Enfin. Les cours étaient terminés. J'étais libre pour le reste de l'après-midi. Je ne savais absolument pas ce que j'allais faire, mais en priorité, je voulais partir de cette université de malheur. J'en pouvais plus de me balader dans ces couloirs, de rester assis pendant des heures dans des amphis remplis de gens à écouter des cours plus chiant les uns que les autres. Autant dire que ce n'était pas mon occupation préférée, mais alors loin de là. Je me baladais dans les couloirs, allant vers le grand hall pour rejoindre le parking et prendre ma voiture pour rentrer. Mais mon regard s'arrêtait sur une petite rousse. Je la connaissais, je savais qui elle était, mais je ne savais pas qu'elle était revenue. Autant dire que je ne savais même pas depuis combien de temps elle était revenue. Mais j'étais heureux, parce que je me disais immédiatement que j'allais pouvoir recommencer à l'embêter, à la taquiner et cela m'occuperait pendant de nombreuses heures, comme avant. Alors je décidais que j'allais commencer immédiatement. Après tout, je ne savais pas encore quoi faire, autant aller passer un peu de temps avec elle. Je m'approchais, un large sourire aux lèvres, me posant devant elle pour qu'elle arrête de marcher. « Bonjour splendide rousse, je ne savais pas que tu étais revenu mais j'en suis plus que ravie... » commençais-je en l'observant de la tête aux pieds. « Encore plus quand je vois que tu n'as absolument pas changé physiquement, ça me plait. » finissais-je un sourire au coin des lèvres. J'avais tout donné pour nos petites retrouvailles, autant commencer par la rendre bien mal à l'aise dès le début pour continuer après doucement tout à l'heure. Du moins, c'était ce que je pensais.

Progressivement, j'ai commencé à reprendre mes marques, mes habitudes. Lire un bouquin dans le métro de Boston à Harvard Square, reprendre les mêmes places dans les salles où j'avais déjà pris des cours, m'attarder sur le chemin entre deux cours, m'installer sur une chaise entre Widener Library et Annenberg Hall... Enfin bref, petit à petit, j'ai arrêté de voir Harvard comme un terrain miné, pour retrouver l'image de mon université, la mienne et celle de mes soeurs. Sortant d'ailleurs de la bibliothèque, ayant fini mes recherches pour la journée, j'étais bien tranquille jusque 19h, mon prochain cours. Non mais quelle idée de faire un trou entre 10h et 19h pour finir à 20h, hein. Rangeant mes papiers dans mon sac en filant vers Harvard Square, bien décidée à aller prendre un milkshake pour me rafraichir en cette fin d'été, une grande silhouette m'arrête en plein élan, me surprenant sur le coup et me faisant de ce fait, relever la tête. Et là, surprise, visage bien connu, remarques lointaines qui font écho à une période qui me semble bien loin. Sauf que cette fois, je ne me défile pas, ne balbutie pas. Au contraire, alors qu'il semble avoir fini son speech, à mon tour, je le regarde de haut en bas, et le contourne même pour mieux le regarder. « T'es sûr d'avoir bien regardé ? J'suis à peu près sûr d'avoir pris une taille en soutif, j'ai du refaire ma garde robe en Corée. » Non,je ne suis pas sérieuse, mais je me délecte de sa mine décomposée, au brun. « Toi, par contre, tu n'as pas changé. » Que je termine, en lui faisant à nouveau face. Ah moi? Si, j'ai changé, et il va le découvrir.

Je voulais partir d'ici, aller à l'extérieur et prendre un café sans aucun doute. Mais j'avais été arrêté dans ma course, arrêté par une belle rousse que j'avais reconnue en quelques secondes. Mon envie de quitter au plus vite l'université s'était envolé aussi tôt. Il était bien plus intéressant d'aller la voir, de recommencer à lui parler, de recommencer à l'embêter. Cette perspective me plaisait plus que celle d'aller boire un café seul. Alors je me dirigeais vers elle, l'arrêtant sur son chemin et je me lançais dans mon petit show. Dans mon petit jeu. J'étais impatient de recommencer comme avant, impatient de la voir rougir, impatient de la voir défaillir en ne sachant quoi dire. Sauf que ça ne se passait pas comme prévu. Elle rétorquait, me renvoyant mes belles paroles sur le même ton. Elle m'observait comme je venais de le faire et je me retrouvais.. con. Je ne savais plus quoi dire. J'ouvrais légèrement la bouche de surprise, comme si j'avais perdu ma voix en quelques secondes seulement. Non de dieu, mais qu'est-ce qui lui était arrivé ? « Mais... Tu.. Fin, putain. » Ouais, c'était tout ce qui sortait de ma bouche. La situation était retourné, nos rôles inversés et les joues rosies par la gêne, c'était moi qui les avaient. Bien, ce n'était plus la Margot que j'avais connu en 2015, là, c'était sûr. « Qui es-tu ? » lâchais-je en riant légèrement. L'humour pouvait peut-être faire passer sous silence mon visage qui s'était décomposé et ma gêne qui avait dû mal à partir d'un coup, non ?

C'est priceless, cette expression hébétée qu'il affiche alors que moi, clairement, je joue avec les mots avec une aisance que j'étais loin d'avoir il y a plus d'un an. Voyager seule m'a aidé à changer, à murir, à m'épanouir, aussi, et surtout, à décoincer cette adolescente devenue jeune femme à son arrivée à Harvard, encore trop timide, trop prude. Cette nana a été balayée, et à vraie dire, la question d'Adriel semble plutôt bien trouvée du coup, alors que j'éclate de rire devant son expression. Est-ce que je le vois rougir ? Mordant ma lèvre inférieure pour m'arrêter de rire, j'esquisse un sourire en coin avant de lui tendre ma main, l'air malin. « Enchantée, Margot Weasley. » Que je balance tout à fait sérieusement, alors qu'évidemment, il connaît mon prénom. Prenant une moue pensive, je hausse les sourcils avant de poursuivre: « Et tu dois être Adriel, je crois que l'autre Margot t'a mentionné avant de partir en Corée. » Je secoue mes boucles rousses de ma main libre en riant légèrement, reprenant une posture normale, bien que gardant une expression amusée sur mon visage: « Surprise ! Déçu que je ne sois pas partie en courant? » Parce qu'à peu de chose près, c'était ce que je faisais avant devant lui.

Je ne savais plus vraiment comment je devais réagir, je me retrouvais comme un idiot face à elle. C'était une situation différente et quand j'aurais repris le dessus, ça m'amusera. Mais là, je suis encore trop surpris. Elle riait, se fichant ouvertement de moi mais je ne pouvais pas lui en vouloir pour le coup, il fallait être honnête. Je lui serrais la main qu'elle me tendait, un rire nerveux s'échappant de mes lèvres. Génial, t'as tout gagné Adriel. Et elle continuait en plus, elle avait l'air de prendre un malin plaisir à ce petit jeu. Et je la comprenais. « Je suis quand même content que l'ancienne Margot t'ait parlé de moi avant de disparaître. » lançais-je un sourire aux lèvres. Au fond, je n'aurais manqué ce changement pour rien au monde. Mais j'allais devoir m'y habituer. Je passais de la rousse timide et prude à la rousse ténébreuse. Je ne savais pas laquelle me plaisait le plus, en réalité. « Je dois t'avouer que je suis réellement déçu de ça.. » disais-je en affichant une légère moue triste, reprenant. « Tu voudrais pas le faire juste pour mon égo ? Parce qu'il a prit un gros coup là. » rajoutais-je en riant, me grattant l'arrière de la tête. Tic qui revenait quand j'étais gêné ou stressé. Actuellement, j'étais un mélange de ses deux sensations, en rajoutant un soupçon d’incompréhension quand même.

Dans le fond, j'suis quand même la même, hein. Juste ... Une version améliorée, même si y a encore du chemin pour finir super badass sans complexes. Quoique, je suis pas bien sûre de vouloir atteindre ce niveau là. Finalement, je finissais par arrêter de me moquer d'Adriel, ne faisant qu'un petit sourire en coin, incapable de m'en détacher. « Elle a pris soin de me faire une liste de ceux qui aimaient bien la voir perdre pied. » Que je balance en riant. Adriel était en tête de liste, le brun prenant plaisir à me draguer ouvertement sans que je ne sache vraiment quoi lui dire. Un simple compliment suffisait à me faire rougir, à l'époque, c'était pas bien difficile, faut bien avouer. Cependant, j'esquisse une moue déçue quand il m'avoue être déçu de ne pas m'avoir fait perdre mes moyens. Oh, vraiment ? Too bad. « C'est balo. » Que je balance d'abord en pinçant les lèvres, amusée, l'écoutant me demander de le refaire juste pour reconstruire son égo. Un haussement d'épaules, et je dis d'abord: « Je saurais pas me forcer à rougir, à vraie dire, après, si je me sauve, les gens vont croire que t'es un monstre. » Quoique, ce cas de figure serait drôle aussi. Finalement, je pose mes mains sur mes hanches, pour mieux dire: « Au pire, t'as qu'à trouver un moyen de me déstabiliser, j'suis pas à l'épreuve de tout, hein. » Je veux bien avoir changé, mais pas à ce point. Sourire en coin, je conclus alors par un : « Surprends moi. »

La situation était intéressante au fond. Au moins, on allait pas retourner dans notre routine habituel, ce serait différent maintenant. Ca ne pouvait qu'apporter un plus à notre relation. « Oh, je ne comprends pas pourquoi j'en fais parti alors ! » rétorquais-je sur un ton faussement outré. Evidemment que si, je savais pourquoi. C'était tellement normal et logique au fond. Au moins, ça l'amusait. Mais je ne comptais quand même pas me laisser faire comme ça, j'allais trouver le moyen de répliquer et de me venger de cette petite surprise qui m'avait fait perdre pied. Mais voilà, je voulais redorer mon égo, je voulais qu'il reprenne son énorme place habituel et là, ce n'était pas le cas. Il avait diminué, il se sentait mal le pauvre. Mais Margot s'en fichait, c'était évident. « Je dois avouer que je préfère éviter le côté monstre, déjà que j'ai pas une superbe réputation. » disais-je en riant. Ouais, le mec qui se fait passer pour mort pendant deux ans, qui revient comme une fleur, qui couche à droite et à gauche et qui se fait toujours avoir par les filles. On a déjà vu mieux. Je la regardais légèrement surpris, fronçant les sourcils. « Oh vraiment ? » demandais-je avec un léger sourire au coin des lèvres. Elle voulait que je la surprenne. Sur le moment, je n'avais qu'une idée me venant en tête, c'était idiot, mais c'était ça. Alors j'attrapais son bras, l'approchant doucement de moi alors que nos visages étaient très proches. Je déposais un baiser au coin de ses lèvres, avant de laisser mon souffle glissait le long de son cou. « Tu me plais toujours autant, ça ne changera jamais, ça.. » lui chuchotais-je doucement à l'oreille, déposant un léger baiser au creux de son cou, me reculant ensuite pour lui faire face, restant proche, un sourire satisfait accroché aux lèvres.

La transition de dix-huit à vingt ans aura été brusque, me concernant. Et si mes parents et mes soeurs ont été plutôt surpris à mon retour de Séoul, aujourd'hui, c'est Adriel qui en fait les frais. D'ailleurs, sa remarque et son ton outré n'eurent pour effet que de me faire rire. « T'es sûr ? perso j'ai quelques exemples en tête. » Que je sors, amusée, avant de l'entendre me demander de l'aider à réparer son pauvre petit égo meurtri par sa tentative ratée de me faire perdre pied. S'il a cru que j'allais lui faciliter la tâche, il se met le doigt dans l'oeil. « Oh, au pire des cas, en passant pour un monstre, c'est plus une réputation que t'auras, tu seras une légende d'Harvard, tu pourras me remercier. Non ? D'accord. » Que je dis en voyant son expression qui laissait clairement entendre que même légende monstrueuse ne lui convenait pas. Alors, je joue franc jeu, je pose les cartes sur table, et je lui dis que s'il veut que ma réaction soit sincère, il va devoir me surprendre. Te démonte pas, Margot. Je hoche la tête à sa question, haussant un sourcil en affirmant: « Vraiment. » Parfaitement consciente de ce à quoi je m'engage, sans trop savoir pour autant ce qu'il va faire, sachant que le coup des remarques sans gêne, il a déjà fait. Peut être qu'il va dire pire encore, balancer un truc salace? Mais ... Quoi de plus intimidant que des gestes ? Je n'y ai pas pensé, et je ne le réalise que lorsque Adriel tire sur mon bras pour m'approcher de lui, brisant la distance qu'il y avait entre nous deux en une seconde. Sans m'en rendre compte, j'arrête de respirer, et je le fixe alors qu'il effleure le coin de mes lèvres, que son souffle dévie dans mon cou. Il susurre quelques mots à mon oreille, et bam, le rouge monte aux joues. Clairement, je suis pas immunisée contre son charme, et j'expire au contact de ses lèvres contre la peau de mon cou. Putain. Quand il recule pour me faire face, ma main reste accrochée à son épaule le temps que je retrouve un semblant d'équilibre. « Je .. Putain. Ça... » Que je murmure et balbutie en passant ma main sur mon visage que je sentais brûlant et donc, rougi par la gêne, avant de continuer, relevant mes grands yeux verts vers Adriel : « C'est fourbe d'user des gestes et de jouer les beaux parleurs. Mais c'est réussi. » Ouais, clairement, s'il pensait me rendre indifférente, là, il a retrouvé la Margot cramoisie de 2014.

Elle était sympa cette nouvelle Margot. Je ne savais pas jusqu'où elle pouvait aller, mais c'était intéressant. Et ça allait être intéressant de la travailler, la chercher, voir les limites. Mais pour l'instant, je reprenais doucement mes esprits et je redevenais normal, après cette petite mise au point où j'avais dû comprendre ce qu'il se passait. « Je suis plus très sûr.. » répondais-je en riant légèrement. Je le savais de toute façon, je n'allais pas mentir ou faire semblant de ne pas comprendre. Je savais ce que j'avais fait, je savais à quoi je m'étais amusé et je n'oublierais pas parce que c'était une très bonne période de ma vie. J'adore faire chier les gens en même temps, alors c'est plutôt normal au final. « Non, je préfère clairement pas tenter parce que je ne pourrais pas faire de retour en arrière, tu vois. » disais-je avec un léger rire. Je ne voulais pas passer pour un monstre. J'avais assez de choses à régler en ce moment, une réputation aussi pourrie que celle-ci ne me faisait pas rêver, clairement. Mais voilà, la belle rousse avait décidé de jouer à un jeu dangereux. Elle me tentait, pire, elle me défiait. Et un Rhodes ne refusait jamais un défi, surtout quand il était aussi intéressant que celui-là. Alors je décidais de sortir le grand jeu, de tout donner pour la déstabiliser et reprendre ma place. Je voulais que les rôles soient remis à leur places initiales. Mon visage était proche du sien, mes lèvres effleuraient les siennes, mon souffle glissait le long de sa nuque, puis de son cou, quelques belles paroles, un baiser dans son cou et.. badaboom. J'avais gagné. J'avais totalement réussi mon coup et j'étais plus que fier de voir l'effet que ça lui faisait. « Heureux d'avoir réussi, mais tu sais, je suis un beau parleur sincère. » indiquais-je accompagné d'un clin d'oeil. Il me semblait important de préciser cela, quand même. « J'ai gagné quelque chose pour avoir réussi ? Autre que la satisfaction de voir tes superbes joues rouges. » demandais-je avec une petite moue innocente.

Malgré les nombreuses tentatives - réussies - d'Adriel de me faire perdre mes moyens lors de ma première année, enfin, semestre sur Harvard, je ne lui ai jamais tenu rigueur de ses taquineries. Certes, il m'intimidait, me faisait changer de couleur en une fraction de secondes, mais c'est pas pour autant que je ne l'appréciais pas. Au contraire, à vraie dire. A son prétendu manque de souvenirs, je ne fis qu'hausser un sourcil, réponse plutôt explicite pour ne pas dire qu'un "seriously" était plaqué sur mon front. « Comme tu voudras. » Que j'objectais finalement en entendant le brun me dire qu'il ne préférait pas se lancer dans une histoire de monstre. Chose que je comprend, et jamais je ne lui aurait infligé ça, n'étant pas sérieuse du tout. Puis, il a fait rebasculer la situation à son avantage. Avec brio, même, puisque merde, ouais j'me suis émancipée pendant mon voyage, mais... C'était pas Adriel quoi, y a une différence entre apprendre à être à l'aise avec les hommes, et faire face au mec qui arrivait à te dérouter en deux secondes chrono dans ta "jeunesse". Donc forcément, c'est rouge écrevisse qu'il me réceptionne, à nouveau face à face, et lui, il a ce vieux sourire fier, m'adressant un clin d'oeil tandis que je fronçais le nez avec une moue boudeuse. Et il en rajoute une couche. Automatiquement, je donne un coup dans son épaule: « Bien suur! » Que je proteste d'un air désabusé, m'efforçant d'ignorer mes joues rougissant de plus belle. Reprends toi, Margot, damn it. « Gagné quelque chose ? » Que je répète à sa phrase, faisant mine de ne pas comprendre, avant d'hausser une épaule, relevant le nez pour le regarder à nouveau - parce que oui, j'osais plus le regarder après ce bref corps à corps . « Je sais. J't'accorde un souhait. Un peu comme le génie d'Aladdin, si tu veux, en plus limité. Et tu pourras l'utiliser quand tu l'veux. » Ouais, j'ai des idées zarb, parfois, mais au moins, c'est atypique.