A quoi elle jouait sérieusement là Ayma ? C’était quoi son but ? Qu’elle soit furieuse lors de ma manigance pour éloigner Abé ou éveiller ses soupçons, ok, ça je l’entendais bien, ça avait été le but de la manœuvre, pour qu’elle arrête de me prendre pour son pantin, mais quand là, en possédant une info, une déclaration, qui je le savais aller la ravir, je lui offrais sur un plateau ce –je suis amoureux d’Ayma- écrit et envoyé par Abé, et là encore, elle réussissait à s’énerver, à me trahir. Déjà en répétant à Abé, merci, comme si on avait besoin de ça mon meilleur ami et moi. Et pire encore, en allant répéter l’aveu du message suivant à sa soeur, celui où je racontais lui avoir envoyé ce message parce que moi aussi je l’aimais, alors que je lui avais fait promettre de laisser Cléolya tranquille. Alors quand je découvris les sms de la brunette, le changement de ton, je compris bien vite. Mon sang ne fit qu’un tour. Explications houleuses avec la blonde, agacement, énervement, qui s’était surement ressenti également dans mes réponses à Cléo. Il valait surement mieux que l’on se voit, que l’on se retrouve face à face. On sonnait. Regard par la fenêtre, et j’aperçus les phares de sa voiture. Déverrouillant le portail qui s’ouvrit à distance, j’observai sa silhouette dans la pénombre de l’allée qui s’avançait jusqu’à la porte que j’entrouvris alors. Bien loin des échanges sulfureux et chargés de sous entendus de ces derniers jours, c’est avec un faible ‘hey’ manquant d’assurance et qui ne lui ressemblait pas qu’elle me salua. « Hey… » répondis-je, en écho à son propre souffle, avec un air désolé. « Reste pas là, entre… » enchainai-je alors, ne souhaitant pas laisser un silence gêné s’installer entre nous, ouvrant la porte en grand, me décalant pour la laisser passer et refermant ensuite derrière elle. « Je… » Massant mon front un instant, cherchant mes mots, Cléo n’était pas la seule à avoir perdu son assurance pour le coup. J’avais réclamais ces explications et maintenant… Maintenant je ne savais pas vraiment par quel bout commencer. « Je… Je te remercie d’être venue. »  

Ok. Ambiance bizarre. Ambiance pesante. Ambiance gênée. Disons qu’on était aux antipodes de ce qu’on avait pu partager jusqu’à présent. Cléo était mal à l’aise, parlant peu, évitant mon regard… Et moi… Moi je ne me sentais guère plus hardi. Les salutations brèves et gênées faites, elle entra en détaillant la pièce, cherchant surtout à accrocher son regard partout ailleurs plutôt que de croiser le mien. Je commençai par la remercier, d’avoir fait l’effort de venir, et c’est piquante qu’elle répliqua ne pas l’avoir fait avec plaisir. « Ok… » Mon tour de fixer le sol quelques secondes. L’entrée en matière n’était pas bonne sûrement. J’avais voulu qu’on s’explique face à face et je ne savais plus désormais comment nous lancer dans des explications de circonstances. Elle, elle se contenta de me filer la bouteille de champagne en me laissant le soin de l’ouvrir… « T’es sûre que… ? » Que c’est la boisson de circonstance ? Parce que le champagne c’était plutôt pour les grands et les bons moments. « Comme tu veux… » Ne discutons pas. Puis elle venait de retrouver sa toxico de frangine, peut être que c’était ça qu’elle voulait célébrer. Et puis au final, ça m’allait bien. J’avais la boisson entre les mains, de quoi m’occuper quelques minutes et arrêter de cogiter. Je fis donc sauter les bouchons pour remplir deux coupes. Un peu de répit. Une sorte d’esquive mais je n’y échappais pas bien longtemps. Alors que je lui tendais finalement son verre mon interlocutrice reprenait la parole, cette fois son regard osa affronter le mien. « T’es en train de me dire que t’as des sentiments pour Dimitri ? C’est ça que t’es en train de me dire ? » demandai-je la voix grondante. Non, ce n’était pas ce qu’elle était en train de dire, je n’avais rien compris, mais à la rigueur ma réaction, les nuances de jalousie colérique dans ma voix, c’était très parlant sur la façon dont j’aurais réagi si un tel scénario c’était produit.

  Elle rangeait les armes alors je faisais de même. Et puis je les avais voulu ces explications, j’avais réclamé à la voir, ce n’était pas pour échange piques et reproches sans avancer. Ca, on aurait très bien pu se contenter de le faire par sms comme on avait commencé à le faire d’ailleurs. Donc je m’excusais après qu’elle l’ait elle même fait, et la tension descendit d’un cran. Bouteille de champagne par là dessus, même si je n’étais pas convaincu que les bulles se prêtent à ce genre de moment, de discussion, ça m’occupa cinq minutes les mains et l’esprit, mais quand je revins lui tendre sa coupe, quand la conversation reprit, je ne pus y échapper plus longtemps. J’abandonnais mon verre pour m’approcher d’elle, pour saisir délicatement son menton, pour l’inviter à relever son visage vers le mien. Yeux dans les yeux, afin qu’elle ne doute à aucun moment de la sincérité de mes mots, je répondis, malgré son ‘ne fais pas ça.’ Sa main effleura la mienne alors que j’énumérais tout ce que je voulais d’elle, tout ce que j’espérais en fait. Mes doigts caressant ensuite sa joue, sans la lâcher du regard, je lui retournai la question. Et elle annonça alors qu’elle avait perdu, que dès ce premier soir, dès cette première fois, elle avait perdu. Si ce n’était qu’un jeu, elle s’y était pris un peu trop et elle reconnut penser à moi le soir en se couchant, vouloir être près de moi lorsqu’on était ensemble… « Cléo je… » Et je me tus pour ne pas l’interrompre alors qu’elle concluais, qu’elle terminait en précisant qu’elle ne serait mienne que quand j’aurais de la place juste là, sa main se détachant pour venir se poser contre mon thorax, à l’endroit du cœur. « Cléo, je suis pas ce genre de gars ok ? Je ne fais pas ça… » Attacher, m’accrocher, tomber amoureux… Enfin bien sûr je m’y étais essayé, quand même, mais c’était toujours un fiasco. « Y’a pas de place ici. Pour personne. » affirmai-je tout en laissant glisser mes mains jusqu’à ses hanches, la retenant ainsi, me doutant que mes paroles peut être un peu radicales et dures risquaient de la faire s’éloigner ou s’écarter, et je repris la parole pour réclamer : « Reste cette nuit Cléo. Une dernière fois. »  

 
Et c’est finalement tout proche d’elle, ma main accrochant son menton, puis frôlant sa joue, douce caresse de mes doigts comme pour compenser la giffle de mes mots, j’avouais. J’avouais que je n’étais pas ce genre de gars. Les violons. Les mots doux. Les ‘je t’aime’ for ever. Ce n’était pas ma tasse de thé. J’avais pas été élevé comme ça pour ma défense. L’étalage de sentiments c’était pas notre truc dans la famille. On garde tout. Et on explose parfois. Ca nous avait pas forcément réussi mais qu’importe, je retenais pas les leçons moi. J’suivais le chemin tortueux qu’on m’avait montré, cette façon de fonctionner en dissimulant, en magouillant, en manipulant, tout simplement parce que c’était la seule manière de faire que je connaissais et que je maîtrisais. Et mes mains voyageaient jusqu’à sa taille, ses hanches, s’y ancrant, comme pour la retenir, parce que de reconnaître qu’il n’y avait de place pour personne dans mon cœur c’était surement pas ce qu’elle voulait entendre. Mais elle jouait l’honnêteté et je lui devais la pareille. Et je lui réclamais une dernière nuit. Puisque cette discussion ressemblait de plus en plus à des aux revoirs. Sauf que c’était Cléolya. Et que la brunette n’avait pas dit son dernier mot. Alors mon affirmation, celle selon laquelle personne n’occupait mon cœur, elle la balaya aussi vite que je l’avais prononcé. Selon elle, puisque je la désirais, puisque je voulais l’embrasser, la toucher, que j’appréciais sa compagnie, alors c’était trop tard, elle y était déjà un peu, là, au creux de mon être. Et ce fut mon tour de détourner un peu les yeux. Parce que je voulais échapper à son regard, je ne voulais pas qu’elle y lise qu’elle avait vu juste, qu’elle avait raison, qu’elle m’avait un peu percé à jour. Que derrière mes apparences ‘je suis un cœur de pierre et j’aime personne’ y’avait beaucoup plus… Elle savait, ses paroles suivantes le confirmèrent. Elle savait. Elle la sentait ma frayeur, elle la devinait. « Ca sert à rien ces choses là Cléo. Je ne m’encombre pas de ça. » Kyla. Lucky. Plus récemment Agathe. Chaque tentative de s’attacher ça s’accompagnait de déception. Ouais, j’étais surement mort de trouille dans le fond. Plutôt crever que de le reconnaître néanmoins. Elle, elle avouait, avec une facilité qui me bluffa. « Tu as raison d’avoir peur. » Et probablement qu’elle avait raison de me fuir. Et elle s’avança ensuite, ses mains contre ma nuque, ses lèvres venant contre les miennes, doux et tendre baiser, qui avait un goût d’adieu. Elle me demandait ensuite de la laisser partir, de la laissre s’en aller. Oui, c’était la bonne chose à faire, mais moi je n’étais pas raisonnable. « Reste Cléo… Je veux… une nuit d’adieu ? » Ou comment faire durer le moment pourtant inévitable ou on allait devoir se séparer…