Le regard dans le vide, elle observe les premiers flocons de neige de la saison venir recouvrir le sol. Quelques minutes et ce dernier est métamorphosé. Une épaisse couche blanche a remplacé le sol verdâtre et boueux, ainsi que les routes goudronnées. Et dire qu'il y a quelques mois à peine, elle se trouvait à Harvard à suivre de brillantes études et cela en compagnie de plusieurs membres de sa fratrie. Une existence épanouie et sans faille. Une princesse chez les Petrova qui jusqu'à présent nageait en plein bonheur. Il faut croire que ce n'était pas fait pour durer. Ou alors la belle s'est toujours bercée de désillusion. Pourtant elle est loin d'être bête et naïve. Elle aime simplement sa famille au point d'en être aveuglée. « Ludmila, vient me voir et me tenir la main. » elle sort de ses pensées lorsque s'élève la voix tremblotante de sa pauvre mère. Ni une, ni deux et telle une fille dévouée, elle se déplace jusqu'à son chevet et prend la main de cette dernière afin de la réchauffer. Un sourire s'étale sur son visage fatigué par la maladie. Partager les derniers moments d'un être cher est difficile, mais malgré la peine de voir partir cet être, la jeune russe se force à sourire et à réchauffer ce cœur affaibli. Elle est douée lorsqu'il s'agit de faire « semblant ». Venir au chevet d'une personne malade pour la pleurer alors qu'elle n'est pas encore morte, c'est encore plus morbide. Du moins, c'est ainsi que Ludmila voit les choses. Si elle a quitté momentanément Harvard pour soutenir sa mère dans cette épreuve, c'est pour lui donner de la force et non pas pour qu'elle se morfonde davantage. Elle lui chante donc des berceuses, lui raconte certaines de ses mésaventures, partage des fous rires, lui joue du piano, perd volontairement à une partie d'échec. Tout ça avec le sourire. Pourtant la situation n'a rien de joyeux. L'image de la famille parfaite qu'elle cultive depuis son plus jeune âge s'effrite sous ses yeux et la belle est impuissante face à ce désastre. Pourtant elle ne recule pas devant ce macabre paysage. Face aux déboires de son père et à la santé fragile de sa mère, les choses n'ont jamais été au plus mal dans la famille Petrova. Un père absent au chevet de la femme avec qui il a partagé une grande partie de sa vie. Ce pauvre homme n'a pas su contenir ses envies et à céder au plus grand des péchés, la gourmandise. Oui, il a été trop gourmand et a cédé à la tentation d'une mignardise qui s'est présentée sous la forme d'une femme diabolique. Ludmila est donc seule à réchauffer les mains froides et tremblotantes de sa pauvre mère. Une place qu'elle a choisie au détriment de sa vie d'étudiante. Mettre ses désirs de côté, ce n'est pas un problème pour elle. Ils ne vont pas s'envoler, elle pourra les poursuivre un peu plus tard.
Lorsqu'on pense qu'enfin tout revient à la normale, il se passe un nouveau drame. A croire que la famille Petrova est marquée au fer rouge. C'est comme si les efforts engagés pour maintenir la fratrie à flot et conserver une certaine image de prestige sont gâchés et en vains. C'est comme brasser de l'air. Tomber, se relever, mais chuter à nouveau. Ludmila est revenue à Harvard, a repris le cours de sa vie après une longue pause et une longue période à rester au chevet de sa mère. Plus déterminée que jamais à atteindre ses objectifs. Une force de la nature qui ne se laisse pas abattre. Un trait de caractère qu'elle tient de son père. Un père à qui elle en voulait et sur qui elle remettait à l'époque toute la faute face au décès de sa mère et l'éclat de l'image de la famille soudée qu'ils véhiculaient depuis des années. Mais cette personne reste tout de même un membre de sa fratrie. Un membre qu'elle ne voudrait pas voir mourir. A croire que le décès de sa mère l'a terrorisé face à ce cruel destin qui pourtant nous attend tous, la mort. Elle a réussi à faire semblant de plutôt bien supporter le départ de mère, mais ce n'est pas certain qu'elle puisse encore le faire si un autre membre de sa famille disparaissait subitement. Et c'est ce qui failli arriver. Pas un putain de cancer. Pas une maladie incurable ou une santé mise à mal. Une tentative de meurtre. Ludmila ne s'attendait vraiment pas à ce qu'une telle chose puisse arriver et toucher de plein fouet sa famille si précieuse à ses yeux. La peur et l'angoisse sont présentes, mais l'étudiante tente de faire bonne figure. Elle ignore pourquoi, ni comment et encore moins si cette tentative sera la dernière ou pas. Elle en doute fort. Mais ces évènements ont bien évidemment ébranlé la famille Petrova. Tout le monde est le qui vive et personne ne sait ce qui peut encore arriver. C'est d'ailleurs la raison qui a réuni aujourd'hui les membres du clan Petrova. Face au cercueil, c'est l'incompréhension la plus totale pour la jeune femme. Son oncle qui vient à son tour d'être victime, a malheureusement succombé sous les cris des balles d'un assassin. Il faut croire que la famille Petrova n'en a pas fini d'être la cible d'un destin vicieux et malsain.