Le rendez-vous qu'on avait à l'hôpital n'était pas des plus heureux. Toi et moi le savions pertinemment. Kaya, c'était une décision dure qu'on avait eu à prendre mais on le savait, c'était la meilleure chose à faire dans notre situation. Il fallait lui dire au revoir, parce qu'on était pas prêt à lui souhaiter une bienvenue ici même, dans ce bas monde. J'étais pas prêt et tu m'as dit que toi non plus. Alors ouais, on avait enfin pris rendez-vous et maintenant, on devait s'y rendre. Garé sur le parking, on avait pris quelques minutes ensemble avant de se rendre dans la bonne section de l'hôpital. C'était loin d'être glorieux et nous n'étions pas de ceux qui avaient le sourire sur les lèvres. Non, visage fermé, tête presque baissée. Seules nos mains liées montraient que nous étions ensemble toi et moi. Et puis à l'accueil, ils nous donnaient la direction à prendre pour rejoindre le bon secteur. Une fois qu'on y était, c'était la salle d'attente. Nous n'étions pas seuls. D'autres personnes se trouvaient là. Eux aussi étaient là pour un avortement ? J'en savais rien. Je ne me sentais pas bien. Et je me doutais que c'était pire pour toi. Resserrant ma main contre la tienne, je finissais par la lâcher afin de passer mon bras dans ton dos, t'attirant contre mon flanc. Tu es mienne et je ne te laisserai pas tomber dans cette épreuve. Ton corps allait subir un choc, c'était pas rien, et j'essayerai d'être assez présent pour toi. Kaya, s'il te plait, ne me repousse pas. « Je t'aime » que je te disais doucement avant de t'embrasser sur les lèvres. Ouais, peut-être que ça, ça t'aidera à aller mieux en fait.

La boule au ventre, ce poid dans la poitrine. Clairement, j'étais au bout du rouleau. J'avais rien pu avaler la veille, encore moins en me levant. J'avais juste l'impression d'être un monstre et de faire la chose la plus affreuse qui soit. J'arrivais même plus à me trouver des excuses dans tout ça. J'étais juste une affreuse personne et rien ne pourrait changer ça. Poussant un soupir, je relevais mes cheveux avant de te suivre jusqu'à la voiture. J'appréciais que tu viennes faire ça avec moi, je ne pouvais définitivement pas être seule mais tu m'excuseras, j'suis pas en capacité d'avoir une conversation. C'était donc en silence que l'on avait rejoint le parking de l'hôpital et c'était toujours en silence qu'on suivait les couloirs pour rejoindre le bon service. Et voilà, on y était. Toi, moi et mon affreuse envie de pleurer. Assise dans la salle d'attente, je regardais autour de moi me mordant la lèvre à plusieurs reprise jusqu'à ce que tu m'attires contre toi. Je sais que t'essaie d'être présent, pour éviter que je craque mais là, j'ai pas envie de grand chose tu vois. Je t'aime J'avais même le droit à un baiser mais honnêtement, ça changeait pas grand chose. Peut être qu'on prenait la mauvaise décision, peut être qu'on devrait juste assumer nos erreurs et.. J'savais pas. J'ai peur. Du déroulement des choses et puis surtout de l'après. Personne ne pouvait réellement expliquer la sensation une fois que c'était fait et moi, j'étais fragile à souhait. J'crois que y a as grand chose qui puisse me rassurer en fait. Encore moins quand j'entends mon nom être appelé. J'ai ma main qui se cripse dans la tienne, j'te regarde effrayée. Oh Nicho, j'veux vraiment pas être là.

Je sais que c'est pas facile cette situation mais on s'en sortira pas vrai? On a déjà vécu tellement d'épreuves que ce serait con que celle là soit fatale pour notre relation. Je veux continuer de t'aimer encore et encore. Alors ouais, c'était une épreuve qu'on... Enfin tu étais en train de vivre. C'était de ton corps dont il était question et forcément que je voulais que tu te sentes le mieux possible en ce triste jour. Faut se dire que c'était parce qu'on était pas prêts à devenir parents. Tu ne l'es pas, n'est-ce pas ? Disons que moi c'était certain que j'en voulais pas. Toi ? Je n'en étais pas si sûr. Un coup c'est oui, un coup c'est non. J'ai limite peur de te dire si c'est vraiment ce que tu veux parce que si ton avis changeait entre temps, ca voudrait dire devenir parents et j'étais pas prêt à l'assumer. Installés dans la salle d'attente, nous étions entourés de personnes probablement dans le même cas que nous. Je les regardais, serrant ta main dans la mienne avant de te révéler une nouvelle fois mes sentiments pour t'aider à supporter tout ça. Un baiser en plus.. Mais je savais que ça ne changerait rien. « Je sais... Tu veux encore y réfléchir ? » Je m'étais risqué à te demander, ayant peur de la réponse. Mais bon, je n'aimais pas te savoir mal comme tu l'étais là. Non, je n'aimais vraiment pas et donc je m'étais tourné vers toi pour avoir ta réponse. Puis tu étais appelée, preuve qu'on avait bien pris rendez-vous. Non je n'aimais pas ce regard sur ton visage. Il était affreux, il trahissait ta peur. Je n'aimais pas ça. « Hey, je suis là.. Ca va bien se passer.. Tu veux repousser ? Annuler ? » J'en avais pas envie mais là c'était de toi qu'il s'agissait, pas moi.

J'sais pas à quoi je m'attendais mais au final, j'ai toutes les raisons du monde d'être complètement terrorisée pas vrai ? Ce qu'on s'apprête à faire.. Ce que je vais faire. C'est moche. Et je sais pas si je serais capable de vivre avec ça par la suite. Après tout, moi je le vis comme un meurtre. Je vais tuer le bébé qui grandit à l'intérieur de moi parce que je suis une gamine inconsciente qui n'a pas réfléchi. Et puisque ça fais trop de temps, le cachet est ineficace. Non, j'dois passer par le bloc opératoire et j'suis terrifiée. Je veux pas avoir à vivre avec ça. Je veux pas être dans cette position là. Ais-je le choix ? Oui et non. J'pourrais refuser. J'pourrais prendre mes jambes à mon cou et sortir d'ici mais au final, j'aurais un bébé sur les bras que je ne peux pas assumer. On est à court de temps Nicho.. je suis enceinte de deux mois, pas d'une semaine. On a plus le temps pour réfléchir. On a pas le droit de prendre notre temps. Je te regarde la peur au ventre, la gorge nouée mais je me lève. On a plus le choix. Je prend la direction du médecin, le suit dans les couloirs, toi sur les talons. J'ai l'impression de me rendre à ma propre condamnation et ça, c'est affreux. J'rentre dans la chambre prévu, enfile la blouse demandé et prend place sur le lit alors qu'on nous demande de patienter encore un peu. Oh j'aime pas ça. Attendre dans ce genre de moment c'est la pire des choses. J'ai pas de courage là. Comment j'pourrais en avoir ?

Même moi je n'étais pas serein de ce qu'on allait faire, alors que je n'en voulais pas de ce bébé. Donc ouais, je n'osais même pas imaginer ton état. Mais tu le savais, hein? Que c'était la meilleure chose à faire. C'était clairement la seule chose qu'on pouvait faire tous les deux pour reprendre le cours de nos vies. On ne pouvait pas assumer un enfant, je considérais à peine le fait d'être en couple sérieux avec toi, alors un enfant pour lier nos deux existences ? C'était clairement trop. Je ne pouvais pas et tu ne pouvais pas. Parce que tu n'as que vingt ans Kaya, bientôt vingt-et-un. C'était beaucoup trop jeune. On était pas prêt. Tout simplement. Alors ouais, je sais bien que ça allait être difficile à vivre, d'autant plus qu'il s'agissait d'une intervention et non d'une pilule mais il fallait passer par là. On avait oublié la capote ou la pilule. On devait assumer nos erreurs. « Je sais.. » Tu te levais, prête à rejoindre l'infirmière qui t'avais appelée. Bien sûr que je venais avec toi. Il m'était inconcevable de t'imaginer traverser cette épreuve seule. Installés dans une pièce, tu te changeais et je respectais ton intimité. Si on était actifs sexuellement, ça ne t'empêchait pas d'éprouver quand même une certaine pudeur. Je respectais et me tournais. Puis il fut temps de rejoindre la chambre où tu avais un lit qui t'était dédié. C'était presque le moment et j'avais peur. Peur de la suite. Peur de comment ça se passera. Tu n'auras plus rien dans ton ventre. Plus de bébé, plus de mix entre nous deux. Ma main rejoignait la tienne, la serrant fort, mais sans te blesser pour autant. Je voulais te réconforter, mais j'étais maladroit. Faut se dire que tout sera comme avant. Ouais.. sauf que plus rien ne sera comme avant.

C'était pas non plus comme si j'pouvais y aller avec un grand sourire, me rejouir de ce qui allait se passer et sortir d'ici en riant comme si ce n'était pas grand chose. C'était d'ailleurs tout l'inverse de ça qui allait se produire. Putain mais on parlait de moi là. Comment est ce que j'étais censée supporter un truc pareil ? J'faisais pas le poids, j'étais pas douée avec les mauvaises choses et j'avais mis des années avant de me remettre du simple fait que j'étais malade. Comment j'allais pouvoir passer à autre chose après ça ? J'me changeais avec l'envie violente de vomir mes tripes et j'allais sur le lit dans le plus grand des silences. J'étais en train de me rendre malade pour un truc qui ne s'était même pas produit et.. Putain, j'osais pas imaginer la suite. Tu venais prendre ma main la serrant peut être un peu trop fort tout en gardant le silence. Le truc, c'est que ça devenait pesant tout ça. Tu m'aimeras toujours après ? Dis moi que oui s'il te plait. Parce que j'ai peur que tu me regardes plus de la même façon par la suite. Je suis terrorisé par l'après. Et l'infirmière revenait dans la chambre parlant rapidement du déroulement de l'opération avant de m'emmener au bloc. J'avais le droit aux paroles rassurantes, au masque sur le visage pour l'anesthésie et.. [...] J'ouvrais les yeux dans la chambre une nouvelle fois. L'air un peu perdu et.. Vide. C'était ça le pire. J'étais vidée de tout. Totalement éreintée et.. J'clignais des paupières à plusieurs reprise cherchant Nicholas dans la pièce, tendant ma main sans le trouver. Nich.. que je murmurais la voix un peu rauque. J'ai besoin de toi, maintenant.

Un avortement, c'est pas rien. Et je suis d'ailleurs étonné qu'il n'y ait pas plus de suivi psychologique que ça, au début tout du moins. Être sûr que la personne soit suffisamment forte pour subir cette intervention. Non pas que je doute de toi Kaya, mais je sais pas comment sera l'après. Tu dis ne pas le vouloir mais je sens le doute te submerger. Si bien que quand l'infirmière t'appelait pour indiquer que ton tour était bientôt arrivé, je ne savais pas du tout si tu allais la suivre, moi sur tes pas, ou si tu allais prendre tes pieds à ton cou pour rentrer à l'appartement, n'osant pas franchir le pas. On avait merdé, ouais, mais il fallait assumer. Toi comme moi savions que nous n'étions pas suffisamment mature dans notre couple pour assumer un enfant. Il serait de trop. J'ai envie de continuer à te découvrir Kaya, et un enfant serait clairement un obstacle à tout ça. « Bien sûr... Un peu plus à chaque instant » Bordel ouais, t'as volé mon coeur tu sais ? Moi-même je ne m'y attendais pas. Alors du coup, ouais, je t'aimais et ce qui se passe aujourd'hui ne changera pas ça. Promis juré. Je te voyais t'en aller. Je t'attendrai là, je ne bougerai pas. Je m'installais alors sur le siège et j'attendais. Si au début je regardais mon téléphone, très vite je m'étais endormi. Peut-être que le temps passerait plus vite. Et ouais, c'était le cas. Les infirmiers m'avaient réveillé en te ramenant dans la pièce mais tu dormais encore toi. Bon, encore un peu de patience pour le coup. Restant sur le siège, je t'observais. Je sais que tu trouvais ça creepy mais tu n'savais pas ce que je faisais alors j'en profitais. Enfin, jusqu'à ce que j'te voie bouger et t'entendre m'appeler. « Je suis là » Je me redressais pour venir m'installer sur le bord de ton lit, glissant ma main dans la tienne afin de te prouver ma présence. Non, tu ne rêves pas, je suis bien là.

J'arrive pas à me concentrer sur mes émotions. Peut être parce qu'elles partent en vrille au fond. J'ai envie de pleurer pendant une seconde, puis d'hurler de colère. J'voudrais me rendormir et en même temps insulter tout ceux qui s'trouvent ici. Nich y compris. Je déteste avoir des batailles à l'intérieur de moi. Je déteste me sentir totalement submergée et ne pas réussir à garder le contrôle mais au fond, je m'attendais à quoi ? J'venais de faire l'un des pires trucs au monde et je me réveillais à peine de l'anesthésie. Forcément que ça ne pouvait pas aller bien. J'avais envie de vomir et j'arrivais pas à me décider si la sensation était réelle ou si c'était seulement une métaphore suite à l'acte. Mais ça n'allait pas, ça n'allait vraiment et je pataugeait entre la réalité et mon subconscient. Peut être que j'étais pas parfaitement réveillée en fait. J'en savais rien. Puis j'entendais ta voix et l'instant d'après, j'sentais ta main se glisser dans la mienne. J'serrais un peu plus mes doigts autour des tiens tentant de garder un pied dans la réalité. Pourquoi on a fait ça Nicho ? Pourquoi on a pas juste assumé ? J'crois que je me déteste à cet instant précis. Ouais c'est ça en fait. Je me hais pour avoir pris ce rendez vous, pour être venue ici et pour être allée jusqu'au bout. Peut être que j'aurais du prendre la fuite à l'entente de mon nom en fait. Peut être que ça aurait été ça l'acte courageux. Là, j'me sens vide. C'est affreux cette sensation, j'sais pas si t'en es conscient. Mais putain ce que je me sens mal. Je veux Sofia.. Pourquoi j'avais pas demandé à Sofia de venir ici ? Pourquoi je l'avais pas fais ? Parce que j'avais besoin de ma jumelle comme bien souvent et aujourd'hui elle n'était pas là.

Cet acte était des plus affreux. Pour toi physiquement mais psychologiquement aussi. Je ne savais pas trop quoi dire, quoi faire, en te voyant revenir encore endormie dans ta chambre. Forcément, je ne pouvais pas te parler. Mais qu'est-ce que je dirai quand tu rouvriras les yeux, sentant alors que le bébé n'est plus là ? Je n'étais pas doué moi dans tout ça, j'étais maladroit avec les mots, tu le savais très bien, t'en avais fait l'expérience. Alors ouais, je dirai quoi moi ? Désolé de t'avoir mise enceinte mais c'était ce qu'il fallait faire ? Je ne savais même pas dans quel état tu seras. J'attendais, jusqu'à ce que finalement tu reprennes conscience. J'étais là mon coeur, toujours là. Oui, j'ai entendu mon prénom à tes lèvres et je m'étais approché immédiatement. Je voulais pas te brusquer alors je ne disais rien de plus que “je suis là”, ma main dans la tienne. Oui, je suis là et je ne partirai pas. Je t'aime encore, si tu te posais la question. Je t'aime plus que tout et je veux te protéger du mal que tu viens de vivre. Seulement, je sais que c'est impossible, rien ne pourra effacer ça.. c'était ancré en toi, cette sensation de vide. Et ouais, je ne pouvais rien y faire. Ta main serrait un peu plus la mienne et j'appréciais. Sauf que je n'étais pas suffisant, je le sentais. Tu me le faisais comprendre. « Il est où ton téléphone ? Je vais l'appeler » J'ai quand même moins peur de ta soeur que de tes parents. La confronter, c'était dans mes cordes, même si bon, la ressemblance est marquante et ce serait presque t'engueuler toi. Mais voilà, c'est ta soeur, t'as besoin d'elle, je me faisais violence pour la contacter et m'en aller si c'était réellement ce que tu voulais. Cet enfant, j'en voulais pas de toute façon... alors ouais, c'était fini, il n'était plus là. Maintenant, tout ce qui me préoccupe, c'est toi.

C'était de ma faute à vrai dire. J'avais trop tendance à garder de secret ces derniers temps. A me consacrer uniquement à ma relation avec Nicholas et.. J'pense qu'au fond, c'était en train de me porter préjudice. Je laissais tomber tout le reste pour lui, y compris ma propre famille. En fait, l'amour, ça avait vraiment un côté dévastateur. Je l'aimais tellement que je le faisais passer avant tout le reste sans me soucier de ce qui pouvait se passer autour de moi. Depuis des semaines et des semaines, c'était Nicho avant tout comme si le reste n'existait plus et au fond, je savais que c'était mal d'agir comme ça. Alors au fond, j'étais stupide de réclamer Sofia. Je ne lui avais pas parlé de tout ça. Elle tomberait de haut si je la faisais soudainement débarquer ici et.. Ouais, je me foutais clairement dans la merde toute seule. Laisse tomber.. Je lâchais sa main me tournant avec précaution sur le côté pour le regarder. Ouais, j'étais folle amoureuse de lui mais.. Les choses allaient trop loin. Je laissais tout tomber pour lui. J'étais dans cette situation à cause de lui. Et à cause de moi aussi mais peut être que si l'on avait pas été comme ça, ça ne se serait pas produit. J'en savais rien en fait. C'était juste brouillon dans ma tête et j'arrivais pas à trouver le truc logique. T'as pas l'impression que des fois.. On devrait se donner plus d'espace ? Arrêter de vouloir passer nos soirées ensemble, de ne jamais rien faire de séparés. J'sais pas moi. Peut être qu'on en avait trop fait d'un coup et que c'était bon pour aucun de nous.