T'as l'air de faire ta première découverte de la journée. Je ne suis pas si je-m'en-foutiste que ça en réalité. Non, je me préoccupais bien plus de l'opinion des autres que ce que je laissais croire. De mes proches, oui. Mais pas seulement. De tout le monde. C'est pour ça que j'essayais de prouver à cette petite conne d'Adria que j'étais pas un connard. En soi, j'pourrais m'en foutre de son opinion, je ne la connaissais pas. Mais non, j'voulais pas qu'on pense des choses fausses sur moi. J'hausse vaguement les épaules. "Je lui ai déjà dit que j'allais pas reprendre Maxwell Sec." Notre entreprise de sécurité informatique qui nous a permis de faire fortune. Qui nous a poussé à quitter ma belle Australie. "C'est pour ça qu'il me parle plus depuis début décembre. Que j'ai pas été invité pour les fêtes de fin d'année. Il m'ignore depuis." Un vrai gamin dans son genre. C'était tout lui ça, quand ça ne lui plaisait pas, il faisait comme si tu n'existais pas, pour que tu te sentes comme un moins que rien inutile à ses yeux et aux yeux du monde. J'avais l'habitude, à force.

"Je lui ai déjà dit que j'allais pas reprendre Maxwell Sec." Je t’écoute sans dire un mot. Une part de moi crois que ça te fera peut-être du bien de dire tout ça de vive voix sans être interrompu. "C'est pour ça qu'il me parle plus depuis début décembre. Que j'ai pas été invité pour les fêtes de fin d'année. Il m'ignore depuis." Je soupire doucement et porte une main à ta joue, un geste qui se veut réconfortant bien que maladroit venant de moi. « C’est un crétin… c’est ton père, il devrait pas t’ignorer….. C’est difficile à vivre? » Oui parce qu’en fait je n’sais pas à quoi ressemblait ta relation avec ton père avant. Personnellement, si mon père ne m’adressait plus la parole, ça me ferait des vacances. Puis, j’ai toujours plus ou moins grandit sans lui et ma mère –enfin, en tant que parent disons. « Et comment ça été à Brisbane..? T’avais envie d’y rester? »

J’haussais les épaules à ta question, ta main tendre posée sur ma joue. Est-ce que c’était difficile à vivre, cette situation avec mon père? « Pas vraiment. J’ai l’habitude en fait. On n’a jamais eu une relation très… » Très quoi? Père-fils? Aimante? « J’m’en fiche un peu en fait. Il a juste cassé les apparences de la famille parfaite. » Maintenant, ce qui était caché avant est exposé au grand jour. Pour moi, ça changeait trop rien. « J’ai juste peur qu’il me coupe les vivres en fait. » Parce qu’on va pas se mentir, j’y tiens à mon fric. Alors si ça s’arrête du jour au lendemain, je serais vraiment dans la merde. Je lâchais un petit rire à la fois nerveux et moqueur. « Ouais. J’avais clairement pas envie de rentrer, j’étais tellement bien là-bas… » Tellement. C’était mon univers Brisbane, là où je me sentais le mieux. Ça, ça n’avait jamais été un secret. C’est pour ça que j’y allais régulièrement. « Mais j’savais que tu serais venue me chercher par la peau du cou si j’étais resté. » dis-je sur un ton légèrement plus léger, pour un peu détendre l’atmosphère.

« Pas vraiment. J’ai l’habitude en fait. On n’a jamais eu une relation très… » Très? « J’m’en fiche un peu en fait. Il a juste cassé les apparences de la famille parfaite. » J’hoche la tête, je comprends ça. Si mon père arrêtait de jouer les faux culs deux minutes, ce serait peut-être le cas pour nous aussi. Enfin, ma mère n’est pas mieux alors j’imagine qu’on est juste une belle famille de gens faux. Ne porte pas ci, ne te peigne pas comme ça, maquille toi avant de sortir de la maison Serah! J’ai des frissons rien qu’à y penser. « J’ai juste peur qu’il me coupe les vivres en fait. » J’esquisse un petit sourire malgré moi. « Tu nous imagines devoir bosser tous les deux? » Ouais parce que moi aussi, j’ai peur que papa décide de m’enlever ma carte de crédit tu vois? Genre sans ça, j’devrais actuellement prendre soin de toutes mes dépenses moi-même et la simple idée me donne la nausée. J’ai jamais travaillé pour quoi que ce soit, tout m’est toujours venu sur un plateau. C’est superficiel, je le sais, mais c’est comme ça. Je te demande donc plutôt comment était Brisbane, si t’avais envie de rester là-bas. Cette question que je redoute parce que j’pourrais plus vivre sans toi en fait. « Ouais. J’avais clairement pas envie de rentrer, j’étais tellement bien là-bas… » J’avale de travers, ma main retombe de ton visage entre nos corps sur le matelas. « Mais j’savais que tu serais venue me chercher par la peau du cou si j’étais resté. » Ton sourire est contagieux et je te le rends en te poussant un peu sur l’épaule. « Ouais, exactement. » Parce que tu peux pas me laisser tomber comme ça bébé… t’as pas le droit. « T’aurais fait pareil si j’avais décidé de retourner à Santa Barbara, non? »

J’aurais bien aimé pouvoir dire que les relations que j’entretiens actuellement avec mes parents sont catastrophiques. Mais c’est pas le cas. Elles sont juste inexistantes, en fait. Et j’sais pas vraiment ce qui est le pire. J’espère juste qu’ils n’oublieront pas que je reste quand même leur fils et qu’ils me couperont pas les vivres, parce que j’ferais quoi sans thunes moi? « Tu nous imagines devoir bosser tous les deux? » Ben non, justement ! C’est bien ça qui me fait peur. « Pas vraiment… » Même si j’suis en train d’y réfléchir. « T’sais que dernièrement je pense à monter mon propre truc? » Genre, un casino, un bordel, un strip club, j’en sais rien, un truc qui me fait vivre la nuit et qui me correspond. Et qui fait de moi mon propre patron, pour que j’puisse continuer d’être libre comme l’air au niveau de mes horaires.

Tu déchantes quand je t’avoue que j’aurais préféré rester à Brisbane, ta main quitte soudainement ma joue sur laquelle elle s’était logée. Alors je place un peu d’humour, histoire que tu ne sois pas aussi triste et énervée suite à mes mots qui pouvaient être blessants. « J’sais pas. J’serais peut-être venu avec toi, ça a l’air cool Santa Barbara, c’est la Californie, y’a le soleil, la plage et les vagues. » que je réplique dans un petit clin d’oeil, une pointe d’ironie dans la voix. « J’pourrais pas quitter définitivement Boston… J’ai tout le monde ici. » C’est ma vie, après tout. La vie que je construisais depuis plus de dix ans. Mais c’était tentant, quand je retournais chez moi. Puis j’suis là, non? J’suis revenu, alors la question ne se pose pas.

« Pas vraiment… » Non, bien sûr que tu ne nous imagines pas bosser. Ni toi ni moi ne sommes réellement fait pour ça. Ou alors il faudrait qu’on trouve réellement un truc qui nous plait sinon c’est mort. « T’sais que dernièrement je pense à monter mon propre truc? » J’esquisse un sourire. « Ah ouais? Dis-moi c’que t’as en tête? » J’suis fière de toi là tout d’suite. Fière de voir que tu penses à partir ton propre business et au diable tes parents. Si t’arrives à te démerder pour toi-même, qui sait, j’pourrai peut-être faire pareil un jour. Ça où j’me trouverai un mec bien riche et j’ferai femme au foyer. La famille de Silas est pas genre une des plus fortunée du monde?

Puis on change de sujet, un sujet un peu moins léger pour ma part puisque je pense sans cesse à cette possibilité depuis que t’es parti. La peur au ventre que tu foutes le camp une bonne fois pour toute et m’abandonne ici. « J’sais pas. J’serais peut-être venu avec toi, ça a l’air cool Santa Barbara, c’est la Californie, y’a le soleil, la plage et les vagues. » J’esquisse un sourire malgré moi. « Ouais, c’est sympa là-bas. J’t’y amènerai un jour, promis. » Je me radoucis un peu déjà, moins triste à l’idée de te voir disparaitre sans même un au revoir. « J’pourrais pas quitter définitivement Boston… J’ai tout le monde ici. » Je me mordille l’intérieur de la joue. « Mh…» Et pour le coup-là, j’sais plus quoi dire. On a encore des tonnes de choses dont on doit parler, mais c’est épuisant de si bon matin. C’est ton tour de poser des questions bébé, j’sais plus quoi dire moi.

« Un restaurant cinq étoiles. » J’annonce, les yeux plantés dans les tiens, avec mon plus grand sérieux. Puis, je lâche un petit rire. « Non j’rigole, tu te doutes bien que j’vais pas ouvrir un truc dans ce genre. » Non, ça serait pas moi. « J’sais pas, j’pensais à un truc de divertissement, où les gens iraient pour oublier leurs soucis l’histoire de quelques heures. Un casino, un club d’escort, un bordel. J’en sais rien en fait. Un truc qui bouge la nuit. » Parce qu’on sait tous les deux que la nuit c’était mon domaine, mon style de vie. Mais en réalité, c’est des idées en vrac, pas sûr que je les mettrai réellement en pratique un jour.

Qui sait, j’les mettrai peut-être en pratique ailleurs. Santa Barbara, Brisbane… Mais c’est peu probable, parce que j’ai toute ma vie à Boston. Et puis, j’suis quand même à Harvard pour l’instant, la fac la plus prestigieuse au monde, alors j’peux pas juste tout laisser tomber comme ça sur un coup de tête. J’suis un gars spontané mais j’suis pas totalement irresponsable mine de rien.

Et après ça, le silence reprend ses droits. Je sais qu’on n’a pas fini notre conversation. Loin de là, il reste des tas de trucs à aborder. Mais ni toi ni moi ne savons comment lancer le sujet. Et j’me dis que tu le feras pas, alors j’le fais. « C’est fini avec Lucky au fait. Genre, réellement cette fois. » J’te l’avais déjà dit en soi, avant qu’on partage une nuit intense. Mais j’tenais à revenir sur le sujet. Parce que j’avais pris ma décision, je voulais plus penser à elle, je voulais plus subir ces crises à deux balles et me sentir prisonnier d’une relation qui en soi n’existe même pas. Et puis, l’Australie aussi m’a permis de passer à autre chose. Cléolya, m’a permis de passer à autre chose. Mais ça, j’sais pas si c’est ce que tu voulais entendre. C’était peut-être ça, la conversation que tu cherchais tant à éviter, non?

« Un restaurant cinq étoiles. » Je soutiens ton regard sans savoir si je dois éclater de rire ou non vu ton sérieux. Sauf que tu me rassures bien assez vite. « Non j’rigole, tu te doutes bien que j’vais pas ouvrir un truc dans ce genre. » Je me détends un peu et ris doucement. « J’sais pas, j’pensais à un truc de divertissement, où les gens iraient pour oublier leurs soucis l’histoire de quelques heures. Un casino, un club d’escort, un bordel. J’en sais rien en fait. Un truc qui bouge la nuit. » J’hoche la tête, le regard brillant. « J’serais sacrément fière de toi.. » Même si t’ouvres un bordel, j’serai toujours fière de toi en fait bébé.

La silence s’installe et, contrairement à son habitude, il n’est pas particulièrement agréable là. Il est pesant, légèrement étouffant aussi. Encore tant de chose à se dire, mais j’sais franchement pas par où commencer –ou continuer- alors je te laisse mener cette fois. Et tu choisis de revenir avec ces histoires sur ton ex-femme. « C’est fini avec Lucky au fait. Genre, réellement cette fois. » J’hausse un sourcil incertain. « Tu dis souvent ça, mais j’vais te croire… » Parce que j’ai pas vraiment la force de te faire la morale à ce sujet-là une fois de plus. T’as déjà entendu tout ce que j’avais à dire. « Et tant mieux si c’est vrai. » Je me mordille la lèvre. J’veux pas qu’on continue à parler de ta vie… amoureuse. Beurk, juste le mot me donne la nausée.

Avant d’être fière de moi, faut que je me bouge. Faut que les choses changent dans ma vie, et c’est pour ça qu’on en est là aujourd’hui. C’est pour ça que j’ai pris des vacances, que j’ai fait un break dans ma vie pendant dix jours. Pour tout remettre à zéro. Repartir à neuf pour la nouvelle année. Et le premier changement, c’était Lucky. Un changement définitif, même si t’avais du mal à le croire. Pourtant, tu savais que j’étais parti en Australie avec une brune à la place… Tu devais pas être aussi aveugle pour penser que c’était innocent. Mais soit, tu veux pas en parler, j’le vois à ta grimace, alors j’enchaine sur autre chose. Probablement notre dernier sujet à aborder aujourd’hui. « Ça fait un peu plus d’un mois que je suis sous calmants et somnifères. » Et avant que tu poses quarante questions, je prends soin de les anticiper. « C’est le crash, je digère pas, j’ai beau faire semblant, ça marche pas. Je dors pas, je fais des crises de panique à tout va et franchement ça n’allait plus. Alors j’ai demandé une ordonnance à mon psy. Mais… je crois que je suis accro. » que je souffle en pinçant les lèvres, fermant les yeux. Ouais, c’était jamais évident d’avouer quelque chose qu’on essayait de cacher. Mais au vu de la nuit que j’avais passé en Australie après avoir oublié de les prendre, plus jamais.

Tu ne pousses pas le sujet plus loin et je t’en suis reconnaissante. À vrai dire, je ne voulais particulièrement pas parler de Cléolya aka la pétasse que t’as amenée avec toi en Australie. Tu enchaines plutôt sur un autre sujet délicat, mais un que je ne crains pas d’aborder contrairement à celui avec un grand A. « Ça fait un peu plus d’un mois que je suis sous calmants et somnifères. » Je fronce les sourcils et tu t’empresses de m’expliquer : « C’est le crash, je digère pas, j’ai beau faire semblant, ça marche pas. Je dors pas, je fais des crises de panique à tout va et franchement ça n’allait plus. Alors j’ai demandé une ordonnance à mon psy. Mais… je crois que je suis accro. » J’encaissement lentement l’information. Moi qui suis pratiquement constamment sur une drogue ou un autre, j’ai souvent du mal à voir le problème dans une situation pareille. La preuve, c’est bien que je te sais accro à la MDMA et que je continus de t’en faire gober comme des bonbons. « C’est… j’sais pas quoi dire… Tu veux que j’arrête de te faire prendre des cachets? » Que j’te surveille? Que j’te limite? J’sais pas si j’suis la meilleure personne pour ça, mais pourquoi, j’peux faire attention, j’peux apprendre à me contrôler.