appel en cours.
Assise sur son lit en tailleur, la blonde prenait une pause bien mérité tandis qu’Aisling était quelque part avec son père écoutant sûrement l’histoire de la famille et tout un tas d’autre truc qu’elle avait déjà dû entendre un millier de fois. C’était donc tout naturellement qu’elle s’était désistée pour cette escapade préférant retrouver ses affaires restées en Suisse se sentant soudainement nostalgique de ce Pays qui lui manquait assez souvent. Et c’était dans cet état d’esprit là que son téléphone venait soudainement la sortir de ses pensées avant qu’elle n’y découvre le nom affiché. Cole. Se pinçant les lèvres, elle hésitait quelques secondes. Alors c’était comme ça que ça marchait maintenant ? Il faisait le mort et revenait quand il avait envie ? Il ne méritait même pas qu’elle décroche et pourtant, à l’ultime sonnerie, elle swippait son doigt sur l’écran portant finalement le cellulaire à son oreille. « Mh ? » Le seul truc qu’elle disait. Fallait dire que clairement, là, elle lui en voulait. Des excuses en béton pour réparer ça Wildingham s’il vous plaît.

Ils disent qu’il y a cinq étapes. Le choc d’abord. Hier. Le mot était faible quand en pleine soirée de fin d’année on vous sortait de vos petites préoccupations estudiantines pour vous annoncer ça. La colère ensuite. Pourquoi lui ? Pourquoi mon oncle ? Et pourquoi fallait-il que ça arrive à Dimi ? Mon cousin, ce garçon que j’avais toujours un peu considéré comme un petit frère, à qui j’aurais tant voulu éviter cette souffrance, cette épreuve. L’expression ensuite. Ces deux premières phases étaient passées. Et il était temps de me reconnecter avec la réalité, avec cette vie qui continuait, sans lui. La vie vous savez. Choisir les fleurs, choisir les textes à lire lors de la cérémonie, filer au notaire pour gérer la succession, signer des papiers, contacter banque et assurance… Cette spirale administrative dans laquelle on se trouvait immanquablement plongé pour ne pas dire noyé et dans laquelle je voulais être le soutien, la bouée en quelque sorte, de Dimitri. Et c’est entre deux rendez vous pour organiser tout ce ‘après’ la mort effrayant, que je repensais au bal, à tout ce qui avait précédé cette tragique fin de soirée. Agathe. J’avais besoin de la voir et comme un zombie je me retrouvais devant sa porte, là où l’on s’était promis de finir notre nuit ensemble la veille. Après avoir frappé dans le vide, sonné sans réponse, je m’étais emparé de mon téléphone pour l’appeler et elle décrocha qu’après plusieurs sonneries : « Je suis devant ta porte d'appart là, t’es où ? »

Appel en cours.
Quoi qu’elle doutait qu’il en ait vraiment une. Parce que là, l’abandonner comme il l’avait fait sans même prendre la peine de lui envoyer le moindre message ? C’était une blague. Princesse, elle ne passait clairement pas en second plan. Jamais. Alors à quoi il jouait ? Il était soudainement revenu sur ses mots ? Parce que si c’était le cas, elle allait lui faire la misère comme jamais. Sans le moindre doute. Et ouais, recevoir un appel de lui là maintenant tout de suite, ça la mettait encore plus en rogne parce qu’elle avait clairement l’impression d’être prise pour la dernière des idiotes. Et non, ça ne passait pas. Absolument pas. Il avait déjà de la chance qu’elle ne se soit pas mise à hurler à peine en décrochant. Alors quand il lui disait être devant chez elle, elle ne pouvait s’empêcher de laisser s’échapper un rire crispé de sa bouche. « Je dois te rappeler que je suis en Suisse ? » Alors quoi ? Il n’écoutait même pas un traître mot de ce qu’elle pouvait lui raconter ? Poussant un soupir, elle inspirait un grand coup se levant de son lit. « Tu me poses le plus gros des lapins jamais vu encore et là, tu m’appelles comme si de rien était ? » Non non, les choses ne marchent pas comme ça en fait. Absolument pas. « Qu’est-ce que tu veux Cole ? » Parce que s’il avait juste soudainement envie de se taper quelqu’un, c’était sans elle. Elle n’était pas un bouche trou.

« La Suisse ! » J’enfouis mon visage dans mes mains en soupirant quelques instants. Le ton d’Agathe ne laissait rien présager de bon. Et si d’habitude j’étais armé pour faire face à tous les éclats, là je n’avais ni la patience ni l’envie de me lancer dans une joute verbale. C’est pour ça probablement que j’abdiquais directement par un : « Désolé, j’avais oublié. » Et la réplique suivante de la demoiselle avait les mêmes intonations agacées quand elle m’accusait de lui avoir posé un lapin la veille, enchainant en me demandant ce que je voulais. « Je veux te voir… Je voulais te voir mais… Laisse tomber. Amuse toi bien en Suisse, j’vais pas te gâcher tes vacances. Et excuse moi pour hier, j’aurais du prévenir. J’ai eu un empêchement. » Ouais, clairement pas d’humeur. Pas de verve. Voix éteinte. Y’avait ces rendez vous qui nous attendaient, la famille et moi et j’avais juste pas envie d’une dispute en ligne en direct avec la demoiselle.    

Appel en cours.
Le pire ? Il avait l’air d’avoir un soudain accès de conscience quand elle parlait de sa présence en Suisse. Non mais sérieusement ? Elle avait limite raison quand elle disait qu’il ne l’écoutait pas. Parce que clairement, c’était pas le genre de sujet anodin. A peine s’était-ils mis en couple que princesse lui avait annoncé qu’elle partait le lendemain même pour ce pays passer un peu de temps avec ses parents. Et avoir des excuses juste derrière ça ? Clairement, il y avait quelque chose qui clochait. Ce n’était pas du tout le genre de Cole de capituler si vite. De la laisser s’énerver sans lui envoyer la moindre pique au visage. Non, ce n’était pas sa façon de réagir ça. Se pinçant les lèvres une nouvelle fois, elle gardait le silence pendant quelques secondes l’écoutant se braquer comme si elle était en tort dans toute cette histoire. « Cole.. Qu’est-ce qu’il se passe ? » Elle avait eu à faire à un homme bien plus cinglant que ça. Là, elle avait le droit à un semblant d’excuse, une personne totalement détaché comme déconnecté de tout ça et.. Ouais, elle voulait comprendre. « Dis moi ce qui ne va pas. »

Pendant quelques secondes, j’avais été celui qui était agacé, d’être là face à une porte close alors que j’avais besoin d’elle. Oui, je n’aimais pas l’avouer, mais à moi même je pouvais me le dire : je voulais voir Agathe parce que je savais qu’elle saurait me faire aller mieux. Et la seconde suivante, quand sa voix énervée me rappelait où elle se trouvait, je me sentis un peu stupide. Ca me revint en tête, tout ce que le choc des récents évènements avait éclipsé : ses vacances, la suisse, chez ses parents… Je m’excusais, vite, trop vite probablement. Ton détaché, presque absent, m’apprêtant presque à raccrocher et capituler. Et elle me demanda alors ce qu’il se passait, d’une façon différente. Son énervement un peu désamorcé. « Je… Je dois retourner auprès de Dimitri. » lançai-je, ne répondant pas forcément à la question. « C’est mon oncle. Son père. Il est décédé hier soir. » lâchai-je. Voix grave. Les mots s’échappaient de ma gorge, mais même ainsi, même en les prononçant j’avais encore un peu de mal à réaliser. L’armure de froideur refit néanmoins surface, fermant les écoutilles des sentiments pour ajouter : « Mais je veux pas te gâcher tes vacances avec ça alors… Je vais te laisser. »  

Appel en cours.
Elle ne pouvait pas comprendre s’il ne lui expliquait pas. Et même si Cole était du genre à tout garder pour lui, faudrait qu’il pense peut-être à faire un peu d’effort puisque la blonde n’était clairement pas devin. Encore moins en se trouvant à des milliers de kilomètres de là. Et après un silence qui avait semblé durer une éternité, il reprenait soudainement la parole éludant la question en premier lieu avant de finalement y donner une réponse et.. Ouais, pour la peine, princesse se sentait con. Parce que jamais elle n’aurait pu imaginer que quelque chose d’aussi grave avait pu avoir lieu et son énervement lui paraissait bien futile face à la perte qu’il venait de subir. Fermant les yeux, elle inspirait profondément alors que le grand Cole refaisait surface préférant couper court à la conversation. « Non, attends ! » Clairement un ordre. Elle attrapait son mac traînant non loin surfant rapidement sur le net avant de trouver ce qu’elle voulait. « Je peux être là en milieu de soirée, tu viens me chercher ? » Cliquant sur le billet en question, il ne lui manquait plus qu’une manip pour le valider. « T’as besoin de moi, je viens. C’est non-négociable Cole. » Ouais, elle s’attendait déjà à ses protestations.

 Passé la frustration de la découvrir absente, de me trouver devant une porte close, elle me rappela au bout du fil ce qu’elle m’avait révélé la veille, à savoir qu’elle était en vacances, qu’elle avait pris un vol pour la suisse ce matin. C’était vrai, elle m’en avait parlé… J’avais juste pas enregistré l’info, pris dans la spirale de toutes ces choses à penser, organiser, planifier, pour alléger un peu les lourdeurs administratives qui attendaient mon cousin. Malheureusement, je savais ce que c’était. Huit ans plus tôt c’était moi qui perdait mon paternel. Mon interlocutrice se tut quand je lâchais finalement ce qu’était ‘l’empêchement’ qui m’avait fait séché notre nuit ensemble, et qui m’avait fait oublier de la prévenir au passage : le décés de mon oncle. Le père de Dimitri. Y’avait quelque chose de terrible dans le fait de le dire, de l’annoncer, de prononcer c’est trois affreux mots à voix haute. Il est décédé. J’aurais pu opter pour le ‘parti’ ou un terme plus doux, de ce qu’on utilisait dans ces cas là, mais je crois que j’avais aussi besoin de me l’ancrer dans la tête. Un instant, ma voix vacilla puis je me repris. La voix d’Agathe m’empêcha néanmoins de raccrocher là dessus, me retenant en ligne. « Non, Agathe, non. T’es en vacances, tu es en famille… » Que je pensais hein… Je pouvais pas me douter que l’autre guignol s’était glissé dans ses bagages. « Profite et… Et ça va aller je t’assure. » refusai-je alors que la jeune femme était déjà en train de projeter son retour.  

appel en cours.
Fier comme il était, probablement qu’il refuserait tout bonnement qu’elle reparte de Suisse à peine arrivée. Mais elle ne comptait absolument pas lui laisser le choix dans tous les cas, elle pouvait l’entendre dans sa voix et qu’il l’avoue ou pas, il avait besoin de soutien. Soutien qu’elle comptait bien lui donner, probablement pour honorer sa promesse du « je suis à toi ». Et puis, il était bien connu qu’elle n’écoutait jamais rien de ce que l’on pouvait lui dire. Forcément qu’elle viendrait dans tous les cas que ça lui plaise ou non. « Trop tard » qu’elle soufflait cliquant en même temps sur le billet d’avion pour le réserver. « Je viens de prendre mon retour et de toute manière, je pourrais toujours revenir plus tard. » C’était pas vraiment le souci sachant que les cours étaient désormais terminés et qu’ils n’avaient rien d’autre à faire que profiter en attendant le summer camp. « T’es déjà allé en Suisse ? » Invitation caché alors qu’elle faisait une dernière manipulation pour imprimer le billet fraîchement payé. « J’arrive à 22h, tu pourras être là où je commande un taxi ? » Y avait vraiment pas de place aux négociations.