Au final, peut-être qu’elle ne pleure même pas ma perte. Peut-être que c’était tout ce qu’elle attendait, en fait. Que ce soit moi qui le fasse, pour qu’elle ne soit pas la méchante dans l’histoire. Peut-être qu’elle est même avec lui, en ce moment même. Peut-être que j’étais parano. Peut-être que je réfléchissais trop. Probablement. Sûrement. Mais j’ai le coeur en miettes, et j’ai envie de chialer. Parce que j’pensais pas l’avoir quittée avec mon message. J’pensais avoir mis notre relation entre parenthèses, le temps qu’elle se décide, qu’elle sache ce qu’elle veuille. Mais non. Elle m’a dit qu’elle reviendrait pas. Et moi… C’est comme si j’étais devenu muet. J’ai pas su quoi dire. Parce que c’est mon coeur qui s’est brisé une nouvelle fois quand j’ai réalisé que je l’avais sûrement perdue, pour toujours. « Ouais ça craint. T’sais, j’savais même pas qu’un truc cassé pouvait être cassé encore plus. » Aka, mon coeur. Cet organe que je pensais ne servir qu’à pomper mon sang et rien d’autre. Que du rationnel, pas de sentimental. Putain, j’aurais tellement préféré. Parce que ce trou dans ma poitrine là, ça fait un mal de chien. « C’était plus simple quand on faisait semblant. Tu veux pas redevenir ma fausse copine? Au moins, rien de tout ça n’était vrai, ni l’amour, ni la douleur. » Tellement plus facile. Je soupire et accueille ta proposition avec joie. « Si si, moi je suis sur que ça a été prouvé scientifiquement, t’inquiète. Ramène-toi. » que je dis en tapotant le canapé comme si j’étais chez moi, alors qu’on est chez toi. « Enfin, par ‘toi’, je veux dire, la bouteille. » que j'ajoute dans un petit clin d'oeil. Tu crois qu’elle suffira à me mettre KO? Parce que j’veux juste oublier. Anesthésier les maux qui me bouffent.

Tu parles avec une nonchalance sans faille et ça me bluffe. Tu me bluffes Holly, à être aussi indépendante et détachée. J’étais comme ça avant Cléo — avant Lucky, même — mais j’avais changé et franchement, à en voir où j’en étais, j’avais qu’une envie, c’était de redevenir comme avant. Ce mec insouciant, je m’en foutiste à souhait. Libre. Sans attaches, sans chaines. Pas cette larve qui traîne sur le canapé de sa fausse petite-amie à pleurer sur son sort. « Ah, il te faut une cause pour accepter de partager mon quotidien? Tu devrais être flattée que je propose, plutôt. » J’esquisse un sourire charmeur alors que tu te mets à rire. Bah quoi? « Une belle étoile? Rien que ça? Waouh, j’en ai de la chance. » que je siffle, l’air faussement impressionné. Tu sers les verres et j’arque un sourcil. Really? Je le vide en deux-deux, non sans un petit grognement sous l’alcool qui brûle la gorge. Et je te prends la bouteille des mains, buvant une nouvelle gorgée directement du goulot. « J’suis pas venu pour faire la tapette, j’veux juste me mettre KO. » Parce que ça fait une semaine que j’suis tellement tendu… Putain j’ai les muscles qui me supplient de les épargner toute cette tension accumulée, tout ce stress, pour au final en arriver… là. A rien. Je secoue la tête à mes pensées et hop, une autre gorgée. « Plus tu bois, mieux ça passe. » j’affirme en hochant la tête comme un gamin qui a fait la découverte du siècle. En plus, j'ai l'estomac totalement vide, ça devrait vite me monter au cerveau ce soir. « J’peux rester dormir? Flemme de reprendre un Uber à 4h du mat. » Allez, sois généreuse Holly-chérie.

« Profite-en, y’en a pas beaucoup qui ont cette chance chérie. » Un nouveau clin d’oeil amusé et je gobe mon verre en moins de temps qu’il ne t’en faut pour trinquer. Sorry not sorry, j’ai pas de temps à perdre moi. Tu pestes et je roule des yeux. « QUOI?! » Je me redresse vivement. « C’est la seule bouteille que t’as? Bah? Euh? Hein? » J’en perds mes mots. « Tu sais vraiment pas recevoir Blackburn, c’est déplorable. Heureusement qu’il t’en faut peu pour être bourrée toi. Ça me laisse le reste. » Et à mon tour de te la reprendre à nouveau des mains. Un jeu de passe-passe infernal. « Moh, t’as peur pour moi? J’suis costaud hein, t’as pas vu mes muscles? » que je dis en levant le biceps contracté. J’saurais me défendre contre des pauvres types qui traînent les rues au petit matin. Mais clairement, j’préfère passer la nuit ici. Donc ça m’arrange que tu m’acceptes dans ton humble demeure. « Ouais c’est clair. Mais tu sais quoi? Tu serais encore de meilleure compagnie si tu mettais un peu de musique et que tu venais me faire un massage. Comme une petite esclave aux petits soins pour moi. » Je fais ma tête de chien battu pour te faire craquer. Aller, j’ai besoin qu’on me remonte le moral… Tu vas quand même pas me laisser tout malheureux Holly, hein? Ouais, le chantage affectif c’est pas cool, mais aux grands maux les grands remèdes.

Bon, si tu penses avoir des fonds de bouteilles, ça va. Je ferai les placards, t’inquiète, comme si j’étais chez moi. Bon en même temps, j’le suis un peu non? Chez moi. Mi casa es tu casa comme disent les sangs chaud là. Et j’me retiens de rire quand tu prétends bien tenir l’alcool. Parce que t’es tellement pas crédible. Allez, au lieu de dire des conneries, mets de la musique et fais-moi un massage, femme. « Une party à deux? » Peu probable. Encore moins avec la musique que tu mets. « Eh, j’ai pas demandé à m’apitoyer sur mon sort, mets un truc qui bouge, un truc sur lequel on peut se lâcher! » J’veux faire la fête, j’veux pas penser à la détresse qui me ronge à l’intérieur. Juste oublier. D’ailleurs, j’avale deux-trois gorgées à la bouteille à nouveau. Ma langue commence déjà à se délier, la chaleur monter. Et tes mains pressent mes épaules et je râle. « Aïeuuuuuuh putain! Vas-y j’pensais que t’étais plus douce que ça comme meuf, tu vas me froisser un muscle. » Je fais semblant de bouder, les bras croisés sur mon torse comme un gamin. « Pas étonnant que tu sois célib si c’est comme ça que tu traites tes partenaires, tss. » Bien sûr c’est une blague. J’vois pas pourquoi t’es célibataire, en fait. J’ai rien à te reprocher moi. Enfin, à part les bleus que tu viens de faire subir à mes pauvres petites épaules…