Tu n'as pas eu une enfance difficile, rien qui explique pourquoi tu as tourné mal à ce point-là. T'étais l'élève prodige, le premier de ta classe, celui qui n'avait pas besoin de réviser toute la journée pour espérer avoir une bonne note. Tu n'es pas un surdoué, loin de là. Tu as juste des facilités à l'école et ça t'a toujours bien servi. C'est au lycée que tu as commencé à fumer des joints par-ci, par-là, au lycée que tu as aussi découvert que tu aimais autant les hommes que les femmes. Oh, ça a toujours été une évidence pour toi mais jusqu'à présent, tu n'as jamais pu essayer avec un garçon, un autre adolescent, tout comme toi. Jusqu'à cette soirée. Tu as bu, tu as aussi fumé et pourtant, tu as l'impression de te sentir bien malgré cette sensation que tu as la tête ailleurs. Tu planes totalement, ouais et t'as que dix-sept ans. Tu ne te rends pas vraiment compte de ce qui se passe quand tu finis tes lèvres plaquées à celle de l'inconnu et au final, tu ne fais même pas attention autour de toi. Tu connais tous les gens qui sont dans cette maison, à danser, à boire, à fumer... Alors tu t'en fiches et puis merde, tu as encore le droit de t'exposer avec qui tu le souhaites. C'est ce que tu crois, jusqu'à ce que tu retournes au lycée deux jours après cette fameuse fête. Tu ne te rappelles pas le prénom de ce type mais tu t'en fiches pas mal car même si tu le recroises au lycée, tu vas agir comme à ton habitude : avec désinvolture, mais aussi avec ce sourire qui ne quitte presque jamais ton visage. Tu es loin d'être quelqu'un qui se prend la tête et c'est pour cette raison que tu es autant apprécié, car tu ne te montres jamais de mauvaise humeur ou en colère. Tu es le clown de la bande, celui qui peut faire rire n'importe qui, celui qu'on vient voir pour se changer les idées. Comme à ton habitude, tu te rends dans le couloir où se trouve les casiers pour rejoindre un ami à toi, ami qui t'accueille avec une tête d'enterrement. « Woh, tu pourrais au moins faire semblant d'être heureux de me voir ! » lui lances-tu avec un grand sourire. « Mec... Tu te rappelles de la soirée ? » te demande-t-il et tu hausses un sourcil tout en lui faisant un signe de la main pour qu'il continue. « T'as sauté sur un mec. » ajoute-t-il en baissant le ton de sa voix, chose qu'il ne fait pas habituellement lorsque c'est une fille. « Ouais ? » réponds-tu tout en haussant les épaules. Tu ne penses jamais aux conséquences de tes actes et tu es du genre à toujours voir le positif dans une situation alors pour toi, il n'y a pas de quoi en faire tout un plat. Ton pote baisse la tête, évite ton regard et toi, tu attends comme un con qu'il se décide à briser le silence pour comprendre où il veut en venir. « J'ai... J'ai rien contre les gens comme toi mais... J'suis pas à l'aise de traîner avec toi en sachant que... Tu vois... » commence-t-il d'un ton hésitant et toi, tu te mets à rire nerveusement sur le coup. « T'as peur de quoi ? Que tu sois le prochain sur ma liste ? Désolé de t'annoncer que t'es pas vraiment mon style. » lui réponds-tu sans cesser de sourire mais au fond de toi, la situation est réellement en train de t'échapper. « C'est juste que... 'Fin... Je dois aller en cours de toute façon. On s'voit plus tard. » ajoute-t-il avant de s'échapper sans te laisser vraiment le temps d'en placer une. Lorsque tu as voulu le rejoindre un peu plus tard ce jour-là, il t'a délibérément ignoré. Tu as cru naïvement que ce serait un cas isolé, que les autres ne se montreraient pas aussi cons que lui mais tu t'es trompé sur toute la ligne. Certains t'ont tourné le dos sans explication, d'autres sont restés et même si tu ne l'as jamais montré, tu as assez mal vécu cette période-là de ta vie. Car pour toi, tu n'as jamais été différent des autres et tu as toujours été honnête avec toi-même mais aussi les autres. Alors pourquoi ne peuvent-ils pas t'accepter tel que tu es ? C'est durant cette période-là que tu as commencé à essayer d'autres drogues, à chercher toujours un peu plus de te déconnecter de la réalité. Comme si cela pouvait te permettre d'oublier que tu as perdu de nombreux amis, que tu as dû manger seul comme un idiot parfois à la cafétéria. Mais aussi pour continuer d'être toi-même sans te soucier du regard des autres. Seulement voilà, le bonheur ne dure qu'un temps avec la drogue et à chaque fois, tu en redemandes toujours plus. Jusqu'au moment où tu atteindras le point de non-retour mais toi, tu ne t'en rends même pas compte.



Harvard. Tu te rappelles encore la joie sur le visage de tes parents lorsque tu as reçu ta lettre d'acceptation, leur fierté de te voir réussir, d'avoir cette chance que d'autres n'ont pas eu. Cela fait plusieurs mois maintenant que les cours ont commencé et on peut dire que tu te débrouilles pas mal même si tu ne brilles pas contrairement à d'autres. Le mieux pour toi dans cette histoire, c'est que ton meilleur ami, Stan, a aussi été admis à l'université alors autant dire que vous passez tout votre temps libre ensembles. Stan, tu l'as connu au lycée et le courant est tout de suite passé entre vous. Il t'a toujours accepté tel que tu es, il ne t'a jamais tourné le dos mais toi, toi tu l'as embarqué dans tes conneries sans t'en rendre vraiment compte. Parce que pour toi, la drogue, ce n'est qu'un jeu où tu es le maître. Tu as l'impression de savoir ce que tu fais, de pouvoir arrêter à tout moment et pourtant... à chaque fois que tu as essayé, tu replongeais aussitôt. Mais tu ne t'en fais pas pour autant et tu enchaînes les soirées tout en bossant tes cours à côté. Tu as de la chance d'avoir toujours eu certaines facilités car il est évident que tu ne t'en sortirais pas sinon, même si tu penses le contraire. D'ailleurs, c'est encore à une fête étudiante que tu trouves à cet instant-même, toujours avec ton cher acolyte. Tu piques le joint qu'il a entre ses lèvres pour fumer à ton tour, faisant exprès de rejeter la fumée sur son visage avant de passer ton bras autour de ton cou pour le serrer contre toi et finir par éclater de rire. Tu profites de chaque instant comme si c'était le dernier, sans te soucier de ce qui peut arriver. Cela peut paraître comme une qualité mais dans ton cas, c'est loin d'en être une car tu ne te rends pas compte du danger de ton comportement. Stan fait comme toi alors tu te dis que tu ne risques rien, que vous profitez simplement de votre jeunesse avant qu'il soit trop tard. Ouais, tu te voiles totalement la face mais tu as toujours agi de cette manière. Sur le moment, tu es loin de te douter du bordel que tu vas mettre dans la vie de ton propre meilleur ami, loin de te douter que tu vas tout briser simplement parce que tu es un gamin paumé incapable de te gérer toi-même. Tu vas le perdre alors qu'il est la personne à laquelle tu tiens le plus. Tu vas le perdre comme tu te perds et tu ne pourras t'en vouloir qu'à toi-même ce jour-là. Mais pour le moment, tu continues de vivre avec cette insouciance qui te caractérise si bien. Ce soir là, tu danses, tu t'amuses, tu mènes ta vie comme tu l'entends avant ta propre déchéance... le nez dans la poudre.



Tu crèves de froid. Ton corps tremble. Tu as l'impression que tu ne contrôles plus, qu'il peut te lâcher à tout moment. Emmitouflé sous diverses couvertures, recroquevillé sur toi-même, tu fermes les yeux comme pour lutter contre le manque que tu ressens. Impossible pour toi de dormir. Ton cœur palpite beaucoup trop fort dans ta poitrine, te donnant cette impression qu'il va exploser à tout moment. Inconsciemment, tu commences à planter tes ongles dans ta peau, à la griffer jusqu'au sang avec nervosité. Tu as l'impression que tu vas crever si tu n'as pas ta dose là, maintenant, et c'est la sensation la plus désagréable que tu as connu jusqu'à présent. Ton premier réflexe, c'est d'attraper ton portable qui se trouve sur la table de chevet et de chercher le numéro de ton meilleur ami, Stan. Mais il ne veut plus te voir, ni même te parler. Tu n'as même pas compris pourquoi, pourquoi il ne souhaite plus t'avoir dans sa vie depuis des mois maintenant et d'un geste rageur, tu jettes ton portable qui va s'éclater contre le mur. Le bruit alerte tes parents. Tu entends le bruit de leur pas dans le couloir mais ton père reste sur le seuil de la porte alors que ta mère te rejoins en vitesse pour te prendre dans ses bras. Tu tentes de comprendre ce qui est véritablement en train de se passer mais tu n'as pas les idées claires. La seule chose à laquelle tu es foutu de penser, c'est la drogue. La drogue qui te manque. La drogue à laquelle tu es accro. « Ezra... ». Elle murmure ton prénom dans un souffle et tu sens dans le ton de sa voix qu'elle est brisée de te voir dans un tel état. Tu veux la repousser, lui dire que tout va bien, lui sourire pour la rassurer mais tu es incapable de faire quoi que ce soit mis-à-part respirer difficilement avec cette impression que ton cœur se serre un peu plus à chaque seconde. « Je suis là, mon cœur. » te dit-elle alors qu'elle te berce tendrement. Mais toi, tu as envie de crever pour oublier cette souffrance que tu ressens, autant physiquement que mentalement. Tu entends la porte de ta chambre qui claque, sûrement ton père qui ne supporte pas le spectacle. Tu avais promis à tes parents que tu arrêterais ce genre de connerie quand tu rentrerais à l'université, que tu te tiendrais correctement. Mais tu n'as fait que t'enfoncer un peu plus dans la merde sous leurs yeux impuissants. Parce que tu as toujours eu ce besoin de t'évader pour ne pas supporter la réalité, pour oublier durant quelques temps la pression que tu t'infliges pour les rendre fier depuis que tu es dans cette prestigieuse université. Au final, tu dois les dégoûter. Leur fils unique qui se rate sur toute la ligne... simplement parce que tu n'as pas su trouver la force d'être meilleur alors que tu n'as pas de quoi te plaindre dans la vie. T'es pathétique tout simplement. Et pourtant, le lendemain, lorsque tu te rends à l'université, tu ne montres rien de ce qui s'est passé cette nuit-là, de ta crise de manque. Tu souris, tu ris comme si de rien n'était. Tu te comportes comme on l'attend de toi. Ezra, celui sur qui on peut compter à n'importe quel moment pour se changer les idées, celui qui a toujours l'air de bonne humeur, d'être intouchable. S'ils savaient...