Abaissée par le vent, l'herbe fraîche s'agitait en contrebas de la chambre étudiante. Le jeune étudiant Français la regardait calmement s'agiter sous son regard pur, une cuisse posée sur le rebord de la fenêtre. Il tenait une sorte de notebook, sur lequel il gribouillait des phrases, parfois construites et liées, parfois déconnectées comme de simples remarques ou méditations. C'était devenu une habitude forgée par les lourds travaux du temps et d'une éducation rigoureuse. Ses yeux changèrent de source d'intérêt et se tournèrent vers l'intérieur où un mur entier était recouvert par une armoire remplie de livres: histoire, politique, littérature, philosophie, il croquait tout ce qui lui passait sous la main. Depuis toujours à vrai dire. Tout cela était dû à l'influence quotidienne, et ce pendant toute sa vie, d'un environnement simple mais élitiste et méritocrate.

Alexis naquit en 1993 à Paris, d'un père officier dans l'Armée de Terre travaillant à l’État-major des Armées et d'une mère comptable. Le métier de son père l'amena à déménager régulièrement en France, ils ne restaient jamais plus de 3-4 ans à un même endroit. Alexis dut apprendre ainsi à s'adapter et se sociabiliser très vite, à ne pas être déstabilisé par le changement, la perte de ses amis par exemple. Et s'il arrivait facilement à se faire des copains, il apprit à être heureux seul, à lire, se cultiver dans sa chambre en silence, faire du sport aussi bien groupe que seul. Si Alexis arrivait facilement à s'intégrer à un groupe, rares étaient les personnes auxquelles il s'attachait durablement et passionnément. Il s'entendait bien avec tout le monde, laissait de bons souvenirs, mais une fois déménagé, le garçon ne cherchait pas à retrouver ses anciens amis. Ces changements d'environnement récurrents n'influèrent cependant pas sur ses résultats scolaires. C'était un élève assidu, très doué et bien élevé. Sa famille était très rigoureuse là dessus. Traditionaliste, notamment à cause d'une longue lignée de militaires de carrière du côté de son père, il fut élevé dans l'amour inconditionnel de son pays et de son histoire ; ainsi que dans les valeurs essentielles de respect, d'honneur et de discipline.

Sa jeunesse se poursuivit ainsi, à voyager à peu près partout dans son pays voir en Europe dans le cadre d'affectations en rapport avec l'ONU ou avec l'OTAN. Alexis continuait son petit bonhomme de chemin en silence, en enfant puis en adolescent idéal. Alors que son père dans son éducation lui apportait la rigueur, la dureté, la solennité, la virilité, sa mère y ajoutait une sensibilité, un savoir-vivre traditionnel à la française. On lui inculquait la beauté des lettres avec les plus ravissantes plumes que la littérature offrait, on l'initiait au respect et à l'amour inconditionnel de la femme avec les préceptes de l'amour courtois. Il n'était pas cul-cul pour autant, juste gentlemen, si bien qu'une fois atteint le stade de "jeune-homme", la vie avait fait de lui un garçon plutôt séduisant, assez fin d'esprit et un brin charmeur - du moins c'est ce qu'il espérait être -. Il a la joie de vivre française d'antan, un peu vieux jeu, un brun macho - intrinsèque à tout gentlemen selon lui -, il aime les plaisirs simples, la vie déridée tout en étant respectueuse et respectable. Joyeux, serviable, enjôleur avec tout le monde, attaché à personne hormis sa famille, un vent de liberté emplit ses poumons et son âme.

Il opte pour un bac L, non pas à cause d'un mauvais bulletin, bien au contraire mais par... conviction... Fini le cliché du littéraire drogué à la ramasse, Alexis est quelqu'un de soigné, à la mode, pratiquant l'athlétisme et le football à un haut niveau qui obtient son bac avec la mention très bien. Il intègre la Sorbonne et suit un double cursus, Sciences Politiques et Histoire. Devenu majeur, il devient militaire de réserve, dans les parachutistes, à cette occasion il participe à quelques missions de sécurité sur le territoire français. Il enchaîne les occupations prenantes mais cela ne lui empêche pas d'obtenir sa licence avec d'excellentes notes. Mais tout cela ne lui semble pas suffisant, un député tente de le prendre comme attaché parlementaire, intrigué par son potentiel et il accepte. Pendant une année, il travaille aux côtés d'hommes politiques français et ses semaines se divisent entre l'Assemblée à Paris et les Institutions Européennes à Bruxelles et Strasbourg. En silence, il observe, note apprend mais au bout d'un an il se retire au grand dam de son mentor. Mais ce n'est que partie remise, il projette de reprendre ses études afin d'obtenir un bagage plus gros et plus crédible

Le jeune Alexis obtient une dérogation de la Sorbonne pour étudier à Harvard en vue d'y obtenir une maîtrise voire un doctorat si le cœur lui dit de rester plus longtemps. Il passe tout de même les tests d'entrée, ayant bénéficié de plusieurs séjours à l'étranger, la langue ne lui pose pas tant de problèmes - hormis quelques problèmes d'accents - et il est pris.
A l'âge de 22 ans il traverse l'Atlantique. Alexis est donc arrivé l'année dernière en 5ème année et passe en 6ème année. Son année passée fut très enrichissante. Harvard malgré les quelques incidents (attaques, épidémies, agressions) qui avaient entaché sa réputation, conservait tout son rayonnement, du moins aux yeux du Français qui avait entendu parler de ce lieu tellement de fois. Sans vergogne Alexis profita des exceptionnelles ressources mises à disposition de l'érudition, comme à son habitude. Mais il expérimenta quelques pratiques qui n'avaient pas cours chez lui, et il intégra la Winthorp House, une confrérie masculine qui convenait parfaitement avec lui. Il y trouva quelques camarades en qui - malgré la barrière de la langue - il trouvait une certaine altérité. Il regardait avec plaisir toutes les somptueuses jeunes femmes de cette université, testant son charme avec plus ou moins de réussite, pour le plaisir du jeu de séduction en lui-même à vrai dire, n'allant que très rarement jusqu'à les ramener dans son lit. L'Ivy League était quelque chose dont il avait un peu entendu parler, un ensemble de prestigieuses écoles en concurrence de ce qu'il avait entendu. Cela lui permit de mieux s'intégrer puisqu'il était tout nouveau.

Quand au nouveau doyen il s'en fichait à vrai dire, il n'était pas là les dernières années et il n'était donc pas à même de juger. Alexis en profita pour visiter un peu le pays, principalement la côté Est par faute de moyens. Il n'était pas pauvre, ni sa famille mais il ne pouvait pas non plus mener un train de vie digne de la jeunesse dorée que l'on peut trouver à Harvard. Le militaire de réserve usa un peu de ses contacts pour se trouver un job d'étudiant. Au lieu de servir de la merde dans un fast-food, Alexis lui écrivait en guise de correspondant à un journal en France, il mettait ses acquis et ce qu'il apprenait au service d'une plume, il traitait d'événement ayant lieu aux États-Unis et autour, parlait de l'ambiance, des faits divers et faisait des rapports à son journal en France, avec des analyses quand il le pouvait pour que le traitement de l'information soit le plus complet possible. Ainsi Alexis valida cette nouvelle année et rentra quelques semaines chez lui pour les vacances puis il reviendra pourquoi pas pour le Summer Camp avant la rentrée.