frère et ne pas restée chez seule ici, dans ma ville natale, en compagnie de mes deux parents.


2013. Lors des attentats à la bombe, j'étais étudiante en sixième année et je me trouvais dans le théâtre. Certes peu d'étudiants présents dans cette pièce ce jour-là ont été blessés physiquement, seulement on ne peut pas dire qu'ils n'étaient pas blessés intérieurement. Sur le coup, je n'ai pas réalisé ce qu'il se passait. Ce n'est que lorsque les sirènes de l'établissement, des camions de pompiers, des ambulances et des voitures de police ont retenti que j'ai compris que quelque chose de grave venait de se produire. Suite à cela j'ai appelé mon frère et mes parents dans la foulée pour les rassurer. Pour leur dire que j'allais bien, qu'ils ne s'inquiètent pas pour moi. Foutaise. Si je n'étais pas blessée, je n'allais pas bien pour autant. Cet événement m'avait traumatisée, mais plutôt que de le montrer et de céder à cette peur constante qui m'habitait depuis le drame, j'avais décidé de faire comme si de rien était et continuer ma petite vie d'étudiante, tout en refusant obstinément d'aborder le sujet des attentats, que ce soit avec mes parents ou avec les étudiants de l'université. La seule personne qui savait réellement que ça n'allait pas fort pour moi, c'était mon jumeau et ce, même s'il n'était pas présent physiquement auprès de moi. Ne me demandez pas comment il a su que je n'allais pas bien, parce que je ne sais pas du tout comment vous l'expliquez. Je ne lui ai rien dit concernant ce que je ressentais et Ezra l'a tout de même su, sans même être ici, avec moi, à Harvard. Sans doute est-ce dû au fait que nous soyons jumeaux tous les deux, allez savoir. 


A peine deux ans après les attentats à la bombe qui ont eu lieu à l'université d'Harvard, un nouveau drame s'est produit et c'est ce qui m'a poussée à mettre mes études entre parenthèses pendant deux ans et huit mois. Vous vous demandez sûrement de quel drame je parle non ? Il y a d'abord eu ces diverses agressions qui visaient les étudiants d'Harvard, puis l'apothéose ! Ce 17 janvier 2015, alors même que je me trouvais à la cafétéria, en train de manger tranquillement, en compagnie de quelques amis, voilà qu'un gars avait débarqué de nulle part et avait bloqué les portes de la cafétéria, avant de sortir une arme et tiré un coup en l'air. J'avoue que sur le coup je me suis demandée ce qu'il se passait, mais instinctivement, tout comme la plupart d'entre nous, je m'étais caché sous une table, avant d'obéir sagement à ce jeune homme, qui de toutes évidences, était complètement paumé. Comment tout cela s'est terminé ? Avec un mort, le preneur d'otage lui-même, qui s'était tiré une balle dans la tête, sous nos yeux et plusieurs blessés. Moi ? J'avais été épargnée, une fois de plus, je ne sais pas comment, peut-être que j'avais un ange gardien qui veillait sur moi de là-haut, enfin toujours est-il que ce drame avait été le drame de trop et suite à celui-ci j'avais pris la décision de stopper mes études pendant un temps, histoire de me remettre de tout cela et de profiter à fond de la chance que j'avais d'être encore en vie malgré tout cela.


Lors de ces presque trois années durant lesquelles j’avais cessé mes études pour me remettre de tous ces drames que j’avais vécu dans cette université, j’en avais profité pour retourner à New York pendant un temps, auprès de ma famille, avant de partir faire le tour du monde pendant plus d’un an et demi. Malheureusement, cela n’avait pas suffi à me faire oublier ce que j’avais vécu durant ces dernières années et c’est lors d’une escale en France, que j’ai pris conscience que prendre la fuite ça ne servait à rien. Bien sûr pendant que je n’étais pas à Cambridge, je pouvais penser à autre chose, mais quand je serai de retour là-bas, parce que oui il allait bien falloir que je rentre un jour, tous ces souvenirs me reviendraient en tête et je n’aurai alors pas d’autres choix que d’y faire face et de me battre une fois encore pour ne pas sombrer. À croire que c’était fait exprès. Que lui là-haut, avant de m’envoyer dans cette famille, il avait décidé que ma vie serait faite de combats en tout genre et d’épreuves aussi difficiles à supporter les unes que les autres. Je me demande bien ce que j’ai fait dans une vie antérieure pour avoir vivre tout cela dans celle-ci… Néanmoins, deux mois après être rentrée à Cambridge, j’avais pris la décision de reprendre mes études, là où je les avais laissées il y a exactement deux ans et huit mois, c’est-à-dire en huitième année de théâtre et de musique. Pas question que je ne renonce à mes rêves parce qu’un jeune homme mal dans sa peau avait failli m’ôter la vie. Non, je n’avais pas le droit de baisser les bras. Pas après tout ce que j’avais vécu. Voilà comment en ce jour de septembre 2017 j'avais repris mes études à l'université d'Harvard.


Actuellement je vis à Boston, dans un loft, en colocation avec mon frère jumeau. Tous les deux, nous sommes toujours aussi proches et fusionnels l'un envers l'autre. Nous n'avons aucun secret l'un pour l'autre et je n'hésite pas une seule seconde à le remettre à sa place quand c'est nécessaire. Côté études, j'entame en ce moment-même mon sixième mois en huitième année de théâtre et de musique et je vis au jour le jour, sans me préoccuper du lendemain. Les drames que j'ai vécu au sein de cette université et dans ma vie personnelle ? Je les ai laissé derrière moi et je n'en parle pas. Bien que mes parents auraient préféré que je reprenne mes études à Columbia et que je vois un psychologue suite aux événements qui se sont passés à Harvard, j'ai décidé de décliner leurs propositions et je ne m'en porte pas plus mal. De toutes façons, je ne vois pas en quoi parler avec un professionnel cela pourrait bien me servir si ce n'est rouvrir d'anciennes blessures et me rappeler des mauvais souvenirs. Il n'y a que dans ma chambre, seule le soir, lorsque Ezra n'est pas à la maison, que je m'autorise à craquer, quand ça ne va pas. Côté cœur, je n'ai rien à dire de particulier. Je suis célibataire, c'est tout ce que vous devez savoir me concernant de ce côté-là. Et puis, j'ai déjà bien assez à faire avec les problèmes sentimentaux de mon jumeau, pour aller en plus m'encombrer avec des problèmes de cœur, moi aussi. Si je dois tomber amoureuse un jour, je tomberai amoureuse et je verrai à ce moment-là comment les choses se passeront, mais là ce n'est pas d'actualité et pas dans mes priorités non plus. Qu'est-ce qui est le plus important pour moi à l'heure actuelle ? Vivre. Tout simplement.


Caractériellement parlant il faut savoir que je suis une jeune femme qui n'a pas sa langue dans sa poche. Je n'ai pas peur de dire ce que je veux quand j'en ai envie et ce même si la situation n'est pas des plus appropriée. J'adore la vie et j'aime rire, mais je peux tout aussi bien passé du rire au larme ou de la joie à la colère en un battement de cils, c'est sans doute l'un de mes plus gros défauts ce côté lunatique... Ah quoique non, je peux aussi être parfois un peu (trop) capricieuse, quand je n'arrive pas à avoir ce que je veux, mais je sais tout de même rester raisonnable. Mis à part ça, je suis toujours là pour les autres quand ils en ont besoin et je ne suis pas du genre à me laisser marcher sur les pieds non plus. Très déterminée et persévérante, quand je veux quelque chose, je fais tout pour atteindre mes objectifs et je ne baisse jamais les bras, même si ce serait parfois une solution de facilité, je l'avoue. Je ne suis pas non plus le genre de fille à me plaindre constamment de la vie, bien au contraire même. Et quand j'entends des personnes autour de moi se plaindre de la leur et dire que la vie ça craint, ça me met souvent dans une rage folle. Ces gens-là, je suis certaine qu'ils n'ont pas conscience de la chance qu'ils ont d'être en vie et en bonne santé, contrairement à d'autres qui se battent constamment pour survivre et rester le plus longtemps possible parmi nous. Enfin, si je prend les choses comme ça, trop à cœur par moment, c'est sans doute parce qu'étant adolescente j'ai dû me battre pour survivre et ne pas baisser les bras, mais aussi parce qu'à plusieurs reprises, depuis que je suis arrivée à Harvard, j'ai dû apprendre à faire front pour ne pas sombrer dans la dépression...