J'pense qu'un jour, il faudrait vraiment que je lance une campagne contre la bouffe de cafétéria. Non mais y avait franchement pas plus dégueulasse que ça en y réfléchissant bien. C'était même carrément écoeurant. Pendant que j'attendais sagement mon tour, j'pouvais sentir les odeurs et très honnêtement, rien n'avait l'air appétissant. Pourquoi est ce que j'avais encore une fois oubliée mon déjeuner dans la chambre ? Fallait vraiment que j'arrête d'être aussi tête en l'air, ça devenait insupportable. Bref, c'était à moi et après avoir jeté un regard dédaigneux à la bouilli qui semblait être le plat principal, j'finissais par opter pour une salade, une bouteille d'eau et un yahourt. Autant ne pas trop s'risquer dans ce genre de moment. M'enfin, j'avais mon plateau en main et la cafétéria était totalement bondé. C'était limite Koh Lanta pour s'trouver une place. Ah non, y en avait une tout au fond. J'me frayais un passage entre les gens finissant par poser mon plateau et manquant de renverser le tout après une bousculade. Sale journée. Je peux m'installer ici ? Pitié, dis oui. C'est les hunger games de la table là. Et.. Oh. C'était Joshua l'accent bizarre. Comme quoi, le monde était petit.

Attention à tes fesses
— with Jordan

Une pause de repas qui ne dure qu'une heure, fallait être malin et rapide pour le coup. J'avais quasiment couru avant que tout le monde ne vienne débarquer à la cafétéria afin de pouvoir avoir une place assise bien placée. Mon plateau en main, j'avais trouvé une place avant que la grosse vague ne soit arrivée. Et ouais, j'avais l'habitude maintenant puisque j'étais à Harvard depuis plusieurs années maintenant. Mangeant tranquillement puisque je n'avais plus la pression d'arriver ici pour trouver une place, j'avais sorti quelques notes afin de continuer à réviser. C'était pas forcément une bonne idée si je voulais pas qu'il y ait de la bouffe dessus, mais j'avais encore quelques examens et fallait que je continue sur ma lancée. Si ma motivation était gonflée à bloc, elle me permettait d'oublier le fiasco de ma vie personnelle. A fond dans mon cours, j'étais tiré de mes pensées quand j'entendais une voix - que je reconnaissais - qui s'adressait à moi. Levant le regard, je découvrais la jeune femme de la salle d'attente du psy. Jordan il me semble. « Oui oui, bien sûr, installe toi » J'esquissais un sourire avant de prendre une bouchée de mon plat.

Vraiment petit. Dans une ville aussi grande que Boston, je rencontrais un mec dans la salle d'attente de mon psy. Dans l'université prestigieuse et immense qu'était Harvard, la seule place libre à la cafétéria était occupée par le même homme. Autant dire que parfois, c'était étrange ce genre de chose. Mais au moins, j'avais moins de difficulté à demander si j'pouvais m'installer. La première approche avait été faite et il avait eu le loisir de me voir me rétamer par terre et parler de mes fesses bizarrement. Merci que je lui disais prenant place sur la chaise sans me retrouver sur le sol cette fois ci. Quelque part, c'était un miracle venant de ma part. Vraiment hein ? J'attrapais une tomate cerise et la fourrait dans ma bouche avant de reporter mon attention sur Joshua. C'est quoi tes origines ? Non mais allez, il avait vraiment un accent bizarre et moi, ça m'intriguais pour le coup de savoir où il venait. Puis c'était pas si indiscret que ça comme question, si ? J'savais pas trop en fait. J'étais pas douée en relation humaine, que voulez vous ? J'sais vraaaiment pas comment tu fais pour travailler ici. C'est impossible de s'concentrer avec tout ce bruit. Et c'était pas facile non plus quand on avait une emmerdeuse en face qui n'arrêtait pas de parler. Oups, peut être que j'étais en train de l'agacer.

Attention à tes fesses
— with Jordan

C'était étrange tout de même de retomber en si peu de temps sur Jordan, elle qui était la fille rencontrée dans la salle d'attente d'un psy. Ouais, c'était bizarre mais pas tant que ça. Disons simplement que c'était une étrange et heureuse coïncidence. Je l'appréciais mine de rien la jeune femme, elle avait une certaine joie de vivre communicative et ouais, disons que ça me faisait du bien. « De rien » Après tout, elle pouvait s'installer où elle voulait, c'était pas comme si elle avait besoin de ma permission. C'était un peu la guerre à la place actuellement, tant la cafétéria était bondée. Mais bon, si elle souhaitait me remercier, je n'allais pas l'envoyer chier. Je me mis cependant à la regarder quand elle me posait une question assez directe sur mes origines. Je ne m'y attendais tellement pas que j'en ouvrais la bouche avant de finalement répondre « Irlandaises. Dublin » Là où je suis né, là où j'ai grandi. La ville que j'ai fui dès que j'en ai eu l'occasion, direction Harvard. Je n'ai jamais quitté les États-Unis et j'allais faire en sorte d'avoir ma carte verte afin de rester ici, m'installer ici et ne jamais retourner en Irlande. « Oh.. tu sais, l'habitude. Quand t'es en médecine, tu t'adaptes à ton environnement pour apprendre coûte que coûte » disais-je en rigolant. « Et toi, t'étudies quoi ? »

Ouais, je me rendais pas compte des fois mais j'pouvais vraiment être une sacré bavarde et même si la table ne lui était pas attribué bah.. J'avais pas spécialement l'autorisation de lui faire la conversation alors qu'il était en train de bosser. Est ce que j'étais chiante du coup ? J'savais pas mais pour éviter de l'être, j'fourrais une nouvelle tomate dans ma bouche. Au pire, ça s'verrait à ses réponses si je l'emmerdais et dans c'cas là, j'pourrais tenter de m'étouffer avec un yahourt. Ouais, bonne idée. Ca explique l'accent. Mh, peut être qu'il pourrait le prendre mal ce genre de réflexion. Mais en même temps, il avait un accent bizarre. Par moment, fallait s'concentrer pour le comprendre quoi. Enfin il est chouette hein ? Juste.. Etrange ? Ok, pas sûre que je me rattrape avec ça. J'étais la reine des boulets, j'pouvais aller chercher ma couronne sur le champs pour la peine. Putain mais c'était pas croyable.N'empêche que j'sais pas comment tu fais. Suffit que j'vois un papillon pour être complètement déconcentrée. Une chance pour moi qu'on soit pas envahi de ces petites bêtes du coup. Les arts plastiques et l'histoire de l'art. Rien qui pourra sauver les gens. Que j'répondais finalement avec un petit rire. Finalement, j'avais pas l'air de l'emmerder tant que ça.

Attention à tes fesses
— with Jordan

Drôle de coïncidence pour le coup mais c'était pas forcément une mauvaise chose que de se retrouver en compagnie de la jeune femme. Je sais pas, sa petite tête blonde m'inspirait confiance et j'avais envie de sourire en la voyant. Peut-être parce qu'elle ne se prenait pas la tête, parce qu'elle vivait la vie au jour le jour, profitant de tout ce qu'il y a à profiter. Ouais, ça restait tout de même un caractère assez singulier et attirant par la même occasion. « Ça explique l'accent » répétais-je avant de prendre une nouvelle bouchée de mon plat. « On dirait que t'as pas vu beaucoup d'étrangers, t'as jamais voyagé ? » Après tout, j'avais un accent irlandais banal et même légèrement atténué puisque ça faisait des années que je vivais ici et que j'avais pris petit à petit l'accent américain. « A ce point là ? Vaudrait mieux pas qu'on se fasse envahir, je pourrai même plus tenir une conversation avec toi » Et mine de rien, j'aimais bien lui parler. Je sais pas trop pourquoi mais j'aime bien ça. « Oh.. je serai toi, j'dirais pas ça. Combien de fois l'art a pu réveiller les gens et les éviter de commettre l'irréparable.. plus qu'on ne le pense je crois » Ce n'est pas sauver au même terme qu'être médecin, mais ceux qui s'engouffrent dans un puits sans fond et qui retrouvent la lumière à travers l'art sont aussi des personnes sauvées.

C'était un bon point mine de rien. Parce que j'faisais des efforts du côté relationnel et c'était plus concluant. Sam ne pourrait pas dire que je m'enfermais dans mon propre quotidien à ne prendre aucun risque. La preuve, j'étais en train de sympathiser avec un vieux. Non mais parce que ça s'voyait clairement qu'il était plus vieux que moi pour le coup. Bref, j'avais fais ma remarque sur son accent continuant à picorer ma salade alors qu'il répondait absolument pas vexé par ma maladresse. Un bon point pour lui, au moins il n'était pas susceptible. Affirmatif. J'ai jamais quitté Boston et.. J'quitterais probablement jamais cet endroit. J'souriais à nouveau. Donc c'était un Irlandais ? Du peu de chose que je savais de là bas, il était sûrement un adorateur de bière et de whisky mangeant des patates plus que de raison. Ouais, mes connaissances étaient limités. Fort probable. J'ai un taux de concentration avoisinant les zéros. J'rends les gens dingues à cause de ça. J'riais une nouvelle fois plantant ma fourchette dans une tomate qui choisissait d'se faire la malle en volant en direction de Joshua. Oups, j'venais d'attaquer un innocent avec un fruit. Shame on me. C'est.. Pour ta santé. Faut manger au moins cinq fruits et légumes par jour. Pauvre meuf que j'étais. Mais j'notais quand même dans un coin de ma tête qu'il aimait bien discuter avec moi. Sauf si j'interprétais mal les choses ce qui était carrément probable au fond. Crois moi, mes peintures n'aident personne. Elles sont plus dans le genre.. Morbide et fataliste ? Selon l'avis de ton prof en tout cas.

Attention à tes fesses
— with Jordan

Si à la base je me devais de me concentrer sur mes cours, j'étais rapidement déconcentrer par la petite blonde qu'était Jordan. Non pas que ça me dérangeait, j'aimais bien sa compagnie pour dire vrai. Alors ouais, je les laissais rapidement de côté pour entamer une conversation avec elle. Aussi constructive soit-elle. « C'est dommage. T'as pas envie d'aller du côté du Canada ou du Mexique ? Les frontières sont à proximité et puis... au moins, tu pourras dire que t'as été à l'étranger. Ou alors New York, Los Angeles... la Nouvelle Orléans ? » Elle loupait clairement quelque chose, c'était certain. Tout ce qu'il y avait en dehors de ce pays ou même de cet état pouvait être magique. J'avais eu la chance de voyager grâce à la Quincy House. Et puis là, alors qu'on parlait de sa concentration, une tomate m'attaquait sous l'ordre de la jeune femme. « Tu... Non mais ok, c'est gentil de penser à ma santé » Ouais, pour le coup, j'attrapais la tomate avec mes doigts et l'avalais assez vite. C'était qu'une tomate cerise après tout. Et puis venait la conversation de l'art, puisqu'elle étudiait les arts plastiques. Une artiste donc. « L'art reste assez subjectif. Peut-être que ça peut donner espoir à quelqu'un, j'en suis même persuadé » Je n'étais pas un artiste, mais je les respectais et ouais, ça restait tout un amas de travail mine de rien. « Tu crois qu'un jour tu pourrais me montrer tes travaux..? » Pour le coup elle avait piqué ma curiosité et j'avais envie de le voir pour y croire.

Moi, j'avais juste l'habitude de peindre ce qui me passait par la tête, ce que je ressentais. J'y pouvais quoi au fond si ça puait pas le bonheur à plein nez ? J'avais cet éternel sourire sur le visage, je riais de tout et de rien, j'avais bien le droit de transmettre ma peine en dessin non ? Dans tout les cas, malgré son avis, j'récoltais quand même les meilleures notes à chaque fois. Je sais pas.. Y a des tonnes de chose que je voudrais faire mais.. Tu sais, avec les traitements et tout le reste, j'peux pas vraiment m'absenter et j'suppose que je préfère la sécurité. C'était peut être ça aussi. Je m'étais enfermée dans une routine que Sam me reprochait mais peut être que j'étais juste pas le genre de fille à tout risquer. Puis j'étais bien ici, fallait pas croire. Bref, je venais tout juste de l'attaquer avec une tomate et sa réaction me donnait envie de mourir de rire pour le coup. Non mais j'en pouvais plus, clairement. Tu viens de manger ma tomate. J'sais pas si je pourrais te le pardonner. J'secouais la tête d'un air dépitée avant de sourire. Adieu tomate, j'espère que Joshua te digèrera bien. L'espoir, c'est surfait. J'en avais eu de l'espoir, pendant longtemps. Et ça n'avait pas été tellement concluant. Espérer, c'était une connerie. J'espérais plus rien, j'vivais juste ce que j'avais à vivre. Mh, j'sais pas. On rentre dans le domaine de l'intimité là. Ou pas. Quoi que c'était quand même personnelle mes dessins. Mais ça me dérangeait pas de les montrer. Oh regarde, une frite géante ! que je disais en pointant mon doigt derrière lui. Et j'attendais qu'il s'retourne pour piquer une frite dans son assiette. T'as rien vu. Rien du tout même.

Attention à tes fesses
— with Jordan

Voyager restait tout de même un des plus grands plaisirs de la vie et j'osais espérer qu'un jour elle se mette à bouger d'ici pour découvrir le monde. Ouais non, je ne pense pas qu'elle le fera, elle semblait tout de même assez résignée vis à vis de sa maladie pour oser faire quelque chose d'aussi fou. « Ouais, on dirait bien. Ça serait cool qu'un jour tu ailles voir ne serait-ce qu'une autre ville. Juste pour le plaisir de découvrir un tout autre monde » La sécurité, je connaissais ça que trop bien. Bon, faut dire que quand on a pas tellement d'argent, on fait attention à tout. On ne veut pas qu'une dépense un peu trop élevée vienne tout gâcher. Et puis là, une tomate débarquait de mon côté de la table, quasiment attaqué par ce végétal. « J't'en offrirai une autre... et si, pardonne moi, j'pourrai pas vivre sans ton pardon » feintais-je comme si on se connaissait depuis toujours. En tout cas, la tomate était bonne, meilleure que d'habitude. Était-ce le signe d'un renouveau dans les cuisines de la cafétéria ? « Oh.. comme tu veux » Bah ouais, j'étais quand même curieux de voir les talents qui émanaient d'elle. Et voilà qu'elle me parlait d'une frite géante derrière moi. Fronçant les sourcils, je me retournais et.. rien. Fallait s'en douter. Donc je me retournais de nouveau pour lui faire face « Rien vu quoi ? La frite géante ? Ouais j'ai bien vu qu'elle était pas là »