JUKEBOX
Coup de poing dans ce mur. Un autre. J’explose mes phalange. Là dans ma suite. Incapable de dormir. C’est impossible. Pas comme ça, pas après ça. Les larmes de Sage, les vérités brutales. Tout ça, c’est insupportable. Même pour moi. Et j’ai envie de chialer, putain j’ai envie de chialer. A quel moment je me suis perdu ? A quel moment je n’ai pas pu voir qu’on déviait ? Que c’était trop tard, qu’on était tombé ? Je suis incapable de rattraper le coup, incapable, parce que ça voudrait dire changer qui je suis. Et ça, je ne peux pas. Je ne peux pas, parce que mon arrogance, ma prétention, ma facilité à jouer les impassibles, c’est tout ce que j’ai pour me protéger de tout ça. Me protéger de quoi ? Ça ne marche pas. Là, ça ne fonctionne pas. Je cogne encore dans ce putain de mur et j’ai mal aux mains, aux poignets. Mes doigts rougissent, égratigner. Je ne peux pas rester comme ça. Ça fait deux heures, je ne suis toujours pas calmer. Je ne peux pas. Alors je fonce, sans réfléchir, en courant, droit chez Sage. Je dévale l’hôtel vite, les escaliers en trombe, j’ai les larmes aux yeux, tout va très vite, je ne peux pas m’arrêter. Et j’arrive à sa porte, par l’entrée principale. J’arrive et je tambourine, sans doute trop fort tant il m’est impossible de me contrôler.  

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Je ne peux pas. Je ne peux pas rester comme ça, faire comme si de rien n’était, aller au lit, me coucher. Alors que putain, tout mon corps hurle qu’il est entrain de crever. Je ne peux pas en rester là, partir sur ça. Une semaine de silence et une coupure nette ce soir, c’est trop, trop à encaisser, je suis épuisé, défoncé de fatigue, complètement à l’ouest. Perdu désœuvré. Et je cours à sa porte comme un chien mal léché, je cours à sa porte sans savoir ce que je vais faire, ce que je vais avancer. J’ai beau tambouriner, elle ne répond pas. Ça m’agace, me frustre, me met gravement en colère. Alors je tape plus fort, et peu importe les autres gens qui dorment là dans ce couloir, peu importe qu’on me voit, qu’on parle du grand Noah implorant comme un pauvre laid l’attention de Sage. Je tambourine et je vais pour mettre un nouveau coup de poing dans cette putain de porte quand je vois apparaitre le visage décomposé de Sage. Pire que tout à l’heure. Et je reste figé. Je la regarde, je cherche ses yeux. Je ne sais pas quoi dire, je suis incapable de parler, incapable d’ouvrir la bouche, incapable de réagir. Comme un commandement impulsif de toute ma personne, je pousse la porte, m’introduit chez elle, malgré ses réticences, et claque le lâche morceau de bois. Je suis là face à Sage, je la regarde encore, sans comprendre. Complètement perdu et … et merde ! J’attrape son visage dans mes mains, je l’empoigne comme si elle était la plus belle chose sur terre, comme si j’avais manqué d’elle toute ma vie, et je cours à ses lèvres, dévorer les siennes d’un baiser foutrement mélancolique. Foutrement pathétique.

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Quand elle ouvre la porte, que je me retrouve face à elle à la regarde, je ne comprends pas ce qu’il se passe. Comme si mon corps tout entier s’était arrêté de fonctionner. Mon cerveau, mon cœur, mes artères. Tout s’évanouit autour de moi et je m’en veux, je m’en veux tellement d’être Noah. Elle croit n’avoir été rien, et pourtant. Et pourtant elle est la seule qui pour la première fois, me fait regretter d’être ce que je suis. J’entre malgré ses réticences, elle ne me veut plus, elle n’en peut plus, je le sens, je le vois. Mais je ne peux pas. Je ne peux pas m’en aller comme ça. Et sans réfléchir, après quelques secondes de fixation, je fonce à sa bouche. Mes mains sur ses joues. Je l’embrasse comme je n’ai jamais embrassé, d’un baiser qui voulait dire, bordel, je voudrais crever. Je l’embrasse et je sens l’humidité de ses joues, et ça fait mal, il est douloureux ce baiser. Il est douloureux parce qu’il est vrai. Je ne réfléchis pas à sa réaction mais quand elle prolonge, je sens mon ventre se crisper. On le sait, tout les deux, on le sait. Que malgré tout le reste, on ne peut pas se lâcher. C’est impossible, contre nature. C’est Sage et Noah. Juliette et Roméo : « Tu me manque », douloureux, yeux plissés, entre deux baisers, avant de réitérer : « Tu me manque tellement Sage ». Et je l’embrasse encore sans lâcher son visage tant j’ai l’impression que si je le fais, elle va s’envoler, s’évanouir, m’échapper. Et le baiser qui brûle nos lèvres s’achève en un soupir. Je laisse mon front tomber contre le sien, mes mains tenant toujours son visage. Je renifle. Je n’avais pas vu les larmes arriver : « Je ne peux pas … » être sans toi, t’oublier, faire comme si de rien n’était. Je ne peux pas.

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C’est toi que j’aime. Je voudrais te le dire quand mon front est appuyé contre le tien. Quand je sens malgré moi, mon âme faiblir et mes larmes coulés. C’est toi que j’aime, c’est toi que j’ai toujours aimé. Incapable de prononcer ces mots. Incapable des pensées autrement qu’en bruit sourd, là, dans le fond de mon crâne fatigué. Je sens ses larmes et j’ai le cœur broyé. Je ne sais pas ce qu’on est, je ne sais pas ce qu’on va faire, je ne sais pas comment on va s’en sortir. La seule certitude que j’ai c’est d’être absolument, et totalement, et absolument, incapable de vivre sans elle. Incapable de me passer de sa bouche, de ses yeux, de son sourire, de ses cheveux. Même de ses cheveux, je suis amoureux. Et ça me fait mal quand elle me dit de ne pas la lâcher parce que je sais que tout les deux, on est de ceux qui lâchent. De ceux qui ne vont pas au bout des choses. De ceux qui ont trop peur d’aimer complètement. Et ça me fait mal quand elle le répète, alors que ma tête toute entière me hurle d’acquiescer. J’ai envie d’acquiescer. Putain, oui, je ne te lâcherais jamais. Peu importe où, comment, dans quelles circonstances, dans quelles conditions, je ne te lâcherais pas. Parce que je le sais, c’est plus fort que moi, c’est toujours à toi que mon cœur revient. Il est incapable d’être habité par un autre visage, et tu me hante Sage, bordel tu me hantes. Tout ça je le tais. Dans le silence de nos sanglots partagés. Elle non plus, elle ne peut pas. Elle l’admet. Ça me rend triste. Ça me soulage. Ça me peine encore plus. On ne peut pas être ensemble, on ne peut pas ne pas être ensemble. Maintenant on fait quoi ? Alors je ferme les yeux, et sans réfléchir je dis : « Ce n’est pas parce qu’on ne peut pas être ensemble que je ne suis pas amoureux ». Et je l’avoue. Je l’avoue et ça me brûle les lèvres. Des lèvres qu’elle vient embrasser de nouveaux. Je ne sais pas ce qu’on fait, je ne sais pas où on va. Mais ce soir, éteignez la lumière. Je ne veux être nulle part ailleurs que dans ses bras. Et je marche à reculons, l’emportant avec moi avant de me laisser tomber dans le lit, elle aussi. Et je l’allonge là, à côté de moi, et je ne lâche pas sa bouche. De cette tendresse, de cette mélancolie, de cette force dans notre union qu’avait la capacité de faire disparaitre le monde entier. Je l’embrasse comme j’aurais dû l’embrasser la première. En admettant, sans l’avouer, que oui c’est elle, que oui je l’aime.

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Et quand mon front est contre son front, que je prononce ces mots, je m’écorche la bouche. J’oubliais la règle n°1. Ne jamais tomber amoureux. Je fonçais en plein dedans, tête baissée, prêt à m’éclater le corps et le cœur tout entier. Elle est là, face à moi, ses larmes sur mes lèvres, peut-être les miennes. Je ne comprends pas, je ne résiste pas. Je ne peux pas me passer d’elle, c’est évident. Et je crispe les yeux face à ses « je » hésitants. Je ne sais pas pourquoi. Peut-être que je n’ai pas envie de l’entendre. Pas maintenant, pas encore. Peut-être que j’ai peur de ce que je ressentirais en l’écoutant le dire. Peut-être que j’ai peur de la réaction que je pourrais avoir si dans mon esprit, tout ce qu’on est, tout ce qu’on fait, prend un réel sens. Et comme pour me sauver de cette promesse éternelle, je l’embrasse. Je l’embrasse comme j’aurais du l’embrasser la première fois. Comme j’aurais voulu l’embrasser toutes les fois où nous nous sommes rencontrés. Je l’embrasse d’un cœur lourd, endoloris, qui petit à petit reprend vie, là, dans ses bras. Je l’embrasse comme je l’aime, come j’ai envie d’elle. Comme je voudrais, pour toujours, être lié à elle. Je l’allonge sur le lit, elle me grimpe dessus. Je ne quitte pas sa bouche, je ne quitte pas ses lèvres. C’est doux, sensuel, foutrement tendre. Comme jamais. Foutrement étourdissant pour mon cœur d’éclopé. Je veux qu’elle me touche encore, qu’elle caresse mon visage, je veux sa main sur ma peau. Moi qui déteste la promiscuité, là, je la quémande. Parce que c’est elle, et que bordel, je me sens complet dans ses bras. Je la regarde retirer son haut et je suis déjà essouflé. Je n’ai jamais eu le cœur qui battait aussi vite, je crois qu’il va exploser ma cage thoracique. Je la regarde et je la trouve belle. Tellement belle que je n’ose pas la toucher autrement qu’avec les yeux. Tellement belle que je murmure un timide : « Tu es sublime … » avant de parcourir son corps du regard. Elle l’est. Foutrement. Comme la première fois, qu’elle me murmure avant de me faire poser ma main sur son ventre. Et je sens là, dans notre contact, l’alchimie parfaite, la réponse évidente de l’univers à nos solitudes. On serait fou de croire que nous ne sommes pas faits pour être ensemble. Je m’en veux de me le dire, pour toutes les raisons qui nous séparent. Mais c’est le cas. Elle et moi avons était crée l’un pour l’autre. Et ma main sur sa poitrine, je tremble. Comme un enfant, effrayé, sans aucun masque de plomb. Je raffermis ma main autour de son sein et me redresse, de manière à être face à elle. Je la regarde dans les yeux, sur sa peau, dans sa bouche. Je la regarde et j’ai presque la sensation de perdre mes moyens. Comme une première fois. Pas seulement avec elle, une première fois tout court. Elle retire mon haut, embrasse mon épaule et je ne peux m’empêcher dans cette position d’enfouir ma tête dans ses cheveux. Dans son cou, que j’embrasse doucement. Tout doucement, pour me réadapter, revenir à moi, ne plus être intimidé. Elle m’intimide, Sage, c’est la seule capable de m’intimider. Et je passe mes bras autour d’elle, et je la sers contre moi, son corps chaud contre le mien froid. Je la sers et je me mets à l’embrasser. Plus torride, plus prononcé. Chacun de mes baisers lui hurlant à quel point je la veux. Et je la retourne, l’allonge dans le lit. Je la regarde là, et je la trouve encore plus belle. Appuyé sur mon bras gauche à côté de sa tête, allongé légèrement de biais, ma main droite défait les boutons de son jean. Sans la quitter des yeux. Et d’une pulsion d’amour exacerbé, ma bouche se penche à la sienne pour lui dire sans lui dire, combien elle m’a manqué.