J'ai une fierté de dingue et un égo largement plus gros que mes seins et mon cul réunis. Alors quand j'ai l'occasion de me faire mousser dans le bon sens, je ne perds pas l'occasion de le faire. Surtout avec Emy. Et je sais que ça l'énerve, et ça m'amuse. J'ai envie de la voir sortir gentiment de ses gonds, quand elle commence à perdre patience, quand elle dit ce qu'elle ressent avec l'effet miroir. Ce qu'elle fait, d'ailleurs, en me disant qu'elle est la femme de ma vie, et que personne d'autre ne peut aussi bien me supporter. « Tu me crois si insupportable ? C'est pas le cas, c'est juste avec toi que je suis comme ça. Et tu m'as pas si bien supportée que ça. » lui dis-je alors avec un sourire en coin. « J'ai toujours les idées très bien placées, selon sous quel angle on le perçoit. Sous la ceinture, c'est parfait. » dis-je en haussant les épaules, comme si cela était tout à fait normal. Je la repoussais en douceur, n'ayant pas envie de consumer ce désir qu'elle a pour moi dans un élan comme celui-ci. « Ouais, tu m'as manquée. Mais j'ai pas envie de sexe, tout de suite. » Je savais que ces simples mots allaient lancer la troisième guerre mondiale. Tant pis, j'étais prête à assumer les conséquences.

Elle a mangé quoi ce matin pour être aussi reloue ? J'ai envie de lui coller une claque dans la tête, quand elle est comme ça. J'ai envie de l'envoyer bouler comme jamais, surtout quand elle sous-entend que non, je ne suis pas la femme de sa vie. Meuf, si c'est comme ça, laisse moi tranquille guérir l'impact que tu as eu dans mon coeur, quoi. « Si, t'es vraiment insupportable. T'es une vraie emmerdeuse de première, Jaimie. En même temps, c'est qui qui a mit fin à notre histoire, rappelle moi ? Qui avait envie de s'amuser avec d'autres filles ? » J'avais choisi le mauvais argument. J'avais provoqué la dispute du siècle avec cette remarque. Et quand elle me repoussait car elle disait ne pas avoir envie de moi pour le moment, c'était la goutte d'eau de trop. « T'as une nouvelle meuf dans ta vie et t'es trop sobre pour la tromper, c'est ça ? Et t'as peur de me le dire ? Tu peux me le dire tu sais. Je préfères que tu me dises que t'as une nouvelle p**e dans ton lit, plutôt que tu me le caches. Vas-y tu m'as gavée. » Je me reculais d'elle d'un coup, remettant mon t-shirt en soupirant. « J'ai froid d'un coup. »

Ca y est, c'est la crise. Elle balance l'argument qu'il ne fallait pas, notre rupture. Elle est sérieuse, à dire un truc pareil ? J'explose, littéralement. « Tu te fous royalement de ma gueule là, Emilia ! Qui a quittée l'autre ? C'est toi qui a décidé de cette rupture, après une discussion dans laquelle je te disais que, vu que j'étais acceptée ici, il y allait avoir pleins de meufs et que je risquais d'avoir envie de m'amuser et que j'voulais pas te faire souffrir ! Putain t'es malade de sortir ça ! Tu sais que ça me gonfle que tu m'rendes responsable d'un truc que tu as toi-même décidé ! J'avais peur de te faire du mal, j'avais peur de merder, et toi, tu t'es dit "Bah on a qu'à se séparer, au moins tu pourras t'amuser, et moi aussi". Du coup on s'est séparées, quelques temps après j'ai débarqué ici en célibataire. » Je respirais un grand coup, car le son de ma voix commençait à atteindre un haut niveau de décibels, et mon accent italien prenait trop le dessus. « Non j'ai pas de copine actuellement. Puis voilà la considération que tu lui aurais donné sans la connaître. Calme ta jalousie. On est séparées depuis six ans, faut qu'on se calme. » Je prenais conscience que c'était trop puissant comme relation, que tout prenait des proportions énormes pour pas grand chose. J'allumais un cigarette et venais me poser à sa fenêtre. « Faut vraiment qu'on arrête de s'prendre la tête comme ça, pour rien.

J'ai réussi à faire exploser Jaimie, une véritable bombe humaine maintenant, rien qu'avec une petite phrase. Elle me gueulait toute sa rage passée, tout ce qu'elle avait passé sous silence toutes ces années. Et j'étais choquée de voir que tout ça, ça l'avait marquée. Je ne pensais pas que notre rupture avait enfermé de la rancoeur au fond d'elle, surtout quand je vois notre amitié de maintenant. Je n'ose pas lui dire quoi que ce soit, je préfère la regarder, la tête un peu basse, s'emporter comme elle le fait. A la fin de sa crise, je murmurais un simple « Désolée. » Je me doutais que cela n'allait pas suffire à calmer ses nerfs, qu'il lui fallait surement plus de choses à entendre. Je me lançais, maladroitement. « Je suis désolée d'apprendre tout ça maintenant. La douleur que t'as dû ressentir quand je t'ai dit ça, sans émotions. J'étais au plus mal, au fond de moi, et encore aujourd'hui. Et d'apprendre là que t'étais aussi effrayée et que c'était pas une excuse bidon, ça me fait bizarre, tu sais ? Je me sens horrible. » Je crevais de jalousie, encore à l'heure actuelle, dès qu'une fille était trop proche d'elle. Et j'ai tout sorti là. Et c'est vrai, il fallait que je me calme. Mais mes sentiments sont plus forts que moi. « Tu as raison. Mais comment ? A part nous éloigner l'une de l'autre ? Et c'est hors de question. »

J'avais vidé les vannes, tout lâché. Ca faisait un bien fou. On se prenait rarement la tête, toutes les deux. Et le peu de fois où ça arrivait, c'était court et intense. On allait toujours droit au but, et quand ça partait trop loin, on arrêtait tout et on se remettait en question, comme maintenant. Et c'est plutôt pratique. Parce que je ne suis pas du genre à m'éterniser sur une dispute. Dans le cas où ça dure, je me casse, en levant mes majeurs en direction de mon interlocuteur. Quand elle s'excusait, j'étais apaisée. Je me contentais de répondre un « Merci. Vraiment. » avant de tirer une nouvelle fois sur ma cigarette, et buvant une gorgée du verre qu'elle m'avait servi. « J'sais pas comment on pourrait calmer tout ça. En arrêtant de baiser ensemble, ça doit être un bon début, non ? » demandais-je en riant, sachant pertinemment qu'elle allait râler à cette option. Je savais aussi qu'elle allait me demander de faire ça une dernière fois avant de mettre fin à nos ébats occasionnels. Et c'est vrai que j'aurai beaucoup de mal à lui refuser une telle chose. Je suis une faible femme, que voulez-vous ?

Derrière son caractère de fille forte, je sais que Jaimie est une femme comme toutes les autres, qui craque après un trop plein d'émotions. Et elle avait réussi à tenir six ans sans rien laisser voir de ce qu'elle avait ressenti. Et je sentais que mes excuses lui faisaient du bien quand elle me remerciait de l'avoir fait. Son visage était à nouveau plus doux, moi rempli de rage que lorsqu'elle a explosé. Puis elle me proposait cette solution : ne plus coucher ensemble. Mais, comment j'allais satisfaire mes envies en cas de célibat long ? Même si elle n'avait pas vraiment tort, j'étais pas du tout d'accord avec ça. « Non ! T'es le meilleur coup que j'ai eu ! Je peux pas te laisser filer comme ça. » Je faisais à nouveau la tronche, pour bien marquer le fait que je n'étais pas d'accord. « T'as pas une autre solution ? »

Je suis une bombe à retardement, depuis toujours. Quand mon père est mort, je n'ai pas réagi avant un long moment. Je transformais la peine en une force que personne n'a jamais su comprendre, et qui a fait de moi ce que je suis aujourd'hui. La situation avec la rupture qui a eue lieu il y a six ans, c'est exactement pareil. Je n'ai fait qu'accepter cette fatalité, rongeant mon frein tout simplement, comme toujours. J'ai fait un deuil rapide de cet amour, entretenant par la suite une relation amicale avec elle, avant de pouvoir franchir le cap de la meilleure amie/plan cul/colocataire. Peut-être qu'on a mal fait les choses, peut-être qu'on a eu la solution contre la tristesse post-rupture, mais toujours est-il que cette relation nous empêche, l'une et l'autre, d'avoir une autre histoire d'amour avec une nouvelle personne. « J'ai pas toutes les solutions, tu sais. Je suis pas psychologue, moi. Toi, tu l'es, donc cherches aussi. » J'avais soulevé la problématique, à elle de trouver la conclusion. Cette histoire allait s'annoncer compliquée.

J'ai beau penser la connaître par coeur, elle arrive toujours à me surprendre, comme maintenant. Elle a posé un problème sur la table, que je ne voyais pas comme un problème jusqu'à maintenant. Et ça m'énerve de penser que c'en est un, maintenant. Parce que j'ai toujours cru que cette relation lui allait aussi. Et je me suis enfermée dans une nouvelle vague de sentiments pour elle, alors que je me l'était interdit. Elle me demandait de trouver des solutions, et la seule qui me venait directement en tête, c'était de tenter à nouveau notre histoire. Mais vu ce qu'elle m'avait dit, je devais garder ça pour moi. « On a qu'à coucher une dernière fois ensemble et on réfléchira après. Sinon, ça va tuer toute la magie du truc. Et on sera frustrées. » Surtout moi. Je ne pouvais pas la laisser filer sans parcourir une dernière fois son corps du bout de mes lèvres. Je m'approchais alors à nouveau d'elle, passant mes bras autour de son cou, et je murmurais « S'il te plait.. »

Sa solution, comme je l'avais pensée, c'était de faire l'amour une dernière fois. Elle s'approchait de moi, collant presque son corps contre le mien, murmurant son supplice. Elle ne voulait pas tout arrêter d'un coup, elle voulait un dernier rappel, peut-être pour ancrer dans sa mémoire la beauté de nos deux corps qui ne font plus qu'un, la chaleur de nos souffles sur nos peaux respectives. JE venais poser mes mains sur ses hanches, plongeant mon regard dans le sien, avec un léger sourire. « Une dernière fois, ou une dernière nuit ? Je te laisse le choix, car demain matin, tout ça sera fini. On ne pourra plus consumer nos envies l'une avec l'autre. » Je lui laissais le choix, même si au fond de moi, je connaissais déjà la réponse qu'elle allait me donner.

Je ne pouvais pas me défaire d'elle, j'en avais pas la force, et pas l'envie non plus. Je suis bien quand je suis avec elle, quand on est l'une contre l'autre, allongées et qu'on discute de tout et rien. Je suis bien quand je sens son odeur, sa chaleur, quand je sens son regard sur moi, comme à cet instant précis où elle me demande de choisir entre une nuit entière rien qu'à nous, ou une seule fois, qui viendrait terminer notre histoire. Je voyais dans son sourire qu'elle connaissait la réponse tellement c'était évident. « Toute la nuit, toute la soirée, à défaut de toute une vie. » Je lui offrais un sourire amusé malgré la réalité que je venais de lui dire.